Les
zanj
Tôt le samedi
matin 28 du mois de Ramadan, ‘Ali quitta le château al-Qourashi.
Quand il atteignit la partie la plus éloignée du château, certains
esclaves des Shourajiyine d’al-Attar le rencontrèrent et lui
parlèrent de leurs affaires. ‘Ali ordonna de tous les saisirent avec
leur agent, soit une cinquantaine d’esclaves et de leur mettre les
fers. Puis, ‘Ali procéda vers un endroit où as-Sana’i travaillait et
environ cinq-cents esclaves furent saisis et parmi eux Abou Houdayd.
Leurs agents furent aussi enchaînés et emmenés. On appela l’endroit
où cela se produisit Nahr al-Moukathir. ‘Ali procéda vers une place
appartenant à as-Sirafi ou cent-cinquante autres esclaves furent
capturés, dont un individu appelé Zourayq et un autre connu sous le
nom d’Abou al-Khanjar. De même, à un endroit appartenant à Ibn
‘Afa', Tariq, Soubayh al-A’sar, Rashid al-Maghribi et Rashid
al-Qarmafi furent capturés quatre-vingts nouveaux esclaves.
L’endroit suivant était celui d’Isma’il, qui était connu comme un
esclave de Sahl at-Tahhan. ‘Ali continua d’opérer de cette
manière tout le jour jusqu’à ce qu’il ait réunit un grand nombre des
esclaves Shourajiyine.
Lorsqu’il les
eut réunis, ‘Ali se leva et leur parla, leur redonna le moral en
leur promettant de les mener, de les commander et de leur donner
possession de propriété. Il leur jura solennellement qu’il ne les
tromperait pas, ni ne les trahirait et qu’ils seraient traités
convenablement par lui. ‘Ali convoqua alors leurs maîtres et leur
dit : « Je voulais tous vous décapiter pour la façon dont vous
traitiez ces esclaves, avec arrogance et coercition et des façons
qu’Allah a défendues, en les conduisant au-delà de l’endurance. Mais
mes compagnons m’ont parlé de vous et maintenant j’ai décidé de vous
libérer ».
Ils
répondirent que les esclaves étaient des fugueurs réguliers, qu’ils
fuiraient ‘Ali à la première occasion et qu’ensuite tant lui qu’eux
seraient les perdants. Ils dirent : « Remettez-les nous et
permettez-nous de vous payer en compensation d’eux ». ‘Ali ordonna à
leurs esclaves d’apporter des fouets faites de branches de palmier
et tandis que leurs maîtres étaient allongés sur la terre, ils
donnèrent à chacun d’entre eux cinq-cents flagellations. ‘Ali leur
fit porter un serment, sous peine de répudier leurs femmes, de ne
jamais divulguer son endroit à quelqu’un, ni de révéler le nombre de
ses partisans. Ils furent libérés après cela et envoyés à Basra.
L’un d’entre
eux, un homme appelé ‘AbdAllah, surnommé Karikhah, traversa le
Doujayl et conseilla aux Shourajiyine de garder leurs esclaves
soigneusement. Et il y en avait environ quinze-mille à cette époque.
Après avoir
exécuté la prière de l’après-midi ‘Ali s’aventura en avant de
nouveau jusqu’à atteindre la rive du Doujayl ou il trouva des
bateaux chargés de composte d’excréments et de cendres attendant la
marée montante pour entrer dans le port. Ensemble avec ses
partisans, il traversa le fleuve en passant sur les bateaux et
continua ensuite à Nahr[1]
Maymoun. Il établit son quartier dans la mosquée située au milieu du
marché qui s’étendait le long de Nahr Maymoun. Il poursuivit ses
efforts pour réunir des noirs pour
son camp jusqu’au temps de la prière de rupture du jeûne de
Ramadan. Le jour de ‘Id al-Fitr, il ordonna à ses partisans de se
réunir pour la prière. Quand ils furent alignés, sa bannière fut
plantée dans la terre. ‘Ali pria avec eux et dans un sermon il leur
rappela leur précédent minable état et que Dieu, par lui, les avait
sauvés. ‘Ali leur dit qu’il voulait améliorer leur condition, en
leur donnant des esclaves, de l’argent et des maisons pour qu’ils
puissent accomplir de grandes choses. Il fit alors un serment
solennel et quand la prière et le sermon furent finit, il ordonna à
ceux qui avaient compris ces mots de les traduire aux non arabes
pour leur remonter le moral. Après cela, ‘Ali revint dans son
château.
Un jour plus
tard, il se mit en route pour Nahr Bour, où un détachement de ses
troupes rencontra un détachement du commandant al-Himyari
qu’il repoussa dans le désert. ‘Ali Ibn Muhammad, le chef de
ces esclaves noirs appelés zanj, accompagné par un peu plus de
troupes, rejoignit d’autres forces et ensemble, ils vainquirent al-Himyari
et ses troupes, en les repoussant vers les habitations bordant le
Tigre. Un des surintendants des noirs, appelés Abou Salih,
surnommé al-Qassir, demanda la protection pour lui et trois-cents
zanj. ‘Ali la leur accorda gracieusement et leur promit la bonne
chance. Quand le nombre de zanj rassemblé augmenta de façon
significative, il nomma des chefs parmi eux et promis à quiconque
d’entre eux qui apporterait un autre zanj, lui serait attaché.
On a aussi
rapporté que ‘Ali ne nomma des commandants qu’après la bataille
d’esclaves à Bayan et à Sabkhat al-Qandal.
Ibn Abi ‘Awn
fut transféré du poste de gouverneur de Wassit à celui
d’al-Ouboullah et aux districts du Tigre. Le jour ou ‘Ali Ibn Muhammad
nomma ses commandants, il reçut des nouvelles qu’al-Himyari,
‘Aqil, et Ibn Abi ‘Awn, qui étaient postés dans al-Ouboullah,
avaient avancé vers lui et établis leur camp à Nahr Tin. ‘Ali
ordonna à ses troupes de partir à ar-Raziqiyah, à l’extrême
d’al-Badaward ou il arriva au moment de la prière de midi, qu’ils
exécutèrent avant de se préparer pour la bataille. Entre le temps
des prières de midi et de
l’après-midi, ‘Ali partit d’ar-Raziqiyah avec ses troupes et
se hâta de revenir en arrière vers al-Muhammadiyah, en
plaçant ‘Ali Ibn Aban dans l’arrière-garde pour l’avertir si
quelqu’un les poursuivaient. Quant à lui-même, il procéda en tête de
la compagnie de noirs jusqu’à ce qu’ils atteignent al-Muhammadiyah.
Il s’assit sur la rive et ordonna à la compagnie d’étancher leur
soif. Quand les troupes arrivèrent, ‘Ali Ibn Aban lui dit qu’ils
avaient vu des épées luire et avaient entendu des sons des gens en
mouvement derrière eux, mais qu’il n’avait pas pu les répéter pour
savoir s’ils partaient ou se dirigeaient vers eux. Il parlait encore
quand l’ennemi arriva. Le zanj appela aux armes et Abou Salih
Moufarraj an-Noubi sortit en avant avec Rayhan Ibn Salih
et Fath al-Hajjam. Fath entra dans la bataille.
