L’alliance entre Muhammad ‘Abd al-Wahhab et le chef de Dir’iyyah

L’alliance historique entre le réformateur religieux Muhammad ‘Abd al-Wahhab et le chef de Dir’iyyah fut scellé en 1744 et prépara le terrain pour l’émergence d’une force religieuse dans l’Arabie centrale. Sans Muhammad ‘Abd al-Wahhab, il est extrêmement improbable que Dir’iyyah et son chef aurait assumé plus d’importance politique car il n’avait aucune confédération de tribus pour soutenir toute expansion au-delà de sa colonie, aucun surplus de richesse qui aurait permis à Muhammad Ibn Sa’oud de rassembler une force de combat pour conquérir d’autres villages et les habitants n’étaient pas aussi suffisamment nombreux pour se lancer dans la conquête d’autres oasis, de territoire ou de tribus.

Dès les premiers jours de l’expansion Sa’oud-Wahhab, l’élément crucial fut de gagner la population, tant sédentaire que nomade aux doctrines islamiques de Muhammad Ibn ‘Abd al-Wahhab. Cette soumission conduisit à la création d’une confédération tribale utilisée pour conquérir plus de territoire en l’absence d’une propre confédération Sa’oud.

La doctrine islamique de Muhammad Ibn ‘Abd al-Wahhab, appelé à tort le Wahhabisme par ses ennemis et rien de plus que le message original de l’Islam, fournit une impulsion originale à la centralisation politique. L’expansion par la conquête était le seul mécanisme qui autoriserait l’émir à sortir d’un confinement limité à une colonie spécifique. Avec l’importance du Jihad dans l’enseignement islamique, les conquêtes de nouveaux territoires devinrent possibles. La propagation de la Da’wah (l’appel), pour la purification de l’Arabie de formes religieuses peu orthodoxes et l’implémentation de la Shari’ah parmi la société arabe étaient les messages fondamentaux de Muhammad ‘Abd al-Wahhab. L’émir de Dir’iyyah prit le réformateur de ‘Ouyaynah, sous son aile, accepta ces demandes et fut imprégné d’une nouvelle force, qui s’avéra être cruciale pour la consolidation et l’expansion du règne de Sa’oud.

Muhammad ‘Abd al-Wahhab promis des avantages clairs à ce chef sous la forme d’autorité politique, religieuse et matérielle, sans lesquelles la conquête de l’Arabie n’aurait pas été possible et le renforcement obtenu permis au leadership de se montrer à la hauteur de la proéminence dans la région.

L’expansion du territoire Sa’oud-Wahhab au-delà de Dir’iyyah dépendit du recrutement d’une force de combat prête à propager le message religieux du réformiste et l’hégémonie politique de Sa’oud. Les populations des oasis du Najd du sud furent les premières à supporter Muhammad ‘Abd al-Wahhab et répondre à son appel au Jihad. Les Najdi entre dix-huit et soixante ans furent ses premières recrues et la colonne vertébrale de la force Sa’oud-Wahhab. Certains acceptèrent son message avec conviction tandis que d’autres y succombèrent par peur. Il semble que la force Sa’oud-Wahhab fut basé dès le début sur la fidélité des communautés sédentaires du Najd et que ceux qui lui avait porté allégeance démontrèrent leur loyauté en acceptant de lutter pour la cause du Jihad et payer la Zakat à ses représentants. Ceux qui résistèrent furent razziés, une menace pour leurs moyens d’existence.

La même méthode de recrutement fuit utilisée parmi les confédérations de tribu. Les prêches et les raids progressèrent simultanément. Maintenir le contrôle des oasis était plus facile que de maintenir la fidélité des différentes tribus d’Arabie qui réussissaient généralement à éviter l’autorité centrale en raison de leur mobilité et tradition d’autonomie. Cependant, dès qu’elles furent subjuguées, ils s’avérèrent être une importante force de combat propageant le message du pur Islam. Ils fournirent la main-d’œuvre nécessaire pour l’expansion de l’émirat Sa’oud. La participation à l’expansion du territoire Sa’oud-Wahhab attira un grand nombre de confédérations tribales à qui il était promis une part du butin résultant de l’attaque des habitants d’oasis et d’autres tribus récalcitrantes.

La coercition seule n’aurait pas garanti le niveau d’expansion accomplie par Sa’oud vers la fin du dix-huitième siècle. Muhammad ‘Abd al-Wahhab promis le salut, non seulement dans ce monde, mais aussi dans le suivant : la soumission aux enseignements de l’Islam signifiait l’excursion de raids et les récompenses spirituelles en plus du fait que les raids étaient propres à la culture tribale qui encouragea des confédérations tribales à prendre part à l’expansion du royaume Sa’oud avec la promesse de récompenses matérielles.
La population Najdi fut attirée par ses enseignements qui étaient en accord avec l’orientation de certains de ses savants religieux. Avant l’essor du message revivificateur de Muhammad ‘Abd al-Wahhab et comme dans d’autres parties du monde islamique distantes des centres traditionnels d’apprentissage, les ‘Oulama Najdi voyagèrent en Syrie et en Egypte pour s’entraîner avec leurs mentors intellectuels. Après leur retour, ces ‘Oulama se spécialisèrent particulièrement dans le Fiqh, la jurisprudence islamique, une tradition qui se poursuit toujours parmi les ‘Oulama Sa’oudi mais pour des raisons différentes.

