La
capture de Babak
Babak resta dans la forêt
jusqu’à l’épuisement de ses provisions avant de sortir près d’un
endroit contigu à une route sur laquelle certaines troupes étaient
stationnées, près d’une montagne sans eau mais le détachement de
troupes ne put rester sur place à cause de la grande distance qui
les séparait du point d’eau le plus proche. Ils durent changer de
position pour se rapprocher du point d’eau. Néanmoins, ils avaient
laissé en poste des gardes montagnards et deux cavaliers prêts de la
route pour la garder, à plus de deux kilomètres du corps principal
de troupes. Chaque jour, deux cavaliers et deux gardes montagnards
différents patrouillaient le long de la route. Un jour, aux environs
de midi, n’ayant vu personne sur la route et pensant qu’il n’y avait
personne, Babak, sa mère et une de ses femmes appelée Bint
al-Kalandaniyah, ses deux frères ‘AbdAllah et Mou’awiyyah et ses
compagnons sortirent de la forêt et se dirigèrent vers l’Arménie.
Les deux cavaliers et les
deux gardes montagnards les virent et envoyèrent aussitôt un
messager au corps principal de troupes, qui était sous le
commandement d’Abou as-Saj qui lui dit : « Nous avons vu un groupe
de cavaliers passer mais nous ne savons pas qui ils étaient ». Les
troupes montèrent pour voir de qui il d’agissait pour s’apercevoir
que c’était Babak et son groupe qui s’étaient arrêté près d’une
source d’eau où ils prenaient leur repas. Lorsqu’ils virent les
troupes musulmanes, les mécréants se levèrent hâtivement et Babak et
ceux qui étaient avec lui réussirent à s’enfuir, excepté
Mou’awiyyah, la mère de Babak et la femme qui était avec lui furent
capturés. Abou as-Saj envoya Mou’awiyyah et les deux femmes en
arrière dans son camp militaire. Babak força en avant vers la
direction qu’il avait choisie jusqu’à ce qu’il parvienne aux
montagnes d’Arménie, où il voyagea à travers elles clandestinement.
Il avait un besoin urgent de nourriture, mais tous les nobles
arméniens avaient posté des gardiens et des gardes dans leurs
territoires respectifs et leurs provinces et avaient ordonnés à
chacun de leurs postes de garde de ne permettre à quiconque de
passer sans l’arrêter et établir son identité si bien que tous les
commandants des postes de garde étaient en état d’alerte.
Babak affamé se trouvait sur
une éminence et remarqua un agriculteur qui labourait un de ses
champs dans une certaine vallée. Il dit alors à son esclave : «
Prends avec toi des dinars et des dirhams et descends vers ce
laboureur et s’il a du pain avec lui prend le et donne lui de
l’argent (en échange) ». Le laboureur avait un compagnon qui était
parti de côté réaliser un besoin naturel. L’esclave descendit vers
le laboureur tandis que son compagnon l’observait à distance. Il ne
bougea pas, effrayé par l’arrivée de l’homme qui se dirigeait vers
son compagnon et attendit de voir ce que son compagnon allait faire.
L’esclave tendit quelque chose au laboureur qui partit chercher du
pain qu’il tendit à l’esclave. Son compagnon qui observait la
situation durant tout ce temps, imagina que l’homme avait pris le
pain du pain du laboureur par force, sans se rendre compte qu’il
avait donné quelque chose en échange à son compagnon. Il partit donc
en courant au poste de garde et leur dit qu’un homme portant une
épée et des armes était venu chez eux et qu’il avait pris du pain de
son compagnon qui était dans la vallée.
Le commandant du poste de
garde partit aussitôt et, comme c’était dans les montagnes d’Ibn
Sounbat, il envoya en même temps ces renseignements à Sahl Ibn
Sounbat, qui partit sitôt en hâte, avec un groupe de ses hommes pour
le rejoindre. Quand il atteignit le laboureur, l’esclave était
encore avec lui et il demanda à l’homme : « Que se passe-t-il donc
ici ? » Le laboureur répondit : « Cette personne est passée près de
moi et m’a demandé du pain que je lui ai donné ». Ibn Sounbat dit à
l’esclave : « Où est ton maître ? » et il répondit : « Là-bas », en
inclinant sa tête en direction de Babak. Ibn Sounbat l’a suivi et
vit Babak, qui descendait la montagne. Quand il vit son visage, il
le reconnut. Ibn Sounbat descendit de son cheval par déférence pour
Babak, s’approcha de lui à pied et embrassa son étrier. Alors il lui
dit : « Hélas, mon seigneur, où te diriges-tu donc ? » Babak lui
répondit : « Je me dirige vers les terres byzantines », ou un autre
endroit qu’il nomma. Ibn Sounbat dit : « Tu ne trouveras nulle part
et nulle autre personne plus respectueuse envers toi et
reconnaissant tes droits et tes mérites que moi. C’est pourquoi, tu
devrais rester avec moi. Tu connais ma position ici, et il n’y a
aucun contact entre moi et le pouvoir central (as-soulta) et
tu ne seras pas mis en présence de l’un des leurs. Tu es au courant
de mes affaires personnelles, mon pays et de tous les princes locaux
ici. Ce sont des gens de ta propre maison ainsi que leurs enfants ».
