La capture d’al-Badh

 

Il a été rapporté que lorsqu’al-Afshin se résolut de marcher vers al-Badh, il partit de Kalan Roudh et avança peu à peu, contrairement à ses habitudes. Il avançait quelques kilomètres et établissait son camp dans une poche sur la route menant au défilé qui descend à Roudh ar-Roudh, sans creuser de tranchée défensive, mais en prenant les montagnes comme protection naturelle. Al-Mou’tassim lui écrivit et lui ordonna de poster des escadrons qui prendraient à tour de rôle la garde pendant le jour, monté sur leurs chevaux, comme l’armée patrouillait habituellement le campement la nuit. Un certain nombre de troupes devait rester dans le camp et les autres devaient rester montés sur leurs destriers et patrouiller à une certaine distance du camp comme il le faisait la nuit, sauf que dans les circonstances présentes, il y avait des patrouilles nuit et jour de peur d’être attaqué par surprise. De cette manière, si un soudain désastre devait les assaillir, la cavalerie serait déployée aussitôt en formation de bataille et l’infanterie serait dans le camp.

Cependant, les troupes se plaignirent à cause de leur épuisement et dirent : « Combien de temps allons-nous rester coincés ici dans le défilé quand nous pourrions être sortis dans la plaine ? Entre nous et l’ennemi, il y a plus de dix kilomètres et nous nous comportons comme si l’ennemi nous faisait face ! Nous sommes devenus un objet de honte aux yeux des gens et des espions qui passent entre nous et l’ennemi dans la zone intermédiaire de la distance qui nous sépare et nous nous comportons comme si nous étions presque morts d’effroi. Que le résultat soit bon ou mauvais, permet-nous d’avancer ! »

Al-Afshin répondit : « Par Allah, je sais fort bien que ce que vous dites est juste. Mais le commandant des croyants m’a ordonné de le faire et je n’ai d’autre choix que de lui obéir ». Peu après cela, une autre lettre d’al-Mou’tassim arriva qui lui ordonnait de procéder comme il le faisait déjà. Il continua donc ainsi durant plusieurs jours et descendit ensuite avec ses deux hommes jusqu’à ce qu’il arrive à Roudh ar-Roudh. Il procéda en avant jusqu’à ce qu’il se retrouve exactement dans la région rocheuse ou Babak l’avait attaqué l’année précédente. Il examina l’endroit et y trouva un escadron des khourramiyah qui ne l’attaquèrent pas et lui non plus. Certains indigènes non arabes lui dirent : « Que t’arrive-t-il donc ? Tu avances et tu t’arrêtes ! N’as-tu pas honte de toi-même ? » Néanmoins, al-Afshin ordonna de ne pas les attaquer (les khourramiyah), de ne pas avancer et de ne pas leur livrer bataille. Il resta ainsi à observer l’ennemi jusqu’au début de l’après-midi avant de revenir vers son campement. Il y resta deux jours et ensuite il redescendit de nouveau la pente avec une force plus grande que la précédente. Il ordonna à Abou Sa’id d’avancer et d’observer l’ennemi de la même manière que la précédente fois, sans les provoquer ni même les assaillir.

Al-Afshin resta à Roudh ar-Roudh ou il ordonna aux gardes montagnards de grimper au sommet des montagnes qu’ils jugèrent être naturellement imprenables et de revenir l’informer sur les meilleures places où l’infanterie pourrait se fortifier. Ils choisirent pour lui trois montagnes qui avaient déjà servies de fortifications dans le passé et qui étaient en ruine. Al-Afshin fit venir ensuite Abou Sa’id qui revint de son observation le même jour. Quand deux jours s’écoulèrent, al-Afshin descendit de son camp à Roudh ar-Roudh, en prenant avec lui les kilghariyah, un corps spécial de génie civil chargé de la main-d’œuvre, qui apportèrent avec eux des outres remplies d’eau ainsi que des gâteaux secs. Quand ils atteignirent Roudh ar-Roudh, il envoya en avant Abou Sa’id, et lui ordonna d’observer l’ennemi encore une fois de la même manière que les fois précédentes. Il ordonna aux ouvriers de transporter des roches et de fortifier les routes qui menaient à ces trois montagnes jusqu’à ce qu’elles ressemblent à des forteresses. Il donna d’autres ordres pour creuser des tranchées derrière chacune de ces routes jusqu’en haut de la montagne, laissant ainsi une seule voie d’accès menant à chaque sommet. Alors il donna l’ordre à Abou Sa’id de revenir ; et lorsqu’il revint, al-Afshin retourna aussi dans son camp.

Il a été rapporté : Lorsque le huitième jour du mois arriva, la place forte avait été parfaitement rétablie et bien fortifiée. Al-Afshin donna des biscuits et du Sawiq[1] comme provisions aux fantassins et des provisions et de l’orge pour la cavalerie. Il désigna des hommes pour garder son campement tandis que le reste de la troupe descendit. Il ordonna aux fantassins de monter aux hauts de ces montagnes et d’emporter avec eux toute l’eau nécessaire qu’ils auraient besoin, ce qu’ils firent. Il établit le camp dans le voisinage et envoya Abou Sa’id pour observer l’ennemi comme auparavant, en ordonna en même temps aux troupes de descendre avec leurs armes prêtes et aux cavaliers de ne pas emporter les selles de leur monture. Alors il délimita une tranchée et ordonna au corps de génie civil de se mettre au travail immédiatement qu’il fit superviser par des responsables qui les encourageaient tandis que lui-même descendit de sa monture ainsi que les cavaliers. Ils s’arrêtèrent sous l’ombre des arbres, et laissèrent leur pâturage dans les monts. Après avoir accompli la prière de l’après-midi, il ordonna aux ouvriers et aux fantassins de grimper les sommets et de se réfugier dans les places qu’il avait fait fortifier. Il ordonna aux fantassins de rester sur leur garde, de ne pas aller s’endormir sur les sommets, mais plutôt de laisser les ouvriers dormir aux sommets. À la lueur de l’aube naissante, il ordonna à la cavalerie de monter leurs destriers, qu’il divisa en escadron qu’il sépara les uns des autres d’une distance d’un lancer de flèche. Puis il ordonna à chaque escadron : « Assurez-vous que chacun d’entre vous ne porte pas d’attention aux autres mais qu’il fasse attention à celui qui est près de lui. Même si vous entendez des grands bruits, ne permettez à aucun d’entre vous de porter son attention sur un autre groupe. Chaque escadron doit être responsable seulement de ce qui est près de lui, sans porter aucune à n’importe quel bruit ».

