La
bataille entre les zanj et les Kurdes
Lorsque Muhammad
Ibn ‘Oubaydallah Ibn Azarmard remit les fonds, dont la somme a été
précédemment rapportée, et après qu’il eut été laissé en paix dans
les régions sous sa juridiction, il écrivit à ‘Ali Ibn Aban pour lui
demander son assistance contre un groupe de Kurdes d’un endroit
appelé ad-Dariban, et lui suggéra que tout le butin lui serait remis
ainsi qu’à ses troupes.
‘Ali écrivit
au vil, pour lui demander la permission de le faire et ce dernier
répondit : « N’y va pas en personne mais envoi al-Khalil Ibn Aban et
Bahboud Ibn ‘Abdel Wahhab. N’envoie pas tes troupes avant de
recevoir des otages de Muhammad Ibn ‘Oubaydallah. Les otages
seront sous ton pouvoir et te garantiront la sécurité contre sa
traîtrise. Tu l’as irrité et il n’est pas loin de rechercher la
vengeance ».
Conformément
à ses instructions, ‘Ali écrivit à Muhammad Ibn ‘Oubaydallah
demandant des otages. Muhammad Ibn ‘Oubaydallah lui donna des
assurances et des serments, mais hésita d’envoyer des otages.
Cependant, l’avidité du butin que Muhammad Ibn ‘Oubaydallah
avait fait naître en lui, incita ‘Ali a envoyé ses troupes avec
celle de Muhammad. Quand les forces combinées arrivèrent à
destination, la population locale se défendit et une bataille
s’ensuivit. Au début les zanj eurent la main supérieure; mais plus
tard les Kurdes contre attaquèrent vaillamment et les hommes de Muhammad
Ibn ‘Oubaydallah abandonnèrent traîtreusement le champ de bataille
et s’enfuirent tandis que les troupes des zanj se retirèrent dans le
désordre total.
Auparavant,
Muhammad Ibn ‘Oubaydallah avait préparé un groupe spécial qui
avait été ordonné d’intercepter des gens en fuite. Ce groupe
intercepta et attaqua ceux qui s’enfuirent dont ils saisirent du
butin d’eux. Ils forcèrent un contingent à descendre et prirent
leurs chevaux. Les hommes revinrent chez ‘Ali dans de terribles
conditions.
Al-Mouhallabi
écrivit au vil pour l’informer de ce qui était arrivé à ses hommes
et ce dernier lui répondit d’un air réprobateur : «Je t’avais
ordonné de ne pas compter sur Muhammad Ibn ‘Oubaydallah, et
qu’il t’envoie des otages comme une garantie de coopération.
Maintenant que tu as négligé mes instructions et suivi tes propres
caprices, tu n’as qu’apporté la ruine sur toi et tes compagnons ».
Le vil
écrivit aussi à Muhammad Ibn ‘Oubaydallah et lui dit : « Ton
complot contre les troupes de ‘Ali Ibn Aban n’est pas un secret pour
moi et la punition que tu mérites ne manquera certainement pas de
venir ». Ce message fit peur à Muhammad Ibn ‘Oubaydallah et
il lui répondit une lettre d’humilité et de soumission. Il lui
renvoya aussi les chevaux que ses hommes avaient saisis des troupes
de ‘Ali pendant leur fuite et un message disant : « Je suis allé
trouver avec mes troupes ceux qui ont attaqué al-Khalil et Bahboud.
Je les ai menacés et
intimidé jusqu’à ce qu’ils me remettent ces chevaux que je t’envoie
».
Le vil montra
de nouveau sa colère, en écrivant à Muhammad, le menaçant
qu’il lancerait une énorme armée contre lui. De nouveau Muhammad
lui envoya une lettre d’humilité et soumission. Il envoya un message
à Bahboud lui garantissant de l’argent ainsi qu’à Muhammad
Ibn Yahya al-Kirmani, qui à cette époque exerçait une grande
influence sur ‘Ali et dont il acceptait toujours le jugement.
Bahboud,
avec le soutien de Muhammad Ibn Yahya al-Kirmani,
allèrent chez ‘Ali Ibn Aban pour changer son opinion en faveur de Muhammad
Ibn ‘Oubaydallah et ils atténuèrent la rage et la rancœur qu’il
portait dans son cœur. Alors ils allèrent trouver le vil, et
l’atteignirent juste au moment où il reçut la lettre de Muhammad
Ibn ‘Oubaydallah. Après de longues discussions, il sembla accepter
leur point de vue et accepta ainsi de répondre favorablement à Muhammad
Ibn ‘Oubaydallah à qui il dit : « Après tout cela est arrivé. Je
n’accepterai pas moins qu’un serment de fidélité dans tous les
sermons émanant de toutes les chaires des régions sous ta
juridiction ».
Suite à cela,
Bahboud et al-Kirmani quittèrent le vil et transmirent à Muhammad
Ibn ‘Oubaydallah le résultat de leur audience. Ce dernier leur
répondit qu’il se conformerait à chaque demande, mais il agit
évasivement sur le fait de lui porter allégeance et de mentionner
son nom sur les chaires.
‘Ali resta un
certain temps avant de se préparer et de marcher vers Mattouth. Il
désira ardemment prendre la ville, mais il ne put le faire à cause
des fortifications et des nombreux défenseurs. Frustré, il revint,
rassembla des échelles et des outils pour escalader les murs et,
réunissant de nouveau ses troupes, il se tint prêt. Masrour
al-Balkhi posté dans les régions d’al-Ahwaz, appris que ‘Ali allait
à Mattouth. Quand ‘Ali marcha pour la deuxième fois, Masrour se
déplaça aussi et le dépassa juste près de la ville avant le coucher
du soleil. Quand ‘les hommes de ‘Ali virent les unités d’avant-garde
de la cavalerie de Masrour, ils s’enfuirent de la manière la plus
honteuse, en abandonnant tous les outils qu’ils avaient apportés.