Il voulait dire que chaque
fois que Babak apprenait qu’un des nobles avait une jolie fille une
jolie sœur, il envoyait un message à ce noble, pour la demander en
mariage. Si le noble en question l’envoyait à Babak, tout allait
bien mais s’il refusait, Babak l’attaquait lors d’un raid nocturne,
la saisissait par force avec toutes les possessions de ce noble
avant de revenir dans ses terres.
Ibn Sounbat dit alors à Babak
: « Viens et reste avec moi dans ma forteresse qui est ma propre
maison et je suis ton esclave. Passe cet hiver ici où tu pourras
considérer tes futures actions ». Babak éprouvé par la fatigue
accepta la proposition de Sahl Ibn de Sounbat et lui dit : « Il
n’est pas bon, tant pour moi que mon frère, d’être au même endroit
si quelqu’un devrait tomber sur l’un d’entre nous, mais si nous
sommes séparés, l’autre serait préservé. Mais, je resterai ici avec
toi et mon frère ‘AbdAllah ira chez Ibn Istifanous, car nous ne
savons pas ce qui pourrait arriver et nous n’avons aucun autre
successeur qui pourrait continuer alors à soutenir notre cause ».
Ibn Sounbat lui dit : « Tes fils sont nombreux ! » Mais Babak
répondit : « Pas l’un d’entre eux n’est valable », et il décida
d’envoyer son frère à la forteresse d’Ibn Istifanous, car il lui
faisait confiance. Alors, il partit avec Ibn Sounbat dans sa
forteresse et quand le matin arriva, ‘AbdAllah procéda vers la
forteresse d’Ibn Istifanous, tandis que Babak resta avec Ibn
Sounbat.
Ibn Sounbat écrivit
secrètement à al-Afshin, et l’informa que Babak était avec lui dans
sa forteresse. Al-Afshin répondit à Ibn Sounbat : « Si ces nouvelles
sont vraies, alors tu recevras quelque chose que tu aimes beaucoup
de moi et du commandant des croyants, puisse Allah Exalté le
renforcer ». Et il promit par écrit une généreuse récompense.
Al-Afshin donna une description de Babak à un de ses hommes de
confiance qu’il envoya à Ibn Sounbat à qui il écrivit, qu’il
envoyait cet homme pour identifier Babak et pour le lui confirmer en
retour (à al-Afshin).
Ibn Sounbat ne voulut pas
éveiller les soupçons de Babak, il dit alors à l’envoyé d’al-Afshin
: « Tu ne pourras donc le voir que lorsqu’il dînera avec moi. Quand
l’heure du repas arrivera, mets les vêtements de cuisinier de notre
maison, les vêtements locaux et apporte un plat quelconque. Il sera
préoccupé par la nourriture et tu pourras le regarder de près autant
que tu veux. Ensuite retourne chez ton maître ». Et l’envoyé fit
comme il lui avait été conseillé. Durant le repas, Babak leva sa
tête et le regarda, mais ne le reconnut pas et lui dit : « Qui est
cet homme ? » Ibn Sounbat lui répondit afin que l’Oushroussani
(l’envoyé d’al-Afshin) comprenne ce qu’il disait : « Un chrétien du
Khorasan, qui nous a rejoint il y a quelque temps ». Alors Babak
demande à l’homme : « Depuis combien de temps es-tu ici ? » L’envoyé
répondit : « Depuis l’année un tel et un tel ». Babak lui dit : «
Comment es-tu venu pour rester ici ? » Il dit : « Je me suis marié
ici ». Babak s’exclama alors : « Tu as dit la vérité ! Car lorsque
l’on demande à un homme d’où il vient, il répond « D’où ma femme
vient ! » »
L’envoyé retourna alors à
al-Afshin avec les renseignements et lui décrivit tout qu’il vit.
