Baha ad-Din Qara ‘Uthman
Les Aq-Qoyunlu ou les Turcomans des Moutons Blancs arrivèrent au
pouvoir vers la fin du quatorzième siècle sous leur chef Baha
ad-Din Qara ‘Uthman. Ils furent les contemporains des Moutons
Noirs et comme eux, le symbole sur leur drapeaux était un
moutons blanc d’où leur nom.
Si les Moutons Noirs professèrent l’hérésie shiite, les
Turcomans des Moutons Blancs quant à eux professaient la foi
orthodoxe islamique Sounni. Quand Timour Lang arriva au pouvoir,
les Turcomans des Moutons Noirs entrèrent en conflit avec lui
tandis que les Moutons Blancs s’allièrent avec lui et
moissonnèrent l’avantage d’une telle alliance. Quand Timour Lanq
entrepris ses campagnes contre les Mongols en Asie Mineure, les
Turcomans des Moutons Blancs se distinguèrent un écrasant les
Mongols. Satisfais de leurs exploits, Timour Lanq attribua le
gouvernement de Diyarbakir à leur chef Qara ‘Uthman. Qara
‘Uthman régna environ quarante ans et mourut en 1434 et à ce
stade, le dominion des Moutons Blancs comprenait une grande
partie de l’Irak Supérieur et l’est de l’Anatolie.
‘Ali Bak
Qara Othman fut succédé par son fils ‘Ali Bak qui n’eut pas de
ferme contrôle sur l’état et régna seulement quatre ans,
renversé en 1438, par son frère Hamza.
Hamza
Hamza ne put pas rester longtemps au pouvoir car en 1440, après
une règne de six ans il fut renversé par Jahangir, un fils de
‘Ali Bak.
Jahangir
Sous Jahangir, la stabilité de l’état s’accentua. Il promut
l’agriculture et le commerce et embelli Diyarbakir avec des
importantes constructions. Sous le règne de Jahangir, Diyarbakir
devint un centre commercial important et il mourut en 1453 après
un règne de neuf années.
Ouzoun Hassan
Jahangir fut succédé par son fils Ouzoun Hassan qui fut le plus
grand souverain de la dynastie. Il se maria avec la princesse
Catherine de Trébizonde. Il établit des relations amicales avec
la république de Venise. Il fut aussi bon souverain que
guerrier. Il fut consumé par l’ambition d’étendre son
territoire. À l’ouest sa voie était bloquée par les Ottomans
tandis qu’à l’Est par les Turcomans des Moutons Noirs. Ouzoun
Hassan se tourna d’abord vers l’Ouest et en 1460, il marcha sur
le territoire ottoman et pilla le pays autour de Tokat et
d’Amasia.
En 1461, le sultan ottoman, Muhammad II à la tête d’une vaste
armée marcha sur les Moutons Blancs pour régner quelques comptes
et Ouzoun Hassan n’était pas en position de faire face à la
puissance mondiale de l’époque, les Ottomans.
Sa mère Sarah Khatoun, une dame très intelligente et perspicace,
apparut dans le camp du sultan turc et le dissuada d’attaquer
les Moutons Blancs. La paix fut restituée avec les Ottomans et
par la suite, Ouzoun Hassan se tourna vers l’Est et les deux
tribus des Moutons Blancs et Noirs entrèrent dans une lutte
mortelle de vie et de mort pour la suprématie.
En 1467, Jahan Shah, le souverain des Moutons Noirs envahi le
territoire des Moutons Blancs et une sanglante bataille eut lieu
à Diyarbakir ou les Moutons Blancs furent vainqueurs. Dans cette
bataille, Jahan Shah fut vaincu et tué et Ouzoun Hassan remporta
une retentissante victoire. Jahan Shah n’avait aucun fils
survivant et il n’y avait aucun prince parmi les Moutons Noirs
pour continuer la résistance. Le pouvoir de Moutons Noirs
s’effondra et tous leurs territoires furent annexés par Ouzoun
Hassan.
Par une telle annexion, les Turcomans des Moutons Blancs
devinrent les maîtres de toute la Perse. Et entrèrent forcément
de ce fait en conflit avec les Timourides dont le règne était
confiné à une partie du Khourassan. Les deux pouvoirs
s’affrontèrent donc à Qarabagh (Karabag) ou Abou Sa’id, le roi
timouride, fut vaincu et tué et Ouzoun Hassan, à la suite de
cette victoire, émergea comme le souverain suprême de la Perse
et du Khourassan.
En conséquence de ces victoires contre les Moutons Blancs et les
Timourides, Ouzoun Hassan atteignit une stature internationale
et tous les états à l’Est qui étaient contre les Ottomans
vinrent à voir les Moutons Blancs comme leur suzerain. Les
Turcomans des Moutons Blancs n’étaient plus la petite force des
jours de Sarah Khatoun mais bel et bien une force capable de
défier les Ottomans.
