Chapitre deux
Sur la première période de Kheireddine Basha
Ce n’est pas un secret que Kheireddine (Khayr ad-Din) Bacha
était une personne qui atteignit le statut de saint, qu’il
accompli des miracles, qu’il mena des combats
extraordinaires et des expéditions militaires, qu’il était
un héros de légendes et quelqu’un qui accomplit des actes
sans précédent. Par conséquent, quand il vint chez le Sultan
Souleyman Khan, les Khan le reçurent généreusement et lui
demandèrent d’écrire les histoires de ses expéditions
militaires pour l’Islam et de les leur envoyer. Une personne
qui avait été donc avec lui lors de ces expéditions et qui
avait la capacité d’écrire transcrit ce qu’il vit et ce que
le Bacha lui dit, et tout cela fut écrit comme un livre et
ensuite envoyé au Sultan Souleyman Khan. Un résumé de ces
récits a été rapporté ici. Le nom du Bacha est Hizir. Son
père Yaqoub était le fils d’un cavalier de la plaine de
l’Ece. Il se porta volontaire dans la conquête de Lesbos et
finit par s’installer sur cette île. Il avait quatre fils
nommés Ishaq, ‘Arouj, Hizir et Ilyas et chacun d’eux
travaillait dans le commerce naval. Ishaq s’installa à
Lesbos. ‘Arouj partit en voyage en Egypte et à Tripoli
(Tarablous-i Sham). Hizir avait l’habitude d’aller à Sire et
à Salonique. Alors que ‘Arouj était en route pour Tripoli
avec son frère Ilyas, les mécréants de Rhodes leur
bloquèrent la route et Ilyas fut tué dans la bataille. Hizir24
fut prisonnier et resta longtemps sur l’île. Après s’être
échappé, il reçut la permission du Sultan Korkut, alors
qu’il était à Antalya, de naviguer en haute mer pour se
livrer à la piraterie avec un navire de dix-huit places. Il
pilla les navires des mécréants autour de Rhodes et ensuite
traversa du côté de Polya.
Il poursuivit des expéditions de chasse aux barges et
combattit dans de nombreuses batailles. Il prit son butin et
resta à Alexandrie pour l’hiver. Puis il atteignit l’île de
Djerba, s’y établit et souhaita lancer une campagne
militaire contre les mécréants.
Les combats dans la Voie d’Allah des capitaines ‘Arouj et Kheireddine
Lorsque l’hiver prit fin et que le temps de la campagne
militaire arriva, ils préparèrent deux navires et partirent
d’Halkulvad pour la haute mer. Ils attaquèrent un grand
navire de Gênes qui était chargé de blé et le capturèrent.
Puis ils naviguèrent un peu et tombèrent sur un énorme
galion qui était chargé de popeline (soie). Ils ne leur
laissèrent aucune chance et saisirent le navire. Puis ils
vinrent en Tunisie, mirent de côté un cinquième du butin de
guerre et partagèrent le reste. Ensuite, ils partirent avec
trois navires et tombèrent sur une barge en provenance
d’Espagne. Ils l’encerclèrent et l’abordèrent. Il y avait un
gentilhomme mécréant à bord qui se battit durement puis se
rendit. Après cette expédition, leur nom atteignit toutes
les rives de la Méditerranée et causèrent la terreur. Puis
ils partirent pour une campagne avec quatre navires. Quand
ils atteignirent un château nommé Bicaye, une flotte de
mécréants les attaqua. Ils résistèrent courageusement et se
battirent pendant longtemps. À la fin, ils les vainquirent
et capturèrent deux navires. Le capitaine ‘Arouj coula un
des navires avec un canon et le reste des mécréants
s’enfuit.
Alors que le capitaine ‘Arouj errait à l’extérieur du
château, les mécréants quittèrent le château et attaquèrent
les navires. Le capitaine ‘Arouj les rattrapa et les
combattit. Alors qu’il essayait de les forcer à se retirer,
il fut frappé par un fauconnier (petit canon) du château qui
le blessa au bras. Le capitaine Hizir l’emmena sur le navire
et s’assura que les blessures de son frère étaient soignées.
Pourtant, ils durent finalement amputer son bras puisqu’il
devint très faible et puisqu’il n’y avait aucun moyen de le
guérir. Puis ils prirent une barge et quelques petits
bateaux de pirates et les envoyèrent à Tunis. Après cela,
ils attaquèrent l’île de Minorque, pillèrent les villages,
conquirent plusieurs tours et s’emparèrent d’un immense
butin. Alors qu’ils repartaient en haute mer, un capitaine
corse les attaqua avec huit galères. Ils encerclèrent la
galère et la saisirent. Les combats
durèrent longtemps et beaucoup de gens moururent
morts des deux côtés. À la fin les mécréants furent vaincus
et se retirèrent. Ils capturèrent deux navires, mais
Kheireddine Bacha les pourchassa pendant un moment et les
força à rendre les navires. Puis il retourna en Tunisie et y
resta pour l’hiver. Le capitaine ‘Arouj se retira là parce
qu’il avait été blessé.