Comme ses compagnons avancèrent, un des Shourajiyine appelé Boulboul
rencontra Fath, qui l’attaqua et Boulboul laissa tomber son
arme et s’enfuit aussitôt suivit par quatre-mille autres mis en
fuite, certains furent tués et d’autres sont morts de soif sur la
route. Un certain nombre de captifs furent apportés au chef des zanj
qui ordonna de les décapiter. Leurs têtes furent empilées sur le dos
de mulets saisis des Shourajiyine, qui étaient utilisés pour
transporter le nitrate. La procession se mit en route et atteignit
al-Qadissiyah au moment de la prière du soir.
Un Mawlah des
Hashimite attaqua la compagnie de ‘Ali à l’extérieur du village et
tua un des noirs. Les nouvelles furent apportées à ‘Ali et ses
compagnons lui demandèrent la permission de piller le village et de
chercher le coupable qui avait tué leur camarade. Il répondit : «
Cela sera impossible sans savoir ce qui a poussé les villageois à le
faire et si le tueur a agi avec leur consentement. Nous leur
demanderons de nous le livrer, s’ils le font, ce sera parfait, mais
s’il refuse, nous aurons alors le droit de les tuer ».
‘Ali demanda
de se préparer rapidement pour le départ et ils revinrent à Nahr
Maymoun, où il s’établit dans la même mosquée qu’il avait
précédemment utilisé. Il ordonna de ramener les chefs des
Shourajiyine et de les exposer publiquement. Il donna l’ordre à Abou
Salih an-Noubi de faire l’appel à la prière, ce qu’il fit en
saluant ‘Ali comme l’émir. Alors, ils prièrent tous la prière du
soir et passèrent la nuit sur place. Le matin suivant, ‘Ali se mit
de nouveau en route
passa d’abord par le village d’al-Karkh, avant d’arriver à un
village appelé Joubba à l’heure de la prière de midi. Il traversa le
Doujayl par un gué qu’on lui avait montré, et plutôt qu’entrer dans
le village, il campa à l’extérieur d’où il envoya un message aux
habitants. Les aînés, avec ceux d’al-Karkh, sortirent pour le
rencontrer. Il leur ordonna de lui fournir l’hospitalité ainsi qu’à
ses compagnons, ce qu’ils firent et il passa cette nuit parmi eux.
Le jour
suivant, un des habitants de Joubba offrit un cheval court à ‘Ali,
mais il ne put trouver ni de bride, ni de selle pour lui et dut se
débrouiller avec une corde et une sangle de fibres de palme. Il se
mit en route et arriva finalement dans un endroit appelé al-‘Abbassi
al-‘Atiq, où il loua les services d’un guide pour aller aussi loin
qu’as-Sib, un canal près duquel se trouvait le village
d’al-Ja’fariyah. Les villageois alertés de son arrivée, s’enfuirent
et ‘Ali entra dans le village et s’installa dans la maison de Ja’far
Ibn Souleyman, qui se trouvait près du marché, pendant que ses
compagnons se dispersèrent à travers le village. Ils lui apportèrent
un villageois qu’ils avaient découvert et ‘Ali lui demanda où se
trouvait le Mawlah des Hashimite. L’homme dit qu’il était dans la
forêt à l’extérieur du village. ‘Ali envoya un homme surnommé
Jourban pour aller
chercher leur chef, Yahya Ibn Yahya az-Zoubayri un
Mawlah de Ziyadiyine. On demanda au villageois s’il avait de
l’argent mais l’homme répondit qu’il n’en avait pas et ‘Ali ordonna
de le décapiter. Craignant alors pour sa vie, le chef avoua avoir
caché un peu d’argent et il remit à ‘Ali la somme de
deux-cent-cinquante dinars et de mille dirhams, le premier butin que
‘Ali fit. Il demanda ensuite au chef s’il possédait des montures et
ce dernier lui montra trois bêtes de somme. Il en donna une à Ibn
Salm, un autre à Yahya Ibn Muhammad, et la troisième
fut donnée à Moushriq le domestique de ‘Yahya Ibn ‘AbderRahmane.
Rafiq monta un âne chargé des bagages. Certains noirs découvrirent
une cache d’armes dans une maison appartenant à un des Banou Hashim
et les saisirent. An-Noubi « le Jeune » apporta une épée, que le
chef zanj donna alors à Yahya Ibn Muhammad. C’est
ainsi que des épées, des lances, des dagues et des boucliers
tombèrent entre les mains des zanj.
Le lendemain
matin de la soirée qu’il passa dans as-Sib, ‘Ali fut informé de
l’arrivée de Roumays, al-Himyari et ‘Aqil al-Ouboulli. ‘Ali
leur envoya Yahya Ibn Muhammad avec cinq-cents hommes,
dont Souleyman, Rayhan Ibn Salih et Abou Salih
an-Noubi le Jeune. Ils engagèrent l’ennemi et le mirent en déroute,
saisissant une galère et des armes dans le processus. Lorsque tous
les ennemis s’enfuirent, Yahya Ibn Muhammad revint à
‘Ali et l’informa des nouvelles. ‘Ali resta à as-Sib ce jour-là et
se mit en route le lendemain matin suivant pour al-Madhar, après
avoir conclu un pacte avec les habitants d’al-Ja’fariyah qu’ils ne
se livreraient pas aux hostilités contre lui, aideraient ou
protégeraient n’importe lequel de ses ennemis.
‘Ali traversa
alors le canal as-Sib et se dirigea vers un village du nom
d’al-Yahoud, qui se trouvait le long du Tigre. Là, il rencontra de
nouveau Roumays avec un contingent de troupes et le combat entre eux
dura toute la journée. Un certain nombre des troupes de Roumays
furent capturés, pendant que beaucoup furent blessés par des
flèches. Un domestique appartenant à Muhammad Ibn Abi ‘Awn
qui était avec Roumays fut tué. Une galère avec un rameur à bord
chavira et le rameur fut saisi et décapité. Quittant le champ de
bataille, ‘Ali continua vers al-Madhar. Il atteignit le canal appelé
Bamdad, le traversa et arriva dans une plaine ouverte, où il trouva
un verger et une petite colline, connue comme la Montagne des
Démons. Il se dirigea vers la colline, qu’il grimpa et où il
s’installa, tandis que ses troupes s’installèrent dans la plaine à
ses pieds. Puis, il se prépara à partir en mission de
reconnaissance.
Shibl Ibn
Salim a rapporté qu’il fut un éclaireur pour ‘Ali le long du Tigre.