Humilié, ‘Ali se retira, en subissant de lourdes pertes. Bientôt les
nouvelles arrivèrent de l’avancée d’Abou Ahmad. Après sa
retraite de Mattouth, ‘Ali ne se livra à plus aucunes batailles
jusqu’à celle de Souq al-Khamis et Tahitha tomba dans les mains
d’Abou Ahmad. Alors, il reçut une lettre du vil qui le
convoquait et il partit immédiatement.
En l’an 267
de l’Hégire (880), Abou al-‘Abbas Ibn al-Mouwaffaq captura toutes
les villes des régions du Tigre, dont ‘Abdassi et d’autres, que
Souleyman Ibn Jami’, le compagnon du commandant des zanj, avait
conquis.
La victoire d’Abou al-‘Abbas
Quand les
nouvelles de l’entrée des zanj à Wassif et comment ils se
comportèrent atteignirent Abou Ahmad Ibn al-Moutawakkil, il
préconisa à son fils Abou al-‘Abbas, de procéder vers leurs régions
et de lutter contre eux. Abou al-‘Abbas partit aussitôt. Au moment
du départ d’Abou al-‘Abbas, Abou Ahmad alla à Boustan Moussa
al-Hadi pour inspecter les troupes et leur équipement. Il y avait
dix-mille cavaliers et autant de fantassins, tous décorés des plus
beaux et plus élégants uniformes et équipés avec le meilleur
équipement. Il fut fourni des péniches, des galères et des ferrys
pour l’infanterie, tous de la meilleure construction.
Abou
al-‘Abbas quitta Boustan al-Hadi accompagné par Abou Ahmad et
voyagea jusqu’à ce qu’il atteigne al-Firk. Abou Ahmad parti
alors et Abou al-‘Abbas resta plusieurs jours pour finir ses
préparations et rassembler ses troupes. Suite à cela, il partit pour
Mada'in, où il resta pendant un certain temps avant de partir à Dayr
al-‘Aqoul.
Muhammad
Ibn Hammad a rapporté : Mon frère Ishhaq Ibn Hammad
et Ibrahim Ibn Muhammad Ibn Isma’il al-Hashimi, surnommé
Bourayh, Muhammad Ibn Shou’ayb al-Ishtiyam et un grand
groupe des gens qui accompagnèrent Abou al-‘Abbas dans sa marche,
m’ont dit la chose suivante : Après son arrivée à al-‘Aqoul, Abou
al-‘Abbas reçut une lettre de Noussayr Abou Hamzah, le
commandant des péniches et des galères, envoyé avec l’avant-garde.
La lettre l’informa que Souleyman Ibn Jami’ avait déjà atteint
l’île, aux environs de Bardouda avec sa cavalerie, son infanterie
ses péniches et ses galères. Al-Joubba’i était à l’avant-garde. De
plus, Souleyman Ibn Moussa ash-Sha’rani avait atteint Nahr Aban avec
l’infanterie, la cavalerie et les galères. Abou al-‘Abbas parti donc
pour Jarjarayah. De là, il procéda à Fam as-Silh, d’où il
voyagea jusqu’à ce qu’il atteigne le canal. Puis, il envoya des
détachements d’avant-garde pour recueillir des renseignements. Ils
lui apportèrent les nouvelles de l’approche des armées de l’ennemi
s’approchaient, que leurs avant-gardes étaient dans Silh, et
que leur arrière-garde était à Boustan Moussa Ibn Bougha, après
Wassit.
Quand il eut
pris connaissance de ce rapport, Abou al-‘Abbas se détourna des
routes principales et changea de parcours. Ses troupes tombèrent sur
les unités d’avance de l’ennemi, feignirent la retraite et
provoquèrent ce dernier à se lancer à leur poursuite. Les soldats
ennemis crièrent : « Cherchez un général pour vous mener dans la
bataille. Le nôtre est occupé à chasser ». Aussitôt qu’ils
arrivèrent près d’Abou al-‘Abbas à Silh, il les attaqua avec
les cavaliers et l’infanterie. Son appel parvint à Noussayr «
Combien de temps vas-tu courir devant ces chiens ? Reçoit-les! »
Alors Noussayr tourna pour leur faire face. Abou al-‘Abbas, avec Muhammad
Ibn Shou’ayb al-Ishtiyam, monta dans une galère, pendant que les
troupes encerclèrent l’ennemi de toutes les directions et leur
infligèrent une écrasante défaite. Allah à Lui les Louanges et la
Gloire mit l’ennemi fuite devant Abou al-‘Abbas et ses troupes qui
tuèrent et pourchassèrent les zanj jusqu’à ce qu’ils atteignent le
village de ‘AbdAllah, qui était environ à six Farsakhs (trente-six
kilomètres) de l’endroit où l’affrontement avait commencé. Ils
saisirent cinq péniches et un certain nombre de galères. Beaucoup
d’ennemis capitulèrent, d’autres furent pris prisonniers et les
navires susmentionnés furent coulés. Ce fut la première victoire
pour Abou al-‘Abbas, le fils d’Abou Ahmad.
Après la fin
de la bataille de ce jour, ses officiers et ses proches associés
effrayés par la proximité de l’ennemi, conseillère à Abou al-‘Abbas
de monter son camp à l’endroit qu’il avait atteint le long du Canal
Silh, mais il insista pour s’arrêter à Wassit. Après que
Souleyman Ibn Jami’ et ses troupes furent mis en déroute, après
avoir sévèrement été frappés par Allah, Souleyman Ibn Moussa
ash-Sha’rani se retira de Nahr Aban à Souq al-Khamis, pendant que
Souleyman Ibn Jami’ alla à Nahr al-Amir. Avant qu’ils rencontrent
Abou al-‘Abbas, l’ennemi dit : « C’est un jeune immature sans
beaucoup d’expérience et d’entraînement dans la guerre. La meilleure
chose à faire pour nous est de tomber sur lui avec toute notre force
et essayer de l’éliminer dans la première rencontre. Alors, il sera
peut-être si terrifié qu’il se retirera complètement ».
