Le départ de l’armée mecquoise
Lorsque les polythéistes eurent assouvi avec bassesse
leur vengeance sur les corps des Shouhadah musulmans et
qu’ils eurent terminé le décompte des pertes des deux
camps, ils se préparèrent pour le retour alors que le
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et ses
Compagnons étaient toujours retranchés sur la position.
Avant de donner le signal du départ, Abou Soufyan
s’écria d’un air triomphaliste la victoire de Qouraysh
et la suprématie du grand Houbal (la grande idole de
pierre des Qouraysh). En effet, il monta sur le haut
d’une colline, et d’un air arrogant, il dit à haute voix
en parlant à sa propre personne : « Grace et honneur
pour ce que tu viens d’accomplir (comme pour se
féliciter)
! » Puis il se retourna vers les Musulmans qui n’étaient
pas trop loin et lança à leur adresse : « A la guerre
comme à la guerre ! Les jours ne se ressemblent pas
toujours : un jour contre nous et un autre pour nous. Un
jour, tu fuis et un autre, tu es un aigle (qui pique sur
sa proie). Que Houbal soit très haut ! »
A ces dernières paroles, le Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ordonna à ‘Umar Ibn al-
Khattab de lui répliquer en
disant : « Allah est Très-Haut et Tout Puissant.
Et Il n’a point d’égal. Nos tués sont au Paradis, quant
aux vôtres, ils sont en Enfer ! »
Abou Soufyan répondit alors : « Nous, nous avons al-
‘Ouzzah alors que vous, vous n’avez pas de ‘Ouzzah (une
autre idole). »
Les Musulmans répondirent alors (sur l’ordre du Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam)) : « Allah est
notre Seigneur (mawla) et vous n’avez pas de seigneur. »
Abou Soufyan qui avait des doutes sur le sort du
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) après le
renversement de la situation en faveur de Qouraysh,
demandant pour en avoir le cœur net : « Muhammad
est-il parmi vous ? » Mais personne ne lui répondit.
- « Et Ibn Abou Qouhafa (Abou Bakr as-Siddiq), est-il
parmi vous ? » les Musulmans restèrent encore
silencieux.
- « Et ‘Umar Ibn al-Khattab? Est-il parmi vous ? »
Cette fois aussi, les Musulmans ne lui répondirent pas[1].
Sur ce, il tira des conclusions trop hâtives et retourna
vers ses lieutenants et leur dit à haute voix : « Quant
à ceux-là, vous les avez contentés ! » En prononçant ces
paroles, il croyait que le Prophète (sallallahou ‘aleyhi
wa sallam) et ses deux Compagnons avaient été tués.
Mais cette fausse impression fut levée par ‘Umar Ibn
al-Khattab qui ne put se retenir de dire : « Oh ennemi
d’Allah, ceux dont tu viens de citer les noms sont
encore en vie. Et Allah a préservé pour toi ceux qui te
mèneront la vie difficile[2]. »
- « Viens que je te parle, ô ‘Umar, » dit alors Abou
Soufyan.
- « Va voir ce qu’il veut, ordonna le Messager d’Allah.
»
Lorsqu’il le vit, Abou Soufyan lui demanda :
- « O ‘Umar, je te conjure par Allah de me dire si nous
avons tué Muhammad ! »
- « Je jure par Allah que non et qu’il entend
actuellement ce que tu dis. »
- « J’en jure par ma vie que tu es plus crédible pour
moi qu’Ibn Qami’a (qui prétendit avoir tué le Messager
d’Allah)[3].
»
Puis Abou Soufyan présenta ses excuses aux Musulmans
pour les atrocités perpétrées par ses hommes sur les
corps des Shouhadah musulmans et il dit :
- « Vous allez trouver sur vos morts des atrocités.
Sachez que je n’ai pas donné l’ordre pour que de telles
choses soient faites et que je les désavoue[4]. »
Et avant de descendre définitivement de la colline, il
donna rendez-vous aux Musulmans pour l’année suivante et
au même endroit. Rendez-vous qui fut retenu par le
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et ses
Compagnons.