« Je lui envoyais un message » dit-il, « que Roumays était sur la
rive du Tigre et cherchait quelqu’un pour lui transmettre un message
». Alors ‘Ali envoya ‘Ali Ibn Aban, Muhammad Ibn Salm et
Souleyman Ibn Jami’ et quand ils atteignirent Roumays, il leur dit :
« Transmettez les salutations à votre maître et dit lui qu’il a un
sauf-conduit pour aller où il veut à la condition qu’il rende les
esclaves à leurs propriétaires et qu’il recevra cinq dinars pour
chacun d’entre eux qu’il rendra ». Puis hommes de ‘Ali lui revinrent
avec l’offre de Roumays. ‘Ali devint fou de rage et jura qu’il
éventrerait la femme de Roumays, raserait sa maison et ferait couler
le sang partout il irait. Cette réponse fut délivrée à Roumays, qui
partit alors se poster sur le Tigre en face du camp de ‘Ali.
Ce même jour
Ibrahim Ibn Ja’far al-Hamadani arriva pour rencontrer ‘Ali avec de
la correspondance pour lui. Ce fut seulement à ce moment qu’il
rejoignit le parti de ‘Ali. Après la dernière prière du soir,
Ibrahim dit ‘à Ali qu’il ne croyait pas nécessaire qu’il se dirige
vers al-Madhar. Quand il demanda ce qu’il devrait faire, Ibrahim lui
dit que, comme les habitants de ‘Abbadan, Mayan Roudhan et
Souleymanan lui avaient porté allégeance, il devait donc aller
là-bas. Et il ajouta : « Tu as aussi laissé derrière toi un groupe
des Bilaliyah à l’entrée de Qandal et à Abrassan qui t’attende ».
Quand les
noirs entendirent les conseils d’Ibrahim, en plus de ce que Roumays
avait précédemment proposé à ‘Ali, ils craignirent que ‘Ali les
trahisse et les rende à leurs maîtres. Ainsi certains s’enfuirent
pendant que le reste s’inquiéta. Muhammad Ibn Salm rapporta leur
détresse à ‘Ali et le fait que certains s’étaient enfuis. Alors,
cette nuit, ‘Ali leur ordonna de se rassembler et sépara les zanj de
l’Euphrate des autres zanj, il appela un interprète pour leur
annoncer qu’aucun d’eux ne serait rendu à leur propriétaire. ‘Ali
leur fit le serment et ajouta : « Certains d’entre vous devrait me
regarder de plus près et, s’ils pressentent une traîtrise de ma
part, ils peuvent me tuer ». Alors ‘Ali rassembla le reste des zanj
ensemble, à savoir, les fouratiyah, les qarmafiyoune, les noubah et
d’autres qui comprenaient l’arabe et leur fit le même serment, qu’il
confirma et promit personnellement. De plus, il dit qu’il ne s’était
pas révolté pour rechercher les biens terrestres ou la gloire, mais
seulement pour la colère de Dieu, contre la corruption et la
dégradation de la foi qu’il a vu parmi les gens. Il dit : « Je
partagerai personnellement chaque bataille avec vous et supporterait
les mêmes risques que vous ». Les zanj furent contents de ces mots
et lui souhaitèrent le bien.
Le jour
suivant, à l’aube ‘Ali ordonna à un esclave des Shourajiyine appelé
Abou Manarah de souffler dans la corne, signalant le rassemblement
des zanj. Il se mit en route pour as-Sib, où il trouva al-Himyari,
Roumays et l’associé d’Ibn Abi ‘Awn. ‘Ali leur envoya un message
secret avec Moushriq, qui revint plus tard avec leur réponse. Le
chef du zanj atteignit le canal et l’associé de Muhammad Ibn
Abi ‘Awn s’approcha, accueillit Ali et lui dit : « Ce n’est pas une
récompense pour notre maître avec ce que vous lui avez fait après ce
qu’il a fait pour toi à Wassit. ‘Ali répond : « Je ne suis pas venu
ici pour lutter contre vous, dites à vos troupes d’avancer afin que
je puisse passer ».
‘Ali quitta
le canal as-Sib pour le Tigre. Peu après cela, les soldats
arrivèrent accompagnés par les habitants d’al-Ja’fariyah, tous
complètement armés. Abou Ya’qoub, surnommé Jourban, s’approcha d’eux
et dit : « O gens d’al-Ja’fariyah! Vous êtes bien conscients que
vous m’avez prêté serment que vous ne lutteriez ni contre nous, ni
fourniriez assistance à quelqu’un contre nous ; mais que vous avez
juré d’aider n’importe qui d’entre nous s’il venait chez vous ». Ils
firent alors un grand vacarme, crièrent et lancèrent des pierres et
des flèches à Jourban. Il y avait à proximité un endroit où il y
avait environ trois-cents Zarnouq, que Jourban ordonna de démonter
et d’attacher ensemble pour servir de radeaux. Ils les lancèrent à
l’eau, chacun ayant un combattant à califourchon et combattirent de
cette manière l’ennemi.
Quelqu’un a
rapporté qu’avant que les radeaux ne soit construits, ‘Ali Ibn Aban
nagea à travers le canal. Quand les radeaux furent faits, les zanj
traversèrent le canal. Ils s’éloignèrent de la rive du canal,
engagèrent l’ennemi avec des épées et tuèrent un grand nombre
d’entre eux. Les prisonniers furent d’abord menacés, puis libérés.
Un esclave des Shourajiyine appela Salim az-Zaghawi pour ramener les
troupes qui étaient entrées dans le village d’al-Ja’fariyah. Il leur
cria : « Quiconque sera pris volant quoi que ce soit de ce village
ou prenant n’importe quels captifs devra répondre de ses actions et
subira un dur châtiment ». ‘Ali Ibn Aban retraversa alors le canal
d’as-Sib de l’ouest à la rive est. Après avoir regroupé ses troupes
sous leurs chefs, il se mit en route et venait à peine de passer le
village qu’il entendit un grand tumulte venant de la direction du
canal si bien qu’il revint prudemment.
Quand
Roumays, al-Himyari et l’associé d’Ibn Abi ‘Awn, furent
informés de la situation à al-Ja’fariyah, ils arrivèrent dans la
ville pour être aussitôt attaqué par des noirs qui saisirent quatre
galères avec leurs équipages et leurs combattants. Les équipages
furent débarqués et ‘Ali Ibn Muhammad convoqua les
combattants pour les interroger. Ils l’informèrent que Roumays et
l’associé Ibn Abi ‘Awn ne leur avaient pas permis d’aller en avant,
avant de les contraindre à marcher sur lui et que les villageois
avaient promis de larges sommes d’argent aux deux hommes pour le
faire. Les Shourajiyine s’engagèrent à payer à l’associé en échange
du retour de leurs esclaves la somme de cinq dinars chacun. ‘Ali se
renseigna alors sur deux esclaves, l’un du nom d’an-Noumayri et
l’autre appelé al-Hajjam. Ils répondirent qu’an-Noumayri
était retenu prisonnier, et les gens locaux disaient qu’al Hajjam
avait pris part au brigandage et à l’assassinat dans leur région,
qu’il avait été capturé et décapité avant que son corps ne soit
publiquement pendu le long du canal d’Abou al-Assad. Après avoir
recueilli ces informations, ‘Ali ordonna que tous les prisonniers
soient décapités excepté un homme du nom de Muhammad Ibn al-Hassan
al-Baghdadi, qui jura qu’il était venu avec un sauf-conduit, désarmé
et sans intention hostile, qui fut libéré. Les têtes tranchées et
les drapeaux furent chargés sur des mulets, tandis que les navires
furent incendiés. ‘Ali se mit alors en route pour Nahr Farid, et
arriva finalement à un canal appelé al-Hassan Ibn Muhammad
al-Qadi, traversé par un barrage se trouvant entre al-Ja’fariyah et
la région cultivée d’al-Qoufs.