Ils firent ce
qu’ils avaient prévu, rassemblèrent toutes leurs troupes et se
concentrèrent dans leurs efforts, mais Allah Exalté les a frappés
avec Son pouvoir et Sa vengeance. Le lendemain, un vendredi, Abou
al-‘Abbas entra dans Wassit dans une tenue magnifique. Il resta là
pour la prière du vendredi et un grand nombre de gens vinrent se
mettre sous sa protection. Alors il marcha sur al-‘Oumr, six
kilomètres plus loin et établi son camp en disant : « J’établirai
mon camp au-delà de Wassit afin de protéger ceux qui sont au-deçà du
camp et qu’ils soient à l’abri des zanj ». Ce fut Noussayr Abou Hamzah
et ash-Shah Ibn Mikal, qui lui conseillèrent d’établir son camp
au-deçà de Wassit, mais il déclina, en disant : « Je camperai
seulement à al-‘Oumr et vous descendrez tous les deux à l’embouchure
du Bardouda ». Ainsi Abou al-‘Abbas, évita le conseil de ses
compagnons et refusa d’écouter leur point de vue. Il s’arrêta à
al-‘Oumr et commença à construire des péniches.
Alors, il
commença à attaquer l’ennemi sans arrêt. Il assigna ses pages
personnels aux galères, à raison de deux sur chaque vaisseau.
Souleyman se prépara aussi et rassembla ses troupes qui divisa en
trois colonnes : une venant de Nahr Aban, une de Bartoumarta et
l’autre de Bardouda. Abou al-‘Abbas les rencontra et il les mit
rapidement en fuite. Un contingent de l’ennemi resta derrière à Souq
al-Khamis et un autre à Mazrawan.
Certaines
troupes d’Abou al-‘Abbas chassèrent les zanj de Bartoumarta, pendant
que d’autres s’installèrent à al-Madiyan. Abou Ahmad ne
s’arrêta pas avant d’atteindre Nahr Bar Moussawir. Sur ce, avec
l’aide de guides, il inspecta les villages et les routes jusqu’à ce
qu’il revienne dans son camp où il resta avec ses troupes.
Alors qu’il
se trouvait là, un informateur vint l’informer que les zanj avait
rassemblé leurs forces, se préparaient à prendre son armée à
l’improviste et qu’ils s’approchaient de trois directions. Il
rajouta que les zanj avaient dit qu’Abou al-‘Abbas était un jeune
insouciant qui se jetterait la tête la première dans le péril et ils
décidèrent donc de monter une embuscade et de procéder vers lui de
trois directions comme précédemment mentionné. Abou Ahmad se
prépara avec précaution à cette éventualité.
Effectivement, les zanj marchèrent vers lui, après avoir placé
environ dix-mille hommes à Bartoumarta et un même nombre à Qouss
Hatha. Ils envoyèrent vingt galères contre le camp
gouvernemental pour attirer les défenseurs dans les positions des
embusqués. Mais Abou al-‘Abbas empêcha ses hommes de les
pourchasser. Quand l’ennemi vit que la ruse ne marchait pas,
al-Joubba’i et Souleyman arrivèrent ouvertement avec leurs péniches
et leurs galères. Cependant, Abou al-‘Abbas, fit réaligner ses
troupes superbement et donna l’ordre à Noussayr Abou Hamzah
de se présenter avec ses péniches contre l’ennemi. Abou al-‘Abbas
descendit de sa monture et appela une de ses péniches, qu’il avait
nommé la Gazelle. Il instruisit le capitaine Muhammad Ibn
Shou’ayb de choisir des rameurs pour ce vaisseau, dans lequel il
monta. Il choisit aussi parmi ses troupes spéciales et ses pages un
détachement qu’il arma de lances. Alors il ordonna à la cavalerie de
marcher devant lui le long de la rive du fleuve, en les mettant en
garde : « Autant que cela vous est possible, ne ralentissez pas
votre marche jusqu’à ce que les voies navigables obstruent votre
passage ». Il ordonna aussi le transfert de certains des chevaux qui
étaient dans Bardouda.
La bataille
entre les armées adverses s’embrasa. Le champ de bataille dépassa
les limites du village ar-Raml jusqu’à ar-Roussafah. Les zanj furent
vaincus et les troupes d’Abou al-‘Abbas saisirent quatorze péniches.
Souleyman et al-Joubba’i s’enfuirent ce jour-là à pied, échappant à
la mort. Leurs chevaux avec tous leurs ornements et harnais furent
saisis. L’armée gouvernementale entière, sans perdre un soldat
simple, arriva à Tahitha et livrèrent leurs équipements. Abou
al-‘Abbas revint dans son camp dans al-‘Oumr où il resta. Il ordonna
que toutes les péniches saisies et les galères soient réparées et
complétées. Et pendant vingt jours après cette rencontre, aucun des
zanj n’apparut. Tous les trois jours, al-Joubba’i sortait avec ses
éclaireurs et retournait. Au-delà du Canal Sindad, il creusa des
fosses dans lesquelles il planta des pieux de fer et les recouvrit
avec des tapis pour les dissimuler. Ces fosses, furent
intentionnellement dispersées le long de la route prise
habituellement par les cavaliers, devaient piéger les passants.
Alors il s’approcherait des flancs de camp d’Abou al-‘Abbas, en se
montrant aux troupes pour inciter leurs cavaliers à le poursuivre.
Un jour, il
vint et comme d’habitude les cavaliers le poursuivirent, quand le
cheval d’un officier de Ferghana tomba dans une de ces fosses. Les
troupes d’Abou al-‘Abbas se rendirent donc compte de la ruse
qu’al-Joubba’i avait conçu et ils prirent des précautions pour
éviter de passer par cette route. Les zanj harcelèrent le camp tôt
le matin comme chaque jour pour provoquer un engagement et campèrent
même à Nahr al-Amir en force mais en vain car les troupes
s’abstinrent de lutter environ un mois.