Al-Afshin envoya Abou Sa’id et Bouzbarah à Ibn Sounbat avec une
lettre et leur ordonna que lorsqu’il devait arriver à une certaine
route, il devait faire parvenir la lettre à Ibn Sounbat avec un
autochtone. Il leur ordonna aussi de ne pas désobéir à Ibn Sounbat
dans n’importe quelles instructions qu’il pourrait leur donner et
ils firent comme il fut demandé. Ibn Sounbat leur écrivit et leur
demanda de rester dans un certain endroit, qu’il leur nomma et leur
décrivit et d’attendre jusqu’à ce que l’un de ses envoyés vienne les
trouver. Ils restèrent donc dans l’emplacement prescrit par Ibn
Sounbat qui leur envoya des réserves et des provisions profitant que
Babak était parti pour la chasse. Ibn Sounbat lui dit : « Il y a une
vallée à l’air doux et parfumé alors que tu es confiné dans cette
forteresse ! Pourquoi ne sortons-nous pas en emportant avec nous un
faucon, une crécerelle et d’autre équipement pour nous distraire en
chassant jusqu’à l’heure de repas de midi ? » Babak répondit : «
Comme tu veux ».
Les deux hommes
sortirent donc ensemble le
lendemain matin et Ibn Sounbat écrivit
à Abou Sa’id et à Bouzbarah pour les informer de son intention afin
qu’il l’intercepte avec leur force militaire sur l’un des flancs de
la montagne. Il les instruisit de voyager au moment de la prière de
l’aube et lorsque son messager viendrait les trouver, ils devraient
prendre une position avantageuse donnant sur la vallée et les
capturer. Quand Ibn Sounbat et Babak sortirent le matin suivant, il
envoya de nouveau un messager à Abou Sa’id et un autre à Bouzbarah
qui leur dirent : « Prends un groupe d’hommes à tel et tel un
endroit et ramène les à tel et tel endroit. Choisit alors une
position élevée et quand vous nous verrez, criez : « ils sont là !
Saisissez-les ! » Il voulait par ce stratagème confondre Babak, pour
qu’il puisse dire : « Ce groupe de cavaliers vient vers nous et va
nous capturer ! », Car Ibn Sounbat ne voulait pas leur remettre
directement Babak de sa propre résidence.
Les deux messagers vinrent
trouver Ibn Sa’id et Bouzbarah qui les suivirent jusqu’à ce qu’ils
atteignent une position élevée sur la vallée d’où ils virent Babak
et d’Ibn Sounbat ! Ils regardèrent vers Babak et ensuite eux et
leurs hommes descendirent chacun d’un côté et les saisirent tous les
deux avec leurs crécerelles. Babak coiffé d’un turban était vêtu
tout de blanc et chaussait de courtes bottes, un faucon perché sur
sa main. Quand il vit que les troupes l’avaient encerclé, il
s’arrêta et regarda les deux chefs, qui lui dirent : « Descend ! »
Il répondit : « Qui êtes-vous ? » L’un d’entre répondit : « Je suis
Abou Sa’id » et l’autre dit : « Je suis Bouzbarah ». Babak dit : «
Bien ». Il fit passer sa jambe par-dessus sa monture et descendit.
Pendant ce temps, Ibn Sounbat le regardait et Babak leva sa tête
vers lui, l’injuria et lui dit : « En vrai, il m’a simplement vendu
aux Juifs simplement pour une somme insignifiante. Si tu voulais de
l’argent et que tu me l’avais demandé, je t’aurais donné bien plus
de ce qu’ils te donnent ! » Abou Sa’id lui dit : « Remonte, et
partons ». Babak répondit : « Ainsi soit-il ».
Ils le conduisirent et le
ramenèrent à al-Afshin. Quand Babak approcha du camp, al-Afshin
partit pour Barzand ou une tente fut montée pour lui. Il ordonna aux
troupes de former deux lignes et il s’assit dans la tente ou ils
introduisirent Babak. Al-Afshin ordonna aux troupes de ne permettre
à aucun Arabe d’entrer entre les deux lignes, de peur que l’un
d’entre eux, dont Babak avait tué l’un des leurs, ne puisse tuer ou
blesser ce dernier. Un grand nombre de femmes et d’enfants arabes et
perses qui avaient été captifs chez Babak, bien qu’ils soient nés
libres, arrivèrent lorsqu’ils furent informés de la capture de
Babak. Une clôture fut donc étendue derrière laquelle al-Afshin les
fit installer et où il leur octroya des allocations de pain. Il leur
ordonna d’écrire à leurs proches, ou qu’ils soient, qui pourrait les
reconnaître afin de leur les rendre s’ils présentaient deux témoins
attestant que cette femme, ce garçon ou cette fille faisait partie
des gens de leur maison et de leur famille. Les gens arrivèrent et
emportèrent un grand nombre d’entre eux, mais un nombre considérable
d’entre eux restèrent à attendre leurs parents.
