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Le Butin
Selon Ibn Ishaq, Allah Exalté descendit la Sourate
al-Anfal composée de 75 versets. Le premier événement
cité dans la Qur’an fut celui des prises qui divisa les
combattants. Le premier verset exprima clairement la
décision d’Allah, à Lui les Louanges et la Gloire : «
Ils t’interrogent sur le butin. Dis-leur: « Le butin est
à Allah Exalté et à Son Prophète. Craignez Allah Exalté.
Maintenez la concorde parmi vous. Obéissez à Allah
Exalté et Son Prophète si vous êtes croyants. » »
(Qur’an 9/1)
Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
réparti donc le butin à parts égales par entre les
combattants musulmans divisés en trois groupes.
Le problème
Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
bivouaqua avec son armée à Badr durant trois jours et
avant la levée du camp, le problème s’éleva. Le premier
groupe de combattants dit qu’ils étaient à la poursuite
de l’ennemi et que cela avait permis aux autres de
s’octroyer les prises. Le second groupe qui assurait la
garde du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
déclara qu’ils auraient eu la possibilité de
s’approprier les prises n’étaient leur mission et le
dernier groupe argua qu’il était le propriétaire
légitime du butin puisqu’il l’avait entre les mains.
Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), constatant
le désaccord, ordonna la restitution de toutes les
prises et d’attendre jusqu’à plus tard l’examen de la
question. Mais peu de temps après, la Sourate al-Anfal
fut révélée au Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa
sallam) et le butin fut alors réparti sur le chemin du
retour, tout près du défilé de la vallée d’as-Safra.
Sur le chemin du retour, le Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) envoya deux des Musulmans, Zayd Ibn
Haritha et ‘AbdAllah Ibn Rawahah à Médine pour annoncer
la victoire. Quand l’armée arriva à as-Safra, le
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ordonna
l’exécution d’an-Nazr Ibn al-Harith Ibn Kilda, le porte
étendard des polythéistes à Badr et l’un des pires
ennemis de l’Islam. Ce fut ‘Ali Ibn Abou Talib qui
exécuta la sentence puis, à l’erg ad-Dabya, il ordonna
aussi l’exécution de ‘Ouqbah Ibn Abou Ma'it des Banou
Oumayyah Ibn ‘Abd ash-Shams Ibn ‘Abd al-Manaf. Et ce fut
‘Assim Ibn Thabit Ibn Abou al-Aflah qui s’acquitta de la
sentence.
Ce furent les seuls prisonniers qui furent exécutés sur
les ordres du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).
Les autres furent libérés contre une rançon ou par
grâce. Cependant Allah Exalté lui reprocha d’avoir
libéré les prisonniers dans le Verset : « Un prophète ne
devrait pas faire de prisonniers avant d’avoir prévalu
[mis les mécréants hors de combat] sur la terre. Vous
voulez les biens d’ici- bas, tandis qu’Allah veut
l’au-delà. Allah est Puissant et Sage. N’eut été une
prescription préalable d’Allah, un énorme châtiment vous
aurait touché pour ce que vous avez pris [de la rançon].
» (Qur’an 9/67-68)
Le retour à Médine
Quand le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) arriva
à ar-Rawha, il fut accueilli par les chefs musulmans de
Médine qui sortirent à sa rencontre pour le féliciter de
la victoire et lui expliquer la raison de leur
non-participation à la bataille (selon le témoignage de
‘Oussayd Ibn al-Houzayr).
A Médine, les attitudes, les émotions et les réactions
différèrent d’un parti à l’autre. Les Juifs et les
hypocrites qui cultivaient l’espoir de voir les
Musulmans revenir vaincus avaient propagé les rumeurs
les plus alarmantes et les plus démoralisantes comme
celle de la mort du Messager d’Allah (sallallahou
‘aleyhi wa sallam).