Le combat dans la Voie d’Allah du capitaine Kheireddine
Pendant l’hiver, Kheireddine repartit pour la haute mer et
gagna beaucoup de butin de guerre en prenant trois mille
huit cents prisonniers et vingt vaisseaux. Il garda les
prisonniers pour lui-même et il distribua généreusement le
butin aux personnes qui combattirent dans ces batailles. Au
printemps, il devint le commandant de sept navires
volontaires et il fit de son navire le premier à naviguer en
tête parmi eux. Alors ils naviguèrent vers la haute mer et
attaquèrent une ville du côté des mécréants. Ils pillèrent
la ville, prirent mille huit cents prisonniers et douze
mille livres d’or. Les navires volontaires se dispersèrent
autour de la zone pour le butin. Le capitaine Kheireddine
alluma sa lampe et chassa quatre barges. Quand le matin
arriva, il vit que c’étaient des navires qui transportaient
de la popeline, ils dévièrent leurs vaisseaux et les
encerclèrent. Il les captura tous les quatre et retourna à
Tunis. Ils trouvèrent huit mille
pastav (rouleaux)
de drap dans ces navires. La nuit précédente, le capitaine
Kheireddine s’heurta à une barge et la perdit. Les navires
volontaires la heurtèrent et la saisirent. Il s’avéra que
c’était un navire français chargé de bois. Il envoya le
navire dans l’état avec des cadeaux sous le commandement du
capitaine Mouhyiddin qui était le fils de la sœur du
capitaine Kemal. Le Sultan lui donna deux galères, une robe
d’honneur et l’envoya sur son chemin. Après cela, aucun
navire ne résista au capitaine Kheireddine ou se battit avec
lui.
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La Campagne de Bicaye et la conquête de Cicelye
Le capitaine Kheireddine et son frère le capitaine ‘Arouj
attaquèrent le château de Bicaye (Bejaia), qui avait déjà
été conquis par les mécréants, avec dix navires. Sur leur
chemin vers Bicaye, ils encerclèrent et capturèrent
facilement un petit château nommé Cicelye (Jijel). Ils
prirent une centaine de mécréants qui étaient dans les
châteaux comme prisonniers et les enchaînèrent. Ils
laissèrent derrière eux cinquante soldats et trois navires
pour surveiller le château et le protéger. Puis ils
attaquèrent Bicaye avec des soldats et des canons. Cette
ville avait deux châteaux. Ils assiégèrent l’un d’entre eux
et le conquirent le quatrième jour après un combat. En
dehors des mécréants qui furent dans la bataille, ils
prirent cinq cents d’entre eux comme prisonniers. Puis, ils
reçurent l’aide de vingt mille soldats arabes qui vinrent
les assister à piller les biens du château. Ensuite, ils
assiégèrent le second château et l’attaquèrent durant vingt
jours après qu’ils aient manqué de poudre et demandé l’aide
du Sultan de Tunis qui ne les aida pas. Alors, la flotte des
mécréants arriva avec deux cents navires et attaqua le
château avec plus de dix mille soldats. Par conséquent les
combattants de l’Islam désespérèrent et tirèrent leurs
navires dans la rivière. Lorsque l’eau se retira et que les
navires reposèrent sur les fonds, il devint impossible de
les déplacer. Alors ils les brûlèrent et se rendirent
ensuite à Cicelye par voie terrestre (à une distance de
soixante-milles). Ils prirent les prisonniers mentionnés
ci-dessus avec eux. La galère de vingt-quatre places du
capitaine Kheireddine et celle du capitaine ‘Arouj s’y
trouvaient. Le capitaine ‘Arouj resta à Cicelye et le
capitaine Kheireddine arriva à Tunis avec quatre navires. Il
acheta quatre navires et repartit en haute mer avec sept
autres navires qui étaient des navires volontaires. Le
capitaine Kurdoğlu Mousliheddin (Curtogoli) les rejoignit
avec quatorze navires. Ils allèrent alors du côté des
mécréants avec vingt-huit navires. Ils virent huit barges
chargés de blé près de Gênes et les capturèrent sans combat
avec l’aide d’Allah. Sur le chemin du retour, ils
rencontrèrent douze barges et les capturèrent toutes. Ces
navires étaient chargés de drap fin. Il envoya vingt barges
en Tunisie avec Kurdoğlu et se rendit à l’endroit où se
trouvait son frère.
