La Campagne de Mou'tah

 

Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) fit face au danger de l’ennemi intérieur jusqu’en l’an 5 de l’Hégire avec :

1 - Qouraysh, au sud de Médine,

2 - Ghatafan et les autres tribus ennemies du Najd, à l’est de Médine,

3 - Les juifs de Khaybar, au nord-est de Médine.

 

Mais après la bataille d’al-Ahzab (les Coalisés), les Musulmans, ainsi que leurs ennemis, se rendirent compte du début de l’enracinement de la nouvelle religion en Arabie. Ghatafan, qui participa avec six mille hommes dans cette bataille resta à l’écart.

 

Quant à Qouraysh, ils signèrent en l’an 5 de l’Hégire, la trêve d’al-Houdaybiyah qui stipulait l’arrêt des hostilités pour une durée de dix années avec le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). C’est donc grâce à cette trêve que les Musulmans firent face aux menaces juives d’un côté et qu’ils appelèrent à l’Islam d’un autre côté, les rois du Moyen-Orient.

Aussi, c’est grâce à Houdaybiyah que le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) pu enfin s’occuper de la menace représentée par la présence byzantine en Syrie.

 

C’est après l’assassinat à Dzat at-Talh de quinze de ses Compagnons, qu’il (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) décida d’envoyer en Syrie une force militaire de 5000 hommes afin de dissuader Byzance et ses alliés Arabes de toute tentative visant à attaquer ou à agresser les Musulmans.

 

L’armée put franchir la frontière syrienne du côté de la ville de Ma’an et arriver à Karak ou se déroulera la bataille historique de Mou'tah, du nom du village voisin.

Les féroces combats durèrent six jours et après la mort de leurs trois chefs, les Musulmans se retirèrent en ordre de la bataille grâce au génie militaire de Khalid Ibn al-Walid. Après avoir fléchis, ils reprirent le dessus et se retirèrent devant l’anarchie de l’armée byzantine qui vint à leur rencontre au nombre de deux cents mille hommes.

 

Avant d’entrer dans les détails de la bataille de Mou'tah, il est nécessaire de donner un bref aperçu historique sur les Arabes et les Romains et les Byzantins en Syrie[1].

 

Les Arabes

 

Les Arabes vivaient dans cette région depuis plusieurs siècles bien avant l’apparition des Hébreux[2]. Les historiens rapportent le nom de Sindibou, un roi Arabe qui vécut en 853 avant ‘Issa Ibn Maryam[3]. Ils mentionnent aussi le nom de la reine Zabibi, qui vécut en 738 avant ‘Issa Ibn Maryam[4] et celui de la reine Samshi[5] qui s’alliée au roi de Damas contre les Assyriens.

 

D’autre part, il semble que ces rois étaient des Amalécites ; une peuple qui donna, beaucoup plus tard, les Odenath (al-‘Outhayna) qui formèrent  alors une puissance nomade dans la région, 70 ans avant ‘Issa Ibn Maryam. Le royaume des Odenath s’agrandit au fil du temps et assimila à son apogée, le royaume de Tadmir (Palmyre) et purent chasser les Romains de l’Orient durant le règne de ‘Outhayna Ibn ‘Outhayna et son épouse Zaynoubia (Zénobie).

 

Nous pouvons ainsi diviser la présence arabe en Syrie en trois périodes :

1 - Avant l’apparition des Hébreux.

2 - Avant l’ère de ‘Issa Ibn Maryam et après l’apparition des Hébreux.

3 - Après le début de l’ère chrétienne et jusqu’à l’avènement de l’Islam.

 

Avant l’apparition des Hébreux

 

La première période commença avec le règne des rois de ‘Ad cependant rien n’a été trouvé, du moins jusqu’à maintenant, pour pouvoir situer avec exactitude le début et la fin de cette période. Les chroniqueurs musulmans rapportent le nom de Shaddad Ibn ‘Ad Ibn ‘Awad (ou ‘Iwad) Ibn Iram Ibn Sem Ibn Nouh (Noé).

