Le règne ottoman

Puisque dorénavant l’Histoire de l’Egypte entre dans le cadre de l’Histoire des Ottomans nous allons la condenser puisque nous reviendrons sur le sujet.

Après les conquêtes de l’Egypte par les Ottomans en 1517, l’Egypte devint une province de la Turquie et fut gouvernée par des généraux gouverneurs nommé par le gouvernement ottomans et nommés « Basha (Pachas) ». Plus de cent Pachas régnèrent durant une période d’environ deux cents ans et le moyen terme de l’un d’entre eux fut de deux ans seulement ce qui ne permit pas un profond contrôle sur l’Egypte tandis que d’un autre côté, les chefs Mamalik apprécièrent l’autonomie dans l’exercice de l’autorité. Le pays fut divisé en vingt-quatre Sandjaks ou unités administratives tenus par ces chefs Mamalik « les Beys » tandis que les Pachas furent appelés « Deys ».

Dès le dix-septième siècle, les conflits entre les Deys et les Beys devinrent très répandus et mena au laxisme de l’administration. Il y eut des révoltes contre le règne ottoman à plusieurs reprises. Bien que ces révoltes furent réprimées avec force, ils créèrent néanmoins une atmosphère d’insécurité mais par-dessus tout, la famine et la peste provoquèrent une grande misère.
En 1619, la peste emporta plus de 30.000 vies.
En 1648, la famine désola 250 villages.
En 1769, un des chefs Mamelouk, ‘Ali Bey fut à la tête d’une révolte contre le régime ottoman et après avoir chassé le Basha ottoman, prit le pouvoir.
En 1770, Abou ad-Dhahab, le lieutenant de ‘Ali Bey et le beau-fils, mena une expédition au Hijaz et conquis les Villes Sacrés de l’Islam.
En 1771, il marcha sur la Syrie qu’il conquit. Abou ad-Dhahab planifia alors le renversement de son beau-père pour saisir le pouvoir et dans l’action qui suivit ‘Ali Bey fut vaincu et s’enfuit à ‘Akka (Acre) ou il reçut des renforts et marcha sur le Caire qu’il reprit ainsi que le pouvoir avant de mourir peu après en 1773, laissant le champ libre à Abou ad-Dhahab.



Abou ad-Dhahab

Abu al Dhahab choisit le statut d’un vice-roi ottoman et le gouvernement ottoman lui permis beaucoup d’autonomie.
En 1778, Abou ad-Dhahab fit un traité avec les Britanniques et leur donna le droit de circuler dans la Mer Rouge. Abou ad-Dhahab était un Mamalik et les autre chefs Mamalik exprimèrent leur indépendance dans leurs régions respectives et devinrent indisciplinés corrompant ainsi l’administration. Quand la guerre anglo-française éclata, l’Egypte devint par la même un théâtre de guerre et comme le gouvernement égyptien avait donné le droit d’expédition aux Britanniques dans la Mer Rouge, il suivit une politique pro-britannique qui fournit un prétexte à Napoléon pour envahir l’Egypte en 1798.
L’objectif principal de Napoléon était de contrôler l’Egypte qui permettait le passage à l’est et, couper ainsi les communications des Britanniques avec l’Inde et de leurs autres dominions en Asie. Napoléon vainquit les forces égyptiennes lors de la bataille des Pyramides et occupa l’Egypte et l’occupation de l’Egypte par les Français fut un grand coup porté à l’hégémonie britannique. Les Britanniques lancèrent alors une attaque contre les Français en Egypte et la flotte française fut vaincue par l’amiral britannique Nelson dans la Baie d’Aboukir, le 1er août 1798 suivit par une autre défaite à ‘Akka (Acre) en 1799 ou les Ottomans envoyèrent aussi leur force pour lutter contre les Français qui furent expulsés d’Egypte en 1801 après la bataille d’Alexandrie.
Nous reviendrons sur les détails de ces batailles dans nos futurs ouvrages.

 



Guerre avec l’Egypte

Après la guerre avec la Russie, les Ottomans durent faire face à une autre crise dans sa guerre avec l’Egypte. En échange de l’aide égyptienne, le sultan ottoman promis d’ajouter la Syrie, la Crète et d’autres territoires aux dominions de l’Egypte après la guerre grecque bien que les forces égyptiennes réussirent à reconquérir la Grèce dans le premier temps, les forces égyptiennes durent revenir en Egypte après la bataille de Navarin.
Après la guerre avec la Russie, les Ottomans perdirent la Grèce et quand Muhammad ‘Ali demanda l’annexion de la Syrie, la Crète et d’autres territoires à son dominion, le sultan lui assigna seulement la Crète parce que les Egyptiens se retirèrent au beau milieu de la campagne parce que la Grèce avait recherché l’aide de l’Egypte pendant la conquête et était ainsi devenue indépendante.
Muhammad ‘Ali fut insatisfait et une force égyptienne, sous le commandement d’Ibrahim, le fils de Muhammad ‘Ali, envahit la Syrie. Les Egyptiens capturèrent Gaza, Jérusalem et Acre peu de temps après puis, Ibrahim vainquit deux armées ottomanes et captura Alep et Damas. Après la conquête de la Syrie, Ibrahim traversa les montagnes et entra en Asie Mineure.