Souleyman
écrivit alors au chef des zanj, et lui demanda de le renforcer avec
des galères de quarante rameurs chacun. Et, effectivement, au cours
des vingt prochains jours, quarante galères arrivèrent, chacune
transportant deux hommes d’armes. Tous les marins furent équipés
d’épées, de lances et de boucliers. Al-Joubba’i établit sa position
en face de l’armée d’Abou al-‘Abbas et les forces adverses reprirent
leur contact journalier. Mais chaque fois que les troupes d’Abou
al-‘Abbas se lançaient contre les forces d’al-Joubba’i, ces
derniers, au lieu de tenir leurs positions, se retireraient, pendant
que leur soldat détruisaient les ponts, tiraient sur les cavaliers à
portée de leurs flèches, ou incendiaient les navires de Noussayr
qu’ils trouvaient lors de leur patrouille. Cela dura environ deux
mois, durant lesquels Abou al-‘Abbas prépara une embuscade contre
l’ennemi au village de Rami et plusieurs galères furent avancées
devant les troupes pour servir d’appât. Abou al-‘Abbas ordonna aussi
deux galères, l’une pour lui et l’autre pour Ziraq et sélectionna
pour ces vaisseaux un certain nombre de ses pages qu’il connaissait
pour être des combattants valeureux. Il assigna à Badr et Mou’nis
une galère, Rashiq al-Hajjaji et Youmn à une autre, Khafif et
Yousr à une troisième et Nadir et Wasif à un quatrième. Il prépara
quinze galères, avec deux hommes en armes dans chacune d’entre elles
et les envoya au-devant devant des forces armées.
Muhammad
Ibn Shou’ayb al-Ishtiyam a rapporté : Je faisais partie de ceux qui
furent envoyés en avant ce jour. Les zanj saisirent un certain
nombre de galères avancées et prirent des prisonniers. J’ai crié à
la hâte d’une grande voix : « L’ennemi a saisi nos galères ».
Aussitôt qu’il entendit cela, Abou al-‘Abbas, qui prenait son petit
déjeuner, se dépêcha vers les galères qui lui avaient été préparées.
L’armée s’avança, mais Abou al-‘Abbas n’attendit pas que ses hommes
le rejoignent et seuls ceux qui étaient prêts à bouger rapidement le
suivirent. Nous atteignîmes les zanj et quand ils nous virent, Allah
Exalté remplit leurs cœurs de la terreur et ils plongèrent dans
l’eau et s’enfuirent. Nous sauvâmes nos troupes et capturâmes trente
et un des galères zanj, cependant, al-Joubba’i réussi à s’enfuir
avec trois d’entre elles. Ce jour-là Abou al-‘Abbas tira tellement
de trait avec son arc, que ses pouces commencèrent à saigner et il
se retira. Je crois que si nous avions persisté en faisant un effort
maximum dans la poursuite d’al-Joubba’i ce jour, nous aurions pu le
saisir mais nous nous sommes retenus de le faire à cause de la
fatigue extrême.
Abou
al-‘Abbas et la plupart de ses troupes revinrent à leurs endroits à
l’embouchure du Bardouda, sans avoir perdu un seul homme. Après être
arrivé dans son camp, Abou al-‘Abbas accorda à tous ceux qui étaient
partis avec lui, des colliers, des robes d’honneur, des bagues et
ordonna que les galères saisies des zanj soient réparées.
Il donna
l’ordre à Abou Hamzah de prendre positions avec ses hommes et
ses péniches sur le Tigre devant Khousrousabour.
Abou
al-‘Abbas décida alors de pénétrer le territoire ennemi le long du
canal Mazrawan vers la ville appelée al-Hajjajiyah et ensuite
vers Nahr al-Amir. En se positionnant à ces endroits, il trouverait
les routes suivies par les galères zanj. Noussayr fut ordonné de se
déplacer avec ses péniches et ses galères et il quitta la route à
Mazrawan pour la région de Nahr al-Amir. Abou al-‘Abbas appela sa
galère, embarqua avec Muhammad Ibn Shou’ayb et entra dans
Mazrawan. Croyant que Noussayr était devant lui, il dit à Muhammad
: « Part en amont pour que je puisse avoir des nouvelles de
Noussayr » et ordonna à la péniche et les galères de suivre Muhammad.
Muhammad
Ibn Shou’ayb a rapporté : Nous procédâmes jusqu’à ce que, près d’al-Hajjajiyyah,
nous tombâmes sur un transport avec dix zanj. Nous nous sommes
dépêchés vers lui et les zanj se jetèrent dans l’eau. En montant
dans le bateau, nous avons découvert qu’il était plein d’orge ainsi
qu’un zanj que nous saisîmes et questionnâmes à propos de Noussayr
et de ses péniches. Mais il nous dit « Aucune péniche ni galère
n’est entrée dans cette voie navigable ». Nous restâmes perplexes
tandis que le zanj glissa entre nos mains et alla informer ses
camarades de notre position. Nos marins trouvèrent un certain nombre
de moutons qu’ils emportèrent.
Muhammad
Ibn Shou’ayb a rapporté : Je suis resté seul avec Abou al-‘Abbas. Et
très peu de temps après un commandant zanj appelé Mountab apparut
avec un groupe d’hommes sur un côté du canal et dix zanj de l’autre.
En le voyant, nous sommes sortis en vitesse, Abou al-‘Abbas avec son
arc et flèches et moi avec ma lance. Je l’ai couvert pendant qu’il
tirait des flèches sur les zanj et blessa deux d’entre eux. Mais ils
augmentèrent leur l’attaque et leur nombre augmenta. Nous vîmes
alors Ziraq avec les péniches et les pages qui les accompagnaient. À
ce moment, environ deux-mille zanj étaient autour de nous des deux
côtés de Mazrawan. Mais Allah Exalté leur infligea leur dû et
repoussa les zanj, complètement humiliés. Abou al-‘Abbas revint dans
son camp après que ses troupes ai saisi un grand nombre de moutons,
de vaches et de buffles. Il ordonna que trois de ses marins qui
étaient parti pour saisir le bétail, soient décapités tandis que
ceux qui étaient restés reçurent un mois de salaire supplémentaire.
Abou al-‘Abbas publia aussi un avertissement qu’aucun des marins ne
devait quitter leurs galères durant les confrontations et quiconque
violerait cet ordre serait punis de la peine capitale. Tous les zanj
fuirent à Tahitha. Abou al-‘Abbas resta dans son camp à al-‘Oumr
pendant que des patrouilles se déployèrent dans toutes les régions
environnantes. Cette situation dura quelque temps.