Ibn Ishaq a rapporté à propos de ce sujet : « En
se retirant, Abou Soufyan lanca : « Soyez au rendez-vous
à Badr l’année prochaine ! » Ce que ne refusa pas le
Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) qui
demanda à l’un de ses Compagnons de répondre
affirmativement.
Alors Abou Soufyan descendit de la colline et se retira
avec son armée vers La Mecque. Et ainsi prit fin le
dernière épisode de la sanglante et effroyable bataille
d’Ouhoud, bataille décidée par Allah Exalté pour
mettre à l’épreuve la foi des Musulmans. A ce propos, Il
dit dans le Noble Qur’an : « Allah n’est point tel qu’Il laisse les croyants dans l’état où vous êtes
jusqu’à ce qu’Il distingue le mauvais du bon. Et Allah
n’est point tel qu’Il vous dévoile l’Inconnaissable.
Mais Allah choisit parmi Ses messagers qui Il veut.
Croyez donc en Allah et en Ses messagers. Et si vous
avez la foi et la piété, vous aurez alors une récompense
énorme. » (Qur’an3/179)
Le retrait des Mecquois fut scrupuleusement suivi par
les Musulmans car comme nous l’avons précédemment
mentionné, il n’y avait aucun obstacle qui empêchait les
polythéistes de se rendre à Médine et dès que les
Mecquois se mirent en marche, ‘Ali Ibn Abou Talib, sur
les ordres du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam),
eut vite fait de les épier pour voir s’ils allaient se
diriger vers Médine seulement à deux mile du champ de
bataille ou vers La Mecque.
Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) en tant
qu’homme expérimenté, dit
auparavant à ses Compagnons que les polythéistes
montaient les chevaux c’est qu’ils avaient l’intention
d’attaquer Médine et que s’ils montaient les chameaux,
c’est qu’ils retournaient à La Mecque[5].
Puis, il ajouta qu’il était fermement décidé à reprendre
la lutte, pour défendre sa cité au cas où ses
appréhensions venaient à être confirmées par Qouraysh.
A ce propos, Ibn Ishaq rapporta : « Puis le
Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) envoya
‘Ali Ibn Abou Talib après lui avoir dit : « Va, suit les
traces de ces gens (Qouraysh) et regarde ce qu’ils font
et ce qu’ils veulent. S’ils mettent leurs chevaux de
côté et montent leurs chameaux, cela veut dire qu’ils
partent à La Mecque. Mais s’ils montent les chevaux et
conduisent les chameaux, cela signifie qu’ils veulent
Médine. Par celui qui détient ma vie dans Sa main, s’ils
la veulent, je marcherai sur eux à l’intérieur même de
la ville et je les combattrai ![6]
»
‘Ali dira plus tard : « Je suis sorti à leur suite pour
voir ce qu’ils allaient faire. Ils mirent les chevaux de
côtés et prirent les chameaux puis se sont dirigés vers
La Mecque. »
Pourquoi Abou Soufyan n’avait-il pas donné l’ordre
d’investir Médine ?
Au moment du retrait des Qouraysh, Médine était une
ville sans défense qui n’abritait alors que femmes,
enfants et vieillards soit une occasion propice pour s’y
rendre, prendre quelque butin et quelques captifs,
puisqu’ils n’avaient pas pu le faire sur le champ de
bataille.
Certes, l’idée, sans aucun doute, effleura Abou Soufyan
et ses lieutenants d’autant plus que les Musulmans
étaient encore à Ouhoud. Mais l’armée qourayshi
se replia précipitamment vers La Mecque.
Quelle fut alors la véritable raison qui poussa le
commandement de l’armée des polythéistes à ne pas
s’attaquer à Médine bien que les circonstances étaient
idéales et décider le repli sur La Mecque ?
En vérité, les polythéistes eurent parfaitement raison
quand ils décidèrent de ne pas compromettre davantage
leurs troupes: Abou Soufyan, militairement parlant, ne
commis pas d’erreur en évitant Médine. Par cette sage
décision, il prouva qu’il était un chef militaire qui ne
se laissait pas facilement griser par des victoires
passagères et qui savait évaluer correctement les
conséquences des actions possibles à exécuter.