Le départ du capitaine ‘Arouj pour Alger
Il y avait une île dans le port d’Alger, qui se trouvait
devant la forteresse d’Alger, et il y avait un château sur
l’île. Des flèches de la ville étaient utilisées pour
atteindre ce château. Les mécréants espagnols avaient
attaqué ce château, l’avaient capturé, et les gens de la
ville étaient devenus prisonniers. Les Algériens avaient
l’habitude de leur obéir à contrecœur, de leur donner chaque
année une certaine quantité de biens et ils entretenaient
ainsi leurs relations avec eux. Plus tard, la tyrannie des
mécréants les exaspéra et ils écrivirent une lettre au
capitaine ‘Arouj et l’invitèrent dans leur ville pour
demander de l’aide. La lettre atteignit le capitaine ‘Arouj
alors qu’il était à Cicelye et quand il vit le contenu de la
lettre, il accueillit favorablement cette demande et
commença une campagne militaire pour l’amour d’Allah. Il
laissa des hommes dans le château de Cicelye et écrivit une
lettre à son frère, lui demanda de s’occuper des affaires et
ensuite alla à Alger. Comme le château n’avait pas de
souverain particulier, il fut capable de prendre le contrôle
de la ville sans se battre. Quant au capitaine Kheireddine,
il envoya deux cents quatre-vingts hommes à Cicelye et
arriva à Tunis. Alors qu’il partageait le butin de guerre
avec Kurdoğlu, son frère Ishaq arriva avec deux
galères envoyées du centre de l’état et un navire venant de
Lesbos.
La défaite des Français en Tunisie
Depuis que le capitaine Kheireddine apparut avec succès sur
la scène, les mécréants tombèrent dans une période difficile
dans la mer et sur les rivages. Ils n’avaient plus de
patience ni de pouvoir. Les Français firent un effort en
envoyant trente navires et trente-trois galéasses à Tunis.
Ils atteignirent le port de Benzert (Bizerte) à Tunis ou se
trouvait Kurdoğlu qui mit ses marins dans ses navires et se
rendit au château. Les mécréants attaquèrent et capturèrent
quatre de ses navires. Alors qu’ils s’apprêtaient à attaquer
le château, les combattants de Tunis ripostèrent à leur
attaque et repoussèrent les mécréants après une féroce
bataille et forcèrent leurs navires à s’enfuir. Six de leurs
navires restèrent dans le port car ils ne purent pas les
déplacer. Ils furent vaincus, partirent en haute mer et
atteignirent Halkulvad. Le capitaine Kheireddine était là et
il attendait l’arrivée des maudits mécréants. Il leur
résista courageusement et les empêcha de débarquer en les
combattants. À la fin, ils partirent sans espoir et sans
gain. Pendant ce temps, le Sultan Salim Khan avait conquis
l’Egypte. Le Kurdoğlu arriva en présence du Sultan, lui
déclara sa soumission comme un sujet et il lui parla de la
guerre avec les Français. Le capitaine Kheireddine plaça des
canons et cinq cents soldats dans chacun dans quatre navires
et les envoya en Algérie avec son frère aîné Ishaq.
Il resta à Tunis pour l’hiver.
L’attaque des navires des Mécréants et des tribus arabes dans le château d’Alger
Quand les tribus arabes et les mécréants découvrirent que le
capitaine ‘Arouj avait fait irruption et était entré dans
Alger, ils équipèrent quarante galliots, cent-quarante
barges et ils envoyèrent quinze mille combattants mécréants
à Alger. Les soldats arabes se mobilisèrent également sur
terre et atteignirent la zone autour d’Alger avant les
mécréants. Le capitaine ‘Arouj était prêt pour la guerre
avec ses hommes alors, il marcha vers les soldats arabes qui
étaient sur le côté terrestre, se battit férocement contre
eux et remporta la bataille avec l’aide d’Allah et vainquit
les Arabes. Il les força à laisser douze mille de leurs
chameaux, puis ils furent submergés et s’enfuirent. Après
cela, l’armada des mécréants se rapprocha et mouilla dans un
endroit proche du château. Certains de leurs soldats
débarquèrent, tirèrent avec leurs canons et assiégèrent le
château. Le château était dans un état faible, ce qui le
rendait vulnérable à la destruction. Tandis que le capitaine
‘Arouj essayait de réparer les brèches dans le château, les
mécréants l’assaillirent et brandirent leur drapeau. Le
capitaine ‘Arouj attaqua avec ses combattants et marcha vers
les mécréants. Ils livrèrent une grande bataille et les
Musulmans triomphèrent. Le drapeau des mécréants fut détruit
et les soldats mécréants qui étaient à l’extérieur
s’enfuirent vers leurs navires. Les combattants algériens
les poursuivirent jusqu’au rivage et les tuèrent, ainsi, sur
les milliers d’mécréants, un millier seulement pu
s’échapper. Après cela, les mécréants ne purent éviter
d’être vaincus et le capitaine ‘Arouj s’installa à Alger. Il
écrivit une fetihname
(une lettre décrivant une conquête) à son frère Kheireddine
et l’envoya à Cicelye. Alors le capitaine Kheireddine arriva
à Cicelye et obtint le
Sheikh al-Balad
sur la recommandation d’Arouj Beg et le fit s’engager à lui
donner le tribut qu’il donnait annuellement aux mécréants.
