Récit de divers événements qui eurent lieu entre 889 (1484) et la fin de 891 de l’Hégire (1486)
Rapport des ghazwa de Vizir ‘Ali Basha contre les infidèles
de Bogdan, les ghazwa de Bali Beg Malkochoglu et Iskandar
Beg Mihaloglu, et la défaite de certains émirs aux
confins de Damas.
En 889 (1484), le Sultan passa l’hiver à Edirne, où il
s’occupa de nombreuses affaires de l’état. De nombreux
ambassadeurs de souverains musulmans et infidèles et de
grands rois vinrent à la Sublime Porte pour lui rendre
hommage et présenter leurs pétitions. Vint d’abord un envoyé
au nom de l’éminent souverain des terres de l’Inde et de la
Chine, le Sultan Muhammad Shah, afin de renforcer
l’amitié sincère entre l’ancien Sultan et ces souverains. Il
félicita le Sultan pour son accession au trône de son père
et apporta des cadeaux extraordinaires des terres de l’Inde.
Un autre envoyé arriva du Sultan d’Égypte, qui était l’un
des grands hommes, et un autre du Kral de Hongrie, qui était
très respecté parmi les infidèles. Ils montrèrent leur
respect et leur honneur selon les lois et les coutumes des
anciens sultans concernant les envoyés des mécréants et des
Musulmans. Cependant, il y avait quelques adversités passées
entre le Sultan Ottoman et le Sultan d’Egypte, notamment le
soutien à Jem et quelques troubles aux frontières entre les
deux royaumes. Pour cette raison, l’ambassadeur d’Égypte
conclut un pacte d’amitié, et les estimés Vizirs du Divan du
Sultan échangèrent quelques mots d’amitié et lui
témoignèrent un respect égal à celle manifestée à l’envoyé
du Kral de Hongrie.
Entre-temps, arriva la nouvelle d’une rébellion commandée
par le gouverneur de Kara Bogdan, qui rompit les accords,
rassembla une armée et tenta de reprendre Kilia et Akkerman.
‘Ali Basha, alors émir al-Oumara de Roumélie, marcha à la
hâte contre Bogdan à la tête de l’armée de Roumélie. Ils
traversèrent le grand fleuve Tuna, et le wali de Valachie,
qui est entre les terres des impies aux confins des domaines
de l’Islam. Il avait longtemps été l’un des moujahidin et
avait été nommé guide à travers les terres des mécréants.
Lorsqu’ils atteignirent la wilayah de Bogdan, et cette
région a une longue histoire d’hostilité contre le Sultan
des Musulmans, ‘Ali Basha et son armée la pillèrent et
ravagèrent. Cette grande armée rassembla beaucoup de butin,
et ‘Ali Basha ne trouva aucune résistance nulle part. Bien
qu’à l’époque du Sultan précédent, ces mécréants maudits
avaient voulu détruire l’armée musulmane, ils se cachèrent
cette fois dans les montagnes et ne semblèrent jamais
vouloir les combattre sur aucun champ de bataille. Lorsque
les soldats musulmans rassemblèrent suffisamment de butin,
ils demandèrent à leurs commandants la permission de
revenir.
À cette époque, à la suite de l’accumulation de vexations et
d’oppressions, le différend entre le Sultan Ottoman et le
Sultan d’Égypte, Qaytbay, était devenu plus grave. Le
différend portait sur les frontières des deux états, le
Sultan envoya l’émir al-Oumara d’Anadolu, Ahmed Basha
Hersekoglu, avec les troupes d’Anadolu et l’émir al-Oumara
de Karaman, Qaragoz Basha, à Adana et Tarse aux confins de
Roum et de la Syrie pour soutenir les défenseurs de ces
châteaux. Dans le même temps, le Sultan renvoya Muhammad
Basha Ibn Hizir Beg de son poste de Vizir du divan en raison
d’apostasie, et le remplaça par Ibrahim Basha, qui à ce
moment-là était qadi ‘askar (juge-commandant militaire).
Au début de 891 (1486), d’autres nouvelles arrivèrent que le
gouverneur de Bogdan assiégeait Akkerman avec une grande
armée. Les assiégés placèrent leur foi en l’aide d’Allah
Exalté et résistèrent. Ils sortirent du château, vainquirent
les ennemis et prirent une grande partie de leur équipement.