Abou Soufyan savait très bien à cet instant précis,
qu’il n’y avait aucun obstacle entre son armée et la
ville des Musulmans car ces derniers étaient occupés à
secourir leurs blessés et enterrer leurs morts.
Cependant, d’un autre côté, il était aussi convaincu que
son armée risquerait de cueillir les fruits amers d’une
aventure dont les éléments n’étaient pas tous sous son
contrôle. S’il avait donné l’ordre d’occuper Médine, il
aurait risqué de voir la victoire de façade obtenue se
dissiper comme un nuage d’été, surtout que cette
victoire était, rappelons-le, la conséquence directe de
la faute des archers qui désobéirent aux ordres du
Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Enfin,
il était aussi conscient que la victoire de Qouraysh
n’était pas le fruit du courage et de l’abnégation de
ses hommes mais plutôt la conséquence directe d’une
erreur commise par les Musulmans ; une erreur qui
n’avait pas été provoquée par ses hommes quoiqu’elle
influa dangereusement la suite de la bataille.
Dans la guerre, on ne table pas toujours sur les erreurs
de l’ennemi. Et ceci, Abou Soufyan le compris bien à Ouhoud
aux dépens des Musulmans ; ces derniers certes commirent
un faux-pas mais ils n’étaient pas prêts à en commettre
un autre, malgré leurs pertes et leur épuisement.
De plus, le fantôme du revers angoissant du début de la
bataille resta présent dans l’esprit d’Abou Soufyan
surtout après qu’il
vit de ses propres yeux la petite armée du
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) battre la
sienne.
On peut modestement avancer que la déduction de ces
facteurs n’est pas loin de la réalité surtout si l’on
sait qu’Abou Soufyan évita de se laisser tenter par
l’occupation de la cité du Prophète (sallallahou ‘aleyhi
wa sallam) et qu’il battit en retraite d’une façon qui
ressemblait plus à un repli de vaincu qu’à un repli de
vainqueur surtout qu’avec sa lourde armée, il couvrit la
distance de quarante miles en une seule journée, comme
s’il avait eu le pressentiment d’un éventuel
regroupement des Musulmans.
Quand la certitude fut définitivement acquise que les
polythéistes ne visaient pas Médine, le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et ses Compagnons
revinrent sur le champ de bataille pour secourir les
blessés et reconnaitre les Shouhadah avant de les
enterrer.
Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) demanda
particulièrement après Sa’d Ibn ar-Rabi’, un des chefs
des Ansar les plus connus, en disant : « Est-il parmi
les vivants ou parmi les morts ? »
Muhammad Ibn Maslamah al-Ansari, qui se chargea
de la tache de le chercher, le trouva sur le point de
mourir. Il se pencha alors sur lui et lui dit dans
l’oreille que le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi
wa sallam) l’avait envoyé à sa recherche et s’enquérir
de son état. Sa’d Ibn Rabi’, qui était alors grièvement
blessé, pu écouter et répondre avant son dernier
souffle.
Et dans ses dernières paroles, le leader des Ansar ne
pensa ni à ses enfants ni à sa femme mais au Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ni n’oublia de laisser
son testament aux Ansar.
Ibn Ishaq nous dit : « Lorsque les gens
recherchèrent leurs morts, le Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) demanda alors : « Qui va
voir pour moi ce qu’a fait Sa’d Ibn Rabi’. Est-il parmi
les vivants ou parmi les morts ? »
- « Moi, je vais voir pour toi ce qu’a fait Sa’d, ô
Messager d’Allah, » répondit un Ansari (Muhammad
Ibn Maslamah, d’après as-Sahili) et il partit à sa
recherche. Il le trouva grièvement blessé avec encore
quelque souffle de vie.
- « Le Messager d’Allah m’a ordonné de m’enquérir de ton
état, si tu es parmi les vivants ou parmi les morts. »
- « Je suis parmi les morts, » répondit Sa’d avant de
reprendre : « Transmets mon salut au Messager d’Allah et
dis-lui de ma part : « Qu’Allah te récompense pour le
bien que tu nous as fait comme Il récompense son
Prophète pour sa Oumma. » Transmets mon salut à nos gens
(les Ansar) et dis-leur de ma part : « Tant qu’il y a un
œil qui bat parmi vous, vous n’avez aucune excuse devant
Allah[7].