La spécialisation des ‘Oulama Najdi dans le Fiqh reflète les inquiétudes des habitants des villes et des villages Najdi qui étaient centrées sur les issues pragmatiques se rapportant au mariage, au divorce, à l’héritage, les dotations religieuses, les rituels islamiques et les codes juridiques islamiques. Les colonies Najdi aspiraient déjà vers la recherches de solutions pour leurs problèmes pratiques et montrèrent une conscience religieuse bien avant l’appel de Muhammad Ibn ‘Abd al-Wahhab. Alors que le réformateur était toujours concerné par ces questions pratiques, il se distingua des autres ‘Oulama Najdi de son temps en développant ses idées sur le Tawhid. La conscience religieuse dans les colonies Najdi ne devrait pas être regardée comme un facteur qui facilita l’adoption du retour à l’Islam originel et le succès de l’expansion de Sa’oud.

 



‘Abd al-‘Aziz Ibn Muhammad Ibn Sa’oud

Sous le leadership militaire de ‘Abd al-‘Aziz Ibn Muhammad Ibn Sa’oud, (1765-1803), leur leadership se développa dans Riyad, Kharj et Qasim dès 1792 même année ou décéda Muhammad Ibn ‘Abd al-Wahhab à Dir’iyyah. Quatre villes du centre du Najd reçurent des Qadi qui représentèrent le nouvel ordre religieux et sous le couvert de la propagation du message de Muhammad Ibn ‘Abd al-Wahhab, Sa’oud subjugua la plupart des émirs du Najd. Ces émirs furent laissés dans leur position aussi longtemps qu’ils payèrent la Zakat à Sa’oud, un signe de leur soumission à son autorité.

Après l’achèvement des campagnes en Arabie centrale, les forces de Sa’oud se déplacèrent vers l’est à Hasa et mirent fin au pouvoir des Banou Khalid. Une proportion substantielle de la population de Hasa était composée de shi’a, un cas extrême d’ahl al-bid’a (d’innovateurs). La subjugation de Qatif en 1780 ouvrit la route de la côte du Golfe persique et de ‘Oman. Le Qatar admis l’autorité de Sa’oud en 1797 et le Bahreïn suivit le mouvement en payant la Zakat à Dir’iyyah.

L’expansion de Sa’oud à l’ouest et le Hijaz en particulier engendra des conflits avec l’autorité religieuse de Makkah et malgré la forte résistance des Hijazi, Sa’oud Ibn ‘Abd al-‘Aziz (1803-14) établit une hégémonie temporaire sur Ta’if en 1802 puis Makkah en 1803 et Madina en 1804. Ghalib, le Sharif de Makkah, devint un pur représentant de Sa’oud tandis que Muhammad Ibn ‘Abd al-Wahhab ordonna la destruction des dômes aux dessus des tombeaux du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et des califes (radhiyallahou ‘anhoum) dans Madina conformément à la doctrine islamique qui interdit la construction de monuments sur les tombes et les stèles funéraires pour décourager les visites et la vénération par les Musulmans.

Le succès de Sa’oud dans le Hijaz encouragea l’expansion vers ‘Asir dans le sud où les chefs locaux se rangèrent sous l’étendard du pur Islam et rejoignirent durant quelque temps les forces qui marchèrent sur le Yémen. La forte résistance des Yéménites, couplés avec la géographie peu familière de leur pays montagneux empêcha son incorporation dans le territoire Sa’oud.

Au nord-est, l’expansion de Sa’oud atteignit les régions fertiles de Mésopotamie, menaçant les intérêts de l’empire ottoman.
En 1801, la ville de Karbala fut attaquée et pillée tandis que les raids sur les villes de Mésopotamie continuèrent jusqu’entre 1801 et 1812 sans pour autant permettre l’établissement d’une forte présence Sa’oud en raison de la distance éloignée de leur base arrière en Arabie. Ces attaques n’eurent d’autre but que le butin de ces riches provinces et ce fut aussi cette même raison qui poussa les raids en Syrie. Les forces de Sa’oud attaquèrent les villes et les caravanes de pèlerinage sans être capable d’établir une base permanente. L’expansion par les razzias atteignit ses limites au nord comme au sud avec le Yémen et les sacs des villes shi’i en Iraq irrita ses communautés qui eut pour résultat l’assassinat de ‘Abd al-‘Aziz en 1803 par un shi’i dans la mosquée de Dir’iyyah pour venger le pillage de Karbala.