Le jour où al-Afshin ordonna
aux troupes de se former en lignes, il y avait une distance de
quelques centaines de mètres entre lui entre lui et Babak, vêtus de
ces vêtements blancs et de ses bottes à qui il fut ordonné de
descendre de sa monture et de marcher entre les deux lignes jusqu’à
ce qu’il arrive devant al-Afshin. Al-Afshin le regarda et dit : «
Amenez-le au camp ». Ils l’emmenèrent donc et al-Afshin donna alors
des ordres pour qu’il soit emprisonné dans une maison, à qui il
confia la garde à certains de ses hommes.
Quant au frère de Babak,
‘AbdAllah, après avoir quitté Babak, alla à la forteresse de ‘Issa
Ibn Youssouf Ibn Istifanous. Quand Babak fut capturé par al-Afshin
et emmené dans son camp militaire, ce dernier fut informé de
l’endroit où se trouvait. Alors, al-Afshin écrivit à Ibn Istifanous
et lui demanda de lui envoyer ‘AbdAllah, ce qu’il fit. Quand il
arriva chez al-Afshin, il l’emprisonna dans la même maison que son
frère (avec Babak), gardée par un groupe de ses hommes. Puis, il
écrivit à al-Mou’tassim pour l’informer de la capture de Babak et
son frère et al-Mou’tassim lui ordonna de les lui apporter. Quand
al-Afshin fut sur le point de retourner en Iraq, il envoya un
message à Babak lui disant : « Je suis sur le point de partir, en
t’emmenant, jette donc un dernier regard vers tout ce que tu veux de
la terre d’Azerbaïdjan ». Babak répondit : « Je suis impatient de
revoir ma ville de nouveau ». Al-Afshin le fit escorter par une nuit
de pleine lune à al-Badh et Babak se promena dans la ville détruite
jusqu’à l’aube ; alors l’escorte le ramena à al-Afshin qui le confia
à la garde d’un de ses hommes. Babak escorté entre Bouzbarah et Abou
as-Saj Diwdad fut remis à al-Afshin à Barzand le 10 Shawwal de
l’année 222 de l’Hégire (836).
L’exécution de Babak
En l’an 223 de l’Hégire
(837), al-Afshin apporta Babak et son frère à al-Mou’tassim à
Samarra où ils furent exécutés.
Il a été rapporté
qu’al-Afshin rejoignit al-Mou’tassim à Samarra dans la nuit du jeudi
(mercredi-jeudi) 3 du mois de Safar et qu’al-Mou’tassim avait
l’habitude d’envoyer chaque jour à al-Afshin, du moment où il quitta
Barzand jusqu’à ce qu’il arrive à Samarra, un cheval et une robe
d’honneur. Il a aussi été mentionné qu’à cause de son inquiétude sur
l’affaire de Babak et sur le fait de ne pas recevoir des nouvelles
de lui mais aussi à cause du mauvais état de la route dû aux chutes
de neige et d’autres choses, al-Mou’tassim fit posté des chevaux
rapides le long de la route entre Samarra et le défilé menant à Houlwan.
Au début de chaque Farsakh (5
km) était posté un cheval avec un cavalier rapide, qui galopait avec
les nouvelles, pour les retransmettre personnellement à un autre
homme posté de la même façon qu’il lui-même les remettait à un autre
homme, dont le dernier de la file les remettait directement au
calife. Entre Houlwan et l’Azerbaïdjan, il avait aussi posté
des montures d’al-Marj qui étaient montés durant un jour ou deux
jours avant d’être échangés par de nouvelles montures et ainsi de
suite qui étaient entretenues par des esclaves du personnel
d’al-Marj et posté aussi au début de chaque Farsakh. Al-Mou’tassim y
avait posté, jour et nuit, des gardiens sur les sommets qui
poussaient des cris à l’approche d’un des relais. Quand le cavalier
qui était près du cri l’entendait, il se tenait prêt mais son
homologue qui avait crié ne devait pas le retrouver avant que
l’autre ne l’attende sur la route ; alors il prenait en charge la
sacoche contenant le courrier. De cette manière, le courrier qui
partait de Samarra au camp militaire d’al-Afshin[1],
ou vice et versa, mettait quatre jours ou moins pour lui parvenir.
Quand al-Afshin atteignit
Qanatir Houdayfah, il rencontra là Haroun Ibn al-Mou’tassim
(al-Wathiq) et les membres de la maison d’al-Mou’tassim. Quand
al-Afshin apporta Babak à Samarra, il logea ce dernier dans son
propre palais à al-Matirah. Au milieu de la nuit, Ahmad Ibn
Abi Douwad déguisé vint et parla avec Babak avant de retourner chez
al-Mou’tassim pour le lui décrire. Peu après, al-Mou’tassim déguisé
voyagea entre les deux murs d’al-Hayr, et entra en présence
de Babak et le scruta longuement sans que Babak le reconnaisse.