Lorsque le Sultan fut informé de cette audace par le
gouverneur de Bogdan, il envoya aux frontières Malkochoglu
Bali Beg, qui était gouverneur de Silistrie.
Toute l’armée des ghazi de Roumélie fut également envoyée à
la hâte sur la rivière Tuna pour repousser les mécréants et
piller leurs terres. Dès que le gouverneur de Bogdan fut
informé de leur arrivée, il envoya des messagers auprès des
rois de Hongrie et de Pologne pour leur demander leur aide.
Ils envoyèrent des cavaliers et des fantassins pour les
aider et ils attaquèrent les forces de Malkochoglu, quand
ils entrèrent dans Bogdan.
Après quelques jours, ils atteignirent une ville appelée
Bouchana et commencèrent immédiatement à la piller. Ils
acquirent beaucoup de butins et d’esclaves puis, ils
traversèrent une grande rivière connue sous le nom de Prut
et attaquèrent cette région. Après avoir rassemblé
suffisamment de butin, ils quittèrent Bogdan et Malkochoglu
Beg resta au bord de la rivière Prut avec seulement quelques
soldats. Il semble que, comme ils étaient séparés de l’armée
principale, ils n’étaient pas aussi vigilants, donc les
impies les attaquèrent et une grande et sanglante bataille
s’ensuivit. Certains des hommes de Malkochoglu Beg furent
tués et lui-même tira son épée et combattit les mécréants.
Comme ils étaient plus nombreux, les impies les
poursuivirent et de nombreux musulmans furent tués.
Quand la nuit tomba, les combats s’interrompirent, mais le
lendemain, quelques ghazi séparés et qui ramassaient du
butin vinrent les rejoindre.
Pendant la nuit, les infidèles fuirent le champ de bataille.
Dans la matinée, certains ghazi voulurent les poursuivre,
mais beaucoup avaient fui pour regagner des zones plus
sûres. Mille cinq-cents mécréants et quinze moujahidin
moururent dans cette campagne. Après cela, les ghazi
victorieux retournèrent dans leurs pays d’origine avec de
nombreux butins et sur les rives de la rivière Tuna,
Malkochoglu Beg remit un cinquième du butin au Sultan.
Description des raisons de l’inimitié et des conflits entre certains députés du Sultan Ottoman et du Sultan d’Égypte
Récit de certains événements de la lutte entre les deux
parties, lorsque Hersekoglu Ahmed Basha fut envoyé en
guerre contre l’émir kabir d’Égypte, Uzbeg, et fait
prisonnier.
De ces divers événements, certains étaient liés à la
compétition avec le souverain de l’Egypte, qui à l’époque
était Qoutbay Cherkesi. Les raisons initiales de ces
événements, au cours desquels de nombreux hommes perdirent
la vie sur le champ de bataille, et du conflit entre ces
deux états, c’est que feu Sultan Muhammad II, à la
fin de sa vie, souhaitait subjuguer certaines villes arabes.
Cela dura longtemps, et à cette époque, toutes les terres
d’Égypte et de Syrie étaient sous le grand Sultan, et par
conséquent beaucoup de ses compagnons étaient situés à
Eregli et Antakya, aux frontières du Roum et de la Syrie.
Lorsque le feu Sultan (Muhammad II) décéda et
l’actuel Sultan monta sur le trône de son père, son frère
Jem Chalabi, qui suivit le chemin mal jugé de désirer
s’opposer au Sultan, quitta d’abord ses terres et s’enfuit
vers l’Égypte et la Syrie et pour la deuxième fois, il mena
sa rébellion et revendiqua le royaume de Roum. Ces
soulèvements dans ces terres eurent lieu avec le
consentement du Sultan d’Égypte. S’il avait gardé la paix et
était resté bon, Jem Chalabi n’aurait jamais osé ou pu
répéter sa révolution irrévérencieuse et après son
pèlerinage, il n’aurait pas marché contre le royaume de son
père et le Sultanat de son frère aîné.
Une autre raison concerne le dirigeant de l’Inde, le Sultan
Muhammad Shah. Il avait envoyé son grand Vizir au
Sultan Ottoman avec des cadeaux, mais alors qu’il traversait
l’Egypte, les cadeaux lui furent enlevés d’une manière
irrespectueuse envers les Ottomans et l’Inde.