Les Musulmans, quant à eux, très anxieux attendaient
fébriles la moindre nouvelle venant du champ de
bataille. Et, pendant que les fausses nouvelles se
répandaient dans Médine et ses environs, arrivèrent
‘AbdAllah Ibn Rawahah et Zayd Ibn Haritha qui, de loin,
dissipèrent les mensonges des juifs et des hypocrites en
annonçant la bonne nouvelle.
Bien que la nouvelle fut annoncé par ceux qui étaient
sur le champ de bataille, les Juifs et les hypocrites
essayèrent de les démentir à tel point que l’un des
hypocrites, voyant Zayd Ibn Haritha sur la chamelle du
Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), soutint
l’allégation de la mort du Prophète (sallallahou ‘aleyhi
wa sallam) en disant que Zayd, pris de panique ne
sachant quoi faire était revenu vaincu sur sa chamelle
qu’il reconnaissait.
Les Juifs soutinrent cette allégation et furent même à
l’origine d’autres rumeurs malgré l’annonce de la
victoire, En agissant ainsi, les Juifs et leurs alliés
hypocrites semèrent le doute et la peur dans les rangs
des Musulmans. Oussama Ibn Zayd dit qu’il questionna son
père sur la vérité sur l’information et qu’il était allé
dire à un hypocrite, après s’être assuré de la véracité
de la victoire : « C’est toi qui suscite des troubles
contre le Messager d’Allah et les Musulmans ! Nous
t’amènerons devant le Messager d’Allah (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) quand il arrivera afin qu’il te juge.
» L’hypocrite battit donc en retraite en disant : «
C’est seulement ce que j’ai entendu dire des gens. »
Ces ennemis, (Juifs et hypocrites) ne stoppèrent leurs
mensonges que lorsqu’ils virent de leurs propres yeux
l’entrée victorieuse des combattants médinois conduisant
les prisonniers ligotés les mains derrière le dos dans
les rues de Médine.
Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
arrivé la veille fut accueilli dans la joie et la
liesse.
Quant aux Qouraysh de La Mecque, ils reçurent un peu
plus tard consternés la nouvelle de la défaite de leur
armée. Ce fut un coup très dur pour eux car l’idée de
l’éventualité d’une défaite ne les avait même pas
effleurés. Au début, quand la mauvaise nouvelle tomba
sur leur tête, personne n’y cru si bien qu’al-Haysouman
Ibn Ayas al-Khouza’i qui les avait informé fut traité de
fou.
Ce fut Abou Soufyan Ibn al-Harith, revenant du champ de
la bataille, qui confirma la cuisante défaite ainsi que
la déroute honteuse des Qouraysh. Abou Lahab en fut si
affecté qu’il déchargea sa colère sur Abou Rafia,
l’esclave affranchi par le Prophète (sallallahou ‘aleyhi
wa sallam).
La catastrophe confirmée, Qouraysh décréta le deuil ;
chaque maison touchée organisa ses lamentations funèbres
(une coutume abolie plus tard par l’Islam) mais peu
après, les notables de Qouraysh les interdirent de peur
que Muhammad (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et ses
Compagnons ne s’en réjouissent.
Et, pendant que les Mecquois pleuraient leurs morts et
se plaignaient sur le sort de leurs proches prisonniers,
le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) après avoir
entendu les avis partagés des Musulmans avait déjà pris
la décision concernant le sort des captifs et qui fut
transmise à Qouraysh qui devait payer une rançon pour
éviter de voir les captifs exécutés.
Les Musulmans prirent aussi la décision de gracier
quelques captifs du fait de leur pauvreté et de libérer
quelques autres instruits s’ils enseignaient la lecture
et l’écriture aux enfants des Musulmans.
Cependant, un Verset descendit sur le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) lui reprochant la
décision prise comme nous l’avons précédemment
mentionné. Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)
pleura beaucoup pour cette erreur mais il était trop
tard ; il ne pouvait revenir sur la parole donnée.