Le matin suivant, un lundi ou
un jeudi, al-Mou’tassim s’assit au siège de l’état pour recevoir
Babak. Les troupes furent déployées de chaque côté en ligne le long
de la route entre Bab al-‘Ammah à al-Matirah et al-Mou’tassim voulut
montrer Babak au peuple en général. Il demanda donc : « Sur quelle
sorte de monture ce type devrait-il être placé pour mieux être mis
en valeur ? » Hizam lui dit : « O commandant des croyants, il
n’y a rien de mieux pour exhiber quelqu’un qu’un éléphant ! »
Al-Mou’tassim remarqua : « Tu as dit la vérité » et il ordonna de
préparer l’éléphant. Il donna des ordres supplémentaires concernant
Babak et il fut habillé d’un court manteau de brocart, de fourrure
de zibeline et d’une coiffe ronde et pointue (qalansouwah) et
laissé complètement
seul.
Les gens regardèrent Babak
attentivement d’al-Matirah jusqu’à Bab al-‘Ammah. Il fut apporté
ensuite dans la chambre d’audience publique devant le commandant des
croyants qui convia un boucher pour lui couper les mains et les
pieds avant d’ordonner d’amener plutôt le propre bourreau de Babak.
Le chambellan sortit par Bab al-‘Ammah, en appelant Noudnoud, le
bourreau de Babak, et l’appel de la demande de Noudnoud se propagea
jusqu’à ce qu’il vienne. Il entra dans la chambre d’audience
publique et le commandant des croyants lui ordonna de couper les
mains et les pieds de Babak. Il le fit et Babak tomba à terre. Alors
le commandant des croyants ordonna de le tuer et l’un d’entre eux
(le boucher ou Noudnoud) lui trancha la tête qui fut envoyée au
Khorasan tandis que son corps fut pendu dans Samarra à al-‘Aqabah,
un dépôt de bois.
Plus tard, al-Mou’tassim
ordonna d’envoyer ‘AbdAllah, le frère de Babak, avec Ibn Sharwin
at-Tabari à Ishhaq Ibn Ibrahim, son lieutenant dans la Ville
de Paix (Baghdad), qui ordonna de décapiter ‘AbdAllah et de faire de
son corps comme il fut fait à son frère. Quand at-Tabari apporta
‘AbdAllah à al-Baradan, il s’arrêta avec lui dans le palais de la
ville. ‘AbdAllah, le frère de Babak, dit à Ibn Sharwin : « Qui es-tu
? » Ibn Sharwin lui répondit : « Le gouverneur du Tabaristan ».
‘AbdAllah s’exclama : « Louange à Dieu, qui a permis qu’un homme de
la classe des dihqans (prince) soit chargé de mon exécution ! » Mais
Ibn Sharwin répondit : « C’est plutôt
cet individu qui va se charger de toi » en désignant Noudnoud
qui était avec lui et qui avait déjà tué son frère Babak. ‘AbdAllah
dit : « Tu es mon égal social et mon compatriote, mais ce type est
un pur barbare. Maintenant dit moi, t’a-t-on ordonné de me permettre
de la nourriture ou non ? » Il répondit : « Demande ce que tu veux
». ‘AbdAllah dit : « Pétrissez-moi un Faloudajah ». Ibn Sharwin
donna des ordres et un Faloudajah lui fut apporté au milieu de la
nuit et il mangea jusqu’à ce qu’il soit complètement satisfait.
Alors il dit : « O Abou untel, demain matin tu verras que je suis un
vrai dihqan, si Dieu le veut ! »
Ibn Sharwin partit à l’aube
et amena ‘AbdAllah à la Ville de Paix. Ishhaq Ibn Ibrahim
ordonna de trancher ses mains et ses pieds et ‘AbdAllah ne prononça
le moindre son. Puis, Ishhaq Ibn Ibrahim ordonna de pendre
son cadavre dans la partie est de la ville entre les deux ponts
Il a été rapporté de Tawq Ibn
Ahmad que lorsque Babak s’enfuit, il alla trouver Sahl Ibn
Sounbat. Al-Afshin lui envoya alors Abou Sa’id et Bouzbarah, pour
garder Babak. Sahl envoya son propre fils Mou’awiyyah avec Babak à
al-Afshin qui ordonna de donner cent-mille dirhams pour Mou’awiyyah
et un million de dirhams pour Sahl, qui reçut du commandant des
croyants, une ceinture sertie de joyaux et une couronne de grade
princier et c’est ainsi que
Sahl acquit le statut de prince. Il a aussi été rapporté de
Tawq que ‘AbdAllah, le frère de Babak trouva refuge chez ‘Issa Ibn
Youssouf, connu sous le nom d’Ibn Oukht Istifanous, le souverain
d’al-Baylaqan.