»
Pendant ce temps, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) chercha son oncle Hamza Ibn ‘Abd
al-Mouttalib qu’il trouva dans le creux de la vallée de
Qanat, dans un horrible état : nez et oreilles coupées,
abdomen éventré, foie arraché : une scène difficile à
voir. Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) fut
tellement affecté qu’il cria vengeance.
A ce propos, Ibn Ishaq rapporta : « Le Messager
d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) sortit (à la
recherche de Hamza Ibn ‘Abd al-Mouttalib) et le
trouva dans la vallée le ventre ouvert et le foi
manquant. On l’avait horriblement mutilé (nez et
oreilles coupés).
Quand le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) vit
son oncle ainsi, il dit : « Que je ne sois pas touché
comme toi par un tel malheur[8]
! Je ne me suis jamais aussi senti fâché que devant cela
(un tel spectacle) ! » Il dit aussi : « Lorsque Allah me
donnera la victoire sur Qouraysh dans un autre lieu, je
prendrai trente qourayshi et je les mutilerai[9]
! »
Voyant ainsi son Messager crier vengeance, Allah Exalté
révéla ce Verset : « Et si vous punissez, infligez [à l’agresseur] une punition égale au tort
qu’il vous a fait. Et si vous endurez... cela est certes
meilleur pour les endurants. 127. Endure ! Ton endurance
[ne viendra] qu’avec (l’aide) d’Allah. Ne t’afflige pas
pour eux. Et ne sois pas angoissé à cause de leurs
complots. » (Qur’an 16/126-127)
Après la descente de ces deux Versets, le Messager
d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) se retint et se
réfugia dans la patience. Il ira même plus loin et
interdira ces pratiques barbares sur les morts après les
batailles.
Selon al-Hassan Ibn Samourah Ibn Joundoub : « A
chaque occasion qui s’y prêtait, le Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) nous ordonnait de faire
l’aumône et nous interdisait de mutiler des gens. »
A Ouhoud encore, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi
wa sallam) se montra très affectueux et très soucieux
des réactions imprévisibles des parents (surtout les
femmes). C’était peut-être pour cette raison qu’il
ordonna d’enterrer les morts dans le champ de bataille
même.
Dans la Sirah Ibn Hisham, il est rapporté à la page 97
du tome 2 que le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) fit la prière du mort sur Hamza et sur
ses Compagnons Shouhadah à tel point qu’il accomplit
soixante-douze prières sur la dépouille de son oncle.
Cependant la majorité des exégètes et des rapporteurs de
Traditions nient cela en disant que le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ne fit pas de prière à
ce sujet ni à Ouhoud, ni après. Il ordonna plutôt
d’enterrer les Shouhadah avec leurs habits du jour de la
bataille (sans ablution ni prière).
L’Imam ash-Shafi’i rapporta que les informations
concordaient que le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) n’a pas fait de prière sur les morts d’Ouhoud
et que c’était faux qu’il avait prié sur eux ou qu’il
fit soixante-dix Takbir sur Hamza.
Il est prouvé d’ailleurs dans le
Sahih
al-Boukhari que le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) donna l’ordre d’enterrer les Shouhadah d’Ouhoud
avec leur sang[10].
Et, durant la mise en terre des dépouilles, le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) veilla particulièrement
à ce que certains Shouhadah soient ensevelis ensemble :
Hamza Ibn ‘Abd al-Mouttalib avec ‘AbdAllah Ibn Jahsh
al-Asdi (le neveu de Hamza), ‘Amrou Ibn al-Jamouh
avec ‘AbdAllah Ibn ‘Amrou Ibn Haram, Kharijah Ibn
Zayd avec Sa’d Ibn ar-Rabi’, an-Nou’man Ibn Malik avec
‘Abd al-Hashas.