 

Après ‘Ad, on trouve un deuxième peuple, les Amalécites qui avaient déjà un roi pour l’Egypte et la Syrie en 3500 avant ‘Issa Ibn Maryam.

 

Avant l’ère de ‘Issa Ibn Maryam

 

La deuxième période correspond à l’apparition des Nabatéens, à la fin du sixième siècle avant l’ère de ‘Issa Ibn Maryam qui eurent dix-sept rois.

Le premier du nom d’al-Harith I, le roi de Pétra, régna à partir de 169 avant ‘Issa Ibn Maryam et le dernier Malik III dont le règne débuta en 101 après ‘Issa Ibn Maryam et prit fin en 106, date de la chute de Pétra et de l’annexion du royaume nabatéen à l’Empire romain par Trajan.

 

Après le début de l’ère chrétienne

 

La troisième est celle des Odenath qui prirent Palmyre comme capitale. Les sujets de ce royaume étaient formés d’un mélange de tribus arabes : les Amalécites, les ‘Ad, Nahd, Qouda’a, Soulayh et Halwan[6]. Finalement, la puissance de Palmyre fut brisée par l’empereur Aurélien en 273 après le début de l’ère chrétienne[7].

 

Durant cette même période, le royaume de Qouda’a dépendit en réalité de l’Empire romain. De plus, sa superficie, comparée au royaume des Odenath ou des Ghassassinah, était trop petite. Quant au déclin des Qouda’a, il est du à leurs cousins, les Ghassassinah, qui s’en chargèrent à la fin du troisième siècle avant ‘Issa Ibn Maryam[8]. C’est ainsi que le pouvoir des Bani Himyar passa aux Bani Kahlan.

 

Les Ghassassinah et l’Empire romain

 

Bien que la Syrie dépendit de l’Empire romain à partir du premier siècle avant ‘Issa Ibn Maryam et malgré les difficultés des Ghassassinah, le troisième siècle après ‘Issa Ibn Maryam vit la montée de Zénobie, la reine des Odenath, qui voulait attaquer Rome. Et c’est durant le conflit de l’Empire avec les Odenath, aux environs de 248 après ‘Issa Ibn Maryam, que les Ghassassinah mirent fin au pouvoir des Qouda’a au sud de la Syrie contraignant ainsi les Romains à fermer les yeux. Et après la victoire romaine, les rois, si l’on peut dire ainsi, des Ghassassinah étaient désignés par l’Empire.

 

En 531, l’empire d’Orient unifia les Ghassassinah sous le règne d’al-Harith Ibn Jabilla qui aida les Byzantins contre les Perses leur permettant de récupérer ce qu’ils avaient auparavant perdu de la Syrie et de l’Asie mineure.

Mais il faudra attendre l’an 18 de l’Hégire (649) pour voir le dernier roi des Ghassassinah, Jabalah Ibn al-‘Ayham, proclamer sa conversion à l’Islam du vivant du Calife ‘Umar Ibn al-Khatab (radhiyallahou ‘anhou) qui s’empara de Damas et de toutes les provinces syriennes[9].

 

Les évènements militaires et politiques entre les batailles de Khaybar et Mou'tah

 

Après la bataille de Khaybar qui mit virtuellement fin à la présence juive en Arabie, les Musulmans craignirent le danger des tribus Hawazin du Hijaz et des confins de Najd qui avaient les possibilités de lever une armée de cent mille hommes.

 

Quant au reste des tribus arabes, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) les mit sur la défensive, surtout les tribus du Najd dont le nombre était considérable et proches de Médine qui, ne pensaient qu’a attaquer la capitale naissante de l’Islam. ; le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) les neutralisa grâce aux patrouilles et les quatre expéditions punitives qu’il organisa ; quatre contre les tribus du Najd et trois contre le Hijaz.