Il procéda
ensuite à Nahr Baqtha et campa à l’extérieur du village, qui se
trouvaient le long du canal et s’étendait jusqu’à la rive du
Doujayl. Les habitants d’al-Karkh vinrent le trouver,
l’accueillirent, prièrent pour sa réussite et lui offrirent toute
l’hospitalité qu’il exigea. Un Juif de Khaybar nommé Mandawayh vint
chez ‘Ali, embrassa sa main, s’inclina devant lui et exprima sa
gratitude de le rencontrer. Alors il posa un certain nombre de
questions à ‘Ali, qui lui répondit. Le Juif prétendit qu’il avait
trouvé sa description dans la Torah et qu’il avait prévu de
combattre à ses côtés. Il questionna aussi ‘Ali sur certaines
marques sur son corps en lui disant qu’il était au courant et les
deux hommes passèrent la soirée à discuter.
Quand ‘Ali
montait son camp, il se retirait toujours à l’écart de son armée
avec ses six camarades et à cette époque, le vin n’était pas défendu
dans son armée. Il nomma Muhammad Ibn Salm responsable des
troupes. Tard dans la nuit, un des villageois d’al-Karkh vint
l’informer que Roumays, menant les habitants d’al-Maftah et des
villages contigus et que ‘Aqil accompagné par les gens
d’al-Ouboullah, étaient arrivés avec des Dabila complètement armés.
Al-Himyari était arrivé aussi cette nuit avec un groupe de
villageois de l’Euphrate au pont de Nahr Maymoun qu’ils avaient
détruit pour prévenir la traversée de ‘Ali. Le matin suivant, ‘Ali
ordonna aux zanj de traverser le Doujayl. Alors de la périphérie
d’al-Karkh, il marcha vers le Nahr Maymoun, où il constata que le
pont était détruit et que l’ennemi se trouvait sur le côté est du
canal, que les galères contenant les Dabila étaient au milieu,
tandis que les villageois avaient navigués sur des barges plates et
des bateaux de roseau.
Les
villageois des Banou ‘Ijl saluèrent ‘Ali Ibn Muhammad, lui
offrirent leurs vies et tout ce qu’ils possédaient généreusement.
‘Ali leur retourna leur gentillesse, et leurs ordonna de garder ce
qu’ils proposaient d’offrir.
‘Ali ordonna
à ses troupes de ne pas engager l’ennemi, mais de se retirer du
canal pour se protéger des flèches. ‘Ali se retira à une distance
d’environ cent mètres du village. Quand l’ennemi vit que personne
n’était sur le point de les attaquer, un détachement partit en
reconnaissance. Alors, ‘Ali ordonna à un groupe de ses hommes de
retourner dans le village et de se dissimuler en embuscade. Quand
ils aperçurent le détachement ennemi, ils les attaquèrent et
capturèrent vingt-deux prisonniers tandis que le reste s’enfuit, fut
poursuivi et un certain nombre d’entre eux fut tué le long de la
berge du canal. Ils revinrent à ‘Ali avec les têtes qu’ils avaient
tranchées et les prisonniers et, après les avoir interrogés, il les
fit aussi décapiter. Un membre d’une tribu du désert arriva et
demanda la protection et ‘Ali le questionna sur la profondeur du
fleuve. L’homme l’informa qu’il connaissait un endroit qui pouvait
être passé à gué et l’informa que les gens étaient remontés contre
lui et se préparaient à lutter contre lui. ‘Ali alla avec l’homme au
gué, à environ quelques kilomètres d’al-Muhammadiyah et il
traversa le fleuve avec le reste de sa compagnie derrière lui. Nassih,
surnommé ar-Ramli, qui supportait ‘Ali traversa avec les animaux.
Une fois sur la rive est, ‘Ali se dirigea de nouveau vers le canal
Maymoun. Il s’établit dans la mosquée et ordonna que les têtes des
prisonniers soient plantées sur des pieux. Il resta là le jour
entier pendant que l’armée complète de Roumays voyagea le long du
Doujayl et campa près d’un endroit appelé Aqsha, en face du canal
Bard al-Khiyar.
‘Ali Ibn Muhammad
envoya un éclaireur qui revint l’informer sur la position de
l’endroit de Roumays. Il expédia alors aussitôt mille hommes pour
établir le camp sur les mines de sel à l’embouchure du canal, en
leur disant de l’informer si l’ennemi ne s’était pas approché d’eux
au moment de la prière du crépuscule. Il écrivit à ‘Aqil, pour lui
rappeler son allégeance ainsi qu’à un groupe d’habitants
d’al-Ouboullah. Il écrivit aussi à Roumays, en lui rappelant le
pacte qu’ils avaient conclu à as-Sib : qu’ils ne lutteraient pas les
uns contre les autres et qu’il lui enverrait des nouvelles des
autorités centrales. Il confia ces deux lettres à un paysan, après
lui avoir fait promettre qu’il livrerait bien et lettres.
‘Ali parti
ensuite de Nahr Maymoun et se mis en route pour les mines de sel, où
il envoya un groupe en reconnaissance. Après avoir atteint des
villages d’al-Qadissiyah et d’ash-Shifiyah, il entendit une grande
agitation et entendit le bruit de tir de flèches. Il ordonna à Muhammad
Ibn Salm de mener un groupe d’hommes à ash-Shifiyah et de demander
aux habitants de lui livrer l’homme qui avait tué un de ces hommes
qui passait. Muhammad revint informer ‘Ali que les villageois
prétendaient n’avoir aucun pouvoir pour leur remettre l’homme, à
cause de ses contacts avec les Hashimite et qu’ils le protégeaient.
‘Ali ordonna alors à ses esclaves de piller les deux villages, et
une grande somme de devise en or et en argent, des bijoux, des
ornements et de la vaisselle en or et en argent furent saisis. Des
esclaves et des femmes musulmanes furent aussi capturés et ce fut le
premier genre de butins qu’ils prirent. Muhammad Ibn Salm
trouva une maison dans laquelle il y avait quatorze esclaves
Shourajiyine enfermés et ils furent capturés. Le Mawlah du Hashimite
qui avait assassiné le soldat zanj fut apporté et Muhammad
Ibn Salm ordonna de le décapiter et il fut exécuté.