Toutefois quelques rares familles prirent leurs parents
pour les enterrer à Médine et quand le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) en fut informé, il
envoya un Musulman afin de ramener les dépouilles à Ouhoud
et seule l’une d’entre elle qui n’avait pas encore été
ensevelie put être ramenée.
L’Imam Ahmad rapporta ce témoignage de Jabir Ibn
‘AbdAllah : « Mon père tomba Shahid à Ouhoud.
Quand, sur l’avis de mes sœurs, je ramenai son corps
pour l’enterrer dans le cimetière des Banou Salma, le
Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
m’appela et me dit : « Par Celui qui tient ma vie
dans Sa Main, il ne doit être enterré qu’avec ses frères
! » Alors, il le fut à Ouhoud avec ses Compagnons[11].
»
Le discours du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
après l’enterrement des Shouhadah
Lorsque l’enterrement des Compagnons Shouhadah fut
achevé, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
monta sur un cheval et demanda aux Musulmans de se
ranger derrière lui (il y avait aussi quatorze femmes) :
« Mettez-vous en ordre afin que je puisse louer Allah. »
Puis lorsque ce fut fait, il prononça ce discours :
« Ô Allah, gloire à Toi. Nul ne peut empêcher ce que Tu
donnes et nul ne peut donner que Tu retiens. Nul ne peut
guider celui que Tu égares et nul ne peut égarer celui
que Tu guide. Nul ne peut donner ce que Tu retiens et
nul ne peut empêcher ce que Tu donnes. Nul ne peut
rapprocher ce que Tu éloignes et nul ne peut éloigner ce
que Tu rapproches.
Ô Allah, accorde-nous Tes bénédictions, Ta clémence, Ta
grâce et Tes richesses ! Ô Allah, je Te demande une vie
aisée durant les privations et la sécurité pendant les
jours d’angoisse. O Allah, je cherche refuge auprès de
Toi du mal que Tu nous donnes et du mal que Tu retiens.
Ô Allah, donne-nous l’amour de la foi et embellis-le
dans nos cœurs et aide-nous à détester la mécréance,
l’immoralité et la désobéissance, guide-nous sur le
droit chemin. Ô Allah, fait-nous vivre et mourir
Musulmans. Compte-nous parmi les gens de bien qui se
déshonorent pas ou abandonnent leur religion. Ô Allah,
combats (punit) les mécréants qui renient et combattent
Ton prophète et détournent de la voie menant vers Toi,
que Ton châtiment et Tes supplices soient sur eux. Ô
Allah, combats les Ingrats qui ont reçu le Livre. O Toi,
Seigneur de la Vérité[12].»
Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) parla aussi
du rang des Shouhadah qui tombèrent pour la cause
d’Allah. Selon Ibn ‘Abbas, le Messager d’Allah dit : «
Lorsque vos Compagnons tombèrent à Ouhoud, Allah
a déposé leurs âmes dans des oiseaux verts qui se
rendent de temps en temps dans les fleuves du Paradis ou
ils mangent de ses fruits avant de retourner dans les
lampes suspendues à l’ombre d’une voute. Quand ils
apprécient ce qu’ils ont trouvé de boisson et de
nourriture ainsi que l’excellence de leur repos, ils
disent : « Ah, si nos frères savaient ce que Allah nous
a octroyé afin qu’ils ne s’arrêtent pas de lutter et de
combattre (pour la cause d’Allah). »
- « Je vais les informer, » dit alors Allah Exalté puis,
il fit descendre ces Versets sur Son Messager
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) : « Ne pense pas que ceux qui ont été tués dans le sentier d’Allah, soient
morts. Au contraire, ils sont vivants, auprès de leur
Seigneur, bien pourvus et joyeux de la faveur qu’Allah
leur a accordée, et ravis que ceux qui sont restés
derrière eux et ne les ont pas encore rejoints, ne
connaîtront aucune crainte et ne seront point affligés.
Ils sont ravis d’un bienfait d’Allah et d’une faveur, et
du fait qu’Allah ne laisse pas perdre la récompense des
croyants. » (Qur’an 3/169-171).
Si certains Musulmans héritèrent du Paradis après avoir
combattu pour la cause d’Allah, d’autres au contraire,
bien qu’ils furent aux côtés du Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) le jour d’Ouhoud, se
retrouvèrent en Enfer parce qu’ils ne combattirent pas
pour la cause d’Allah.