Une autre raison est que les commandants de la Syrie et
d’Alep donnaient constamment des ennuis à Alaeddevlet Beg
Zoul Qadr, qui avait prêté allégeance au Sultan Ottoman.
Alaeddevlet demanda de l’aide et le Sultan envoya Ya’qoub
Basha et toute son armée pour repousser les Syriens. Lorsque
les troupes du Sultan rejoignirent celles de Zoul Qadr, le
premier jour de la campagne, elles déroutèrent totalement
l’armée des Syriens, et nombre d’entre eux furent tués, y
compris les na’ib d’Alep. En conséquence, l’armée vaincue
eut un grand désir de riposter. Quatre à cinq mille soldats
personnels du Sultan égyptien arrivèrent pour soutenir les
troupes syriennes. L’armée du Sultan qui avait gagné en
confidence après sa première victoire les poursuivit. Le
lendemain, ils rencontrèrent les Egyptiens prêts à se
battre. Les moujahidin et l’armée de Zoul Qadr furent forcés
de se battre à nouveau, mais lorsqu’ils furent dispersés,
ils furent vaincus. Les hommes de Zoul Qadr fuirent vers
leurs terres et nombre de ses hommes ainsi que de nombreux
moujahidin furent tués.
Le Sultan ordonna la prise de force d’Adana et de Tarse, qui
étaient alors sous le contrôle du Sultan d’Égypte. Le Sultan
d’Égypte craignait que le Sultan des moujahidin ne ravive
les vœux de son père et qu’il n’ait l’intention de punir
pour leur soutien à Jem Chalabi. Pour cette raison, il
envoya à Adana et Tarse l’émir kabir d’Egypte, Uzbeg, avec
les émirs de Damas et d’Alep et d’autres commandants
syriens, afin de protéger ces régions des Ottomans. Moussa
Beg et Ferhad Beg, qui avaient été envoyés pour attaquer la
région furent repoussés par les émirs d’Égypte et de Syrie,
et tous deux furent tués. En représailles, le Sultan envoya
à Adana et Tarse Ahmad Basha Hersekoglu, qui était
l’émir al-Oumara d’Anadolu, avec toute l’armée de ces
régions. Muhammad Basha Ibn Hizir Beg et Qaragoz Beg,
l’émir al-Oumara de Karaman, furent envoyés pour l’aider.
Muhammad Basha était d’un rang plus élevé qu’Ahmad
Basha Hersekoglu, mais le Sultan montra sa préférence à ce
dernier et plaça l’armée sous son commandement. L’émir kabir
Uzbeg et les émirs de Syrie et d’Alep furent envoyés pour
les affronter. Au cours de cette rencontre, Muhammad
Basha et Qaragoz Beg, par jalousie envers Ahmad Basha
complotèrent contre lui, alors Ahmad Basha fut blessé
et emmené captif alors que ces deux commandants ne se
présentèrent pas pour combattre. En conséquence, l’armée fut
vaincue et de nombreux commandants aux côtés d’Ahmad
Basha furent capturés, tandis que l’émir kabir d’Égypte et
les émirs de Syrie gardèrent le contrôle d’Adana et de
Tarse. Lorsque le Sultan fut informé de cette nouvelle, il
punit ceux qui défièrent son autorité et récompensa les
émirs et commandants fidèles. Qaragoz Beg fut puni de
manière appropriée, Muhammad Basha démit de ses
fonctions et chaque émir qui se rangea avec eux furent
également sévèrement puni.
Une fois de plus, le Sultan envoya le Grand Vizir Daoud
Basha avec de nombreux janissaires, tous les gouverneurs
d’Anadolu avec leurs armées et même certains de Roumélie,
notamment l’émir al-Oumara de Roumélie, ‘Ali Basha. Daoud
Basha arriva dans la région d’Ouch Kapili et d’Aladag.