Pendant la période de sa
confrontation avec Babak, al-Afshin fut payé, en plus de la paie de
son grade, des provisions, du logement et des frais extraordinaires
dix-mille dirhams pour chaque jour qu’il combattit l’ennemi et
cinq-mille dirhams pour chaque jour où il resta sans combattre.
Le nombre total des gens que
Babak tua sur une période de vingt ans est de 255.000 Musulmans. Il
vainquit successivement Yahya Ibn Mou’ad, ‘Issa Ibn Muhammad
Ibn Abi Khalid, Ahmad Ibn al-Jounayd (qu’il fit prisonnier),
Zourayq Ibn ‘Ali Ibn Sadaqah, Muhammad Ibn Houmayd at-Toussi
et Ibrahim Ibn al-Leyth. Trois-mille-trois-cent-neuf partisans de
Babak, furent capturés. Sept-mille-six-cents femmes et enfants
musulmans tombés entre ses mains furent délivrés. Dix-sept fils et
vingt-trois filles et belles-filles de Babak tombèrent entre les
mains d’al-Afshin.
Le Calife al-Mou’tassim
présenta à al-Afshin une couronne dont il fut ceint avec deux
ceintures sertie de pierres précieuses et lui donna vingt millions
de dirhams, dont dix millions comme un cadeau personnel et les dix
autres millions pour ses troupes. Al-Mou’tassim le nomma gouverneur
du Sind et fit intervenir des poètes pour le louer et lui offrir
d’autres présents le jeudi 13 du mois de Rabi’ II de l’année 223 de
l’Hégire (837).
La
secte des khourramiyah
Al-Mou’tassim fut extrêmement
heureux de sa capture, du fait de ce que Babak causa comme problème
à l’état et au regard des immenses sommes d’argent qui furent
dépensé pour venir à bout de lui sur une durée de 20 ans mais aussi
parce qu’il mit fin à la secte des khourramiyah et à leurs croyances
corrompues.
Nous avons mentionné au début
de ce livre que les sectes déviantes des qayssaniyah moukhtariyah
étaient les partisans de Moukhtar al-Kaddab (le menteur) Ibn Abi
‘Oubayd ath-Thaqafi qui appelaient à l’imamat de Muhammad Ibn
Hanafiyyah et qui croyait qu’il était vivant éternel, qu’il
ne mourait pas et qui se trouvait dans la montagne de Rabwah à
Tihama. Nous avons aussi mentionné que parmi les sectes qayssaniyah
qui se subdivisèrent par la suite, il y avait la secte hashimiyah
qui affirmait que lorsque Muhammad Ibn Hanafiyyah
mourut, l’imamat passa à son fils Abou Hisham ‘AbdAllah Ibn Muhammad.
La secte hashimiyah se divisa
à son tour en un nombre important d’autres sectes déviantes. Toutes
ces sectes hérétiques, sont d’accord sur certains points comme la
transmigration des âmes, que si celui qu’il supporte meurt, sa
prophétie, sa pensée ou son imamat, et transféré dans le corps d’un
autre individu. Parmi les points sur lesquels ils sont tous d’accord
est la pratique effrénée de tous les péchés possibles y compris
envers les personnes qui leur sont interdites.
Parmi les sectes hashimiyah,
il y en a une qui affirme que l’âme d’Abou Hisham ‘AbdAllah Ibn Muhammad
transmigra de ‘AbdAllah Ibn Mou’awiyyah Ibn ‘AbdAllah Ibn Ja’far Ibn
Abi Talib. Cet hérétique, ‘AbdAllah Ibn Mou’awiyyah, dit à ses
partisans athées que l’âme d’Allah Exalté s’était insufflée en lui.
Qu’Allah nous préserve de la mécréance et de la déchéance. Dès lors,
ce criminel athée et mécréant prétendit recevoir la révélation et se
rebella contre l’état en Iran, à la fin du règne des Omeyyades et le
gouverneur de l’Iraq, Yazid Ibn ‘Omar Ibn Houbayrah al-Fazari lui
envoya une armée sous le commandement de ‘Amr Ibn Zoubarah al-Mourri
al-Ghatafani. Lorsque ce criminel athée, ‘AbdAllah Ibn Mou’awiyyah,
se révolta contre l’état omeyyade, il fut suivi par beaucoup de gens
des Banou Hashim dont ‘AbdAllah Ibn ‘Ali Ibn ‘AbdAllah Ibn ‘Abbas et
le fils de son frère Abou Ja’far al-Mansour mais ‘Amr Ibn Zoubarah
les vainquit en l’an en 129 de l’Hégire (746) mais l’athée s’enfuit
à Shiraz puis à Herat ou il fut capturé par le gouverneur de la
ville Abou Mouslim al-Khorassani qui ordonna de le pendre à cause du
danger qu’il représentait pour les Abbassides.