Pendant ce
temps, Souleyman Ibn Jami’ réunit ses troupes et officiers et se
retrancha à Tahitha, pendant qu’ash-Sha’rani fit de même à Souq
al-Khamis. À as-Siniyyah, les zanj avaient aussi une énorme armée
commandée par Nasr as-Sindi. Ils pillèrent tout ce qui était à
portée de main y compris toutes les récoltes et se fortifièrent dans
les endroits où ils étaient postés.
Abou
al-‘Abbas envoya certains de ses commandants à cheval aux environs
d’as-Siniyah dont ash-Shah, Koumoushjour, al-Fadl Ibn Moussa Ibn
Bougha et son frère Muhammad. Abou al-‘Abbas, avec Noussayr
et Ziraq, naviguèrent sur les péniches et les transports. Il ordonna
que la cavalerie soit transférée de Bar Moussawir à la route
d’az-Zouhr. L’armée avança jusqu’à ce qu’elle atteigne al-Hourth,
après quoi Abou al-‘Abbas ordonna que les bêtes de somme soient
transférées là. Les animaux furent transportés à travers l’eau, et
atteignirent ainsi la rive ouest du Tigre. Abou al-‘Abbas donna
alors l’ordre à l’armée de marcher le long de la route vers Dayr
al-‘Oummal.
Quand les
zanj remarquèrent la cavalerie, ils furent saisis de terreur.
Certains se jetèrent à l’eau et d’autres se précipitèrent vers leurs
vaisseaux. En très peu de temps ils furent submergés par les
péniches d’Abou al-‘Abbas et ses galères. En voyant qu’il n’y avait
aucune fuite possible, les zanj voulurent se rendre.
Un groupe
d’entre eux fut tué, d’autres furent capturés et certains sautèrent
dans l’eau. Les troupes d’Abou al-‘Abbas saisirent leurs vaisseaux
remplis de riz ainsi que la galère du commandant zanj, Nasr
as-Sindi. Le reste des zanj fuit, un contingent à Tahitha et l’autre
à Souq al-Khamis. Abou al-‘Abbas, chargé de butin, revint dans son
camp. Il conquit as-Siniyah et expulsa les zanj qui s’y trouvaient.
Muhammad Ibn
Shou’ayb a rapporté : Pendant que nous luttions contre les zanj à
as-Siniyah, Abou al-‘Abbas remarqua une grue de Numidie[1] volant. Il la visa et l’a perça avec sa flèche. La
grue tomba à terre devant les zanj, qui la ramassèrent et, en
examinant le trou de la blessure ils s’aperçurent qu’elle avait été
provoqué par la flèche d’Abou al-‘Abbas. Cela augmenta leur peur et
ce fut la raison de leur fuite.
Certaines
sources fiables ont rapporté qu’Abou al ‘Abbas tira la flèche sur la
grue dans une autre occasion.
Abou
al-‘Abbas fut informé qu’une énorme force commandée par deux zanj,
Thabit Ibn Abi Doulaf et Lou’lou’, était postée à ‘Abdassi. Avec un
détachement de cavaliers choisit, ses vaillants pages et des
officiers courageux, il marcha vers ‘Abdassi pour engager l’ennemi.
À l’aube, il atteignit l’endroit où ils étaient localisés et les
écrasa, en tuant un grand nombre de leurs meilleurs hommes. La force
des zanj fut mise en déroute. Abou al-‘Abbas captura leur chef,
Thabit Ibn Abi Doulaf, épargna sa vie et le confia à un de ses
officiers. Quant à celui appelé Lou’lou’, il reçut une flèche qui le
tua. Un grand nombre de femmes musulmanes prisonnières qui étaient
dans les mains des zanj furent sauvées ce jour. Abou al-‘Abbas
ordonna qu’elles soient libérés et rendus à leurs familles. Il
saisit tout que les zanj avait recueilli au cours de leurs
nombreuses années de pillage.
Abou
al-‘Abbas revint alors dans son camp et ordonna à ses troupes de se
reposer en préparation de la marche contre Souq al-Khamis. Il appela
Noussayr et lui donna l’ordre de tenir ses hommes prêts à marcher.
Noussayr lui dit : « Le canal à Souq al-Khamis est étroit. Reste ici
et permet-moi d’aller le vérifier » Mais Abou al-‘Abbas refusa parce
qu’il s’attendait à l’arrivée de son père, Abou Ahmad, qui
lui avait écrit une lettre et l’informait de son intention de venir.
Muhammad
Ibn Shou’ayb a rapporté : Abou al-‘Abbas m’a appelé et m’a dit : «
Je dois prendre Souq al-Khamis ». À cela j’ai répliqué : « Si, comme
tu le dis, il t’est absolument nécessaire de le faire, ne prend pas
un grand nombre de gens dans les péniches. N’excède pas plus de
treize pages, dix archers et trois lanciers, car je n’aimerais pas
avoir les péniches encombrées dans ce canal étroit ».
Lorsqu’Abou
al-‘Abbas fut prêt, il se mit en route précédé par Noussayr. Quand
ils atteignirent l’embouchure du canal Bar Moussawir, Noussayr dit :
« Envoie-moi en avant ». Abou al-‘Abbas donna son agrément et
Noussayr procéda avec quinze péniches. Un des officiers parmi les
Mawlah, Moussa Daljawayh, qui avait demandé la permission d’aller en
avant, fut autorisé à le faire.
Abou
al-‘Abbas avança jusqu’à ce que son voyage le mena à Bassami puis de
là, il alla à l’embouchure du Baratiq, puis au canal Riqq et
finalement à la voie navigable traversant Rawata et ‘Abdassi. Ces
trois voies navigables conduisaient à trois routes différentes.
Noussayr se mit en route le long du canal Baratiq, c’est-à-dire la
route menant à Madinat Souleyman Ibn Moussa ash-Sha’rani, qu’il
appela la forteresse de Souq al-Khamis.