 

1 - La patrouille de Tourabah, an 7 de l’Hégire

 

Elle fut dirigée contre Hawazin dont les terres s’étendaient du Najd jusqu’au milieu du Hijaz et les confins du Yémen. Commandée ‘Umar Ibn al-Khattab (radhiyallahou ‘anhou), la patrouille formée de trente cavaliers prouve qu’elle n’était qu’une patrouille de reconnaissance.

 

Ibn Sa’d[10] a rapporté :

« Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) envoya ‘Umar Ibn al-Khatab à la tête de trente hommes dans le (voisinage de) Hawazin, à Tourabah (du côté d’al-Abala, à quatre nuits de marche de La Mecque). Le guide (de cette patrouille), était des Bani Hilal[11]. »

 

Bien que le nombre des Musulmans fut presque insignifiant comparée ce celui de la tribu ennemie, les Bani Nasr Ibn Mou’awiyah et les Bani Jousham Ibn Bakr (les tribus Hawazin visées par la patrouille) préférèrent prendre la fuite dès qu’ils entendirent parler de l’approche des Musulmans. Et, il suffit de connaitre la grande distance parcourue par ‘Umar (300 miles environ) pour affirmer que la défaite juive à Khaybar paralysa psychologiquement, une bonne partie des tribus arabes. Et ce fut peut-être l’une des raisons de la patrouille : connaitre les échos de la bataille de Khaybar au sein d’une partie des Arabes.

 

2 - L’expédition contre les Bani Mourra

 

Les Bani Mourra étaient une des tribus ennemies du Najd qui participa avec les Coalisés contre les Musulmans. Leur chef, pendant le siège de Médine, était al-Harith Ibn ‘Awf al-Marri, qui refusa, plus tard, durant la bataille de Khaybar, de soutenir les Juifs contre le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Il conseilla aussi le chef de l’armée de Ghatafan de ne pas commettre une deuxième faute en prenant le parti de Khaybar. Cependant, ce refus et ces conseils n’étaient que pure tactique ; al-Harith était convaincu que les Musulman l’emporteraient à Khaybar et il mit même en garde les Juifs.

Le désir des Bani Mourra d’anéantir les Musulmans restait toujours d’actualité par conséquent, diriger contre eux une expédition pour leur ôter toute envie d’attaquer Médine était nécessaire. C’est ce que fit le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).

 

Cinq mois après la chute de Khaybar, et exactement au mois de Sha’ban, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) désigna Bashir Ibn Sa’d al-Ansari à la tête de trente hommes vers le territoire des Bani Mourra, situé à Fadak, à quelques miles de Khaybar et à soixante miles de Médine.

 

En arrivant dans les parages, Bashir ne trouva que les bergers ; les guerriers, d’après les renseignements de ces bergers, étaient en dehors de Fadak. Il se contenta alors de s’emparer des troupeaux de l’ennemi puis rebroussa chemin sur Médine. Mais en cours du chemin, l’un des bergers réussit à prendre la fuite et rejoignit les Bani Mourra et les informer de l’attaque musulmane. Les Bani Mourra, qui étaient des vaillants cavaliers, rattrapèrent la patrouille et l’encerclèrent tandis que les Musulmans de leurs abris retinrent l’ennemi jusqu’à la tombée de la nuit.

Au matin, Bashir remarqua qu’il était complètement encerclé, et que le nombre de ses hommes ne pourrait guère résister à l’accrochage. L’ennemi ne leur laissa aucune chance et leur attaque fut sans merci ne laissant que deux survivants: ‘Alaba Ibn Zayd al-Harithi et Bashir Ibn Sa’d qui survécut à ses blessures grâce à un Juif de Fadak qui bénéficia alors de l’aman (sécurité) des Musulmans.