De cette secte déviante,
apparut la secte des khourramiyah dont le fondateur est Babak
l’athée (al-moulhid). Les khourramiyah existaient
avant l’Islam et avait pour nom les mazdakites de leur fondateur
perse Mazdak l’athée. Ce Mazdak propageait ses croyances corrompues
parmi les rois perses. Ses croyances consistaient à se partager
leurs biens et leurs femmes entre eux. Nous les avons déjà
mentionnés dans notre précédent volume, et bien qu’il ait été
rapporté beaucoup sur cette secte, ce que nous avons rapporté sur le
sujet est largement suffisant. Mazdak fut tué par le roi perse Kisra
Anoushirwan.
Dans l’état islamique, cette
secte réapparut par Babak le mage perse, surnommé al-Hassan,
et fut appelé al-babakiyah ou al-khourramiyah. Cette secte donna
naissance à une autre secte du nom d’al-mazira'iyah de son fondateur
Maziyyar Ibn Qaran qui était aussi un mage perse. Il entra en Islam
et se surnomma Muhammad. Ces deux sectes, al-khouramiyah et
al-mazira'iyah sont aussi connus sous le nom d’al-mouhammirah
ou al-mouhammarah parce les partisans de cette secte
s’habillaient de rouge pour se reconnaître.
Il a aussi été rapporté que
le fondateur de ses sectes, qui ont des croyances communes, avant
l’Islam était un chef perse du nom de Shourwin dont le père était un
zanj et sa mère une fille des rois perses qui croyaient que ce
Shourwin, « le chien » (ainsi mentionné par l’historien), était
meilleure que les prophètes, paix et bénédictions d’Allah sur eux,
excepté pour Muhammad, paix et bénédictions d’Allah sur lui,
qui n’existait pas encore à l’époque.
Quand l’Islam arriva, et que
les Perses entrèrent en Islam, les séquelles de ces sectes et de
leurs tribulations se répercutèrent sur les peuplades de ce pays par
la suite et jusqu’à de nos jours d’ailleurs. Nous voyons comment,
pour la majorité d’entre eux, ces gens sont devenus les pires
ennemis de l’Islam et comment ils revendiquent des droits
qu’eux-mêmes n’accordent même pas à leurs citoyens.
Al-Mou’tassim vint aussi à
bout de Maziyyar Ibn Qaran qui s’étaient rebellés au Jourjan et il
fut ramené à Samarra ou il fut fouetté (siyat) avant d’être
crucifié prêt de Babak.
Alors que le calife était
occupé par les séditions causées par Babak, l’empereur byzantin
Théophile fils de Mickael II, attaqua avec ses armées les Musulmans
à Zibatrah en l’an 223 de l’Hégire (837).
Les Musulmans attaqués par l’empereur byzantin à Zibatrah et à
Malatyah[2]
En l’an 223 de l’Hégire
(837), Théophile le fils de Michael, le souverain des Byzantins,
attaqua les habitants de Zibatrah qu’il prit en captivité avant de
ravager la ville. Puis, il marcha aussitôt après sur Malatyah et
d’autre forteresse musulmane qu’il attaqua simultanément. Il a été
rapporté, qu’il asservit plus de mille femmes musulmanes, qu’il fit
trancher les oreilles et le nez de tous les hommes musulmans qui
tombèrent entre ses mains avec des fers incandescents et que tous
les enfants furent tués. Lorsque les Musulmans entendirent ces
nouvelles, ils furent extrêmement peinés et sur-le-champ le calife
ordonna aux armées de se préparer pour répondre à cette attaque.
Quant à ceux qui ont dit que le calife s’était mis en route à cause
d’une femme musulmane prisonnière, qui violée par les Byzantins,
avait criée « O Mou’tassima » est sans fondement[3].
Le souverain byzantin se
comporta ainsi avec les Musulmans à cause de la situation dans
laquelle Babak tomba et parce qu’il fut acculé au bord de
destruction par al-Afshin qui ne relâcha pas la pression sur lui.