A l’heure de
la prière de l’après-midi, Muhammad quitta les deux villages
et monta le camp près des mines de sel près de Bard al-Khiyar. Un
des six compagnons de ‘Ali Ibn Muhammad vint le trouver à
l’heure de la prière du coucher du soleil et lui rapporta que ses
soldats se complaisaient dans le fait de s’enivrer de boisson,
qu’ils avaient découvert dans al-Qadissiyah. Accompagné par Muhammad
Ibn Salm et Yahya Ibn Muhammad, ‘Ali alla informer ses
troupes que les intoxicants n’étaient plus permis et qu’à partir de
ce jour il déclara le vin
(nabid) illicite. Il leur dit : « Vous allez engager des
armées dans des batailles, cessez donc de vous laisser aller dans la
boisson! » Et ils obéirent aussitôt à sa demande.
Le jour
suivant, un des esclaves des noirs appelés Qaqouwayh vint trouver
‘Ali et lui dit que les troupes de Roumays s’étaient mises en route
pour le côté est du Doujayl et qu’ils procédaient vers la rive. Le
chef des zanj appela ‘Ali Ibn Aban et lui ordonna d’attaquer Roumays
avec les zanj. ‘Ali Ibn Muhammad fit venir alors Moushriq en
lui demandant d’amener avec lui un astrolabe, avec lequel il prit la
position du soleil, pour déterminer le temps précis. Alors, suivit
par ses troupes, il traversa le pont traversant le canal Bard
al-Khiyar. Quand ils arrivèrent sur la rive est, ils dépassèrent
‘Ali Ibn Aban et tombèrent sur les forces de Roumays et de ‘Aqil qui
étaient sur la berge du fleuve, tandis que les Dabila étaient à bord
des bateaux desquels ils pouvaient tirer leurs flèches. Les forces
des zanj attaquèrent et tuèrent un grand nombre d’ennemi. Alors une
rafale de vent poussa les bateaux vers la rive la plus proche et les
noirs tombèrent sur eux et tuèrent tous ceux qu’ils trouvèrent à
bord.
Roumays et
ceux qui étaient avec lui se retirèrent à Nahr ad-Dayr sur la route
de Aqsha. Il abandonna ses bateaux sans les déplacer, pour donner
l’impression qu’il était toujours là. ‘Aqil et l’associé d’Ibn Abi
‘Awn partirent en hâte pour le Tigre. Le chef zanj ordonna que les
contenus des bateaux qui transportaient les Dabila soient enlevés.
Qaqouwayh descendit pour les inspecter et trouva un des Dabila. Il
essaya de l’enlever de force, mais l’homme résista. Alors il donna
un coup à l’homme sur le coup avec une trompette qu’il portait et
lui rompit une des veines. Puis il lui porta un deuxième coup qui
coupa un tendon de sa jambe. Alors Qaqouwayh saisi l’homme et le
frappa sur le sommet et il s’effondra. Puis, saisissant les cheveux
de l’homme, Qaqouwayh coupa sa tête et l’a ramena au chef zanj, qui
ordonna de lui remettre un dinar et demanda à Yahya Ibn Muhammad,
de le nommer commandant d’une centaine de noirs.
Par la suite
le chef zanj se dirigea vers le village d’al-Mouhallabi, qui se
trouve en face de Qayyaran. Les noirs, qui avaient poursuivi pendant
ce temps ‘Aqil et l’associé de Ibn Abi ‘Awn revinrent après avoir
capturé une galère avec deux rameurs encore à bord. ‘Ali Ibn Muhammad
demanda aux noirs de lui faire un rapport. Ils lui dirent que,
pendant qu’ils pourchassaient la galère, la plupart de l’équipage
s’était lancé dans le fleuve et avait abandonné le vaisseau si bien
qu’ils purent le récupérer. ‘Ali interrogea alors les rameurs, qui
l’informèrent que ‘Aqil les avait forcés à le rejoindre et qu’il
avait gardé leurs femmes prisonnières. Sur la question de l’arrivée
des Dabila, les rameurs dirent que ‘Aqil leur avaient promis de
l’argent et qu’ils l’avaient suivi. Concernant les bateaux postés à
Aqsha, ‘Ali fut informé qu’ils appartenaient à Roumays, qui les
avait abandonnés, en fuyant à la première lumière du jour.
‘Ali Ibn Muhammad
revint vers les bateaux abandonnés, ordonna aux noirs de traverser
le canal et de les lui ramener. Alors, les bateaux furent pillés et
incendiés.
Les zanj
procédèrent ensuite au village d’al-Mouhallabiyyah. ‘Ali campa à
proximité et donna l’ordre que l’endroit soit pillé et rasé, ce qui
fut fait. Quand il avança versé le canal Madiyan, il trouva des
quantités de dates, qu’il brûla aussi.
Après ces
événements, le chef zanj et ses partisans commirent des outrages
dans cette région, que nous ne rapporterons pas à cause de leurs
atrocités.
Parmi les
rencontres capitales qu’il y eût plus tard avec les forces des
autorités centrales, il y eu celle contre le Turc Abou Hilal à Souq
ar-Rayyan. Un des commandants zanj du nom de Rayhan dit que
ce Turc arriva à Souq ar-Rayyan à la tête d’une force d’environ
quatre-mille hommes ou plus. Il fut précédé par un groupe des gens
portant des vêtements brillants, des drapeaux et des tambours. Les
noirs menèrent une féroce attaque féroce contre le Turc. Un des
noirs tomba sur le porteur du drapeau du groupe de gens et le
couvrit de coups avec les deux gourdins qu’il portait. Les gens
s’enfuirent et les noirs poursuivirent leur attaque sur les troupes
d’Abou Hilal et tuèrent plus de mille-cinq-cents d’entre eux. Un des
noirs pourchassa Abou Hilal, qui réussit à s’enfuir sur un cheval
rapide. Alors l’obscurité de nuit descendit sur les noirs et sur
ceux qui s’étaient enfuis. Au matin, les noirs reprirent leur
poursuite et revint avec des têtes et des prisonniers qui furent
tous tués.
Suite à cet
engagement, il s’en produisit un autre entre les zanj et les troupes
des autorités centrales, au cours duquel ‘Ali Ibn Muhammad
fut aussi victorieux. Un des commandants des zanj rapporta que
l’affaire débuta ainsi : Le commandant, dont le nom était Rayhan
dit : « Une nuit pendant le cours de l’année ou la rébellion
commença, ‘Ali Ibn entendit un chien aboyer à la porte d’une
habitation appartenant à ‘Amr Ibn Mas’adah. Il envoya un de ses
partisans pour enquêter sur la source de l’aboiement et il revint
plus tard affirmant qu’il n’avait rien vu et l’aboiement reprit peu
après ».