Ouzoun Hassan envahit donc une nouvelle fois le territoire
ottoman en 1472 et pilla Tokat et Kayseri. Quand une armée
ottomane avança à leur encontre, Ouzoun Hassan infligea une
défaite à l’avant-garde ottomane à Terjan en 1473 et par la
suite, le sultan en personne mena la bataille qui resta indécise
et bien qu’Ouzoun Hassan se soit retiré, les Ottomans ne
s’aventurèrent pas à le poursuivre.
Les hostilités avec les Ottomans, mirent à l’épreuve les
ressources de l’état des Moutons Blancs et une section parmi
d’entre eux menés par Hassan Ouways, le frère d’Ouzoun, et son
fils Ouqburlu mis en doute les politiques d’Ouzoun Hassan et
organisa une révolte. Ouzoun Hassan réprima ces révoltes mais
cela mena à l’affaiblissement du gouvernement d’Ouzoun Hassan.
Ouzoun Hassan mourut en 1478 après un règne de vingt-cinq ans.
Quand il arriva au trône, il était le souverain d’une petite
principauté et quand il mourut il était le souverain d’un
empire.
S’il fut un bon guerrier, il n’eut pas l’habileté d’un
organisateur d’empire, un empire venu à lui d’une manière
inattendue et sans combats, qui commença à montrer des signes de
désintégration durant sa vie.
Khalil
Ouzoun Hassan fut succédé par son fils Khalil et sa position fut
convoitée par son oncle Ya’qoub, un frère d’Ouzoun Hassan, qui
se révolta contre lui. Dans la lutte qui suivit, Khalil fut
vaincu et tué. Son gouvernement dura moins d’une année.
Ya’qoub
Après la mort de Khalil, son oncle Ya’qoub prit le trône et il
restitua la stabilité du règne des Moutons Blancs. Il régna
quinze ans et mourut en 1493 après avoir suivi une politique
pacifique
avec ses voisins.
Bayanqir
Après la mort d’Ya’qoub, l’anarchie se propagea et il fut
succédé par son fils Bayanqir qui régna seulement deux ans avant
d’être renversé en 1495, par son cousin Roustam.
Roustam
Roustam ne put conserver le pouvoir plus de deux ans et il fut
succédé par Ahmad dont le règne ne dépassa pas une année.
La fin du règne des
Moutons Blancs
En 1498, La dynastie régnante des Moutons Blancs entra dans des
conflits fratricides et disputes de succession. Le résultat de
ces disputes eut pour effet de morceler l’état des Moutons
Blancs en trois principautés qui mena à la désintégration de la
dynastie et de l’état. Entre-temps, les Safawi prirent le
pouvoir en Perse tandis que les Ottomans s’étendirent vers
l’ouest. Les territoires des Moutons Blancs furent appropriés
par les Safawi et les Ottomans étape par étape.
Entre 1501 et 1508, les trois principautés des Moutons Blancs
disparurent les unes après les autres mettant définitivement fin
aux Moutons Blancs Turcoman après un règne d’un peu plus d’un
siècle, de 1394 à 1508.
Safi ad-Din
La dynastie safawi d’Iran est née avec Safi ad-Din (1252 1334),
un chef d’un ordre religieux qui avait son quartier général à
Ardabil dans la province de Jilan en Perse. Safi ad-Din était
tenu en haute estime en tant que chef religieux et avait un
grand nombre de disciples en Iran et Asie Mineure. Safi ad-Din
était d’hérésie shiite et ses enseignements, un mélange des
doctrines shi’a et soufi, qui se réclama descendre du septième
imam shiite, Moussa Kazim, revendication qui sera contesté
puisque les Safawi étaient des Turcs d’origine.
Nous avons démontré très clairement dans nos précédents ouvrages
que toutes leurs prétentions sont fausses et basées sur d’odieux
mensonges et tromperies pour duper les gens surtout ignorants.
Voici ce que rapporte Clifford Edmund Bosworth sur les Safavides
dans son livre Les dynasties musulmanes :
« Bien que turcophones, les Safavides étaient très probablement
d’origine kurde ; les informations fiables manquent dans ce
domaine car, une fois leur pouvoir consolidé en Perse, les
Safavides ont délibérément falsifié les témoignages ayant trait
à leurs origines. Mais il ne fait aucun doute que, à l’instar de
maintes dynasties de la région englobant l’Anatolie, Diyarbakir
et Azerbaïdjan, où les Turkmènes étaient nombreux et influents
politiquement, des derviches se trouvaient à leur origine. Le
shaykh Safî ad-Dîn (m. 735/1334) établit son ordre soufi des
Safawiyyah à Ardabil en Azerbaïdjan et, tout en étant lui-même
probablement sunnite, sa confrérie connut son essor dans une
région où l’hétérodoxie, en particulier le shiisme, était
répandue ; c’est pourquoi, au cours du XVe siècle, l’ordre
devint ouvertement shi’ite.