 

3 - L’expédition contre les Bani Kilab

 

Au mois de Sha’ban, de l’an 7 de l’Hégire, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) désigna Abou Bakr (radhiyallahou ‘anhou) à la tête d’une expédition dirigée contre les Bani Fazara et les Bani Kilab, à Zariya. Si le nombre des éléments de cette expédition est inconnue car les historiens n’ont donné aucun précision, ils ont toutefois mentionné que la mission d’Abou Bakr a fut parfaitement accomplie.

 

Ibn Sa’d a rapporté que Salamah Ibn al-Akwa’ a dit : « J’ai participé avec Abou Bakr après que le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) l’ai désigné comme commandant pour nous guider contre des polythéistes contre qui nous avons livré bataille et fait quelques prisonniers. »

 

4 - L’expédition contre Mayfa’a

 

Au mois de Ramadan, de l’an 7 de l’Hégire, sur les conseils de son affranchi Yassar, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) désigna Ghalib Ibn ‘Abdallah à la tête de cent trente hommes. L’éclaireur de cette expédition n’était autre que Yassar lui-même qui proposa aux Musulmans de les conduire suivant un itinéraire auparavant inconnu.

 

Il les conduisit effectivement vers le terroir des Bani ‘Awal et les Bani Tha’labah ; deux tribus des Ghatafan du Najd se trouvant à l’est de Médine, à quatre-vingt-dix miles environ.

 

Les Musulmans, en s’appuyant sur l’effet de surprise, attaquèrent l’ennemi et purent abattre plusieurs guerriers et s’emparer d’une bonne partie des troupeaux[12].

 

5 - L’expédition de Jinab, Shawwal an 7 de l’Hégire

 

L’expédition de Jinab au mois de Shawwal de l’an 7 de l’Hégire dont le commandement fut donné à Bashir Ibn Sa’d Ibn Taybah al-Ansari, fut lancée contre Ghatafan, Fazara et les tribus ennemies voisines.

Le but de cette expédition était de prévenir le projet de ‘Ouyaynah Ibn Hisn, le chef des Bani Fazara qui s’était préparé pour envahir Médine. Apparemment la défaite de Khaybar, où les Bani Assad et les Bani Fazara participèrent contre les Musulmans avec cinq mille hommes, ne les a pas encore convaincus d’abandonner tout projet visant à attaquer la nouvelle capitale de l’Islam.

 

Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) fut informé par ses espions des mouvements militaires d‘Ouyaynah au sein des tribus suivantes : Ghatafan, Fazara, Ashja’ et Assad. Leurs lieux de leur rassemblement étaient Yamn et Joubar, dans la direction de Jinab, au nord-est de Médine.

 

Al-Waqidi a rapporté sur l’expédition :

« Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) appela Abou Bakr et ‘Umar et les informa de la chose (le rassemblement des tribus du Najd pour attaquer Médine). Ils lui dirent : « Envoie (leur) Bashir Ibn Sa’d ! » Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) appela Bashir et le désigna à la tête de trois cents hommes. Il eur commanda de marcher la nuit et de s’arrêter le jour avec pour éclaireur, Houssayl Ibn Nouwayra.

(La petite armée quitta Médine), marcha de nuit et à fit halte le jour jusqu’à ce qu’elle arrive au bas de Khaybar ou les Musulmans campèrent à Salaj qu’ils quittèrent après en marchant sur l’ennemi. L’éclaireur leur proposa : « Il vous reste le tiers ou la moitié d’une journée pour arriver chez l’ennemi ; si vous voulez, je vous précède afin de vous apporte des renseignements, sinon nous marchons ensemble ! »

- « Nous préférons que tu nous devances » répondirent les hommes de l‘expédition. Sur ce, ils parti en avant.