Quand Babak fut au seuil de la perdition finale, convaincu que ses
propres ressources étaient trop faibles pour combattre al-Afshin, il
écrivit au roi des Byzantins, Théophile Ibn Michael Ibn George, et
l’informa que le roi des Arabes avait envoyé ses armées et ses
guerriers contre lui, et qu’il était même sur le point d’envoyer son
tailleur, Ja’far Ibn Dinar, et son cuisinier Aytakh et que personne
ne resterait dans son palais. Par conséquent, il lui dit : « Sache
que si tu veux marcher contre lui, il n’y aura personne pour se
mettre en travers de ton chemin ni t’arrêter ». Babak envoya cette
lettre au roi des Byzantins pour l’inciter à combattre les Musulmans
dans l’espoir que les difficultés auxquelles il faisait face se
dissiperait et qu’al-Mou’tassim transférerait certaines des armées
lui faisant face pour combattre le roi byzantin et pour détourner
son attention de lui.
Il a été rapporté que
Théophile se mit en route avec une force de 100.000 hommes. D’autres
ont dit plus de 100.000 hommes dont 70.000 de l’armée régulière et
le reste de troupes auxiliaires, jusqu’à ce qu’il atteignit
Zibatrah. Il avait avec lui un groupe de mouhammirah, sous le
commandement de Barsis, qui fut impliqué dans la révolte à Jibal et
qui rejoignit par la suite les Byzantins à l’époque où Ishhaq
Ibn Ibrahim Ibn Mous’ab lutta contre eux.
Le roi Byzantin leur avait
assigné des revenus, leur avait fourni des femmes et les avait
inscrits comme des guerriers de l’armée régulière, en utilisant
leurs services dans ses affaires de grande importance. Quand le roi
byzantin entra à Zibatrah, tua les hommes et asservit les femmes et
les enfants avant d’incendier la ville, il a été rapporté que des
réfugiés fuyants parvinrent aussi loin que Samarra. Les gens des
zones frontières de la Syrie et d’al-Jazirah ainsi que tous les gens
d’al-Jazirah sortirent pour lancer une contre-attaque excepté ceux
qui ne disposaient ni d’armes et de montures. Al-Mou’tassim
considéra cet événement comme une grande calamité et il a été
rapporté que lorsque les nouvelles lui parvinrent, il appela aux
armes dans son palais. Alors il monta son cheval et attacha derrière
les sacoches de sa selle un socle de charrue en fer pour combattre
mais, il reconsidérera son action et jugea peu recommandable de se
mettre en route avant qu’il ait procédé à des arrangements.
Selon ce qui a été mentionné,
il tint une réunion dans la chambre d’audience publique, ayant
convoqué un groupe de personnes de la Ville de Paix, incluant le
juge de la ville, ‘AbderRahmane
Ibn Ishaq et Shou’ayb Ibn Sahl, accompagné par
trois-cent-vingt-huit hommes dont le témoignage était considéré
comme juridiquement admissible ; et il les prit comme témoins pour
la disposition de ses domaines (testament). Il mit un tiers de côté
pour ses enfants, un tiers pour Allah et un tiers pour ses Mawlah.
Ensuite il campa sur la rive ouest du Tigre, le lundi 2 de mois de
Joumadah Awwal de l’année 223 l’Hégire (837). Il envoya ‘Oujayf Ibn
‘Anbassah, ‘Amr al-Farghani, Muhammad Koutah et un groupe
d’autres commandants à Zibatrah pour secourir ses gens, mais
lorsqu’ils arrivèrent, ils constatèrent que le roi des Byzantin
était retourné dans ses terres après avoir commis tout ce que nous
avons mentionné préalablement. Ils attendirent jusqu’à ce que les
gens reviennent progressivement dans leur ville et que le calme y
soient revenus.
Quand al-Mou’tassim mit enfin
la main sur Babak, il demanda : « Quelle place est la plus fortifiée
et la plus imprenable dans les terres byzantines ? » On lui répondit
: « ‘Amouriyyah. Aucun musulman depuis la venue de l’Islam n’a tenté
de la capturée. C’est le cœur de la chrétienté et du point de vue
des chrétiens, la ville était plus exaltée et estimée que
Constantinople ».
[1]
Soit plus de neuf cent kilomètres à vol d’oiseau.
[2]
Zibatrah et à Malatyah étaient des villes frontalières à la
pointe du Tigre et de l’Euphrate dans la province
d’al-Jazirah qui étaient proche de la terre des Byzantins et
qui correspond aujourd’hui à la Turquie.
[3]
Ces propos sont rapporté par le Dr Ahmad Da’idj dont
nous avons utilisé le livre audio « at-tarikh
as-siyassiyah lil Dawlah ‘Abbassiyyah » en filigrane
chronologique pour rédiger ce livre. Puisse Allah le
récompenser largement en bien pour ses excellentes œuvres.