Les escadrons de cavalerie restèrent montés jusqu’à l’aube, pendant que les fantassins assuraient la garde sur les sommets. Al-Afshin ordonna aux fantassins que s’ils se rendaient compte de quelque chose au cours de la nuit de ne pas s’en inquiéter mais que chacun d’entre eux devait rester dans la position qui lui avait été assignée, de garder sa montagne particulière et sa tranchée ; et que personne ne devait faire attention à n’importe qui d’autre.

Ils continuèrent ainsi jusqu’à l’aube. Alors il ordonna à quelqu’un de convenir d’un arrangement entre les cavaliers et les fantassins pour les diviser en périodes de garde et de sommeil et qu’il considérerait plus tard leur situation. Ils passèrent les dix jours suivants à creuser la tranchée et le dixième jour il y prit position. Alors il l’a divisa parmi les troupes et ordonna aux commandants de faire venir leurs bagages et leurs hommes afin qu’ils combattent sans soucis (pour leur fournir le confort et le soutien).

 

À ce point, un envoyé de Babak arriva avec différentes sortes de cucurbitacées, des melons et des concombres expliquant à al-Afshin qu’il était connu qu’il subissait les difficultés ces jours-ci et que lui et ses troupes devaient subsister sur les biscuits et le Sawiq seuls et que Babak avait voulu lui montrer de la gentillesse au moyen de ces cadeaux. Al-Afshin répondit à l’envoyé : « Je sais certainement de ce que mon frère intente avec cela! Il veut seulement jeter un regard sur l’armée, mais je suis effectivement le plus méritant de recevoir sa bienveillance et satisfaire son désir, car il a remarqué avec justesse que j’avais des difficultés ». Puis il continua et dit à l’envoyé : « Quant à toi, tu dois sans aucun doute monter pour voir notre campement puisque tu as déjà vu ce qu’il y a sous tes yeux ; ainsi tu verras aussi ce qui est derrière nous ». Il ordonna de fournir une monture à l’envoyé et l’emmena en haut de la montagne jusqu’à ce qu’il puisse voir toutes les tranchées y compris celles de Kalan Roudh et de Barzand ; qu’il devait les observer attentivement et que rien de l’activité militaire lui soit dissimulée afin qu’il puisse bien informer son maître. Lorsque cela fut fait, et qu’il revint, al-Afshin le libéra et lui dit : « Part et transmet mes salutations à Babak ! »

Certains des khourramiyah avaient l’habitude d’interférer avec ceux qui apportaient des provisions à l’armée d’al-Afshin. Cela fut fait une ou deux fois, mais après que trois escadrons des khourramiyah vinrent jusqu’aux pieds des remparts de la tranchée d’al-Afshin, en criant tout le temps. Al-Afshin ordonna à ses troupes de ne pas leur adresser la parole et ils firent cela durant deux ou trois nuits. Alors, derrière les remparts, les troupes musulmanes commencèrent à faire galoper leurs destriers à plusieurs occasions jusqu’à ce que les khourramiyah deviennent familiers avec ce bruit. Puis, al-Afshin prépara contre eux quatre escadrons de cavaliers et de fantassins dont le dernier était des archers, et les établit en  embuscades contre les khourramiyah dans les vallées, en plaçant des guets au-dessus d’eux. Quand les khourramiyah descendirent en criant comme ils en avaient précédemment l’habitude, al-Afshin lâcha contre eux la cavalerie et les fantassins, qui avaient été auparavant déployés, coupant la voie de retraite des khourramiyah. Et durant la nuit, al-Afshin leur envoya deux escadrons supplémentaires de fantassins. Les khourramiyah se rendirent compte que le passage de la montagne avait été bloqué et ils se dispersèrent le long d’un certain nombre de pistes et durent grimper les montagnes. Ils disparurent et ne revinrent jamais plus comme ils avaient l’habitude de le faire auparavant. Les troupes d’al-Afshin revinrent de la poursuite à la tranchée de Roudh ar-Roudh à l’heure de la prière matinale sans avoir eu besoin de combattre un seul khourrami.

 

Une fois par semaine al-Afshin avait l’habitude de faire battre les tambours à minuit et sortait avec des bougies et des flambeaux de naphte à la porte de la tranchée. Pendant ce temps, chacune de ses troupes connaissait son propre escadron, s’il était dans l’aile droite ou  gauche et s’il avançait, il se mettait en position dans leurs places respectives. Al-Afshin avait aussi l’habitude de porter de grandes bannières noires dont douze d’entre elles, était transportées sur des mulets, plutôt qu’à cheval, de peur que les bannières ne s’agitent. Il avait aussi cinq cent autres petites bannières et vingt et un grands tambours. Ses troupes attendaient, chaque section rangée dans sa position particulière, du premier quart de la nuit jusqu’à l’apparition de l’aube ou al-Afshin allait dans sa tente. Le muezzin lançait alors l’appel à la prière en sa présence et al-Afshin exécutait la prière suivie par les troupes. Al-Afshin ordonnait de battre les tambours avant d’avancer lentement. Les signaux de marché et d’arrêt étaient le battement des tambours à cause du grand nombre de troupes qui voyageaient en formation militaire dans les montagnes et les sentiers étroits. Chaque fois qu’il voulait monter une montagne ou qu’il descendait dans une vallée, il procédait ainsi, à moins qu’il n’arrive devant une montagne inaccessible, impossible à monter, alors il revenait et rejoignait les unités militaires, leurs formations et leurs positions. Le signal de marche en avant était le battement des tambours, mais si al-Afshin voulait que l’armée s’arrête, il faisait taire les tambours et les troupes s’arrêtaient dans n’importe quelle partie de la montagne ou de la vallée où elles pouvaient être. Al-Afshin avança par courtes étapes, et à chaque fois qu’un garde montagnard lui amenait une information, il s’arrêtait pour un bref moment. Il traversa la distance entre Roudh ar-Roudh et al-Badh entre le début de d’aube et midi. Quand il voulut grimper vers l’emplacement rocheux où la bataille survint l’année précédente, il quitta Boukhara-Khoudah au sommet de la pente de la montagne avec mille cavaliers et six-cents fantassins pour garder la route pour lui et la tenir contre n’importe lesquels des khourramiyah qui pourrait surgir.