Rayhan
continua : « ‘Ali me demanda alors d’aller voir pourquoi le chien
aboyait car il semblait que le chien n’aboyait que vers quelqu’un
qu’il voyait. Donc je me suis mis en route et suis tombé subitement
sur le chien, me tenant sur la jetée et bien que je puisse rien voir
d’autres. Puis, j’ai aperçu un homme assis sur des marches et lui
parlait. Quand il entendit que je m’adressais à lui en arabe, il
répondit et se présenta comme Sayran Ibn ‘Afwoullah. Il me dit qu’il
avait apporté des lettres pour ‘Ali Ibn Muhammad de ses
partisans de Basra ; dont il avait été lui-même un de ses associés
durant le séjour de ‘Ali dans Basra. Donc je le ramenais à ‘Ali, qui
lut la correspondance. ‘Ali questionna Sayran à propos d’az-Zaynabi
et du nombre d’hommes qu’il avait. Il répondit qu’az-Zaynabi
contrôlerait une grande force d’esclaves, de volontaires et de
factions minoritaires des Bilaliyah et des Sa’diyah, qui allait être
envoyé contre ‘Ali à Bayan. ‘Ali dit à Sayran de baisser sa voix
pour ne pas effrayer les esclaves par ses nouvelles. Il se renseigna
alors sur le commandant de cette armée et lui fut répondit qu’Abou
Mansour, un Mawlah Hashimite, avait été choisi pour le poste. ‘Ali
demanda à Sayran s’il avait vu cette force et il répondit par
l’affirmative en ajoutant qu’il les avait vus aussi s’équiper de
cordes pour attacher les noirs qu’ils captureraient. ‘Ali demanda
alors à Sayran de revenir à l’endroit où il restait et il alla
trouver ‘Ali Ibn Aban, Muhammad Ibn Salm et Yahya Ibn Muhammad
et ensemble, ils discutèrent de ces nouvelles jusqu’à l’apparition
de l’aube ».
Le chef zanj
partit alors pour espionner cette nouvelle force. Quand il arriva à
la partie la plus éloignée de Hirsa, Barsouna et Sandadan Bayan, un
détachement sortit pour se battre avec lui. ‘Ali Ibn Aban fut
ordonné d’engager l’ennemi, il les mit en déroute et capturera parmi
eux cent noirs.
Rayhan
repris : « J’ai entendu ‘Ali Ibn Muhammad dire à ses
partisans que ce qu’ils avaient été témoin était un des signes de la
perfection de leur mission, c’est-à-dire l’arrivée du détachement
avec leurs esclaves, qui se rendirent à eux. Dieu augmentait ainsi
les nombres de ses propres forces. Alors les zanj procédèrent
jusqu’à ce qu’ils arrivent à Bayan ».
Rayhan
continua : « ‘Ali Ibn Muhammad m’envoya, accompagné par un
contingent de ses troupes à al-Hajar à la recherche des
bateaux de transport et du reste de leur armée dans la ceinture de
palmiers sur la rive ouest de Nahr Bayan. Nous atteignîmes l’endroit
désigné et trouvâmes là mille-neuf-cents bateaux, protégés par un
détachement de volontaires. Quand ils nous virent, ils abandonnèrent
les bateaux, traversèrent le Soulban sans leurs armes et se
dirigèrent vers Joubak. Nous montâmes dans les vaisseaux et
naviguâmes en arrière vers le camp de ‘Ali. Il y avait à bord de
ceux-ci, un certain nombre de pèlerins qui avaient eu l’intention de
suivre la route vers Basra. Quand nous arrivâmes avec les bateaux
‘Ali fit disposer un tapis sur un terrain élevé où il s’assit et
examina les pèlerins pour le reste du jour jusqu’au coucher du
soleil, et ces derniers finirent par croire ce qu’il leur dit. Ils
dirent que, s’ils avaient eu des ressources de rechange, ils
seraient restés avec lui et après cela, ‘Ali les renvoya vers leur
bateaux. Le lendemain matin, ‘Ali alla les chercher et leur fit
jurer de ne révéler à qui que ce soit la grandeur de ses effectifs
et que s’ils étaient questionnés, ils devaient minimiser autant que
possible. Les pèlerins présentèrent à ‘Ali un de leurs tapis et il
leur en offrit un réciproquement. ‘Ali leur demanda aussi de jurer
qu’ils n’apporteraient ni argent et ni marchandises aux autorités
centrales. Cependant, ils indiquèrent que l’un d’entre eux était un
agent gouvernemental qui envoyait des fruits secs à Basra. Le maître
du bateau dans lequel ‘Ali trouva l’homme jura qu’il ne faisait que
du commerce ordinaire et fut donc libéré. Les pèlerins furent aussi
libres de partir ».
Les habitants
de Souleymanan apparurent sur la rive est du Bayan en face des zanj,
qui conversaient avec eux. Houssayn as-Saydanani était parmi
les habitants et il avait été un associé proche de ‘Ali Ibn Muhammad
dans Basra et une des quatre personnes qui avaient déclaré leur
révolte dans la ‘mosquée d’Abbad. Ce jour-là, Houssayn
rejoignit ‘Ali.
‘Ali demanda
à Houssayn ce qui l’avait retenu absent si longtemps. Il
répondit qu’il s’était caché et que lorsque cette armée avait quitté
Basra, il l’avait rejoint. ‘Ali se renseigna alors sur l’armée, sa
composition et son nombre. Houssayn dit qu’il avait vu
l’armée partir et qu’elle comprenait mille-deux-cents esclave
combattants, mille des propres troupes d’az-Zaynabi, environ
deux-mille des Bilaliyah et des factions minoritaires Sa’diyah et
deux-cents cavaliers. Cependant, quand cette force atteignit
al-Ouboullah une dispute avait éclaté entre l’armée et les habitants
de la ville et chaque côté avait commencé à maudire et à abuser
l’autre. Les troupes d’esclave avaient même diffamé Muhammad
Ibn Abi ‘Awn. Houssayn continua : « Je les ai distancés à
Shaji’ ‘Uthman et j’ai estimé qu’ils devraient arriver le matin ».
‘Ali demanda ce qu’ils avaient l’intention de faire après leur
arrivée. Houssayn répondit qu’ils avaient l’intention
d’envoyer la cavalerie dans Sandadan Bayan, pendant que leur
infanterie s’approcherait des deux berges du canal.
Le lendemain
matin ‘Ali envoya un éclaireur pour ramener des informations. Il
choisit un homme vieux et faible pour ne pas attirer l’attention.