Puis il partit rendre visite à son frère, le capitaine
‘Arouj.
Plus tôt, le frère du souverain de Tlemcen de la tribu des
Bani Hafs était parti en Espagne et avait demandé de
l’aide. Puis les Espagnols vinrent avec leurs soldats,
conquirent le château de Ténès et déployèrent quatre navires
et des soldats dans les environs. Les habitants de la région
demandèrent l’aide du capitaine ‘Arouj, qui envoya alors son
frère, le capitaine Kheireddine. Quand le capitaine
Kheireddine arriva, les mécréants qui étaient dans les
navires entrèrent dans le château. Alors le capitaine
Kheireddine captura les navires et débarqua ses soldats sur
la rive. Il assiégea le château pendant deux jours et au
moment où il s’apprêtait à le saisir, les mécréants se
rendirent. Le frère du chef de Tlemcen des Bani Hafs,
mentionné plus haut, quitta le château avec l’excuse qu’il
allait parler au capitaine Kheireddine et s’enfuit. Le
capitaine Kheireddine entra dans le château et trouva
environ quatre cents Arabes mécréants (apostats) qu’il
voulut emmener avec lui. Cependant les habitants
intercédèrent pour eux et supplièrent qu’on leur permette de
rester, alors il les laissa et retourna à Alger avec
beaucoup de butin de guerre. Puis il partagea les dix
châteaux qui étaient liés à Alger et à Bicaye, et qui
étaient à l’est et à l’ouest d’Alger (cinq à l’est d’Alger
et cinq à l’ouest) avec son frère ‘Arouj Beg. Ils écrivirent
que la province telle à l’est était réservée à Kheireddine
Beg et que l’ouest était réservé à ‘Arouj Beg. (Signifiant
qu’ils mirent par écrit qui vivait là, quels types d’emplois
ils avaient et le type d’impôts qu’ils étaient supposés
payer).
La conquête de Tlemcen et la longue guerre
À l’époque, le souverain de Tlemcen donnait chaque année dix
mille pièces d’or, quatorze serviteurs noirs et dix mille
boisseaux de blé au roi d’Espagne, et il lui obéissait.
Après que ‘Arouj et Kheireddine Beg aient attaqué ces terres
et les aient conquis, il s’offensa et fit cause commune avec
l’Espagne afin d’enlever Kheireddine de cette terre. ‘Arouj
Beg savait que l’armada des mécréants attaquerait depuis la
mer et que le chef de Tlemcen attaquerait de la terre. Il
plaça donc son frère à Alger et lui-même alla à Tlemcen avec
un groupe de soldats. Les habitants de Tlemcen
désapprouvèrent que leur souverain fasse cause commune avec
les mécréants et se détournèrent donc de lui. Les érudits
islamiques émirent une Fatwa autorisant le meurtre du
souverain de Tlemcen à cause de ce qu’il avait fait, alors
quand ‘Arouj Beg s’approcha, les notables et les gens
l’accueillirent et prirent son parti. Lorsque le dirigeant
de Tlemcen le découvrit, il s’enfuit. Il avait déjà
précédemment emprisonné deux de ses frères qui trouvèrent
une opportunité à ce moment-là, se rendirent au Maroc et y
restèrent avec un certain salaire. Le souverain de Tlemcen
atteignit Wahran (Oran), qui était le quai de Tlemcen, et se
réfugia chez les mécréants. Bien que Wahran était entre les
mains des mécréants, ils ne reçurent aucune livraison de
nourriture, tombèrent en difficulté et demandèrent l’aide de
l’Espagne. Les Espagnols les aidèrent avec beaucoup de
marchandises et de soldats. Il rassembla quinze mille
soldats arabes, quitta Wahran avec mille cinq cents
mécréants qui étaient des arquebusiers et il arriva à Qal’a
al-Qila. Quand Kheireddine Beg découvrit cela, il nomma son
frère Ishaq commandant et l’envoya à l’aide. Il vint
avec ses soldats et entra dans le château. Quand les
mécréants assiégèrent le château, ‘Arouj Beg sortit une nuit
du château et les attaqua par surprise. Ils en tuèrent sept
cents avec des épées et en chassèrent une centaine. Les
autres s’enfuirent vers leur château. Une fois de plus, dix
mille mécréants et vingt mille Arabes se rassemblèrent et