 

Quand Babak prit conscience que l’armée musulmane se rapprochait de lui, il envoya un détachement de troupes composé de fantassins, dans une vallée en bas de la pente de la montagne sur laquelle le Boukhara-Khoudah se trouvait à son sommet, et ils attendirent en embuscade quiconque tenteraient de bloquer la route contre lui (Babak). Al-Afshin avait posté le Boukhara-Khoudah pour tenir cette piste de montagne vers laquelle Babak avait envoyé sa force militaire pour la tenir contre al-Afshin. Le Boukhara-Khoudah devait s’y tenir rapidement et aussi longtemps qu’al-Afshin se trouverait à al-Badh à travers l’étendue de terre rocheuse. Al-Afshin avait ordonné au Boukhara-Khoudah de se poster dans une vallée ressemblant à une tranchée défensive, qui se trouvait entre lui et al-Badh. Il ordonna aussi à Abou Sa’id Muhammad Ibn Youssouf de traverser cette vallée avec un escadron de ses troupes. Il ordonna aussi à Ja’far al-Khayyat, de se poster avec un escadron de ses troupes et à Ahmad Ibn al-Khalil de prendre sa position avec un autre escadron. Ainsi dans cette partie de la vallée il y avait trois escadrons à la périphérie des maisons des gens de Babak à al-Badh.

Babak avait envoyé une force militaire commandée par Adin, qui s’était posté sur une colline en face de ces trois escadrons des troupes d’al-Afshin qui se trouvait à l’extérieur d’al-Badh, pour empêcher n’importe quelle force d’al-Afshin d’approcher des portes de la ville. Al-Afshin avait l’intention de marcher vers les portes d’al-Badh et ordonna à ses troupes de traverser, mais ils s’arrêtèrent ils n’engagèrent pas les forces de Babak dans la bataille. Quand Babak se rendit compte que les troupes d’al-Afshin avaient bougé de la tranchée et se dirigeait vers lui, il divisa ses hommes et les plaça en embuscade ne retenant avec lui qu’un petit nombre d’hommes. Al-Afshin en fut informé mais il ignorait les emplacements des embuscades. Puis d’autres renseignements informèrent que les khourramiyah était parti en masse et que seulement une poignée des hommes de Babak étaient restés avec lui.

Quand al-Afshin monta à cette position, un tapis de cuir fut étendu pour lui et un siège monté pour lui. Il s’assit sur une petite colline qui donnait sur la porte de la forteresse de Babak, avec les troupes placées dans leurs escadrons de cavalerie. Il ordonna à ceux qui étaient avec lui de ce côté de la vallée de descendre de leurs destriers et aussi à ceux de l’autre côté avec Abou Sa’id, Ja’far al-Khayyat et ses hommes. Ahmad Ibn al-Khalil, ne descendit pas à cause de sa proximité de l’ennemi et ses troupes restèrent à leur endroit défensif. Al-Afshin divisa les gardes montagnards pour fouiller les vallées, parce qu’il voulait trouver les endroits où l’ennemi se cachait en embuscade et ainsi être conscient d’eux.

Al-Afshin procéda ainsi chaque jour jusqu’à l’après-midi pour trouver les emplacements des troupes ennemies tandis que les khourramiyah étaient avec Babak, buvant du vin, soufflant dans des pipes de roseau et battant des tambours. Quand al-Afshin avait exécuté la prière de midi, il partait et descendait ensuite dans sa tranchée à Roudh ar-Roudh. Abou Sa’id était le premier à descendre, suivi par Ahmad Ibn al-Khalil, puis par Ja’far Ibn Dinar et enfin al-Afshin. Ces arrivées et ces départs d’al-Afshin avaient l’habitude d’exaspérer Babak, et lorsqu’il était sur le point de revenir, les khourramiyah frappaient leurs cymbales (sounouj) et soufflait dans leurs trompettes (bouqat) d’une manière ironique. Pendant ce temps, le Boukhara-Khoudah restait sur le sommet de la pente de la montagne où il avait été posté jusqu’à ce que toutes les troupes soient passés et alors seulement il quittait sa position et marchaient à leur suite.

Un jour les khourramiyah se fatiguèrent de la position d’impasse dans laquelle ils se trouvaient et du processus réalisé contre eux. Donc quand al-Afshin revint selon sa coutume, que les escadrons revinrent l’un après l’autre, qu’Abou Sa’id traversa la vallée ainsi qu’Ahmad Ibn Al Khalil et certaines des troupes de Ja’far al-Khayyat, les khourramiyah ouvrirent la porte de leur tranchée défensive et dix de leurs cavaliers sortirent attaquer les hommes de Ja’far al-Khayyat qui étaient restés dans cet endroit. Une clameur éclata parmi l’armée musulmane et Ja’far, sur sa propre initiative, revint avec un escadron de ses troupes et chargea ces cavaliers khourrami  jusqu’à ce qu’il les ait repoussés à la porte d’al-Badh. La clameur se propagea néanmoins dans l’armée au point qu’al-Afshin revint aussitôt  tandis que Ja’far fut rejoint par ses troupes. Babak partit aussitôt avec un certain nombre de ses cavaliers tandis que ni lui et ni al-Afshin ne disposait de leur infanterie. Chaque côté menait tour à tour de rôle des assauts et des deux côtés les hommes furent blessés. Al-Afshin revint et le tapis de cuir et le siège furent montés pour lui et il s’assit comme il en avait l’habitude brûlant de colère contre Ja’far en répétant : « Il a ruiné mon déploiement des troupes et mes plans ».

La clameur augmenta. Abou Doulaf commandait un escadron, un groupe de volontaires d’al-Basra et d’autres régions. Quand ces volontaires virent que Ja’far était retenu dans la bataille, ils descendirent sans les ordres d’al-Afshin et passèrent de ce côté de la vallée jusqu’à ce qu’ils atteignent le flanc d’al-Badh.