Voici l’histoire deux Médinois qui rallièrent l’armée de
Muhammad (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et
luttèrent courageusement avant de succomber. Leur
participation aux côtés du Prophète (sallallahou ‘aleyhi
wa sallam) ne fut pas considérée comme celle des
Musulmans car ils ne combattirent pas pour l’Islam. Le
premier se nommait Qouzman et le second Moukhayriq.
Qouzman était un homme très courageux et très efficace.
Quand il sut que les Musulmans allaient sortir, il se
joint à eux puis lutta au point où à lui seul, il tua
dix polythéistes dont cinq cavaliers des Banou ‘Abd
ad-Dar.
Selon le témoignage de ‘Assim Ibn ‘Umar Ibn Qatadah
rapporté par Ibn Ishaq, cet homme, Qouzman, était
d’origine inconnue (nul ne savait d’où il était venu),
fort et redoutable. Le Messager d’Allah (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) dit de lui qu’il faisait partie des
gens jetés en Enfer.
Cet homme étrange lutta pourtant puissamment contre les
polythéistes et il fut dit qu’il fut le premier à Ouhoud
à tirer du côté des Musulmans, qu’il tira des flèches
comme s’il jetait du sable et qu’il fit des ravages avec
son sabre.
A propos de cet homme, Ibn al-Athir rapporta dans
al-Kamil : « Après la bataille, on le transporta
chez lui à Médine après qu’il eut reçu plusieurs
blessures. Chez lui, les Musulmans lui rendirent visite
en disant : « O Qouzman, Réjouis-toi de bonnes nouvelles
! » Mais, il leur répondit : « Je n’ai combattu que pour
l’honneur de mes gens. »
Et, dans le témoignage de Qatadah, il est rapporté que
Qouzman dit à ce dernier : « Par Allah, ô ‘Amrou, je
n’ai pas combattu pour une religion. J’ai seulement
combattu pour préserver nos terres de Qouraysh. »
Enfin, il fut aussi rapporté que Qouzman se suicida en
se coupant une veine avec une flèche après les blessures
qu’il reçut à Badr et qu’il ne put supporter.
Moukhayriq quant à lui était un juif Arabe. Et, son
histoire est rapportée par Ibn Hazm dans
Jawami’ as-Sirah
: « Cet homme qui faisait partie des Juifs (c’était un
Juif des Banou Tha’labah[13]),
appela ses frères en religion à soutenir le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) mais sans résultat comme
il est connu dans l’histoire des Juifs avec les
Musulmans. Ayant constaté leurs refus, il prit ses armes
et sortit combattre avec les Musulmans jusqu’à la mort.
- « Par Allah, vous savez très bien que votre soutien à
Muhammad est un devoir obligatoire, avait-il dit
aux Juifs. »
- « Mais c’est Samedi aujourd’hui, » lui
répondirent-ils.
- « Qu’aucun Samedi ne soit pour vous ! » Puis, il prit
ses armes et rejoignit les combattants musulmans.
Ibn Kathir rapporte ce témoignage dans
al-Bidayah wa
an-Nihayah : « Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) dit lorsqu’il fut informé de la mort de ce Juif
: « Moukhayriq est le meilleur des Juifs ! » »
Signalons enfin qu’avant sa mort, ce dernier fit don de
ses biens (sept jardins) au Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) qui à son tour, en fit un legs pieux
au profit de la communauté musulmane. (On dit que ce
legs fut le premier dans l’histoire des Musulmans).
Le retour des combattants à Médine
Après avoir terminé son discours, le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) donna l’ordre du retour
des troupes vers la ville et sur le chemin, des
témoignages très expressif montrèrent les sentiments de
sincérité et de fidélité que portaient les Musulmans
envers leur Compagnon Muhammad Ibn ‘AbdAllah, le
Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).