Une intense propagande fut alors diffusée auprès des Turkmènes
d’Anatolie orientale, dans un effort pour subvertir d’abord le
pouvoir des Qara Qoyunlu, puis celui des Aq Qoyunlu. En
907/1501, Isma’il b. Haydar s’empara de l’Azerbaïdjan au
détriment des Aq Qoyunlu, puis prit le contrôle de la Perse tout
entière au cours des dix années suivantes, installant ainsi la
monarchie safavide au pouvoir. Celui-ci prit rapidement un tour
théocratique, car Ismâ’îl et ses successeurs non seulement
revendiquaient des origines alides, mais également un statut
semi-divin, en tant que réincarnations des imams shi’ites. C’est
ainsi que les nomades turcs qui les soutenaient, appelés les
Qizil-bash, ou « Têtes rouges » (d’après le bonnet rouge qu’ils
arboraient), leur devaient une allégeance autant spirituelle que
politique. Le shiisme fut imposé comme religion d’Etat à un pays
jusqu’alors à prédominance sunnite, du moins officiellement. La
période safavide revêtit donc une importance capitale dans
l’histoire de la Perse du fait qu’elle y consolida le shiisme.
Ce processus permit au pays de forger une notion nouvelle de
solidarité “nationale”, qui lui permis de survivre jusqu’à nos
jours doté d’une conscience nationale et d’une intégrité
territoriale quasiment intactes. » (Les dynasties musulmanes, pp
228, 229)
Nous reviendront bien évidemment sur ce sujet de manière plus
détaillée dans notre Abrégé de l’Histoire des Ottomans.
Sheikh Sadr ad-Din
Safi ad-Din mourut en 1334 et fut succédé par son fils Sadr
ad-Din. Comme son père, Sadr ad-Din fut réputé pour sa piété et
ses acquisitions religieuses. Sous son règne le nombre de ses
disciples augmenta considérablement et les safawi commencèrent à
avoir une influence considérable.
Sheikh Khawajah ‘Ali
Sadr ad-Din mourut en 1391 et fut succédé par son fils Khawajah
‘Ali qui suivit les pas de son père et grand-père et eut une
grande influence comme chef religieux. Sa gloire religieuse
s’étendit et même Timour Lanq fut attiré par lui. Après ses
campagnes en Asie Mineure, Timour Lanq attendit Khawajah ‘Ali
pour l’honorer. Timour fut impressionné par son savoir spirituel
et exprima le désir d’être à son service. Khawajah ‘Ali lui
répondit que s’il voulait être à son service, il devrait d’abord
libérer tous les Turcs qu’il avait pris captifs lors de ses
campagnes en Asie Mineure. Timour Lanq réalisa son désir et
libéra tous les Turcs captifs. Tous ces Turcs furent
reconnaissants envers Khawajah ‘Ali pour leur libération,
devinrent ses disciples et s’installèrent dans la province de
Jilan dans sa proximité.
Avec l’immense augmentation du nombre de ses disciples, Khawajah
‘Ali acquit de l’importance et une importante force.
Sheikh Jounayd
Khawajah ‘Ali mourut en 1426 et fut succédé par son fils Ibrahim
qui régna vingt-deux ans et mourut en 1458. Il fut succédé par
son fils Jounayd et sous son règne, les Safawi gagnèrent plus de
force et d’importance. Jounayd entra en conflit avec Jahan Shah,
le souverain Turcoman des Moutons Noirs d’Azerbaïdjan. En
conséquence, Jahan Shah le mis à la porte d’Ardabil.
Jounayd se déplaça à Diyarbakir où il fut accueilli par le
souverain Ouzoun Hassan des Moutons Blancs. Ouzoun Hassan se
maria avec la sœur de Jounayd qui ajouta au prestige des safawi.
Jounayd ne régna pas longtemps puisqu’il fut impliqué dans un
conflit local et tué en action en 1460.
Sheikh Haydar
Jounayd fut succédé par son fils Haydar qui établit son quartier
général à Shirwan dans Diyarbakir. Il estima que puisque les
safawi devaient faire face à diverses hostilités, il était
nécessaire d’acquérir une force militaire pour se protéger et
par conséquence, organisa ses disciples comme les Chevaliers
d’Europe. Il leur fit porter douze coiffes rouges carrées
symboliques des douze Imams shiite et à cause de ces coiffes
rouges, ils furent surnommés les Qizilbash (les coiffes rouges).
Ouzoun Hassan se maria avec Alam Shah Begoum, la fille de
Haydar. Avec l’acquisition d’une force militaire, Haydar
s’impliqua dans des conflits locaux et fut tué en action en
1487.