Mais l’éclaireur ne revint pas. Lorsque l’on période fut écoulée,
‘Ali expédia Fath al-Hajjam avec trois cents hommes et
Yahya Ibn Muhammad à Sandadan. Il ordonna à Yahya
Ibn Muhammad de traverser le marché de Bayan. Fath al-Hajjam
dit à ‘Ali que l’ennemi s’approchait en masse le long des deux côtés
du canal. Ali se renseigna sur la marée et il apprit qu’elle n’était
pas encore entrée. ‘Ali remarqua alors que la cavalerie de l’ennemi
ne pouvait pas être arrivée jusqu’ici. Il ordonna à Muhammad
Ibn Salm et ‘Ali Ibn Aban de les attendre dans les champs de
palmiers tandis que lui-même occupait une avantageuse et haute
position sur le sommet d’une colline quand les bannières ennemies et
les fantassins apparurent et se rapprochèrent du territoire d’Abou
al-‘Ala' al-Balkhi, situé dans un virage du canal Doubayran.
Les zanj
poussèrent le cri de guerre « Allahou Akbar », lancèrent ensuite
leur attaque contre l’ennemi, en les affrontèrent à Doubayran. Le
contingent d’esclave de l’ennemi attaqua sous le commandement d’Abou
al-‘Abbas Ibn Ayman, surnommé Abou al-Koubash et de Bashir al-Qayssi
et forcèrent les zanj à se retirer sur la colline où ‘Ali Ibn Muhammad
était posté. Alors, les zanj contre-attaquèrent et purent cette fois
tenir leur position. Abou al-Koubash assaillit Fath al-Hajjam
et le tua. Il surprit aussi un des esclaves noirs appelé Dinar et
lui affligea plusieurs coups sévères. Ensuite les noirs chargèrent
l’ennemi qui leur faisait face sur la rive du Bayan et furent
submergés dans les combats d’épées.
Rayhan
reprit : « J’ai rencontré Muhammad Ibn Salm quand il frappa
Abou al-Koubash d’un coup et le fit tomber dans la boue, où un des
zanj le trouva et lui rompit sa tête. Cependant, ‘Ali Ibn Aban,
réclama qu’il avait lui-même tué Abou al-Koubash et aussi Bashir
al-Qayssi. Parlant à propos de ce jour, ‘Ali Ibn Aban dit : « Bashir
al-Qayssi fut la première personne que j’ai rencontré et nous
échangeâmes des coups. Ses coups atteignirent mon bouclier, alors
que les miens le touchèrent à la poitrine et à l’abdomen, lui
traversant les côtes et déchirant son estomac. Il s’effondra et je
lui tranchai la tête. Alors je fis face à Abou al-Koubash, qui me
donna toute son attention. Un des noirs se leva derrière lui et lui
frappa les jambes avec un gourdin qu’il brisa tous les deux. Il
tomba et n’offrit aucune résistance jusqu’à ce que je le termine et
lui tranche la tête. J’apportai les deux têtes au chef des zanj ».
Muhammad
Ibn al-Hassan Ibn Sahl a dit : « J’ai entendu le chef zanj
déclaré que ‘Ali lui avait apporté la tête d’Abou al-Koubash et de
Bashir al-Qayssi ». Muhammad ajouta qu’il ne connaissait
aucun d’entre eux. De plus, ‘Ali lui dit que les deux hommes étaient
dans l’avant-garde de leurs forces et, quand il les fit périr, les
troupes fuirent à la vue de leurs chefs tombés.
Rayhan
continua, d’après ce qui a été rapporté de lui, que l’ennemi fuit en
utilisant toutes les issues possibles tandis qu’ils furent
poursuivis par les noirs jusqu’au Nahr Bayan. Le niveau d’eau du
canal avait baissé et l’ennemi essaya de le traverser mais il
s’enfonça dans la boue et la plupart d’entre eux périrent.
Certains
noirs passèrent près de leur camarade Dinar, qu’Abou al-Koubash
avait terrassé et qu’ils trouvèrent gisant blessé. Les noirs le
confondirent avec un des esclaves de l’ennemi, le battirent avec des
faucilles et l’abandonnèrent sévèrement blessé. Un passant qui
reconnut Dinar le porta au chef zanj, qui ordonna de s’occuper de
ses blessures.
Rayhan
continua : « Quand l’ennemi atteignit l’embouchure du Nahr Bayan,
ils avaient perdu beaucoup de noyés et leurs bateaux avec leurs
animaux à bord avaient été saisis. Quelqu’un nous signala à partir
d’un bateau et quand nous l’atteignîmes, il nous dit d’entrer dans
le Nahr Sharikan, où l’ennemi avait monté une embuscade. Yahya
Ibn Muhammad et ‘Ali Ibn Aban se mirent en route le long du
canal, Yahya prit la rive ouest tandis que ‘Ali le côté est,
quand ils trouvèrent environ mille troupes des Magharibah qui les
attendait et qui avait capturé Houssayn as-Saydanani
prisonnier.
Quand
l’ennemi nous vit, ils tombèrent sur Houssayn et le coupèrent
en morceaux. Ils avancèrent alors sur les zanj avec leurs longues
lances et le combat s’ensuivit jusqu’à l’heure de la prière de midi.
Les noirs se jetèrent à leur tour sur l’ennemi, les tuèrent tous et
se saisirent de leurs armes. Les noirs retournèrent au camp où ils
trouvèrent leur chef assit sur la rive du Bayan. Environ trente
drapeaux et mille têtes lui furent apporté et parmi elles, les têtes
des esclaves braves et courageux. Ce même jour Zouhayr lui fut aussi
apporté. Rayhan continua : « Je ne le connaissais pas, mais
Yahya, qui arriva pendant que Zouhayr était devant le chef du
zanj, le reconnut et me dit : « C’est Zouhayr l’esclave, pourquoi
devrais-tu l’épargner ? » Et l’ordre fut donné qu’il soit décapité
».
Le chef zanj
resta dans son camp ce jour-là et la nuit. Le lendemain matin, il
envoya un éclaireur vers les rives du Tigre. L’éclaireur revint et
l’informa qu’il y avait deux péniches amarrées à l’île, localisée
près de l’embouchure du canal al-Qandal. Quand la prière de
l’après-midi fut exécutée, l’éclaireur parti de nouveau pour le
Tigre. Au coucher du soleil Abou al-‘Abbas vint chez ‘Ali Ibn Muhammad
; il était le frère de sa femme et était accompagné par un soldat
appelé ‘Oumran, qui était marié à la mère de ce même Abou al-‘Abbas.
‘Ali exhiba ses troupes pour eux et leur demanda de les passer en
revue. ‘Oumran lui délivra un message d’Ibn Abi ‘Awn, lui demandant
de traverser le Bayan et de quitter les terres de sa juridiction.
Pour sa partie, Ibn Abi ‘Awn informa ‘Ali qu’il avait enlevé les
péniches bloquant la voie. ‘Ali ordonna de prendre les bateaux, qui
pourraient traverser le Bayan, de Joubba. Ses troupes allèrent à al-Hajar
et trouvèrent dans Soulban deux-cents bateaux chargés de farine. Les
bateaux furent réquisitionnés, des vêtements, d’autres marchandises
ainsi que dix zanj furent découverts à bord. On ordonna aux troupes
d’embarquer sur les bateaux et lorsque la marée monta au coucher du
soleil, ils traversèrent le Bayan ayant en face d’eux l’embouchure
du canal Qandal. Un des bateaux chargés de farine qui était en
charge d’Abou Doulaf, fut dévié du cours par un fort vent et
n’arriva que le lendemain matin. Les passagers dirent au chef zanj
que le vent l’avait porté aussi loin que Hassak ‘Imran. Là
les villageois avaient montré un intérêt démesuré pour lui et le
chargement du bateau et il avait dû les repousser.