Abou
al-‘Abbas resta à l’embouchure de ce canal et Noussayr avança
jusqu’à ce qu’il disparut de la vue et on n’entendit plus rien de
lui. Alors, un grand nombre de zanj arrivèrent contre nous à cet
endroit et nous empêchèrent d’entrer dans le canal. Ils se placèrent
entre nous et l’approche aux murs, la distance entre l’endroit où
nous nous trouvions et les murs entourant Madinat ash-Sha’rani était
d’environ douze kilomètre. Ils tinrent ferme leur position et nous
engagèrent dans la bataille. La bataille entre nous, eux luttant sur
la terre et nous à bord des navires au bord du canal, fit rage du
matin à midi, alors que nous n’avions toujours pas reçu de nouvelles
de Noussayr. Alors les zanj crièrent : « Nous avons attrapé
Noussayr. Qu’allez-vous faire ? Nous vous suivrons où que vous
alliez! »
Abou
al-‘Abbas devint très préoccupé quand il entendit cela et Muhammad
Ibn Shou’ayb demanda la permission d’aller découvrir ce qui était
arrivé à Noussayr qui lui fut accordé. Il partit dans une galère
avec vingt rameurs et atteignit Noussayr Abou Hamzah qui
s’était approché du barrage que les débauchés avaient construit. Ils
découvrirent qu’il venait de mettre le feu au barrage et à leur
ville et qu’il s’était livré à une lutte violente et victorieuse
contre eux. Les zanj avait saisi initialement certaines des péniches
d’Abou Hamzah, mais il avait réussi à les récupérer.
Muhammad Ibn
Shou’ayb revint à Abou al-‘Abbas et lui rapporta les bonnes
nouvelles que Noussayr et ses hommes étaient sûrs ainsi que leurs
exploits et Abou Ahmad se réjouit. Ce jour, Noussayr captura
un grand nombre de zanj avant de revenir à l’endroit où se trouvait
Abou al-‘Abbas.
Après le
retour de Noussayr, Abou al-‘Abbas dit : « Je ne quitterai pas cet
endroit avant de les combattre de nouveau ce soir », ce qu’il fit.
Il donna l’ordre à ses hommes d’exposer une de ses péniches aux
zanj, et de dissimuler le reste. À la vue du vaisseau, les zanj,
anxieux de le capturer, partirent à sa poursuite. L’équipage de
cette péniche la maintint à une lente vitesse pour que les zanj la
dépassent et alors les marins accélérèrent pour atteindre la
position des péniches qui se trouvaient en embuscade.
Abou
al-‘Abbas, qui portait un gilet de valeur au-dessus de sa cotte de
mailles, était à bord d’une galère, et avait placé sa péniche
derrière lui. Quand il remarqua qu’un zanj s’était cramponné à la
péniche, il se précipita vers lui juste au moment où un des zanj
empoigna le gouvernail. Les zanj encerclèrent Abou al-‘Abbas de tous
les côtés et le criblèrent de flèches et de pierres.
Muhammad
continua : Ce jour nous avons extrait vingt-cinq flèches du gilet de
valeur d’Abou al-‘Abbas. quarante flèches de sa coiffe et entre
vingt-cinq et trente flèches des autres marins. Allah Exalté captura
par les mains d’Abou al-‘Abbas six galères zanj tandis que la
péniche fut sauvée et les zanj s’enfuirent. Abou al-‘Abbas et ses
hommes préparèrent la berge et chargèrent les guerriers zanj avec
leurs épées et leurs boucliers. L’ennemi fuit dans la panique sans
un regard en arrière. En toute tranquillité et avec le butin, Abou
al-‘Abbas revint. Il couvrit ses marins avec des robes d’honneur et
leur accorda des cadeaux. Alors il revint dans son camp à al-‘Oumr
où il resta jusqu’à l’arrivée d’al-Mouwaffaq.
Le 11 du mois
de Safar, Abou Ahmad Ibn al-Moutawakkil campa à al-Firk.
Alors il quitta Baghdad (madinat as-salam) et se dirigea vers
le camp du chef des zanj, en ayant l’intention de lui livrer
bataille après qu’Abou Ahmad fut informé que le chef des zanj
avait écrit à son lieutenant, ‘Ali Ibn Aban al-Mouhallabi, lui
donnant l’ordre de marcher avec toutes ses troupes à l’endroit de
Souleyman Ibn Jami’, pour rejoindre ses forces pour combattre Abou
al-‘Abbas Ibn Abi Ahmad.
Abou Ahmad
resta dans al-Firk plusieurs jours pour permettre à ses troupes et à
tous les volontaires de le rejoindre. Il avait préparé des péniches,
des galères, des bacs et les bateaux. Alors, le mardi 2 du mois de
Rabi’ Awwal, lui, ses Mawlah, ses pages, sa cavalerie et son
infanterie quittèrent al-Firk, pour Roumiyyat al-Mada'in. De là, ils
voyagèrent jusqu’à as-Sib, Dayr al-‘Aqoul, Jarjarayah, Qounnah,
Jabboul, as-Silh jusqu’à un endroit à cinq kilomètres de
Wassit où il resta un jour et une nuit avant d’être rencontré par
son fils Abou al-‘Abbas et un escadron de cavalerie incluant ses
principaux officiers et hommes. Abou Ahmad se renseigna sur
l’état de ses hommes et son fils lui écrivit leur dévouement et leur
courage au combat. Il ordonna alors que des robes d’honneur leur
soient octroyées ainsi qu’à Abou al-‘Abbas. Sur ce, son fils revint
dans son camp à al-‘Oumr où il resta tout au long du jour. Tôt le
matin du jour suivant, Abou Ahmad navigua avant d’être
rencontré de nouveaux par son fils, Abou al-‘Abbas et toutes ses
troupes en formation militaire, totalement équipé comme s’ils
allaient combattre les forces du vil. Abou Ahmad navigua de
nouveau jusqu’à ce qu’il atteigne son camp sur la voie navigable
appelée Shirzad, où il s’arrêta.