En 1832, les Ottomans furent vaincus lors de la bataille de Kounia et Ibrahim marcha sur Bursa ce qui alarma grandement Istanbul puisque le sultan ne disposait d’aucune armée pour barrer la voie aux Egyptiens, toutes ses armées combattaient sur différents front. Le sultan demanda l’aide de la Grande-Bretagne qui refusa de se mêler de la dispute entre l’Egypte et la Turquie. Par la suite, le sultan s’adressa à la Russie qui accepta de l’aider et une force russe débarqua dans la capitale. Avec la force russe à Istanbul, la Turquie devint pratiquement un protectorat de la Russie qui inquiéta suffisamment les Britanniques et les Français qui œuvraient déjà secrètement pour la destruction de l’empire ottoman en manipulant les Egyptiens.

Par la Convention de 1833, les puissances européennes proposèrent le retrait de forces égyptiennes de l’Asie Mineure et l’allocation de la Syrie et de Crète à l’Egypte sous la suzeraineté générale de l’empire ottoman. L’Egypte et la Turquie furent d’accord avec ces termes mais la Turquie se sentie humiliée.
La Turquie signa alors un nouveau traité avec la Russie connu comme le traité d’Unkiat Skelessi en 1833 sous lequel la Russie retira ses forces mais il fut donné aux navires de guerre russes le privilège de circuler dans le Bosphore et les Dardanelles à tout moment et d’envoyer une armée dans le Bosphore à chaque fois l’empire ottoman l’exigerait.
En dépit du traité, le sultan ottoman ne pouvait accepter l’indépendance virtuelle d’une partie si grande de son empire sous Muhammad ‘Ali d’autant plus que ce dernier avait l’ambition d’étendre son territoire et devenir le chef du monde musulman.

En 1838, Muhammad ‘Ali ayant pris toutes les dispositions pour une rupture avec les Ottomans annonça son intention de ne plus payer le tribut. Le sultan ottoman saisit l’opportunité et leva aussitôt une armée de l’Euphrate pour envahir la Syrie d’autant plus que les Syriens étaient révoltés contre le souverain égyptien. Les Ottomans et les forces égyptiennes se rencontrèrent à Nazib en 1839 mais les Turcs furent vaincus. L’Amiral de la flotte que le sultan envoya en Syrie s’avéra un traitre et au lieu de procéder en Syrie, navigua vers Alexandrie et rejoignit Muhammad ‘Ali cependant le sultan Mahmoud mourut en 1839 avant de connaitre les déboires de l’armée ottomane en Syrie.



‘Abd al-Majid

Le sultan Mahmoud fut succédé par son fils ‘Abd al-Majid alors âgé de seize ans. Son père avait monopolisé tout le pouvoir et ne laissa ni ministre capable ou homme d’état qui pourrait guider le jeune sultan et dans ces circonstances, le pouvoir fut conféré aux ambassadeurs des pays étrangers et l’ambassadeur britannique eut une immense influence sur le sultan.



L’accord égyptien

Après la défaite de l’armée ottomane, Muhammad ‘Ali stipula qu’il lui avait été conféré le pouvoir d’Egypte, de Syrie, de Tripoli, d’Adana et de la Crète, qu’il ferait la paix et rendrait la flotte turque aux Ottomans. Le gouvernement ottoman accepta ces conditions mais l’ambassadeur d’Angleterre intervint sèchement et assura au sultan qu’il obtiendrait de meilleures conditions pour lui. Une convention fut donc tenue à Londres ou assistèrent les ambassadeurs d’Angleterre, de France, de Russie, d’Autriche et de Prusse. La Convention décida que Muhammad ‘Ali deviendrait le Basha héréditaire de l’Egypte mais qu’il devrait se retirer de la Syrie qui devrait être restituée aux Ottomans ainsi que la flotte ottomane. Muhammad Ali refusa ces termes et les Britanniques bombardèrent Beyrouth avant de défaire par la suite les forces égyptiennes en Syrie et avec l’aide d’autres puissances européennes, ils apparurent devant Alexandrie qu’ils menacèrent de bombarder. Muhammad ‘Ali ne put pas se permettre de lutter contre les puissances européennes et demanda des conditions.