Sur le chemin du retour donc, une femme des Banou Dinar,
parmi tant d’autres personnes qui étaient sorties pour
avoir des nouvelles de la bataille, alla à la rencontre
du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) pour
s’enquérir de son état bien qu’elle savait déjà la mort
de son père, de son fils, de son frère et de son mari. A
la vue du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), elle
lui dit : « Tout malheur est minime quand tu es vivant.
»
Dans un autre témoignage, il est rapporté que cette
femme alla d’abord sur le champ de bataille pour voir
les corps de ses parents et à chaque fois elle demanda :
« Qui est celui-ci ? »
« C’est ton père, » « c’est ton fils, » « c’est
ton mari, » « c’est ton frère. » Bien qu’elle vit tous
ses parents décédés, elle ne fut pas pour autant
affligée mais demanda au contraire après le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) (car elle était très
inquiète pour lui) : « Et le Messager d’Allah, qu’a-t-il
fait ?»
Et quand elle le vit, elle lui dit : « Tu me tiens lieu
de père et de mère, ô Messager d’Allah ! Je ne me soucie
pas de mon malheur quand tu es sain et sauf de tout
péril[14].
»
Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) rencontra
aussi une autre femme, sa cousine Hamna Bint Jahsh.
Et ce qui se passa entre eux révéla la grandeur d’âme et
la force de caractère de cette femme.
- « Sois noble, » lui dit le Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) pour la consoler.
- « Qui [est mort] ô Messager d’Allah ?, »
demanda-t-elle.
- « Ton oncle Hamza. »
- « Nous sommes à Allah et à Lui nous retournons.
Qu’Allah lui accorde Son pardon, je le félicite pour la
Shahada. »
- « Sois noble, » répéta le Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam).
- « Qui [est mort] ô Messager d’Allah, »
redemanda-t-elle.
- « Ton frère, ‘AbdAllah Ibn Jahsh. »
- « Nous sommes à Allah et à Lui nous retournons.
Qu’Allah lui accorde Son pardon ! Je le félicite pour la
Shahada. »
- « Sois noble ! »
- « Qui [est mort] ô Messager d’Allah ? »
- « Ton mari Mous’ab Ibn ‘Oumayr. »
- « Qu’est grand mon chagrin !, » s’écria-t-elle alors.
En la voyant ainsi, le Messager d’Allah (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) dit : « Son mari a pour la femme, une
place plus importante que quiconque [d’autre].». Puis il
se retourna vers sa cousine (après qu’elle eut terminé
de pleurer) et lui dit : « Pourquoi as-tu dit cela ? »
-
« Je me suis rappelé son fils maintenant orphelin et
j’ai été compatissante envers lui, » répondit-elle.
Une troisième femme, la mère de Sa’d Ibn Mou’ad, alla
aussi à la rencontre du Messager d’Allah (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) juste avant l’entrée de l’armée à
Médine. Quand elle s’approcha de lui, il la consola pour
la mort de son fils ‘Amrou Ibn Mou’ad.
- « En te voyant sain et sauf, mon malheur s’est
radouci » dit alors Oum Sa’d Ibn Mou’ad. »
A ses paroles, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) répondit : « O Oum Sa’d, bonne nouvelle et
annonce là aux parents des tués : Leurs tués sont tous
accompagnés au Paradis[15].
»
C’est dans la soirée de cette dure journée, le 15 du
mois de Shawwal de l’an 3 de l’Hégire, que le Messager
d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) rentra à Médine
avec sa valeureuse armée ou chacun regagna sa maisonnée,
y compris les blessés qui furent aidés et accompagnés
jusqu’à leurs foyers.
Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) fut l’un de
ces blessés qui furent soutenus et il semble que le
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ressentit
beaucoup les douleurs des blessures reçues sur le champ
de bataille.
Ce sont Sa’d Ibn Mou’ad et Sa’d Ibn ‘Oubadah qui le
firent descendre de cheval et qui le raccompagnèrent
jusqu’à la porte de sa maison.
La réaction de Médine au lendemain d’Ouhoud
Faut-il d’abord rappeler qu’une année auparavant, jour
pour jour, eut la bataille de Badr ?
Ce jour-là, les Musulmans affligèrent profondément les
Mecquois et leur désarroi ne prit fin qu’avec la
revanche d’Ouhoud ou ils lavèrent l’affront de
Badr en remportant une courte victoire, mais une
victoire quand même.