assiégèrent le château. Les combats se poursuivirent pendant
six mois sans interruption. Il attaqua les mécréants
plusieurs fois, mirent des canons sur les routes et
causèrent beaucoup de dégâts. À la fin, ils atteignirent le
bord du château et détruisirent les tours avec des tunnels
souterrains qu’ils utilisèrent pour les explosions. Les deux
parties devinrent faibles et dans l’impasse. Finalement, les
mécréants voulurent faire la paix et ils acceptèrent à
contrecœur. Ils acceptèrent de quitter le château à la
condition que les biens qu’ils pourraient transporter dans
leurs mains ne soient pas touchés. Cependant, avant même
qu’ils ne soient sortis, les mécréants essayèrent d’utiliser
leurs armes, alors Ishaq tira son épée et tua un
grand nombre de mécréants. Ishaq en personne et
Iskandar, qui était le chambellan de Kheireddine Beg,
devinrent martyrs à ce moment. Le reste des hommes d’Ishaq
commencèrent également
à
se battre et devinrent martyrs. Puis, les soldats mécréants
se dirigèrent
vers Tlemcen et au moment où
ils s’apprêtaient
à l’assiéger, les habitants de la ville se rendirent. Alors
‘Arouj Beg et ses hommes se fortifièrent dans la citadelle
interne. Les combats durèrent sept mois et quand ils
perdirent l’espoir de protéger le château, il sortit avec
ses hommes et attaqua l’armée mécréante. Ils combattirent et
lui et tous ses hommes tombèrent martyrs en combattant les
mécréants.
L’attaque des mécréants vers le château d’Alger
Après que ‘Arouj Beg fut tué et que les mécréants gagnèrent
la bataille à Tlemcen, ils préparèrent cent soixante-dix
navires et arrivèrent à Wahran avec vingt mille soldats au
printemps. Trois mille sept cents mécréants qui s’y
trouvaient les rejoignirent. Puis ils s’approchèrent d’Alger
de la mer et le Beg de Tlemcen par la terre. Alors,
Kheireddine Beg rassembla ses hommes et dit aux gens :
« Rencontrez le Beg de Tlemcen. » Alors ils le
rencontrèrent, le protégèrent et l’empêchèrent d’être
blessé. Kheireddine Beg avait environ six cents hommes et
vingt mille soldats arabes s’étaient rangés de son côté. Les
navires des mécréants vinrent de la mer et jetèrent l’ancre
devant l’île. Ils envoyèrent un messager et exigèrent la
ville d’Alger. Kheireddine Beg dû donc défendre la ville.
Quand les mécréants débarquèrent sur le rivage et
attaquèrent, Kheireddine Beg se jeta sur eux et tua beaucoup
d’entre eux. Il les vainquit et captura leurs navires. Quand
le soir arriva, il bombarda deux cents de leurs navires avec
des canons de sorte que, les combattants musulmans revinrent
et entrèrent dans la ville. Ils se battirent ainsi pendant
deux jours et le troisième jour, les mécréants retirèrent
leurs canons. Alors qu’ils étaient sans espoir et étaient
sur le point de partir les mains vides, Kheireddine Beg les
attaqua et tua un grand nombre d’entre eux. Sur les vingt
mille mécréants, seul cinq à six mille réussissent à
s’échapper et purent rejoindre leurs navires. De ce qui
restait du butin, Kheireddine Beg donna quelques chevaux et
les armes nécessaires à Hassan, qui était le
commandant de Tlemcen, avec sept cents personnes. Il le
nomma commandant sur deux mille Arabes et l’envoya à
Tlemcen.
La conquête de Tlemcen par Hassan
Alors que le commandant mentionné ci-dessus était sur son
chemin, les soldats arabes qui le virent, le rejoignirent et
leur nombre s’éleva à vingt mille. Le Beg de Tlemcen
entendit cela, et au moment où il allait fuir, Hassan
arriva et lui prit le château. Sur les trois mille sept
cents mécréants du château, seulement sept cents
s’échappèrent et le reste fut tué. Ils retournèrent à Tunis.
La conquête de Ténès
Quand Kheireddine Beg voulut prendre ce château au
printemps, le souverain du château demanda l’aide de
l’Espagne. Quinze barges lui furent envoyées pour l’aider.