Le jeudi 28
du mois de Rabi’ Awwal, il partit et s’arrêta au canal Nahr Sindad,
en face du village ‘AbdAllah. Il donna l’ordre à son fils Abou
al-‘Abbas de s’arrêter sur la rive est du Tigre, en face de
l’embouchure de Bardouda et lui confia la charge de l’avant-garde.
Alors il distribua les allocations des soldats et les paya. Puis, il
donna l’ordre à son fils d’avancer devant lui avec son équipement
vers l’embouchure du canal Bar Moussawir.
Abou
al-‘Abbas partit avec les meilleurs éléments de ses officiers et de
ses troupes, dont Ziraq at-Turki, le commandant de son avant-garde
et Noussayr Abou Hamzah, l’amiral des péniches et des
galères. Puis, Abou Ahmad se mit à son tour en route avec des
membres d’élite de sa cavalerie et de son infanterie, laissant dans
son camp derrière lui, le corps central de son armée, un grand
nombre de ses cavaliers et de ses fantassins.
Son fils Abou
al-‘Abbas le rencontra avec un déploiement de captifs, de têtes et
de corps d’ennemis tués parmi les troupes d’ash-Sha’rani car, ce
même jour, avant l’arrivée de son père Abou Ahmad, Abou
al-‘Abbas fut attaqué par ash-Sha’rani dans son camp. Abou al-‘Abbas
l’écrasa sévèrement, tua un grand nombre de ses hommes et prit des
captifs. Abou Ahmad ordonna que les captifs soient décapités,
et ils furent exécutés. Alors Abou Ahmad descendit à
l’embouchure de Bar Moussawir, où il resta deux jours. De là, le
mardi 8 du mois de Rabi’ Thani, il partit de Souq al-Khamis avec
tous ses hommes et son équipement pour la ville que le chef des zanj
avait appelée al-Mani’ah bi-Souq al-Khamis (la citadelle près de
Souq al-Khamis). Il procéda avec ses navires le long de Bar
Moussawir tandis que la cavalerie marchait devant lui le long de la
rive est de la voie navigable jusqu’à ce qu’ils atteignent la voie
navigable de Baratiq, qui mène à Madinat ash-Sha’rani. Abou Ahmad
préféra commencer à lutter contre Moussa ash-Sha’rani avant de
lutter contre Souleyman Ibn Jami’ parce qu’ash-Sha’rani, se trouvait
sur ses arrières et pour ne pas être pris entre deux. C’est pourquoi
il se mit en route contre ash-Sha’rani. Il ordonna à la cavalerie de
traverser le canal et procéder le long des deux rives du Baratiq.
Abou Ahmad donna l’ordre aussi à son fils Abou al-‘Abbas
d’avancer avec une flottille de péniches et de galères qu’il suivit
lui-même avec des péniches avec le corps central de son armée.
Quand
Souleyman, ses troupes zanj et d’autres virent la cavalerie et
l’infanterie procédant sur les deux rives du canal et les navires
avançant le long de la voie navigable, après qu’Abou al-‘Abbas les
ait rencontrés et engagés dans une escarmouche, ils s’enfuirent et
se dispersèrent. Les troupes d’Abou al-‘Abbas grimpèrent les murs et
tuèrent tous ceux qui s’opposèrent à eux. Quand les zanj et leurs
partisans se dispersèrent, Abou al-‘Abbas et ses forces entrèrent
dans la ville, tuèrent un grand nombre de ses gens, prirent beaucoup
de prisonniers et saisirent tout ce qui se trouvait là. Ash-Sha’rani
et ceux qui s’enfuirent avec lui furent poursuivis par les hommes
d’Abou Ahmad jusqu’aux marais où beaucoup d’entre eux se
noyèrent. Le reste se sauva en fuyant dans les bois.
Sur ce, Abou
Ahmad donna l’ordre à ses troupes de revenir dans leur camp
avant le coucher du soleil de ce mardi et il se retira. Environ
cinq-mille femmes musulmanes et certaines femmes zanj, capturées
dans Souq al-Khamis et retenues prisonnières furent sauvées. Abou Ahmad
donna des instructions pour s’occuper de toutes les femmes, de les
transférer à Wassit et de les rendre à leurs familles.
Abou Ahmad
passa cette nuit en face du canal Baratiq et tôt le matin du jour
suivant, il entra dans la ville et donna la permission des gens de
prendre toutes les possessions zanj. Tout ce qui se trouvait dans la
ville fut saisi. Abou Ahmad ordonna alors de raser des murs, de
combler les tranchées et de brûler tous les navires restants. Puis,
il partit pour son camp à Bar Moussawir avec le butin prit dans les
régions et les villages auparavant possédés par ash-Sha’rani et ses
hommes dont les récoltes de blé, d’orge et de riz. Il ordonna que
les récoltes soient vendues et l’argent ramassé soit utilisé pour
payer les pages de ses Mawlah, les troupes de son armée régulière et
d’autres gens de son camp.
Souleyman
ash-Sha’rani s’enfuit avec ses deux frères et d’autres, mais il
perdit ses enfants et ses possessions. Après avoir rejoint al-Madar
il informa le vil, le chef des zanj, de ce qui lui était arrivé et
qu’il s’était réfugié dans al-Madar.
Muhammad
Ibn Hisham, surnommé Abou Wathilah al-Kirmani a dit : J’étais en
présence du vil, qui avait eu une discussion, quand la lettre de
Souleyman ash-Sha’rani arriva avec les nouvelles de la bataille et
de sa fuite à al-Madhar. Aussitôt qu’il lut la lettre descellée, son
œil tomba sur le passage décrivant la défaite, ses muscles
d’intestin se desserrèrent et il se leva pour se soulager, avant de
revenir. Comme son assemblée vint pour recevoir leurs ordres, il
prit la lettre et la lut de nouveau et quand il a atteignit le
passage qui le dérangea la première fois, il repartit encore une
fois. Cela s’est répété plusieurs fois. Il ne faisait aucun doute
qu’une grande calamité était arrivée et je me suis abstenu de lui
poser des questions. Lorsqu’un certain temps ce fut écoulé, je me
suis hasardé à dire : « N’est-ce pas la lettre de Souleyman Ibn
Moussa ? » Il répondit : « Oui, et un paquet de nouvelles navrantes,
aussi. Il a été sévèrement écrasé par ceux qui sont effectivement
tombés sur lui, un terrible évènement qui laissera certainement des
marques. Il a écrit cette lettre d’al-Madhar et sauvé à peine sa
propre peau ».