Les pertes musulmanes à Ouhoud égalèrent celles
des Qouraysh à Badr et celui des polythéistes fut le
même que celui des musulmans à la différence que Médine
pris des captifs contrairement aux Mecquois qui n’en
prirent aucun. Il est dit dans le Noble Qur’an : «
Quoi ! Quand un
malheur vous atteint - mais vous en avez jadis infligé
le double - vous dites : « D’où vient cela ? »
Réponds-leur : « Il vient de vous-mêmes. » Certes Allah
est Omnipotent. » (Qur’an 3/165)
Le revers des Musulmans fut certes un revers pénible et
douloureux. Cependant, il y eut malgré cela, une grande
différence entre les réactions médinoises et les
réactions mecquoises. Si Qouraysh reçut la nouvelle de
leur défaite avec nervosité, panique, et affliction,
Médine au contraire, réagit dignement au revers de ses
combattants; avec patience, courage et grande foi. Pour
preuve, cette femme des Banou Dinar qui bien qu’elle
perdit son père, frère, fils et mari montra un
magnifique exemple de retenue et de dignité.
Cependant, il faut dire que les lamentations
commencèrent juste après le retour de l’armée musulmane
à Médine (selon une vieille coutume des Arabes
antérieure à l’Islam) mais le Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) intervint pour que les
pleureuses stoppent leurs lamentations sur les Shouhadah
de l’Islam. Et c’est de cette intervention que les
lamentations furent à jamais interdites en Islam.
Ibn Ishaq rapporte : « En écoutant les pleurs et
les lamentations des Banou ‘Abd al-Ashhal, sur leurs
morts quand il passa dans leur quartier, le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) dit : « Mais Hamza n’a
pas de pleureuses. » A ces paroles, Sa’d Ibn Mou’ad et
Oussayd Ibn al-Houzayr allèrent demander aux
femmes des Banou ‘Abd al-Ashhal de se lever et d’aller
faire des lamentations sur l’oncle du Messager d’Allah.
Mais quand le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
entendit leurs lamentations devant la porte de la
mosquée, il sortit et leur dit : « Retournez chez vous!
Qu’Allah vous fasse miséricorde ! Vous êtes en train de
vous faire du mal. » Puis, il interdit alors ce jour
toute lamentation sur les morts. »
Dans un autre témoignage, le Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) dit (quand il les entendit) : «
Qu’est-ce que cela ? » Et quand on lui répondit, il dit
: « Ce n’est pas cela que je veux et je n’aime pas les
lamentations. » Et il y mit un terme[16].
[1]
Zad al-Mi‘ad,
t.II, p.237.
[2]
As-Sirah
al-Halabiya,
t.II, p.39.
[3]
Al-Bidayah
wan -Nihayah,
t.IV, p.38.
[4]
As-Sirah al-Halabiya,
t.II, p.37
[5]
Comme vous le savez, les Arabes lorsqu’ils se
déplaçaient le faisaient toujours à chameaux
tout en emmenant leurs chevaux avec eux et
qu’ils ne montaient que lors d’affrontements.
(Nde)
[6]
Sirah Ibn Hisham, t.II, p.94.
[7]
Sirah ibn Hisham,
t.II, p.95.
[8]
Sirah ibn Hisham
t.II, p.96.
[9]
Al-Bidayah wa an-Nihayah,
t.IV, p.40.
[11]
Id. p.43.
[12]
Discours rapporté par al-Boukhari dans
al-Adab
al-Moufrad et par l’Imam Ahmad dans
al-Mousnad.
[13]
Il y avait, parmi les Ansar, deux tribus qui
portaient le même nom, l’une Aws (les Banou
Tha'labah Ibn ‘Amrou Ibn ‘Awf), l’autre Khazraji
(les Banou Tha’labah Ibn ‘Amrou Ibn
al-Khazraji).
[14]
As-Sirah al-Halabiya,
t.II, p.44.
[15]
Id. p.47.
[16]
Al-Bidayah wa an-Nihayah,
t.IV, p.48 |