Kheireddine Beg envoya dix-huit navires et il combattit
lui-même sur terre et prit le château. Les barges
rencontrèrent les navires, coulèrent cinq d’entre eux et
cinq d’entre eux s’échappèrent. Kheireddine Beg revint à
Alger.
Le meurtre des prisonniers infidèle à Alger
Un jour, un vent contraire souffla et cent dix vaisseaux des
mécréants d’Espagne arrivèrent dans le port pendant que les
navires de l’armada restaient à Alger. Les mécréants se
battirent et furent vaincus. Dans cette défaite, trente-six
capitaines furent pris prisonniers, à l’exception de trois
mille mécréants. L’un d’entre eux, nommé Ferdinand, était le
chef de ces capitaines. Il était blessé, sa barge s’était
échouée et il l’avait alors abandonnée. Il sortit avec six
cents mécréants et tous furent pris prisonniers. Quelques
prisons souterraines étaient remplies de prisonniers et
elles étaient également distribuées à la population locale,
de sorte que la ville d’Alger se remplie de prisonniers.
Certains d’entre eux tentèrent de s’échapper et la rumeur se
répandit. Quelques envoyés vinrent d’Espagne et offrirent de
payer cent mille pièces d’or pour les trente-six capitaines.
Les savants islamiques refusèrent de donner un édit
religieux autorisant l’échange de prisonniers contre de
l’argent et ne l’autorisèrent pas sur le motif que ces gens
étaient utiles et d’habiles marins. Par conséquent, ils
restèrent. L’Espagne continua d’offrir un double montant
d’argent mais sans succès. Kheireddine Beg chercha une
excuse pour tuer ces gens. Quand ils essayèrent de
s’échapper, il les tua tous sur la base de cette tentative.
Les parents du capitaine Ferdinand vinrent et offrirent sept
mille pièces d’or pour obtenir son corps mais il fut dit
qu’il n’était pas permis de vendre un cadavre en Islam,
alors ils jetèrent son corps dans un puits profond. Le sermon du vendredi donné au nom du Sultan Ottoman en Algérie
Alors Kheireddine Beg dit au peuple d’Alger : « Je vous ai
protégé jusqu’à maintenant, j’ai réparé le château et placé
quatre cents canons. Après cela, j’irai dans un autre pays,
vous pourrez nommer qui vous voulez gouverneur ou
souverain. » Ils le supplièrent tous de ne pas les quitter.
Alors Kheireddine Beg déclara : « Les souverains de Tunisie
et de Tlemcen sont tous mes ennemis, je ne resterai que si
la Khoutbah est lue au nom du Sultan Ottoman, » et ils
l’acceptèrent. Kheireddine envoya une pétition collective au
Sultan Ottoman et il fournit quatre navires. Il envoya
quatre capitaines informateurs des mécréants et quarante
jeunes hommes utiles parmi les prisonniers et divers cadeaux
au Sultan Salim Khan. Le Sultan les accepta et envoya
quelqu’un nommé Hajji Hüseyin avec une épée,
une robe d’honneur et un drapeau. Sur le chemin, huit
galères vénitiennes se frayèrent un passage en haute mer,
capturèrent le navire et firent martyrs tous les hommes de
Kheireddine Beg. Hajji Hüseyin et trois hommes
s’échappèrent et se rendirent à Moton. Il se rendit aux
officiels de l’état qui lui donnèrent des navires avec un
document de l’ambassadeur puis se dirigea vers Alger.
Kheireddine Beg le rencontra, prit le cheval, la robe
d’honneur et le drapeau que le Sultan de l’Islam lui avait
envoyé pendant qu’il exaltait le nom du Sultan et convoquait
un conseil. Ils envoyèrent des hérauts pour annoncer au
public que la province appartenait au Sultan. Ils
organisèrent un banquet pour l’envoyé (Hajji Hüseyin)
et l’accueillirent somptueusement avant d’être renvoyé au
bureau de l’état.
Les Agitation des Begs de Tunisie et de Tlemcen
Les Begs de Tunisie et de Tlemcen voulurent provoquer le
désordre ensemble pour cette raison. Ils essayèrent de
convaincre Mehmed Beg et Kadioğlu qui étaient parmi
les hommes utiles de Kheireddine Beg à se joindre à eux et
finalement ils réussirent. Ils donnèrent beaucoup d’argent
aux Arabes et les firent attaquer Alger. Cependant
Kheireddine Beg défendit la ville pendant un moment et ne
fut pas vaincu.