Il s’absenta durant une heure environ puis revint dire aux Musulmans : « Voici venir leurs troupeaux. Voulez-vous les attaquer ! » Sur ce point, les Compagnons du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) divergèrent. Les uns dirent : « Si nous attaquons, l’ennemi s’en apercevra. » Et les autres : « Prenons ce butin qui se présente devant nous puis dirigeons-nous sur l’ennemi! »

Ils s’emparèrent donc d’un grand nombre de bêtes, ce qui poussa les bergers à prendre la fuite et à aller prévenir leurs hommes. En entendant les informations, les tribus ennemies préférèrent se disperser et rejoindre les sommets des montagnes de leur pays.

En arrivant à leurs endroits de rassemblement, Bashir ne trouva personne. Il rebroussa alors chemin, mais en cours de route, à Salaj, les Musulmans aperçurent l’un des espions de ‘Ouyaynah qu’ils exécutèrent et virent aussitôt les hommes de ce dernier qui ne les remarquèrent pas. Ils les attaquèrent et après quelques escarmouches, l’ennemi préféra la fuite et les Musulmans se lancèrent à leur poursuite jusqu’à ce qu’ils capturèrent un ou deux hommes. »

Al-Waqidi poursuit :

« Al-Harith Ibn ‘Awf al-Mourri était un allié de ‘Ouyaynah. Il croisa celui-ci fuyant sur un cheval rapide. Il essaya de l’arrêter mais ‘Ouyaynah refusa en disant : « Non,  je ne peux, on me poursuit, les hommes de Muhammad. »

Al-Harith a dit : « Je restai, du coucher du soleil jusqu’à la nuit, à surveiller les lieux mais je ne vis personne ; ‘Ouyaynah n’était pourchassé que par sa panique qui l’avait envahi.

Beaucoup plus tard, il le rencontra et lui dit : « Je suis resté à surveiller les Musulmans jusqu’à la nuit mais je n’ai remarqué aucune personne te pourchassant ! »

- « C’est juste mais je craignais l’emprisonnement. En plus, j’ai montré en plusieurs circonstances mon animosité envers Muhammad, comme tu le sais, » reconnut ‘Ouyaynah.

- « O homme ! Tu as vu, tout comme nous, les revers convaincants subis par (les ennemis de Muhammad : les Banou Nazir (les Coalisés) lors du Fossé, Qouraydah, Qaynouqa’, Khaybar qui étaient les plus puissants Juifs du Hijaz et dont tout le monde reconnaissait leur courage. Ils avaient des fortins imprenables sans oublier leurs palmeraies. Par Allah, les Arabes leur demandaient souvent refuge et ils le trouvaient ! Mais maintenant, tu as bien vu comment les choses ont changé, les malheurs et les vicissitudes du sort les ont frappés. »

- « Par Allah, ce que tu dis est vrai ! Mais je ne peux, » répliqua ‘Ouyaynah.

- « Sois avec Muhammad ! »

- « Pour être un auxiliaire ! » 

- « Mais tu vois bien (la puissance qu’il a) acquis. Si nous nous présentons devant lui (pour annoncer notre conversion), nous serons surement parmi ses plus proches Compagnons ; son peuple, (Qouraysh), est en paix avec lui maintenant, mais il les vaincra surement. Il n’a jamais été vaincu. »

- « Soit, » acquiesça ‘Ouyaynah.

 

Alors qu’ils se dirigeaient sur Médine pour s’y expatrier et y rencontrer le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), ils rencontrèrent Farwah Ibn Houbayrah al-Qoushayri qui sur la route de La Mecque pour y accomplir un pèlerinage. Ils lui firent part de leur intention mais il leur conseilla de patienter : « Pourquoi n’attendrez-vous pas le passage de cette période et de voir ce que va faire son peuple durant (cette trêve)[13] ? D’ailleurs, en revenant (de la Mecque) je vous tiendrai au courant de ce que compte faire (Qouraysh). »

 

Ayant écouté Farwah, les deux hommes décidèrent d’abandonner leur projet. Quant à Farwah, il arriva à La Mecque et remarqua que ses habitants montraient toujours une animosité envers le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Il les informa de ce qu’avait fait Muhammad contre les habitants de Khaybar puis leur dit : « J’ai laissé les chefs nomades avec la même animosité que vous éprouvez contre Muhammad. »

- « Que nous conseilles-tu, tu es le chef des habitants des poils, » demanda Qouraysh ?