En recevant les décisions du Prophète (sallallahou
‘aleyhi wa sallam), les Qouraysh oublièrent leurs
lamentations et payèrent les rançons des 70 captifs.
Al-‘Abbas Ibn ‘Abd al-Mouttalib, l’oncle du Prophète et
l’un des riches de Qouraysh, paya la rançon et les
rançons de ses neveux ‘Aqil Ibn Abou Talib et Nawfal Ibn
al-Harith Ibn ‘Abd al-Mouttalib ainsi que celle de son
allié ‘Outbah Ibn ‘Amrou Ibn Jahdam qui lors de sa
libération, demanda à son neveu Muhammad (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) de lui rendre les bijoux qui lui
avaient été enlevés après la bataille. Mais le Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) refusa en lui disant que
c’était un butin offert par Allah Exalté aux combattants
musulmans.
Les autres captifs furent libérés par les délégués de
leurs parents contre la somme de 4000 dirhams par
captif.
Après quoi, les notables Qouraysh reprirent leurs
réunions à Dar an-Nadwa pour chercher à laver l’affront
et infliger le même revers aux Musulmans puis durcirent
leur comportement à l’encontre des nouveaux musulmans de
La Mecque.
A Médine, la suprématie des Musulmans amena beaucoup de
polythéistes et à leur tête l’hypocrite ‘AbdAllah Ibn
‘Oubay Ibn Saloul à feindre d’être Musulmans. Quant aux
juifs, une partie d’entre eux manifestèrent leur
irritation à la suite de la victoire du Prophète
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam), en excitant les
polythéistes (surtout ceux de La Mecque) et en leur
montrant les points faibles des Musulmans et ainsi
transgressèrent le pacte signé entre eux et le Prophète.
Par cette violation du pacte, le Messager d’Allah
(sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et ses Compagnons se
retrouvèrent désormais devant une nouvelle situation
caractérisée par de multiples dangers : provocations et
complots ourdis par les juifs, attitudes et coups
fourrés des hypocrites et enfin menace imminente venant
de La Mecque.
L’impact de Badr
Badr fut une bataille qui transforma les rapports de
force sur le plan moral, militaire, social et politique
dans toute l’Arabie.
Cette bataille et sans l’ombre d’un doute, fut menée
involontairement par les Musulmans et rien n’indique
qu’ils s’y étaient préparés. Lorsqu’ils sortirent, ce
fut pour uniquement pour s’approprier la caravane et ce
qu’elle transportait de marchandises.
Les Musulmans, surtout les Mouhajirine, avaient une
revanche à prendre puisqu’ils furent contraints à
quitter leurs foyers et à qui les biens furent
confisqués. Ils visèrent les chameaux mais Allah Exalté
voulut autre chose pour eux et ils se retrouvèrent face
à une armée imposante, surarmée ne transportant aucune
marchandise mais armée de 1000 sabres qui cherchèrent
l’affrontement et par conséquent, ils furent obligés de
lutter contre un ennemi qui les surpassait en nombre et
en armes. C’était cela qu’Allah, à Lui les Louanges et
la Gloire, visait en faisant descendre le Verset : «
(Rappelez-vous), quand Allah vous promettait qu’une des
deux bandes sera à vous. « Vous désiriez vous emparer de
celle qui était sans armes, alors qu’Allah voulait par
Ses paroles faire triompher la vérité et anéantir les
mécréants jusqu’au dernier. » » (Qur’an 9/7)
Les deux forces en présence étaient sans aucun doute en
déséquilibre total tant sur le nombre et de la
disposition à entamer le combat que sur l’armement et le
soutien logistique. Quels sont donc les facteurs qui
amenèrent la victoire des Musulmans?