Alaeddevlet Beg Zoul Qadr y arriva également et, après avoir
rendu hommage, une réunion du conseil eut lieu, au cours de
laquelle il fut jugé inopportun que l’armée du Sultan
pénètre sur les terres de Syrie. Comme l’un des plus anciens
ennemis de cet état était Turgudoglu, qui était la raison
des troubles entre les deux côtés et défendait la région
montagneuse de Tashili, il fut décidé que tous les émirs, et
en particulier Alaeddevlet Beg, devraient marcher contre
Turgudoglu. ‘Ali Basha se dirigea vers Tarse avec l’armée de
Roumélie, l’armée d’Anadolu se rendit dans une zone connue
sous le nom de Yourat Walash et Daoud Basha avec les troupes
du Sultan et les janissaires traversèrent les montagnes
Bolkar, encerclant ainsi de toutes parts ces terres
fortifiées qui servaient de refuge pour les ennemis. Les
émirs et seigneurs de Varsak de la région se soumirent aux
Ottomans, et Turgudoglu s’échappa en Syrie. Après que ces
rebelles aient été maîtrisés, il y eut la paix et l’ordre à
nos frontières. Daoud Basha autorisa l’armée à regagner ses
bases, et il retourna lui-même dans la capitale, dans les
quartiers d’été de Vize dans le Nahiye d’Istanbul. A cette
époque, les pieuses fondations que le Sultan avait fondées à
Edirne étaient achevées. Le Sultan s’occupait de l’aide aux
‘ulémas, aux pauvres et aux malades, qui se réjouirent de
l’achèvement de ces fondations caritatives.
Récit des raisons de la campagne du Vizir ‘Ali Pacha contre l’Égypte et la Syrie, la rénovation et la réparation de certains châteaux aux frontières avec les pays arabes et des féroces batailles entre les deux parties.
(Al-Qassah (l’histoire)) En 893 (1487-8), le Vizir ‘Ali
Basha, qui avait participé aux événements antérieurs en
Égypte et avait acquis un grand pouvoir, fut chargé de la
campagne contre le Sultan d’Égypte. Le Sultan d’Égypte
s’était opposé à plusieurs reprises à l’autorité du Sultan
Ottoman sur les terres de Syrie, qui avaient toujours
appartenu aux rois de Roum (Seljouk). Le Sultan envoya
l’armée des moujahidin dans ces terres, pour les libérer des
Circassiens (Mamelouk) et les placer sous la lumière de son
autorité.
Au début, ‘Ali Basha fut envoyé pour réparer quelques
châteaux et fortifications dans les terres entre Roum et la
Syrie. Tous les commandants des forces d’Anadolu et de
l’armée de Karaman étaient sous ses ordres, l’ensemble des
forces de cavalerie, ainsi que quelques émirs de Roumélie,
réputés pour leur loyauté. Il partit pour cette campagne le
mardi 3 Rabi’ ath-Thani 893 (17 mars 1488). Il se rendit
d’Istanbul puis dans la région de Karaman et à Eregli, qui
est aux frontières de Karaman et de la Syrie. Il continua à
Adana, où il répara un château qui est le fort le plus
éloigné sur cette frontière, et renforça Tarse. Ils
annexèrent pacifiquement les châteaux d’Anavarza et de Kure
et chassa les défenseurs d’Umur Basha du château d’Ayas et
de là, ils continuèrent et subjuguèrent le reste des
châteaux de la région. Ils prirent également les châteaux de
Namroun et Melvane près des montagnes de Bolkar et nommèrent
des gouverneurs dans chacun d’eux. Khalil Basha, l’émir
al-Oumara de Roumélie fut envoyé pour conquérir Sis et ‘Ali
Basha marcha également avec une armée nombreuse. Ils prirent
Sis à l’aide de canons et d’armes à feu, et le commandant du
château Sibay Beg, qui est aujourd’hui un mamelouk de l’émir
de Syrie, fut emprisonné avec 2000 hommes et emmené à
Istanbul. Toutes les fortifications de la région d’Adana
furent réparées puis au premier jour du Ramadan de la même
année, tous les émirs et commandants d’Égypte et de Syrie
qui s’étaient rassemblés pour affronter ‘Ali Basha
traversèrent les montagnes de Bagras.