La conquête du château de Mostaganem
Deux des frères du Beg de Tlemcen s’étaient déjà rendu chez
le Sultan du Maroc et demandé de l’aide. Puis ils revinrent
avec des soldats et assiégèrent Tlemcen. Cependant, puisque
les Arabes l’empêchaient de sortir, chacun d’entre eux alla
à Wahran et Mesud se rendit chez Kheireddine Beg. Son frère
alla à Wahran. Kheireddine l’accueillit, envoya des lettres
aux Arabes et les convainquit d’être du côté de Mesud. Mesud
arriva avec ses forces militaires, kidnappa son frère et
prit le contrôle du fort. Après un certain temps, il trahit
Kheireddine Beg et fit cause commune avec les mécréants.
Alors Kheireddine Beg aida son frère qui était à Wahran et
sur sa demande, lui envoya vingt-huit navires et des soldats
au château de Mostaganem qui était près de Wahran. Ils
attaquèrent le château et le saisirent. Les navires
arrivèrent du côté des mécréants et prirent beaucoup de
butin. Après avoir embarqués les Musulmans qu’ils trouvèrent
en Andalousie, ils retournèrent à Alger.
La deuxième conquête de Tlemcen
‘Abdallah, qui était le frère de Mesud, quitta Wahran avec
les soldats de Kheireddine Beg et arriva à Tlemcen. Mesud
répondit et après s’être combattus, Mesud perdit la bataille
à Wahran. Ils s’enfermèrent dans le fort et ‘Abdallah et ses
hommes assiégèrent le château vingt jours plus tard.
Finalement, deux cents soldats entrèrent de nuit dans le
château par une échelle et ouvrirent la porte. Mesud était
dans le château intérieur. Il sortit et s’enfuit avec deux
cents cavaliers. Les hérauts de la ville furent envoyés pour
annoncer au public que « la province appartenait au Sultan
Souleyman » et le public se calma. Sur l’ordre de
Kheireddine Beg, ‘Abdallah mentionné ci-dessus fut nommé
Beg, la Khoutbah fut donnée au nom du Sultan Ottoman et des
pièces de monnaie furent également frappées en son nom. Il
assigna cent cinquante soldats pour la protection de ce
château. Plus tard, Mesud assiégea ce fort après le départ
de Kheireddine Bacha. Il fut vaincu avec l’aide de
Kheireddine Beg, prit prisonnier et mourut en prison.
La Révolte d’Ibn Qadi
Kadioğlu, qui était le Beg de Tunis, se révolta et agita les
Arabes contre Kheireddine Beg puis vinrent assiéger Alger.
Les mécréants de l’île attaquaient occasionnellement la
ville. Kheireddine Beg les combattit pendant six mois, puis
l’hiver arriva, alors Kadioğlu fit la paix à contrecœur et
partit pour la Tunisie d’où, il envoya son frère à Alger
avec des soldats. Quand Kheireddine Beg répondit et qu’ils
se combattirent, ils furent vaincus. Il envoya Kara Hassan
à leur poursuite avec des soldats. Il
arriva et reprit les châteaux qui étaient liés à
Tunis puis ensuite, Kadioğlu le fit changer de camp.
Personne ne fut laissé aux côtés de Kheireddine, sauf les
Algériens qui commencèrent également à changer de camp. Il
entendit de Sheikhs bédouins qu’ils voulaient quitter la
ville et il rassembla ses hommes. La porte principale du
palais s’ouvrait sur une intersection. Alors que deux cents
d’entre eux attaquaient le palais, les gens de Kheireddine
sortirent, les combattirent et les vainquirent. Ils
attrapèrent la plupart d’entre eux et les enfermèrent. Ils
dirent : « Tuons tous les habitants de la ville, » mais
Kheireddine ne fut pas d’accord. Le lendemain, il rassembla
les gens de la ville dans la mosquée et leur parla
raisonnablement. Il prit une centaine d’agitateurs parmi eux
et les envoya en prison puis donna congé aux autres. Il
élimina les vingt-cinq personnes qui étaient la source de
l’agitation et il maintint de bonnes relations avec les gens
de la ville pendant deux ans en faisant ce qu’ils voulaient.
L’émigration des Kheireddine Beg à Cicelye
La froideur apparue dans les relations entre le peuple
d’Alger et Kheireddine Beg, ses soldats s’étaient détournés
des gens de la ville et les détestaient. Depuis qu’il était
sorti et que des gens venant de l’extérieur s’étaient
arrêtés, il était resté dans la ville comme un prisonnier,
aussi Kheireddine Beg eut l’intention d’émigrer et de partir
de là. Cependant, comme il était indécis de prendre toutes
ses affaires avec lui, il décida de faire la prière d’Istikhara
et de demander conseil à Allah Exalté (cette prière est
faite avant d’exécuter une quelconque action en demandant
conseils à Allah et non pas avant d’aller se coucher pour
voir la volonté ou la direction d’Allah à travers un rêve).