En 1841, un accord fut signé ou Muhammad ‘Ali devint le Pacha héréditaire de l’Egypte seulement et dut accepter de se retirer de Syrie et d’autres possessions. La totalité de ses forces s’élevait alors à 18000 hommes. Il fut aussi contraint de payer un tribut aux Ottomans équivalant à un quatrième des revenus de l’Egypte. Ces termes favorables furent favorables pour les Ottomans malgré leur défaire et le succès revint à l’ambassadeur britannique qui devint alors, le souverain virtuel de la Turquie et reçut le titre de « Grand Elchi. »



Le 19ème siècle


Muhammad ‘Ali


À l’aube du dix-neuvième siècle, l’Egypte fut le théâtre d’une guerre entre les Britanniques et les Français qui avaient été expulsés d’Egypte après la bataille d’Alexandrie en 1801. Suite au retrait français, l’histoire de l’Egypte resta pratiquement dans les mains d’un seul homme, Muhammad ‘Ali, un Albanais d’origine envoyé en Egypte en tant que jeune soldat dans l’armée ottomane par le sultan pour chasser les Français d’Egypte. En se distinguant dans la guerre contre les Français, Muhammad ‘Ali obtint le grade de général et pendant l’agitation qui suivit le retrait français, il émergea comme un homme fort, capable de restituer l’ordre et maintenir la paix. Après le retrait des Français, le Bacha nommé par la Turquie faillit à envoyer des marchandises et en 1805, le gouvernement ottoman désigna Muhammad ‘Ali comme nouveau Pacha qui s’avéra être un grand tournant dans l’histoire de l’Egypte puisque Muhammad ‘Ali, se retourna contre son propre maitre pour achever son but personnel tout en étant aidé par l’Europe qui s’activait déjà secrètement à détruire l’intégrité de l’empire ottoman.
S’attendant au pire avec les émirs mamalik, il les invita à une réception et les fit tous massacrer. Il confisqua toutes les exploitations de terre au-dessus de certaines limites tenues par des individus privés et encouragea l’agriculture et l’industrie. Il abolit les vingt-quatre Sandjaks et divisa le pays en sept provinces qu’il confia à ses fils ou d’autres parents. Il devint un souverain absolu et réunit tous les pouvoirs. Il réorganisa l’armée et rebâtit la marine avec l’aide d’officiers et d’armes européennes.
Il transforma le système éducatif et établit un ministère de l’éducation, invita des professeurs et des médecins d’Europe à servir en Egypte et envoya des étudiants égyptiens en Europe pour s’instruire dans les universités européennes. Il ouvrit l’Egypte à l’influence culturelle de l’occident, promut l’étude des langues européennes et particulièrement le Français.

Il entreprit la première campagne militaire contre Ibn Sa’oud dans la Péninsule Arabique en envoyant son fils Ibrahim au nom du gouvernement ottoman cependant Ibn Sa’oud résista et la guerre s’éternisa sept ans. La campagne prit finalement fin en 1818 quand Ibn Sa’oud fut vaincu et sa capitale Dir’iyyah rasée.

Muhammad ‘Ali mourut en 1849 après un règne de 44 ans. Muhammad ‘Ali est considéré comme le père de l’Egypte séculaire et en s’élevant contre les Ottomans, porta un sévère coup à l’Islam, affaiblit la Turquie et l’Egypte qui paie le prix jusqu’à nos jours et exposa le monde musulman à la pénétration étrangère.



‘Abbas I

Muhammad ‘Ali fut succédé par son petit-fils ‘Abbas qui inversa les politiques d’occidentalisation et de sécularisation de l’éducation de son grand-père, contraire à l’Islam orthodoxe et critiquées par les cercles musulmans qui demandèrent la fermeture de telles institutions qui conduiraient inévitablement à la destruction du pays.
Sur la scène internationale, il préféra collaborer avec les Ottomans qu’il aida dans la guerre de Crimée mais ‘Abbas était un homme cruel et cupide par nature, un tyran qui fut assassiné par sa propre garde de corps en 1854 après un règne de cinq années.



Sa’id

‘Abbas fut succédé par son oncle Sa’id, le troisième fils de Muhammad ‘Ali qui avait reçu une éducation étrangère. Il essaya de suivre les mêmes politiques que son père et restitua les terres à leurs anciens propriétaires. Il abolit le libre-échange des marchandises étrangères qui étaient importées sans paiement de droits de douane plus à l’avantage des pouvoirs européens que des Egyptiens et qui ouvrit la voie à l’instabilité financière qui culmina par la désintégration politique. Sous son gouvernement, il commença la construction d’un nouveau port qui prit le nom de Port Sa’id après lui ainsi que la première ligne de chemin de fer entre Alexandrie et Caire en 1855.

En 1854, il accorda à Ferdinand de Lesseps, un ingénieur français la concession pour construire le canal de Suez, un projet controversé qui avait été considéré dans la forme par Muhammad ‘Ali, mais qu’il avait laissé de côté puisqu’il compromettrait l’indépendance de l’Egypte et aussi sur l’ordre des Britanniques qui étaient contre le projet puisqu’ils ne voulaient pas que leur accès vers l’Asie soit partagé avec d’autres puissances occidentales. Cependant, à cause des pressions intenses, le travail fut suspendu jusqu’en 1859 Sa’id ne put voir l’achèvement du projet puisqu’il mourut en 1863 après un règne de neuf ans.