L’armée de l’émir Kabir, qui est le deuxième Sultan, avait
rejoint les grands émirs et commandants d’Égypte et de
Syrie, tels que les émirs de Damas et d’Alep ; Timourtash le
grand maître armurier, qui est le troisième Sultan ; Qansouh
Hamsami’a le grand maître écuyer, qui est le quatrième
Sultan, et est un émir d’un millier, les plus grands émirs
et divers autres commandants d’un millier, et les na'ib de
Tripoli , Safed et Ramla et les commandants des Turcomans
syriens et autres émirs turkmènes, tels que le Ramadanoglu
et le Turgudoglu. Un ordre fut donné à Ahmed Basha
Hersekoglu, qui était gouverneur de Gallipoli, et en charge
des navires, des détroits et des forces navales, de se
déplacer vers le rivage par mer et d’atteindre les montagnes
de Bagras, où il devait bloquer l’entrée des ennemies. En
effet, à l’endroit où l’armée des Égyptiens traverserait se
trouvait le col de la montagne de Bagras, mais personne
n’osa le franchir, craignant les canons et les armes à feu
des navires d’Ahmed Basha.
Comme Allah Exalté le voulait, cependant, au milieu de ces
événements, il y eut soudain une violente tempête et toute
la flotte fut dispersée. Il y avait des vents forts du sud,
de sorte que la flotte fut obligée de retourner à Roum car
les équipages étaient incapables de se déplacer vers le sud.
Les ennemis réussirent à passer et ils campèrent au bord de
la rivière Ceyhan puis, après avoir traversé sans délai
Qaraca Irmaq, ils atteignirent le champ de bataille.
Le 8 du Ramadan, ils atteignirent un endroit près d’Adana du
côté de Tarse, connu sous le nom d’Aga Chayiri, où les deux
armées se firent face. Dans les rangs des moujahidin du
Sultan se trouvaient ‘Ali Basha, à la tête de la cavalerie
et des janissaires, Qizil Ahmed Beg Ibn Isfendiyar,
Umur Beg Durhanoglu et Mahmoud Beg Moustansar, qui
étaient de grands émirs, célèbres pour leur bravoure. Il y
avait aussi des émirs des forces d’Anadolu et de Karaman, en
particulier Sinan Beg et Ya’qoub Basha, l’émir al-Oumara de
Karaman, Souleyman Beg et Ahmed Basha Wali ad-Din
oglu. À l’avant-garde se trouvaient Iskandar Beg, un esclave
personnel du Sultan, et les fils d’Evrenos Beg, en
particulier ‘Issa Beg et Souleyman Beg ainsi que des forces
de Roumélie de Houssayn Beg.
Dans les rangs de l’armée d’Égypte et de Syrie se trouvaient
l’émir Kabir Uzbeg avec les forces personnelles du Sultan
d’Égypte, les émirs de Damas avec les Turcomans et les
Circassiens de Syrie, les émirs d’Alep et de certaines
régions environnantes, ainsi que Timourtash et le na'ib
d’Alep avec quatre mille gardes du corps sélectionnés du
Sultan d’Egypte. Les ennemis attaquèrent les armées
d’Anadolu et de Karaman avec une telle force que ‘Issa Beg
Evrenosoglu et son frère Souleyman Beg furent tués. L’émir
al-Oumara de Karaman, Ya’qoub Basha fut mis en déroute.
L’aile droite de l’armée rumillienne alla à leur secours,
mais ils furent déroutés par les forces de Timourtash, des
Turgudoglu et des Ramadanoglu et coupés de toute aide. Les
deux parties centrales des deux armées sous ‘Ali Basha et
Uzbeg se combattirent et Yahya Basha vint à leur
aide. Finalement, Uzbeg se retira et traversa la rivière.
Quand ‘Ali Basha retourna dans leur propre camp, il
découvrit que les forces d’Anadolu et de Karaman avaient
fui, que les survivants des navires d’Ahmed
Hersekoglu Basha avaient été mis en déroute et capturés. Ses
propres troupes étaient anxieuses et d’accord avec les
autres commandants, ils décidèrent de se retirer la même
nuit. Dans la nuit, l’armée traversa la rivière et décida de
se rendre à Adana, où elle organiserait sa défense. Au
matin, les Egyptiens virent que l’armée des fidèles s’était
déplacée. Ils pensèrent d’abord que les Ottomans se
préparaient à leur tendre une embuscade, alors ils
envoyèrent des hommes des Turgudoglu, qui connaissaient bien
la région. En fait, lorsque ‘Ali Basha partit, des hommes de
la tribu Varsak le rapportèrent aux forces égyptiennes, mais
quand ils traversèrent la rivière et arrivèrent dans le camp
ottoman, ils le trouvèrent désert. Le lendemain, ils se
rendirent à Adana et commencèrent à assiéger le château avec
des canons. ‘Ali Basha défendit le château pendant
longtemps, mais soudain, les réserves de poudre à canon
prirent feu et explosèrent dans le château. Le gouverneur
d’Adana fut tué et quelques jours plus tard, les défenseurs
du château furent forcés de céder.