Dans un rêve, il vit que le maître des deux mondes (c.-à-d.
le Prophète Muhammad (Saluts et Bénédictions d’Allah
sur lui) faisait l’effort de charger les outils et les
effets personnels de ce vétéran de guerre sur le navire.
Comme un signe de la sagesse divine, la nouvelle arriva à ce
moment-là qui disait allons chercher Kara Hassan et
le délivrer. Alors il vida le palais avec l’excuse qu’il
partait pour l’assiéger. Dans la matinée, il chargea tous
ses biens et sa famille sur neuf navires. Les notables de la
ville et l’homme de Kadioğlu venu pour la paix apportèrent
la clé du château et la laissèrent devant lui. Il dit : « Oh
agitateurs ! Vous êtes responsable de ces Musulmans » et il
monta à cheval et se rendit au navire. Il resta au quai ce
soir-là et les habitants d’Alger pleurèrent son départ.
Leurs adultes et leurs enfants vinrent lui dire au revoir,
pleurèrent et lui demandèrent conseil. Kheireddine Beg dit :
« Patientez pendant trois ans, puis allez où vous voulez, »
et il partit pour Cicelye.
Les combats dans la voie d’Allah de Kheireddine Beg à Cicelye
Lorsque Kheireddine Beg arriva à Cicelye et s’y installa, le
fort de Cicelye était sur la côte du Maghreb et il y avait
pénurie. Il alla en mer avec sept navires, attaqua un groupe
de vaisseaux de neuf navires chargés de blé et coula l’un
d’entre eux. Quand il ramena huit de ces navires, les choses
devinrent moins chères à Cicelye et les gens prièrent pour
lui. Ils trouvèrent sept cents mécréants sur ces navires.
Ensuite, il obtint une bastarda (galère vénitienne) de
vingt-sept places faite pour lui et se livra à la chasse
(aux navires) autour de Tunis avec neuf navires. Il captura
ces Tunisiens qui lui étaient opposés et brûla leurs
navires. Quand ils virent un groupe de six barges chargés de
blé au détroit de Gênes, ils rendirent les navires. Il les
prit et les envoya à Djerba. Puis il arriva et les distribua
aux gens. Les capitaines Aydin et Sha’aban de Tunis
entendirent l’appel de Kheireddine et ils se rassemblèrent
avec douze capitaines et quarante navires puis partirent
pour les rives des mécréants. Ils attaquèrent les villes sur
la côte, pillèrent et prirent avec eux beaucoup de
prisonniers et des marchandises qui les satisfirent. Ils
revinrent et la plupart d’entre eux passèrent l’hiver à
Cicelye.
La défaite d’Ibn Qadi
Quand la puissance politique de Kheireddine Beg était
grande, Kadioğlu avait très peur de lui et il avait
l’habitude de lui rendre service à cause de cela et
Kheireddine Beg ne répondait pas à ses flatteries. Le peuple
d’Alger voulait le voir revenir. Une fois que leurs navires
amenèrent des Musulmans d’Espagne et s’arrêtèrent à Alger
par coïncidence, le député de Kadioğlu ne les autorisa pas à
rester et ils se rendirent à Cicelye. Puis les
Meddecels
(Musulmans qui vivaient sous la domination chrétienne en
Espagne après sa reconquête ou dans un autre pays chrétien)
se plaignirent à Kheireddine Beg et se rendre à Alger avait
été indiqué à Kheireddine dans un rêve. Il quitta donc
Cicelye et envoya d’abord des documents aux Sheikhs d’Alger.
Ils les acceptèrent et vinrent le trouver. Kadioğlu entendit
cela, rassembla vingt mille soldats et vint faire la guerre
à Kheireddine Beg. Il déploya un bataillon de soldats devant
une montagne. Quand il commença à se battre, il fut vaincu
et quatre mille Arabes moururent. Il s’échappa lui-même dans
un endroit très escarpé et se réfugié là. Kheireddine Beg le
pourchassa et Kadioğlu fut tué dans les combats. Certains de
ses soldats s’enfuirent et certains restèrent. Il n’avait
que mille huit cents arquebusiers. Alors les Sheiks bédouins
vinrent de partout et lui portèrent allégeance. Kheireddine
Beg se réconcilia avec eux et reprit ses provinces. Quand
cette nouvelle parvint à Kara Hassan, il s’enfuit à
Cherchell et quand Kheireddine Beg attaqua, ses soldats se
révoltèrent et le tuèrent. |