Ils restèrent sur le flanc de la vallée, traversèrent les pistes, grimpèrent jusqu’en haut ou ils entrèrent dans la ville. Ja’far envoya un message à al-Afshin lui disant : « Envoie-moi cinq-cents fantassins et archers en renfort. J’espère rentrer dans al-Badh, avec la permission d’Allah car je ne vois lui faisant face que cet escadron de troupes que tu peux toi-même voir (l’escadron d’Adin) ». Mais al-Afshin lui répondit : « Tu as déjà ruiné mon projet, dégage-toi petit à petit, sauve tes troupes et revient ». Une grande clameur s’éleva parmi les volontaires quand ils entrèrent dans al-Badh. Les troupes khourrami que Babak avait envoyé pour tenir les embuscades qui croyaient que la bataille était devenue ferme sortir de leur cachette et se dépêchèrent en avant pour tomber nez à nez sur les forces de Boukhara-Khoudah, tandis qu’un autre groupe embusqué sortit de l’autre côté de l’étendue rocheuse où al-Afshin s’était assis. Les khourramiyah se précipitèrent tandis que les troupes stationnées au-dessus d’eux ne firent aucun mouvement, et al-Afshin dit : « Louanges à Allah Exalté Qui nous a révélé les emplacements de l’ennemi ! »

Alors Ja’far et ses troupes ainsi que les volontaires revinrent et Ja’far alla voir al-Afshin et lui dit : « Mon maître, le commandant des croyants, m’a envoyé uniquement pour cette campagne militaire que tu vois et ne m’a pas envoyé pour m’asseoir ici. Tu m’as refusé mon besoin de cinq-cents fantassins qui auraient été suffisants pour moi pour entrer dans al-Badh (pénétrer dans la résidence de Babak), car j’ai vu les forces qui s’interposaient contre moi ». Al-Afshin lui répondit : « Ne regardent pas ce qui est devant toi mais plutôt ce qui est derrière toi et comment, ils ont assailli le Boukhara-Khoudah et ses hommes. ». Al-Fadl Ibn Kawous dit à Ja’far al-Khayyat : « Si la décision avait été la tienne, tu n’aurais pas pu te tenir à la place que tu occupes actuellement à cet endroit pour que tu puisses dire, « J’aurais fait ceci, j’aurais fait cela ». Ja’far lui répondit : « Tu appelles cela une guerre quand nous sommes ici attendant que quiconque vienne ! » Al-Fadl lui dit : « Si ce n’était pas le conseil de l’émir, je t’enseignerais sur place comment me comporter ! » mais al-Afshin les réprimanda et ils cessèrent.

Al-Afshin ordonna à Abou Doulaf de rappeler les volontaires du mur d’al Badh ; et Abou Doulaf leur dit : « Revenez ! » Mais un des volontaires revint en portant une pierre et dit : « Veux-tu que nous revenons maintenant ? J’ai pris cette pierre du mur municipal! » Mais Abou Doulaf lui dit : « Revient immédiatement et sur la route tu réaliseras alors qui se tient sur votre voie de retraite (les khourramiyah qui avaient attaqué le Boukhara-Khoudah de derrière ses troupes ».

Alors al-Afshin dit à Abou Sa’id en présence de Ja’far : « Puisse Allah t’accorder une grande récompense, tant de ta part que de celle du commandant des croyants ! Je ne savais pas que tu étais si bien informé des affaires concernant ces troupes et leur organisation! Et que chaque personne assez vieille pour raser sa tête dit que s’arrêter dans un endroit dont il a besoin est mieux que d’offrir une bataille dans un endroit dont il n’a pas besoin ? Si les ennemis qui étaient sous toi s’étaient levés », et il leur montra du doigt l’emplacement de l’embuscade au-dessous de la montagne, « Quel aurait été l’état de ces volontaires, qui ont ce qui bat sous leurs chemises (qui sont loin d’être audacieux) ? Quelle aurait été leurs conditions et qui les aurait rassemblés de nouveau ? Louanges à Allah, Qui les a délivrés en toute tranquillité ! Maintenant attendez ici et ne bougez pas avant que tous l’ait quitté ».

Al-Afshin revint et c’était sa coutume lorsqu’il se préparait à retourner que les drapeaux des escadrons, de ses cavaliers et de ses fantassins soient baissés, et que le dernier escadron attende qu’il y ait entre eux la distance d’un lancer de flèche. Il n’avancerait pas vers la descente de la montagne ou du défilé avant d’avoir vu tous les hommes des escadrons devant lui traverser et que la route était claire alors pour lui. Et alors seulement, il avançait et descendait avec ses cavaliers et ses fantassins, ensemble avec le dernier escadron et continuait ainsi. Il avait instruit auparavant chaque escadron de ne laisser aucun homme de son escadron les devancer ou de traîner en arrière. Cela devait être la procédure jusqu’à ce que tous les escadrons aient traversé et que personne ne soit resté en arrière excepté le Boukhara-Khoudah. Alors seulement le Boukhara-Khoudah à son tour devait descendre la montagne. Ce jour-là, le Boukhara-Khoudah retourna de cette manière ; Abou Sa’id était le dernier à revenir et, chaque fois que les troupes passèrent près de l’endroit où le Boukhara-Khoudah était posté, ils virent l’emplacement où les assaillants s’étaient dissimulés, ils réalisèrent alors ceux qui les auraient attendus. Et les indigènes qui voulurent capturer l’endroit où se tenait le Boukhara-Khoudah se dispersèrent et retournèrent à leurs positions.

Al-Afshin resta dans sa tranchée à Roudh ar-Roudh plusieurs jours. À ce point, les volontaires se plaignirent à lui de leurs manques de fourrage, de provisions et de subsistances. Il leur répondit : « Quiconque d’entre vous endure patiemment, laissez le endurer patiemment et quiconque ne peut pas endurer, et bien, la route est grande ouverte, permettez-lui de retourner en paix. J’ai avec moi le commandant de l’armée des croyants et ceux qui reçoivent des allocations régulières qui resteront avec moi dans la chaleur et le froid. Je ne quitterais pas cet endroit jusqu’aux chutes de neige ».

Les volontaires retournèrent et s’entretinrent entre eux : « Si seulement al-Afshin nous avait laissé seul avec Ja’far, nous aurions capturé al-Badh. Cet homme veut seulement atermoyer ». Cette conversation ainsi que toutes les autres paroles des volontaires arrivèrent dans les oreilles d’al-Afshin. Ils propagèrent la rumeur qu’al-Afshin refusait de marcher contre l’ennemi, et qu’il voulait seulement prolonger l’affaire autant que possible, jusqu’à ce qu’un d’entre eux déclara qu’il vit dans un rêve le Messager d’Allah (saluts et bénédictions d’Allah sur lui) qui lui dit : « Dites à al-Afshin : « Si tu fais la guerre contre ce type (Babak) et que tu le forces jusqu’à que tu l’abattes, alors c’est bien ! Dans le cas contraire, j’ordonnerai aux montagnes de pleuvoir des pierres sur toi ! » Par conséquent, les troupes en parlèrent ouvertement dans le camp, comme si l’homme qui avait vu le rêve avait été divinement inspiré.