- « Laissons passer cette période (de trêve que vous avez signée) avec lui. Après cela, nous rassemblerons les Arabes et nous l’envahirons dans sa propre cité. »

Après cela, Farwah participa aux assemblées de Qouraysh durant plusieurs jours.

 

D’autre part, Nawfal Ibn Mou’awiyyah ad-Dayli entendit parler de sa présence. Il quitta alors son désert, vint le         trouver et lui dit : « Il parait que je ne peux compter sur toi. Je viens d’arriver pour te rencontrer et te dire que nous avons un ennemi très proche de Muhammad à qui il divulgue tous nos projets. »

- « De qui s’agit-il, » demanda Farwah ?

- « Les Khouza’a. »

- « Malheur aux Khouza’a ! Qu’est-ce que tu suggères ? »

- « Demande l’assistance de Qouraysh contre eux. »  

- « Je m’en charge. »

Et Farwah alla voir les chefs de Qouraysh (Safwan Ibn Oumayya, ‘Abdallah Ibn Abi Rabi’ah et Souhayl Ibn ‘Amrou) et leur dit : « Vous rendez-vous compte de ce que vous êtes en train de subir ? Vous avez accepté de faciliter les choses à Muhammad ! »

- « Et que veux-tu qu’on fasse ? » rétorquèrent les Qouraysh.

- « Aider Nawfal Ibn Mou’awiyyah contre son ennemi et le vôtre. »

- « Alors Muhammad nous attaquera avec une armée que nous ne pourrons pas repousser et nous serons alors contraints d’accepter son jugement. »

En rencontrant Nawfal, Farwah lui dit : « On ne peut compter sur ces gens. »

 

Quant à ‘Ouyaynah et al-Harith, il leur dit, après son retour : « Je viens de m’apercevoir que le peuple (de Muhammad) craint encore ce dernier. Rapprochez-vous de l’homme et débrouillez-vous tout en restant sur vos gardes ![14] »

 

6 - L’expédition pacifique d’al-Qaziya, Shawwal an 7 de l’Hégire

 

En l’an 6 de l’Hégire, les Qouraysh empêchèrent le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et les Musulmans de se rendre à La Mecque pour accomplir le pèlerinage. Et après des entretiens fort difficiles, les deux parties conclurent la Trêve d’al-Houdaybiyah selon laquelle les Musulmans pourront faire leur pèlerinage l’année suivante. Donc, au mois de Dzoul Qi’dah de la septième année de l’Hégire (onze mois après la victoire sur les Juifs de Khaybar et onze mois avant la chute de La Mecque et la bataille de Hounayn), le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) demanda à ses Compagnons de se préparer pour le pèlerinage à La Mecque interdit l’année précédente.

 

Deux mille Compagnons répondirent à l’appel et en quittant Médine, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) désigna Abou Rouhm al-Ghifari comme émir.

 

D’après le témoignage d’al-Waqidi[15], le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) pour prévenir toute trahison des Infidèles, ordonna aux Musulmans de prendre leurs armes. Il désigna aussi Muhammad Ibn Maslamah à la tête de cent cavaliers dans le but de protéger les pèlerins. Cependant, et pour respecter les clauses d’al-Houdaybiyah, il (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) laissa les armes interdites par la Trêve en dehors du Sanctuaire de La Mecque, dans la vallée de Ya’jaj. Pour cette mission, il désigna Aws Ibn Khawli al-Ansari à la tête de deux cents hommes qui seront remplacés ensuite par deux cents autres hommes ayant accompli leur pèlerinage. 

 

Rapportons quelques anecdotes montrant le changement radical causé par la nouvelle religion.