J’ai jugé ces
nouvelles capitales et seul Allah Dieu sait la joie qui remplit mon
cœur, mais je l’ai dissimulé et me suis retenu de me réjouir à la
perspective du soulagement approchant. Cependant, le vil retrouva
l’autodiscipline face à la vicissitude et montra de la fermeté. Il
écrivit à Souleyman Ibn Jami’, et le mise en garde contre le destin
d’ash-Sha’rani, lui donna l’ordre d’être vigilant et attentif à ce
qui pourrait se présenter devant lui.
Al-Mouwaffaq
resta dans son camp à Bar Moussawir durant deux jours pour
recueillir des renseignements sur ash-Sha’rani et Souleyman Ibn
Jami’ et découvrit la base de ce dernier. Quand certains espions
envoyés lui apportèrent les renseignements que Souleyman Ibn Jami’
avait établi son camp dans le village d’al-Hawanit, il
ordonna immédiatement à la cavalerie de traverser vers la région de
Kaskar sur la rive ouest du Tigre. Il voyagea lui-même en bateau et
ordonna aux péniches et aux transports d’infanterie de procéder vers
al-Kathithah. Al-Mouwaffaq quitta le corps de son armée, ainsi
qu’une grande troupe d’infanterie et de chevaux, à l’embouchure de
Bar Moussawir et donna l’ordre à Boughraj de rester placé là. Après
son arrivée dans as-Siniyah, Abou Ahmad donna l’ordre à Abou
al-‘Abbas d’avancer rapidement avec les péniches et les galères à
al-Hawanit pour vérifier les renseignements sur la position
de Souleyman Ibn Jami’. Si l’ennemi affichait le relâchement, Abou
al-‘Abbas devait immédiatement l’attaquer. Ce soir même, Abou
al-‘Abbas arriva dans al-Hawanit et, au lieu de Souleyman, il
trouva les officiers noirs, Shibl et Abou an-Nida’, deux des
premiers compagnons du rebelle. Les deux étaient renommés pour leur
courage et leur bravoure et lui était associés dès le tout début de
sa révolte. Les officiers avaient été laissés par Souleyman Ibn
Jami’ pour garder les vastes cultures de la région. Abou al-‘Abbas
les engagea, en déplaçant ses péniches dans une étroite voie
navigable. Il tua quelques fantassins et en blessa beaucoup d’autres
avec les flèches. Ils étaient les plus vaillants hommes de Souleyman
Ibn Jami’, ses choisis sur qui il dépendait. La bataille entre les
groupes adverses dura jusqu’à la tombée de la nuit.
D’après Muhammad
Ibn Hammad, ce fut la bataille dans laquelle Abou al-‘Abbas
tira la grue et à laquelle Muhammad Ibn Shou’ayb fit allusion
comme la bataille d’as-Siniyah, l’oiseau passa sur son côté droit.
Ce jour, un
homme se rendit à Abou al-‘Abbas. Quand Abou al-‘Abbas lui demanda
la position de Souleyman Ibn Jami’, il répondit que ce dernier était
posté dans Tahitha. Abou al-‘Abbas revint chez son père avec les
nouvelles que le véritable endroit où se trouvait Souleyman était la
ville qu’il appelait al-Mansourah et qui était dans l’endroit connu
comme Tahitha. De même, il dit à son père que tous les officiers de
Souleyman étaient avec lui excepté Shibl et Abou an-Nida’, qui
étaient à al-Hawanit qui avait été ordonné de surveiller la
région. Aussitôt qu’il apprit la nouvelle, Abou Ahmad donna
l’ordre de se mettre en route pour Bardouda, dont la route menait à
Tahitha. Abou al-‘Abbas partit en avant avec les péniches et les
galères et ordonna à tout ce qui était resté à Bar Moussawir de
marcher vers Bardouda. Le jour suivant, ou il donna des instructions
à Abou al-‘Abbas, Abou Ahmad parti pour Bardouda et, après
avoir marché durant deux jours, il arriva le vendredi 17 du mois de
Rabi’ Thani de l’année 267 de l’Hégire (880). Il y resta pour les
préparations nécessaires de son armée, pour effectuer le paiement
des soldats et réparer les ferries qui devaient être emportés. Il
recueillit aussi de nombreux ouvriers et l’équipement nécessaire
pour bloquer les canaux et réparer les routes pour les chevaux. Il
laissa Boughraj at-Turki dans Bardouda.
Quand Abou Ahmad
décida d’aller à Bardouda, il ordonna à un de ses pages appelé
Jou’lan, qu’il avait laissé dans le camp de Boughraj, de démonter,
d’emmener ses tentes et les armes à Bardouda avec les animaux qu’il
avait laissé dans son camp. Au moment de la fin de la prière du
soir, alors que les gens ne s’y attendaient pas, Jou’lan révéla
l’ordre qu’il avait reçu. Alors ils suspectèrent que l’ordre lui
avait été donné à cause d’une défaite et ils s’enfuirent du camp
abandonnant leurs tentes et leurs provisions. Craignant que l’ennemi
soit très proche, ils se dispersèrent chacun de son coté, évitant
toute compagnie, et, dans l’obscurité de la nuit, s’enfuirent vers
leur camp dans Bardouda. Par la suite, ils apprirent la véritable
situation et retrouvèrent leur calme.
Le 26 du mois
de Rabi’ Thani, Abou Ahmad et ses troupes entrèrent dans
Tahitha et évincèrent Souleyman Ibn Jami’. Au cours de cette
bataille, Ahmad Ibn Mahdi al-Joubba’i fut tué.
[1]
La Numidie : Ancienne province de l’empire romain située
entre l’est de l’actuelle Tunisie et la Mauritanie.