Quand al-Afshin fut informé, il envoya un message aux chefs des volontaires et les fit amener devant lui et leur demanda : « J’aimerais que vous me montriez cet homme, car les gens voient dans les rêves des remèdes et des solutions aux problèmes ». Donc ils ramenèrent l’homme avec un groupe de gens. Al-Afshin l’accueillit, le mit à l’aise, l’approcha de lui et lui dit : « Raconte-moi ton rêve sans être embarrassés ou honteux ». L’homme dit : « J’ai vu dans mon rêve ainsi-et-ainsi et ainsi-et-ainsi ». Al-Afshin répondit : « Allah Exalté connaît chaque chose avant tout le monde et sait ce qu’Il est demandé de ces gens. Si Allah Exalté et Bénis soit-Il, veut ordonner aux montagnes de bombarder quelqu’un avec les pierres se serait certainement le mécréant (Babak) et nous soulagerait de son problème. Comment pourrait-Il me bombarder et par la même Le soulager du problème du mécréant ? Au contraire, s’Il voulait lapider quelqu’un, Il lapiderait Babak et Il n’aurait pas besoin de moi pour faire la guerre contre lui ! Je sais que rien n’est dissimulé à Allah, Il est Puissant et Exalté et Il est Celui qui connaît les secrets de mon cœur et ce que j’ai l’intention de faire avec vous, O malheureux ! »

Un des volontaires, qui était réputé pour sa piété dit : « O Amir, ne nous prive pas d’une chance de martyr, si une occasion se présente à toi ! Nous cherchons seulement la récompense d’Allah et Ses faveurs. Laissez-nous seuls jusqu’à ce que nous puissions avancer, après avoir reçu ta permission et peut être Allah Exalté nous accordera la victoire ». Al-Afshin répondit : « Effectivement, je perçois que l’objet de votre intention est proche et maintenant à portée de la main et je crois qu’Allah Exalté désire vraiment ce cours d’action et que ce sera un succès, s’Il le veut. Vous et le reste des troupes avez maintenant un désir intense de mener la bataille. Allah Exalté sait le mieux que ce n’était pas mon point de vue mais cela l’est devenu maintenant après avoir entendu tes mots. J’espère qu’Il désire ce cours d’action et qu’il sera couronné de succès. Allez en avant, avec la bénédiction d’Allah Exalté, le jour que vous estimez le mieux, pour que nous puissions nous lever et les assaillir. Il n’y a aucune force et aucun pouvoir excepté par Allah ! »

Les soldats partirent réjouit et transmirent les bonnes nouvelles à leurs camarades. Ceux qui voulurent partir restèrent et ceux qui étaient encore dans le voisinage, à quelques jours de marche seulement, lorsqu’ils furent informés de la décision rebroussèrent chemin. Al-Afshin désigna un jour aux troupes et ordonna aux troupes régulières, la cavalerie, l’infanterie et tous les autres guerriers de se préparer ; rendant ainsi son intention claire et sans aucun doute sur son intention de lutter. Il emmena avec lui de l’argent et des provisions et pas un seul mulet ou une bête de transport ne resta dans le camp, ne transportant des provisions ou des litières pour transporter les blessés. Il emporta avec lui des médecins, des réserves de biscuits, de Sawiq et de tout ce dont il pourrait peut-être avoir besoin. Les troupes avancèrent lentement jusqu’à ce qu’elles arrivent à al-Badh. Le Boukhara-Khoudah prit sa position précédente en haut de la montagne pour protéger les arrières des musulmans tandis que le tapis de cuir et le siège furent montés pour Al-Afshin à sa place habituelle, sur la colline en face des portes de la ville d’al-Badh.

Al-Afshin dit à Abou Doulaf : « Dit aux volontaires de concentrer leurs efforts et se confiner dans n’importe quel secteur qui sera le plus facile pour eux ». Il dit à Ja’far : « Tu as l’armée entière à ta disposition, ainsi que les archers et les lanceurs de naphte. Si tu as besoin d’hommes supplémentaires, je te les enverrais. Prends donc tout ce qui est nécessaire et tout ce dont tu as besoin et va en avant avec la bénédiction d’Allah ! Procédez à n’importe quel endroit (au front de la bataille) que tu choisiras ». Ja’far répondit : « J’ai l’intention de prendre la même position où j’étais auparavant ». Al-Afshin lui dit : « Alors tu peux y aller ». Il convoqua Abou Sa’id et lui dit : « Reste ici avec moi, ainsi que toutes tes troupes et ne laisse aucun d’entre eux prendre congé! » Il convoqua aussi Ahmad Ibn al-Khalil et lui dit : « Reste ici avec tes troupes et laisse Ja’far et tous ses hommes traverser. S’il exige plus de soldats ou de cavaliers nous l’assisteront avec ces renforts ». Il envoya alors en avant Abou Doulaf et ses troupes de volontaires. Ils descendirent dans la vallée et montèrent ensuite aux murs d’al-Badh à l’endroit où ils étaient montés à l’occasion précédente et prirent position contre le mur, comme il l’avait fait juste avant.

Ja’far lança une attaque jusqu’à ce qu’il atteigne la porte d’al-Badh, exactement comme il l’avait fait la première fois. Il s’arrêta alors et les mécréants le retinrent un certain moment. Alors al-Afshin envoya un homme avec une bourse de dinars, et lui dit : « Va trouver les hommes de Ja’far et demande qui était dans le groupe de front[2] et donne une poignée de pièces ». Puis, il tendit une deuxième bourse à un autre de ses hommes, en lui dit : « Vas chez les volontaires, avec cet argent, ces colliers et ces bracelets et dit à Abou Doulaf de récompenser chacun de ses combattants qui combattent bien ». Alors il convoqua le commandant de l’approvisionnement et lui dit : « Vas, et positionne toi avec les troupes au beau milieu de la bataille pour que je puisse te voir avec mes propres yeux et prenez avec vous du Sawiq et de l’eau dans le cas où les troupes deviennent assoiffées et doivent revenir ». Il fit de même concernant l’eau et le Sawiq pour les troupes de Ja’far. Alors il convoqua le commandant du bataillon de génie civil et l’instruisit : « Quiconque parmi les volontaires que tu verras au beau milieu de la bataille avec une hache d’arme recevra de ma part cinquante dirhams » et il lui remit une bourse de dirhams. Il fit de même aussi pour les troupes de Ja’far. Il envoya aussi à Ja’far un coffre contenant des colliers et des bracelets et lui dit : « Partage cela à qui tu veux parmi tes troupes, en addition de ce qu’ils doivent recevoir de moi (leur paie régulière) et annonce leur une garantie de ma part que leurs allocations de paie seront augmentées, en plus des attestations (de l’éloge pour leur bravoure) contenant leurs noms qui seront envoyés au commandant des croyants ».