Après le soutien divin direct, on peut résumer ces
facteurs de la manière suivante :
1 - L’absence d’enthousiasme dans les rangs de Qouraysh
bien que les guerriers sortirent pour défendre la
caravane. Au départ de La Mecque, ils étaient prêts à se
battre pour protéger leurs biens mais leur enthousiasme
disparut quand ils surent que la caravane était sauve
d’autant plus que des chefs de cette même armée
exprimèrent la nécessité du retour des troupes sans
avoir besoin d’affronter l’armée de Muhammad puisque la
cause n’était plus justifiée. (cf. la position
d’al-Akhnas Ibn Shariq et la tentative de ‘Outbah Ibn
Rabi’ah).
2 - L’agression, la guerre est la chose la plus détestée
chez l’homme. C’est pour cette raison qu’ele est
surnommée depuis longtemps la « Détestée. » De tout
temps, les gens raisonnables ne déclarent la guerre qu’à
contre cœur (causes contraignantes) car ils savent très
bien que l’agresseur est habituellement le vaincu.
Dans la bataille de Badr, l’agresseur fut sans conteste
les Qouraysh ou plutôt Abou Jahl, le maitre obéi qui
mena ses troupes à la débâcle.
3 - La foi et c’est le plus important des facteurs. Les
Musulmans étaient en liaison très forte avec Allah, à
Lui les Louanges et la Gloire. Chaque musulman qui entra
dans la bataille savait qu’il allait être récompensé
soit par la mort pour la cause d’Allah soit par la
victoire. C’était là un facteur important qui renforce
toujours le moral du musulman.
4 - La nouvelle technique de combat. Les Musulmans
appliquèrent un nouveau style dans la bataille
jusqu’alors inconnu des Arabes et qui surpris les
ennemis du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Ce
style peut être résumé en deux points:
a - Le commandement : Le Messager d’Allah (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) était le commandant suprême de
l’armée et ses guerriers allèrent au champ de bataille
combattre comme les doigts d’une seule main sous un
commandement unifié.
La discipline des combattants musulmans fut aussi un
élément décisif quant à l’issue de la bataille, ils s’y
plièrent sans discuter et sans hésitation par la stricte
application des ordres et des directives émanant de leur
chef.
Par contre, les polythéistes n’avaient pas de
commandement unifié car la majorité des seigneurs
mecquois faisaient partie de l’armée qourayshi. Abou
Jahl Ibn Hisham et ‘Outbah Ibn Rabi’ah étaient les deux
seigneurs les plus en vue. L’un comme l’autre pouvait
être le commandant de l’armée en plus de leur divergence
sur leurs points de vue.
Cela eu des conséquences fâcheuses sur la bonne marche
des opérations, leurs troupes combattirent
anarchiquement sans un commandant dirigeant et sans une
organisation préalable.
b - La mobilisation : Le Messager d’Allah (sallallahou
‘aleyhi wa sallam) appliqua durant le cheminement de son
armée vers Badr une nouvelle formation de troupes ne se
différenciant pas beaucoup de la mobilisation moderne
dans les guerres du désert. L’armée musulmane avait une
avant-garde, un corps central et une arrière garde.
Cette armée-là profita aussi des patrouilles de
reconnaissance qui rapportèrent de précieuses
informations sur le mouvement des troupes ennemies.
Quant à la bataille proprement dite, les Musulmans le
menèrent en adoptant la formation en rangs tandis que
les Qouraysh optèrent pour la charge générale et repli.
La formation en rangs eu l’avantage d’assurer
l’organisation et la fermeté des troupes ainsi qu’une
disponibilité d’une réserve en cas de situation imprévue
(attaque frontale de l’ennemi, défense des ailes...).
Par contre, la seconde option basée sur l’attaque avec
le gros des troupes puis le repli provoquèrent la
désorganisation des troupes et fit perdre à Qouraysh la
maitrise et la cohésion de ses rangs.
Militairement parlant, de notre point de vue, ce fut là
les quatre principaux facteurs qui précipitèrent la
défaite des polythéistes à Badr dont la domination
allait par la suite se désagréger pour s’effondrer
définitivement avec la chute de La Mecque qui, scellera
la retentissante victoire des Musulmans.