En se rappelant les débuts de l’Islam à La Mecque et comment les polythéistes persécutaient injustement les nouveaux convertis, ces Musulmans que Qouraysh appelait apostats, allaient entrer à La Mecque sous les regards consternés de Qouraysh qui préféra quitter la cité sacrée, durant les trois jours du pèlerinage des Musulmans, que de voir ce « sacrilège, » de voir Bilal, ce noir Abyssin, lancer l’appel de la prière du toit de la Ka’bah qui poussa Khalid Ibn ‘Oussayd à dire en voyant cette scène : « Je remercie Allah d’avoir pris l’âme de mon père avant de voir ce jour : Bilal sur la Ka’bah en train de braire ![16] »

 

Ce pèlerinage laissa un impact psychologique considérable en faveur de l’Islam et plusieurs personnes se convertirent. Citons, comme exemple seulement, les trois chefs Qouraysh : Khalid Ibn al-Walid, ‘Amrou Ibn al-‘As et ‘Uthman Ibn Talha al-‘Abadri.

 

7 - Les missives du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) aux rois et aux princes du Moyen-Orient

 

Après la Trêve d’al-Houdaybiyah, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) envoya plusieurs émissaires aux rois de la région accomplissant ainsi son plus important fait politique. Mais il fallut attendre le début de la huitième année de l’Hégire (huit mois avant la chute de La Mecque) pour voir le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) entamer des contacts avec les princes et les rois, dont les plus importants furent :

1 - Héraclius, l’empereur de l’Empire romain de l’Orient à qui il (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) envoya Dihyah Ibn Khalifa al-Kalbi.

2 - Khosrô, le roi des Perses à qui fut envoyé ‘Abdallah Ibn Houdafah as-Sahmi.

3 - le Négus, le roi d’Abyssinie, dont l’émissaire fut ‘Amrou Ibn Oumayya az-Zimari.

4 - Al-Mouqawqis, le gouverneur de l’Egypte dont l’émissaire fut Hatib Ibn Abi Balta’ah.

5 - Al-Moundir Ibn Sawi, le roi du Bahreïn. L’émissaire fut ‘Ala' Ibn al-Hazrami.

6 - Hawtha Ibn ‘Ali al-Hanafi, le prince d’al-Yamamah. Le messager fut Salit Ibn ‘Amrou al-’Amiri.

7 - Al-Harith Ibn Abi Shoummar al-Ghassani, le roi du Joulan (Golan). Le messager fut Shouja’[17] Ibn Wahb al-Assad.

8 - Jayfar Ibn Jalanday, l’un des rois du ‘Oman à qui Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) envoya ‘Amrou Ibn al-‘As.

9 - ‘Abbad Ibn Jalanday, l’un des rois de Oman aussi. L’émissaire fut aussi ‘Amr.

 

Sans entrer dans les détails, nous pouvons diviser ces rois et gouverneurs en plusieurs groupes :

Le premier groupe : Les rois indépendants. Il s’agit des rois et émirs de l’Arabie polythéiste. Parmi eux, citons le roi du Bahreïn, les deux rois de ‘Oman et le roi de Himyar au Yémen.

Le deuxième groupe : Les dépendants de Byzance, les Arabes chrétiens du Golan, en Syrie.

Le troisième groupe : les Byzantins.

Le quatrième groupe : les Perses.

Quant au Négus, il était déjà musulman donc la lettre du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ne visait pas à l’appeler à l’Islam.

Enfin, al-Mouqawqis et bien que le christianisme des Coptes différait de celui de Byzance, ce gouverneur dépendait de l’Empire romain d’Orient.