Cinquante
noirs rejoignirent ‘Ali et, avec leur arrivée et l’acquisition des
bateaux, il entra dans la zone du canal Qandal et s’aventura jusqu’à
un village appartenant à al-Mou’allah Ibn Ayyoub, où il monta le
camp. Il dispersa ses troupes jusqu’à Doubbah, où ils découvrirent
trois-cents zanj, qu’ils apportèrent à ‘Ali. Ils trouvèrent aussi un
agent d’al-Mou’allah Ibn Ayyoub et, quand ils lui demandèrent de
l’argent, il répondit : « Laissez-moi traverser à Boursan et je vous
apporterai de l’argent ». Ils le libérèrent donc et il partit sans
jamais revenir et lorsque son absence devint prolongée, ‘Ali ordonna
de piller le village, ce qui fut fait.
Rayhan
continua ce rapport : « Ce jour-là, j’ai vu le chef des zanj prendre
part au pillage avec le reste d’entre nous. Nos mains sont tombées
en même temps sur une veste de laine matelassée ; chacun d’entre
nous en tenait une partie et la tirait vers soi jusqu’à ce que je
lui permette finalement de l’avoir ».
Plus tard,
‘Ali Ibn Muhammad se mis en route pour la garnison
d’az-Zaynabi, située sur la rive ouest du canal Qandal. Les
défenseurs étaient arrogants et, bien qu’ils croyaient pouvoir nous
résister, ils n’eurent pas la force nécessaire pour le faire et
tous, soit environ deux-cents personnes, furent tués jusqu’au
dernier homme. ‘Ali Ibn Muhammad resta dans le château cette
nuit et se mit en route lors de la marée du matin pour les mines de
sel d’al-Qandal. Ses troupes procédèrent le long des deux côtés du
canal et, lorsqu’ils arrivèrent au village de Moundiran, ils y
entrèrent et le pillèrent. Un certain nombre de zanj furent trouvés
dans le village et Ali les réparti parmi ses commandants. De là,
‘Ali parti pour la fin du canal Qandal et dirigea ses bateaux vers
le canal al-Hassani, qui s’ouvrait sur un autre canal appelé
as-Salihi, qui menait directement à Doubbah, où il campa.
Un de ses
partisans a dit que ce fut là que ‘Ali Ibn Muhammad nomma ses
commandants et il nia qui l’avait fait précédemment.
‘Ali Ibn Muhammad
dispersa ses troupes parmi les canaux jusqu’à ce qu’ils convergèrent
vers le square principal de Doubbah. Ils y trouvèrent là un habitant
du port de Basra, nommé Muhammad Ibn Ja’far al-Mouraydi, qui
vendait des dates sèches. Il fut apporté à ‘Ali qui reconnut Muhammad
et l’accueillit. Il lui demanda des nouvelles des Bilaliyah de
Basra. L’homme répondit : « Je t’apportais un message d’eux quand
les noirs m’ont rencontré et m’ont amené à toi. Les Bilaliyah te
demande certaines conditions ; si tu les leur accorde, ils te
suivront et t’obéiront ». ‘Ali consentit aux conditions. Il autorisa
aussi l’homme à être leur responsable jusqu’à ce qu’il les lui
ramène. ‘Ali permis alors à Muhammad de partir et envoya avec
lui une escorte qui l’accompagnerait aussi loin qu’al-Fayyad où il
devait ensuite revenir. Durant quatre jours le chef zanj attendit en
vain le retour de Muhammad. Le cinquième jour, ‘Ali démonta
les bateaux qu’il avait avec lui sur le canal et procéda par la
terre entre le canal ad-Dawardani, le Nahr al Hassani et le
Nahr as-Salihi. Il avait à peine bougé au canal suivant,
quand il vit environ six-cents cavaliers approcher de la direction
du Nahr al-Amir. Ses troupes se hâtèrent le long du Dawardani,
tandis que les cavaliers procédaient sur la rive ouest.
Une assez
longue discussion survint et il apparut que les cavaliers étaient
des membres de tribus arabes de ‘Antarah Ibn Hajanah et de
Thoumal.
‘Ali envoya
Muhammad Ibn Salm pour parler ‘à Antarah et à Thoumal qui se
renseignait à leur tour sur l’identité du chef des zanj. Muhammad
leur désigna du doigt ‘Ali et les deux Arabes voulurent parler avec
lui. Muhammad retourna chez ‘Ali pour l’informer ce qu’ils
avaient dit. Il ajouta : « Si tu leur parlais..., » mais ‘Ali
l’interrompit brusquement et lui dit : « C’est un piège ». Il
ordonna aux noirs d’attaquer les membres de la tribu. Quand les
noirs traversèrent le canal, les membres de la tribu se détournèrent
d’eux et levèrent un drapeau noir. Alors apparut dans leur milieu
Souleyman, le frère d’az-Zaynabi, qui avait été avec eux tout le
temps. Les troupes zanj revinrent tandis que les membres de la tribu
se retirèrent. ‘Ali dit à Muhammad Ibn Salm : « Ne t’avais-je
pas dit qu’il nous avait tendu un piège ? »
Les zanj
arrivèrent à Doubbah et ‘Ali dispersa ses troupes dans les
palmeraies. Ils trouvèrent des moutons et du bétail, qu’ils
abattirent pour se nourrir et passèrent la nuit entière là. Le
lendemain matin, ils
arrivèrent à l’étroite voie navigable appelée al-Moufahiri, qui
rejoint le Nahr al-Amir à l’opposé d’al-Fayyad. Là, ils
rencontrèrent Shihab Ibn al-‘Ala' al-‘Anbari avec un détachement
d’esclaves. Dans l’action qui s’ensuivit, Shihab s’enfuit avec une
petite troupe, mais la majeure partie de ses forces furent tuées.
Shihab fut poursuivi dans le centre d’al-Fayyad ou les zanj
trouvèrent six-cents esclaves Shourajiyine ; ils les capturèrent et
les amenèrent au camp de ‘Ali, tandis que leurs agents furent tués.
‘Ali avança aussi loin que le château appelé al-Jawhari, situé sur
les mines de sel des Baramikah ou il passa la nuit. Le lendemain
matin, il atteignit les
mines qui débutaient du canal de Dinar jusqu’au Nahr al-Mouhdath.
‘Ali réunit ses troupes et leur ordonna de ne pas se presser, en
marchant vers Basra, jusqu’à ce que le signal leur soit donné. Par
la suite, ils furent laissés libres de piller la campagne.