‘Ali Basha fut autorisé à se rendre à Eregli, d’où il
informa le Sultan de la situation. Peu de temps après son
retour, il reçut un ordre du Sultan : Qaragoz Beg ; le
gouverneur de Kayseri, Sinan Beg ; le gouverneur de Karesi,
Ishaq, fils du Kral de Bosnie ; Iskandar Chalabi Ibn Qaraja
Basha ; et le gouverneur de Kanaqouri, Chakiri Sinan Beg, et
tous les autres déserteurs devaient être faits prisonniers
par ‘Ali Basha et emmenés dans la capitale. Ils y furent
transportés avec environ 200 de leurs hommes, tous ensemble,
et gardés à Yenihisar. Qaragoz Beg, le gouverneur de
Karaman, fut exécuté et les autres graciés, mais pendant
longtemps ils furent démis de leurs hautes fonctions.
Description des tentatives des Egyptiens et des Syriens d’entrer à Karaman en raison de la trahison d’Alaeddevlet Beg Zoul Qadr
Les conflits du Sultan des moujahidin avec d’autres rois au
début de son règne inspirèrent quelques hypocrites à causer
des ennuis, et la controverse avec le Sultan d’Égypte et de
Syrie prolongea ce trouble sur les terres musulmanes à côté
des domaines du Sultan et divisa le peuple musulman. Le
Sultan est juste et respecte la Shari’ah mais il lève ses
bannières toujours victorieuses contre quiconque défie son
pouvoir.
Pendant le conflit entre le Sultan des moujahidin et l’armée
d’Égypte et de Syrie, Alaeddevlet Zoul Qadr Beg, qui avait
été nourri par cette dynastie, devint double face, bien que
pendant des années il avait été sous la garde de l’ancien
Sultan (Muhammad II), et reçut de l’aide contre son
frère aîné, Shah Boudaq Beg, afin qu’il puisse être établi
sur le trône de Zoul Qadr. Le Sultan actuel, qui était alors
gouverneur de Roum et Amasya, fut envoyé pour aider
Alaeddevlet avec toutes ses forces. Les troupes du Sultan le
considéraient donc comme un allié solide et loyal et
considéraient ses terres comme un refuge. Pendant quelques
années, cependant, et dans toutes les controverses passées
avec l’armée d’Égypte et de Syrie, il n’avait pas été
fiable. Lorsque le Sultan fut informé de cette situation, il
chargea le frère d’Alaeddevlet, Shah Boudaq, qui se trouvait
à l’époque sur les terres ottomanes, de le punir. Iskandar
Beg Mihaloglu, Muhammad Basha Ibn Hizir Beg et
plusieurs autres commandants reçurent l’ordre de l’aider. Mahmoud
Beg Moustansar, l’émir al-Oumara de Karaman, reçut également
l’ordre d’offrir son soutien sans délai si Shah Boudaq Beg
demandait de l’aide.
Lorsque Shah Boudaq arriva là-bas, il s’opposa d’abord à
Shahrouh, le fils d’Alaeddevlet. Il le captura et l’aveugla,
mais son ennemi fut renforcé par les émirs d’Égypte. Shah
Boudaq demanda l’aide de Mahmoud Beg Moustansar, qui
rassembla son armée et marcha vers Nigde. Un message fut
envoyé à Mahmoud Beg, lui demandant son aide, mais
Alaeddevlet captura le messager et envoya un faux message à
la place, disant à Mahmoud Beg que son aide n’est pas
nécessaire. Les troupes de Karaman se retirèrent donc et
Alaeddevlet attaqua et mit en déroute Shah Boudaq, qui resta
sans assistance. Mihaloglu Iskandar Beg fut capturé et
envoyé au Sultan d’Égypte enchaîné. Encouragées par ce
succès, les forces d’Alaeddevlet et l’armée égyptienne
assiégèrent Kayseri, qui était une possession ottomane aux
frontières des terres de Zoul Qadr. Hersekoglu Ahmed
Basha fut envoyé pour défendre la ville, mais sur le chemin,
via Qarahisar, il fut informé que les ennemis avaient
levé le siège et étaient allés à Nigde et pillé les terres
de Karaman.