 

Les réponses des rois et des princes

 

Celles de Héraclius et d’al-Mouqawqis furent cordiales, celle du roi d’al-Yamamah un peu hésitante, celles des rois du Bahreïn, d’Oman, de Himyar (au Yémen) entrainèrent leur conversion; celles de Khosrô et du roi des Ghassassinah franchement hostiles particulièrement celle d’al-Harith Ibn Abi Sha’r al-Ghassani qui décida d’envahir Médine et qui fut l’une des causes de la bataille de Mou'tah.

 

8 - La patrouille de Shouja’ Ibn Wahb

 

Au mois de Rabi’ al-Awwal de l’an 8 de l’Hégire une patrouille commandée par Shouja’ Ibn Wahb fut envoyée contre la redoutable tribu ennemie des Hawazin[18] , qui attendait le moment propice pour attaquer les Musulmans. La patrouille formée de vingt-quatre hommes seulement, marcha sur l’ennemi, avançant de nuit et faisant halte le jour afin de profiter de l’effet de surprise, d’autant plus que la distance séparant Médine des terres des Bani ‘Amir était grande et qu’on ne pouvait donc compter sur les renforts dans un temps relativement réduit.

Après quinze jours d’absence, Shouja’ revint victorieux avec un butin considérable, sans qu’il n’y eut aucun accrochage car les Bani ‘Amir prirent la fuite en apprenant l’arrivée des musulmans.

 

9 - La patrouille de Ghalib Ibn ‘Abdallah

 

Au mois de Safar de l’an 8 de l’Hégire, Ghalib Ibn ‘Abdallah fut envoyé contre les Bani al-Moulawah à al-Kiddid. En cette période de guerre, c’était l’une des redoutables tribus ennemies de la côte ouest de l’Arabie, dont le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) craignait toujours une attaque.

Si l’opération se déroula sans embuches, elle faillit néanmoins se finir par une catastrophe quand des renforts de l’ennemi, d’après le témoignage de l’un des hommes de la patrouille[19] , arrivèrent et s’élancèrent à la poursuite des Musulmans. Lorsque ceux-ci traversèrent rapidement le lit d’une certaine vallée quand tout d’un coup, comme pour les protéger, la crue arriva et déborda le cours d’eau qui laissa les Bani al-Moulawah abasourdis.

 

Région de Moutah


[1] L’ancienne Syrie était formée des quatre États contemporains suivants : la Syrie, le Liban, la Palestine et la Jordanie.

[2] Cf. Ibn Khaldoun t II, pp 24-33, et Mourouj ad-Dahab t II.

[3] Cf. L’histoire des Arabes avant l’Islam, t II, pp 299-301.

[4] Mousil, Dééerta, 477.

[5] Olmstead, History of Assyria, p 199-200.

[6] Cf. Ibn Khaldoun t II, p 544. Éd Dar al-Kitab al-Loubnani.

[7] L’Histoire des Arabes avant l’Islam, Dr Jawad ‘Ali.

[8] Cf. Les Arabes en Syrie avant l’Islam, Bachmil.

[9] Cf. Atlas de l’histoire islamique, Harry et Hazard, p 44, et Tarikh Ibn al-Fida' 11, p 76.

[10] Cf. at-Tabaqat al-Koubra.

[11] Les Bani Hilal sont une tribu de Hawazin.

[12] Pour plus de détails, voir Maghazi al-Waqidi t II, p 723 et Tabaqat al-Koubra Ibn Sa‘d t II, p 118.

[13] Cf. Maghazi al-Waqidi t II, p 724.

[14] La trêve de Houdaybiyah.

[15] Maghazi al-Waqidi t II, p 729.

[16] Al-Maghazi t II, p 733. Tarikh at-Tabari, t III, p 36.

[17] Pour plus de détails, as-Sirah al-Halabiya, t II, p 89 et Maghazi al-Waqidi t VIII, p 73.

[18] D’après al-Watha’iq as-Siyassiyah (Les Documents Politiques) de Muhammad Hamidullah, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) contacta plus de trente rois et princes pour les appeler à l’Islam.

[19]Les Bani ‘Amir, exactement






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