Pendant longtemps la bataille près de la porte fut imbriquée. Alors les khourramiyah ouvrirent la porte et sortirent pour attaquer les hommes de Ja’far et les repoussèrent de la porte. Ils assaillirent aussi les volontaires et capturèrent deux de leurs étendards et les rejetèrent en arrière des murs et leur infligèrent beaucoup de blessures avec des roches au point qu’ils marquèrent les Musulmans, afin que ces derniers soient incapables de soutenir le combat et s’arrêtent. Ja’far cria après ses hommes et environ cent d’entre eux se précipitèrent en avant et s’agenouillèrent derrière leurs boucliers dont-ils étaient équipés, retenant ainsi l’ennemi, et empêchant les deux côtés de combattre. Ils restèrent ainsi jusqu’à ce que les Musulmans aient accompli la prière de midi.

Al-Afshin qui avait amené ses balistes en déploya une près de Ja’far près de la porte et une autre sur le flanc de la vallée près des volontaires. Ja’far lutta pour défendre la baliste qui était près de lui car elle resta dans l’espace entre les deux côtés adverses pour une assez longue période et les troupes de Ja’far, après des efforts ardus, la prirent de force et la ramenèrent dans leur propre camp. Les troupes des deux côtés reprirent leur position l’un contre l’autre, en se retenant de combattre main à main mais se couvrant respectivement de pluie de flèches et de pierres volantes. Les troupes de Babak étaient sur les murs et à la porte tandis que les guerriers de Ja’far se mettaient à l’abri sous leurs boucliers. Alors plus tard les deux côtés se combattirent à nouveau.

Après ce qu’il vit, Al-Afshin craignit que l’ennemi ne s’enhardisse contre ses troupes. Donc il envoya en avant les fantassins qu’il avait retenus et ils prirent place au même endroit que les volontaires. Il envoya à Ja’far un escadron de fantassins, mais Ja’far dit : « Je n’ai pas été défavorablement affecté par le manque d’hommes ; j’ai assez de troupes avec moi. Le problème est que je ne voie pas d’endroit où ils pourraient avancer et lutter. Et il y a juste la place qui permet à un ou deux hommes de manœuvrer. Ils sont réduits à l’arrêt dans cette place et le combat a cessé ». Lorsqu’il entendit cela, Al-Afshin lui envoya un message lui disant : « Reviens avec la bénédiction d’Allah » et Ja’far revint.

Al-Afshin envoya les mulets qu’il avait apportés avec lui, avec les litières sur leur dos pour transporter les blessés, les estropiés par les jets de pierres et les incapables de se déplacer qui furent placés sur leur dos. Il ordonna aux troupes de se retirer et ils revinrent dans leur tranchée à Roudh ar-Roudh. Les troupes désespérèrent de la victoire cette année et la plus grande partie des volontaires partirent.

 

Deux semaines plus tard, les forces d’al-Afshin furent de nouveau prêtes. Au milieu de la nuit, il réveilla les fantassins archers soit près de mille hommes et donna à chacun d’entre eux une outre d’eau et des biscuits. Il donna à certains autres des bannières noires et d’autres choses. Il les dépêcha au coucher du soleil, en envoya des guides avec eux. Ils voyagèrent toute la nuit par des montagnes inconnues et difficiles, en évitant les routes connues, jusqu’à ce qu’ils se retrouvent la colline sur laquelle Adin était posté, au fait d’une haute montagne. Al-Afshin leur ordonna de ne pas laisser paraître leur présence jusqu’à ce qu’ils aient vu les bannières d’al-Afshin, exécutés la prière matinale et vu la bataille faire rage. Alors, ils devaient monter ces bannières sur leurs lances, battre des tambours, descendre la montagne et couvrir de flèches et de roches les khourramiyah. Si, cependant, ils ne voyaient pas les bannières d’al-Afshin, ils ne devaient pas bouger jusqu’à ce que des renseignements leur parviennent.

Ils atteignirent la crête de la montagne à l’aube après avoir rempli leurs outres de l’eau du Wadi. Quand une certaine heure arriva, al-Afshin envoya un message à ses commandants qu’ils devaient se préparer avec leurs armes, car il avait lui-même l’intention de marcher à l’aube. À un moment donné de la nuit, il envoya Bashir at-Turki et plusieurs commandants des troupes de Ferghana qui étaient avec lui et leur ordonna de se mettre en mouvement jusqu’à ce qu’ils aient atteint le point au-dessous de la colline dans la partie la plus basse du Wadi ou ils firent le plein d’eau. Ce point était au-dessous de la montagne où se trouvait Adin. Al-Afshin avait pris conscience auparavant que les mécréants s’étaient positionnés en embuscade au-dessous de cette montagne chaque fois que les troupes s’en étaient approchées. Bashir et les troupes de Ferghana marchèrent vers cet endroit, où ils savaient que les khourramiyah avaient une force embusquée. Bashir et ses troupes voyagèrent une partie de la nuit, tandis que la plus grande partie des troupes dans le camp ignoraient leur mouvement. Alors Bashir avertit ses commandants qu’ils devaient se préparer à monter avec leurs armes prêtes parce que l’émir allait pousser en avant à l’aube.

En conséquence, quand l’aube arriva, al-Afshin quitta le camp avec les troupes, les lanceurs de naphte et leur matériel et les flambeaux comme il l’avait fait auparavant. Il exécuta la prière de l’aube, fit battre les tambours et grimpa jusqu’à ce qu’il atteigne l’endroit où il avait l’habitude de s’arrêter à chaque fois. Son tapis de cuir fut étendu et son siège disposé pour lui, comme d’habitude.