Quand le Sultan en fut informé, il envoya des forces pour
repousser les ennemis et les conduisit lui-même. Sa présence
était un signe particulier de punition, recommandé par les
fatwas contre la rébellion du Roi d’Égypte et de Syrie. A
cette époque, un Mollah estimé, connu sous le nom de Mollah
‘Arab, arriva de Syrie. Son origine était de Syrie, mais
depuis des années il avait vécu à Roum. La question de
savoir si le Sultan devait mener en personne une campagne
contre l’Égypte fut contestée entre les ‘ulémas. Les Sultans
Ottomans régnèrent sur Roum pendant environ deux cents ans
et à partir de là, ils conduisirent continuellement la
ghazwa contre les terres des impies, au profit de l’Islam.
Selon les lois de l’Islam, cette opposition et cette
animosité qui se sont élevées avec les seigneurs d’Égypte et
de Syrie et qui provoquent de grandes turbulences sur
l’ensemble des terres de l’Islam, sont absolument indignes
de ces pieuses dynasties et de moujahidin, et contre la
volonté d’Allah Exalté. Les grands esprits des muftis
parvinrent cependant à la décision que la raison de cette
animosité était due au soutien du Sultan d’Égypte à Jem
Chalabi et à leur incapacité à envoyer des ambassadeurs
d’honneur. Maintenant, après l’échange des ambassadeurs et
des cadeaux de bonne volonté, le Sultan égyptien désirait la
paix. Mollah ‘Arab fut envoyé dans ses terres natales pour
assister aux négociations. La procédure de paix fut en outre
facilitée par la médiation d’un ambassadeur du Padishah de
Tunis, ‘Uthman Tounsi.
Une autre incitation à la paix fut qu’au milieu de ces
événements, alors que les forces égyptiennes assiégeaient
Kayseri, en 895 (1489-90) il y eut une grande tempête à
Istanbul. Un éclair frappa une vieille église près d’At
Meydani, qui contenait de la poudre à canon et d’autres
munitions. Il y eut une grande explosion qui fut entendue
dans une large zone et un incendie qui dura jusqu’à
l’après-midi suivant. Quatre mahalles, contenant environ
deux mille maisons, furent détruits. Les habitants
d’Istanbul furent témoins du plus grand tremblement de terre
de l’époque et de nombreuses personnes furent tuées. De
plus, avant que ces événements n’aient lieu, l’émir Kabir
Uzbeg s’était rendu à Adana et l’avait assiégée, après le
départ de ‘Ali Basha et de l’armée ottomane. Soudain,
l’entrepôt de munitions prit feu, et le gouverneur du
château et tous ceux qui le défendaient furent tués. Le fort
fut laissé sans surveillance et tomba ainsi entre les mains
des assiégeants.
Mollah ‘Arab et certains hommes d’état, qui voulaient que la
paix soit faite, signalèrent ces faits au Sultan comme
arguments. Il fut décidé que dans un premier temps l’armée,
qui s’était rendue à Karaman, devait être rappelée et que
les hommes aux frontières seraient informés de la paix. Au
milieu de ces négociations, on apprit que trois jours plus
tôt, l’armée égyptienne et syrienne avait attaqué Nigde et
tué des députés et d’autres hommes qui leur résistaient.
Après cela, ils pillèrent la zone à l’extérieur de la ville
et retournèrent précipitamment sur leurs terres. Telles sont
les raisons pour lesquelles le Sultan retarda son départ,
dans son effort de paix, et mis fin à l’hostilité prolongée
et aux affrontements militaires. Le Sultan d’Égypte était
également disposé à faire la paix, ils sont donc parvenus à
un accord en 897 (1491-2). |