Quatre facteurs facilitèrent le processus d’expansion.
Premièrement, la désunion et la rivalité parmi les émirs des oasis locales du Najd permirent de les vaincre les unes après les autres. Deuxièmement, les disputes intérieures parmi les dirigeants des clans au pouvoir dans les oasis affaiblirent leur résistance et permirent aux conquérants d’utiliser des opposants pour servir leurs buts. Troisièmement, la migration de certaines tribus de la Péninsule Arabique vers les régions plus fertiles d’Iraq et de Syrie aida la conquête. Sous la pression Sa’oud, plusieurs confédérations de tribus s’enfuirent en Mésopotamie et finalement, l’adoption paisible du message purifié de l’Islam par la population sédentaire du Najd, fournit le soutien populaire en faveur de l’expansion même avant qu’elle ne commence.

Les descendants d’as-Sa’oud, légalisés par le leadership de Muhammad Ibn ‘Abd al-Wahhab fournirent un leadership politique permanent conformément au serment de 1744 et seuls les raids permirent de garantir la durabilité du régime politique et de ses limites alors que les confédérations tribales se retinrent malgré leur capacité à défier l’autorité Sa’oud. Organiser la collecte de Zakat et les contre-attaques contre les clans et les territoires dans la sphère d’influence Sa’oud étaient des défis périodiques. Bien qu’il y ait des tentatives rudimentaires d’officialiser des relations politiques, économiques et religieuses, celles-ci étaient généralement insuffisantes pour maintenir les éléments ensemble et s’ils avaient une vague reconnaissance d’appartenir à la communauté musulmane, cela n’exclut point leur attachement à des tribus ou régions plus spécifiques.



La réponse ottomane au défit Sa’oud

Si les raids permirent de revitaliser les tribus et leurs activités ainsi que l’expansion de leur territoire, ils s’avérèrent plus tard préjudiciables à la stabilité puisque les populations faisaient face aux dévastations qu’ils provoquèrent. Quand l’empire ottoman répondit au défi Sa’oud en envoyant les troupes de Muhammad ‘Ali en Arabie en 1811, les confédérations tribales qui avaient déjà subi les raids punitifs de Sa’oud répondirent en portant allégeance aux troupes ottomanes.

‘Abd al-‘Aziz Ibn Sa’oud décéda en 1814, laissant son fils ‘Abdallah face au défi des troupes égyptiennes. Ibrahim Basha Ibn Muhammad ‘Ali débuta la conquête du Najd aussitôt après l’établissement d’une puissante base arrière dans le Hijaz par les troupes égyptiennes.
Ibrahim Basha arriva aux portes de Dir’iyyah avec 2000 cavaliers, 4300 soldats albanais et turcs, 1300 cavaliers maghrébins, 150 artilleurs avec environ 15 fusils, 20 armuriers et 11 soldats du génie selon certaine source non musulmane. Sa’oud capitula le 11 septembre 1818 après la destruction totale de leur capitale et ses fortifications. Les troupes d’Ibrahim Basha pillèrent Dir’iyyah et tuèrent plusieurs ‘Oulama disciples de Muhammad Ibn ‘Abd al-Wahhab tandis que ceux qui survécurent furent emmenés au Caire avec ‘Abdallah (1814-18) qui furent plus tard envoyé à Istanbul pour être décapité. Le saccage de Dir’iyyah marqua la fin du premier règne Sa’oud-Wahhab.

Après le retrait des troupes égyptiennes, Tourki Ibn ‘Abdallah, le fils du souverain décapité tenta en 1824 de rétablir l’autorité Sa’oud après être revenu à Riyad, au sud de Dir’iyyah. Tourki Ibn ‘Abdallah (1824-34) profita du retrait partiel des troupes égyptiennes du Najd sous la pression des habitants locaux et reprit Riyad avec une petite force cueillie composée des habitants de plusieurs oasis. Après s’être installé dans Riyad, Tourki qui était un Imam tenta d’étendre son contrôle sur les villes voisines tout en faisant attention à ne pas contrarier les troupes égyptiennes ottomanes qui étaient toujours dans le Hijaz, fournissant protection aux caravanes de pèlerinage.
Cependant, le plus grand défi à l’autorité de Tourki vint de sa propre famille quand en 1831, il dut faire face au défi de Mishari, un cousin qu’il avait nommé gouverneur de Manfouhah.
En 1834, Mishari complota avec succès l’assassinat de Tourki dont les forces étaient engagées dans une guerre avec Qatif et le Bahreïn et son fils Faysal revint immédiatement de Hasa à Riyad pour établir son pouvoir sur la ville accompagné par l’émir de Ha’il, ‘Abdallah Ibn Rashid (1836-48). Faysal vainquit Mishari en 1834 et devint l’Imam du deuxième émirat Sa’oud.