Le Boukhara-Khoudah attendait pendant ce temps sur les pentes de montagne où il avait l’habitude de se positionner chaque jour. Mais ce jour particulier al-Afshin a envoyé le Boukhara-Khoudah en avant dans l’avant-garde avec Abou Sa’id, Ja’far al-Khayyat et Ahmad Ibn al-Khalil. Les troupes étaient peu familières avec cette nouvelle formation de bataille et al-Afshin leur ordonna de s’approcher de la colline où se trouvait Adin pour l’encercler, bien qu’avant ce jour particulier, il leur avait interdit de faire ainsi. Les troupes allèrent en avant, menées par ces quatre commandants jusqu’à ce qu’ils encerclent la colline. Ja’far al-Khayyat était près du passage d’al-Badh, Abou Sa’id était à ses côté, le Boukhara-Khoudah était près d’Abou Sa’id et d’Ahmad Ibn al-Khalil Ibn Hisham était à côté du Boukhara-Khoudah. Ils se réunirent en formation d’encerclement autour de la colline et une grande confusion et un grand tumulte s’élevèrent de la partie inférieure de la vallée. Les troupes cachées en embuscade au-dessous de la colline où Adin était posté bondirent subitement sur Bashir at-Turki et les troupes de Ferghana. Ils luttèrent contre eux durant un certain temps et le conflit devint confus. Les troupes dans le camp musulman entendirent le tumulte et s’excitèrent pour l’action. Al-Afshin ordonna donc à ses hérauts de proclamer : « O troupes, ce sont Bashir at-Turki et les hommes de Ferghana que j’ai envoyé en éclaireur et ils ont provoqué par conséquent une embuscade ennemie en exposant leur position, ne devenez pas surexcités ainsi ! »

Quand les archers fantassins qui s’étaient positionnés sur la crête de la montagne entendirent les cris, ils levèrent les bannières comme al-Afshin leur avait ordonné. Les troupes virent alors des bannières venir en haut d’une montagne, des bannières noires qui se trouvaient quelque kilomètre entre l’armée et la montagne. Ils descendaient eux-mêmes la montagne d’Adin au-dessus de ses forces. Comme les bannières avaient été levées, ils descendirent pour Adin mais des soldats de l’armée d’Adin les espionnèrent et Adin envoya certains khourrami qui étaient avec lui contre eux. Quand les troupes musulmanes les virent, ils s’effrayèrent mais al-Afshin envoya un message aux troupes musulmanes, leur disant : « Ceux qui descendent la montagne sont nos propres troupes, qui nous renforceront dans la lutte contre Adin ».

Alors, Ja’far al-Khayyat et ses hommes attaquèrent Adin et avancèrent directement vers eux cependant les forces d’Adin lancèrent une puissante contre-attaque contre les Musulmans et repoussèrent Ja’far et ses hommes dans la vallée. Un guerrier qui combattait à proximité d’Abou Sa’id, du nom de Mou’ad Ibn Muhammad ou Muhammad Ibn Mou’ad, avec un petit détachement mena un nouvel assaut sur les khourramiyah, mais des fosses avaient été creusées (par les khourramiyah) et les chevaux tombèrent les uns après les autres. À ce point, al-Afshin envoya un groupe de soldats du génie civil en leur ordonnant de remplir avec des pierres des fosses qui avaient été faites. Lorsqu’ils eurent fini, les troupes musulmanes lancèrent une attaque concertée sur les khourramiyah. Adin avait préparé sur les sommets des montagnes des chariots chargé de rocs et quand les troupes musulmanes attaquèrent, il poussa les chariots sur eux et ils dévalèrent la pente, alors il lança son attaque.

Quand Babak vit que ses hommes étaient encerclés, il quitta al-Badh en compagnie d’un groupe de ses hommes par la porte la plus proche d’al-Afshin, qui était à deux kilomètres de la colline où se tenait al-Afshin. Ils se renseignèrent sur la position d’al-Afshin et les hommes d’Abou Doulaf demandèrent : « Qui êtes-vous ? » Ils répondirent : « C’est Babak qui recherche al-Afshin ». Abou Doulaf envoya un messager à al-Afshin pour l’informer et lui demander d’envoyer un homme qui connaissait Babak. Cet homme regarda Babak, puis revint à al-Afshin et lui dit : « Oui, c’est effectivement Babak! » » Alors al-Afshin chercha un endroit où il pourrait discuter avec Babak et ses compagnons ; tandis que pendant ce temps, la bataille était devenue confuse dans les rangs d’Adin.

Babak demanda à al-Afshin : « Je demande un sauf-conduit du commandant des croyants ». Al-Afshin lui répondit : « Je te l’ai déjà offert et il est disponible quand tu le veux ». Babak dit : « Je le veux maintenant, à condition que tu m’alloue une période pendant laquelle je pourrais réunir des montures pour ma famille ainsi que de me préparer pour le voyage ». Al Afshin lui dit : « Par Allah, je te l’ai déjà conseillé plus qu’une fois, mais tu n’as pas suivi mon conseil ; je peux te le redonner donc : il vaut mieux accepter le sauf-conduit aujourd’hui que demain ». Il répondit : « O émir, je l’accepte immédiatement et le suivrai ». Al-Afshin lui dit alors : « Envoie-moi maintenant les otages que je t’ai déjà demandé auparavant ». Il répondit : « Oui, mais un tel et un tel sont sur cette colline (où Adin luttait), ordonne donc à tes troupes de se retirer ».

 

Il a été rapporté : « L’envoyé d’al-Afshin parti pour ramener les troupes et il a été rapporté que les bannières des troupes de Ferghana était déjà entrée dans al-Badh et que les troupes avaient déjà escaladé les forteresses. Il cria aux troupes de le suivre. Alors il entra et les troupes montèrent avec leurs bannières sur les forteresses de Babak. Cependant, Babak avait mis en embuscade dans ses quatre forteresses, six-cent hommes que les troupes musulmanes attaquèrent avant de grimper en haut des forteresses avec les bannières tandis que les rues d’al-Badh furent envahies par les gens. Les hommes de Babak embusqués ouvrir les portes de la forteresse et les fantassins se déversèrent et combattirent les troupes musulmanes. Pendant ce temps, Babak partit et voyagea jusqu’à ce qu’il arrive dans une vallée près de Hashtadsar.

Al-Afshin et tous ses commandants furent complètement occupés avec le combat aux portes des forteresses et les khourramiyah luttèrent vigoureusement. Al-Afshin amena les lanceurs de naphte, qui après leurs préparations, tirèrent sur les khourramiyah, pendant que les troupes abattaient les forteresses jusqu’à ce que tous les soldats khourrami furent tués jusqu’au dernier homme. Al-Afshin prit les membres de la famille de Babak captifs ainsi que tous les membres de leur famille qui étaient avec eux dans al-Badh. Finalement, lorsque le soir arriva, al-Afshin ordonna le retour des troupes qui rentrèrent dans leur camp tandis que tous les survivants khourrami étaient encore dans leurs maisons. Al-Afshin lui-même revint dans son camp à Roudh ar-Roudh ».

 

Il a été rapporté : « Quand Babak et les hommes qui s’étaient enfuis avec lui dans la vallée apprirent qu’al-Afshin était revenu dans son camp, ils revinrent à al-Badh et emportèrent toutes les provisions de voyage qu’ils purent transporter et leurs biens personnels avant de revenir dans la vallée près d’Hashtadsar. Le matin suivant, al-Afshin se mit en route jusqu’à ce qu’il entra dans al-Badh. Il s’arrêta dans la ville, ordonna de détruire les forteresses et envoya les fantassins patrouiller les zones extérieures de la ville, mais ils ne trouvèrent pas un seul indigène. Il envoya le corps de génie civil qui passa trois jours à niveler les forteresses après y avoir mis le feu. Aucune maison ne fut laissée debout et la ville fut totalement rasée. Puis, al-Afshin revint dans son camp et apprit que Babak s’était enfuit avec un groupe de ses hommes. Alors il écrivit aux gouverneurs de l’Arménie et à ses princes locaux et leur dit : « Babak et un certain nombre de ses hommes se sont enfuis vers une certaine vallée en direction de l’Arménie et passera certainement par vous ». Il ordonna à chacun d’entre eux de garder sa propre province avec prudence et de ne permettre à personne de voyager sans l’arrêter et de vérifier son identité.

Des espions vinrent trouver al-Afshin et l’informèrent de l’emplacement de la cache de Babak dans la vallée. C’était une vallée remplie de végétation épaisse et d’arbres, avec l’Arménie d’un côté et l’Azerbaïdjan de l’autre. La cavalerie ne pourrait pas y pénétrer, ni personne se cacher à cause de la densité des arbres et des cours d’eau. C’était effectivement une grande forêt surnommée la « jungle ». Al-Afshin pour s’assurer qu’aucune route n’en sortait et que Babak ne pourrait pas en sortir envoya des patrouilles tout autour de cette zone. Sur chaque route et dans chaque localité de cette région, il posta un détachement de troupes d’environ quatre-cent à cinq-cents guerriers et il envoya avec eux des gardes montagnards pour leur fournir des renseignements sur la route et pour garder les routes la nuit, de peur que quelqu’un ne passe par elles. En même temps, il envoya à chacun de ces quinze détachements des provisions de son propre camp.

Ils restèrent ainsi jusqu’à ce qu’arrive une lettre du commandant des croyants al-Mou’tassim cacheté d’or et contenant un laissez-passer pour Babak. Sur ce, al-Afshin convoqua les anciens partisans de Babak qui avaient demandé la sécurité pour lui, et parmi eux le fils aîné de Babak. Al-Afshin lui dit ainsi qu’aux autres captifs :

- « Je ne m’étais pas attendu à une réponse favorable du commandant des croyants. Maintenant lequel d’entre vous prendras ce sauf-conduit et le transmettras à Babak ? » Mais aucun d’eux n’osa l’entreprendre et l’un d’entre eux protesta :

- « O émir, aucun de nous n’oserait le confronter avec cela ».

- « Malheur à toi », lui répondit al-Afshin « Il s’en réjouira certainement ! » L’homme répondit :

- « Puisse Dieu guider l’émir vers la droiture ! Nous connaissons mieux que toi cette affaire ». Al-Afshin dit :

- « Même ainsi, vous devez tous vous soumettre inéluctablement et complètement à moi et vous devez lui livrer cette lettre ».

À cela, deux hommes parmi eux se sont levés et lui dirent :

- « Donnez-nous une garantie que vous prendrez soin de nos familles (si n’importe quoi de désagréable devait nous arriver) » et al-Afshin leur donna la garantie exigée.

 

Les deux hommes prirent la lettre, partirent et ne cessèrent de tourner autour de la forêt jusqu’à ce qu’ils tombent sur Babak. Le fils de Babak envoya aussi une lettre avec les deux envoyés, l’informant de la nouvelle situation et lui demandant de revenir et de choisir l’offre qui lui était faite, qui lui garantissait la sécurité.

Les deux hommes livrèrent les lettres à Babak et lorsqu’il lut celle de son fils, il dit :

- « Qu’avez-vous fait ? » Ils répondirent :

- « Nos familles et nos enfants furent capturés cette nuit et nous ne savions pas où tu étais afin que nous puissions te rejoindre. Nous étions dans un endroit où nous avons craint qu’ils nous capturent, donc nous demander une garantie de protection ». Babak  dit à l’homme qui lui avait apporté la lettre :

- « Je ne connais rien de cela, mais toi, O fils d’une trainée, comment as-tu osé le faire et venir me trouver de la part de ce fils d’une trainée ? » Alors, il saisit l’homme, lui trancha la tête et l’attacha à la lettre du calife encore cachetée puis, dit à l’autre homme :

- « Part et dit au fils de la traînée (son propre fils) comment peux-tu m’écrire ainsi ? » Et il lui répondit ainsi : « Si tu devais me rejoindre, suis-moi alors dans la voie du mouvement auquel j’appartiens (c’est-à-dire, le mouvement des khourramiyah) jusqu’à ce qu’un jour tu accèdes au pouvoir, et tu sauras alors effectivement mon fils. Mais à ce point, je suis sûr de la corruption de ta mère, la traînée. O fils de la traînée, peut être vivrai-je une longue période après cela, mais ce sera sous le nom d’une personne de pouvoir, et quoi que je suis ou que l’on dise de moi, ce sera comme un roi. Tandis que toi, tu viens d’un stock dépourvu de bonnes caractéristiques et je témoigne que tu n’es pas mon fils, car il vaut mieux vivre une seule journée comme un roi que vivre quarante ans comme un esclave abject ». Après cela, il quitta sa cachette et envoya trois hommes avec l’envoyé d’al-Afshin pour l’escorter jusqu’à une certaine distance et alors ils rejoignirent Babak.



[1] Sortes de mélange de céréales.

[2] La partie la plus avant d’un groupe de personnes combattantes, et en particulier une division militaire de front d’une armée en mouvement (saf awwal). Ceux qui combattent dans le pur sentier d’Allah Exalté dans le groupe de front seront parmi les personnes les plus récompensées le jour du Qiyamah.