Muhammad
al-Amine, le sixième calife abbasside
Al-Amine Muhammad,
Abou ‘AbdAllah, le fils d’ar-Rashid devint l’héritier de son père et
calife après lui. Il était un des plus parfaits jeunes gens en
apparence, équitable, grand, généreux, possédant une grande force,
vigoureux et de célèbre bravoure. On a rapporté qu’il tua une fois
un lion avec ses propres mains. Il était éloquent, poli dans les
discours, bien instruit et accompli, mais défectueux dans le
jugement, prodige, faible d’esprit, apathique et impropre au
gouvernement.
Aussitôt qu’il devint calife,
le jour suivant, il ordonna la construction, sur une parcelle de
terre près du palais d’al-Mansour, un terrain pour jouer au ballon.
Durant l’année 194 de
l’Hégire (809), il retira son frère al-Qassim du gouvernement duquel
ar-Rashid l’avait nommé et alors se produisit une séparation entre
lui et son frère al-Ma'moun.
On a rapporté que Fadl Ibn
Rabi’, était conscient que lorsque le califat passa à al-Ma'moun, il
n’aurait aucune clémence à son égard, incita et poussa al-Amine de
le mettre de côté et de donner la succession à son fils Moussa.
Quand la disgrâce de son frère al-Qa'im atteignit al-Ma'moun, il
coupa toute les relations avec al-Amine et omit son nom sur les
uniformes et la monnaie. Peu de temps après qu’al-Amine l’informa de
son désir de donner la succession au califat à Moussa avant lui et
qu’il l’avait surnommé Natiq bil-Haqq. Mais al-Ma'moun le
rejeta et refusa. Le messager d’al-Amine joignit le parti
d’al-Ma'moun et lui porta allégeance en tant que calife en secret.
Ensuite, il prit l’habitude de le garder informé et lui envoya des
conseillers de l’Iraq.
Et quand il retourna et
informa ’al-Amine du refus d’al-Ma'moun, il raya son nom de la
succession et fit ramener l’acte qu’ar-Rashid avait écrit et déposé
dans la Ka’bah. Après lui avoir apporté, il le déchira en morceaux
et la séparation entre les frères s’accrut ainsi. Ses conseillers
insistèrent à son propos et Khouzaymah Ibn Khazim dit « O Prince des
croyants, celui qui t’a menti ne t’a donné aucun bon conseil et
celui qui te dit la vérité ne te trahira pas. N’encourage pas les
officiers à demander la destitution, car ils te déposeront un jour
et ne les incitent pas à violer un pacte, car ils violeront leur
allégeance envers toi. Car en vérité celui qui trompe sera trompé et
celui qui fait un faux serment sera lui-même trahi ». Mais, il
n’écouta pas les conseils et entreprit de concilier les officiers
avec des cadeaux et eut l’engagement de succession prise pour son
fils Moussa qui était à cette époque encore un bébé.
Quand al-Ma'moun fut assuré
qu’il avait été mis de côté, il prit le titre de Prince des croyants
et ainsi il fut adressé. Al-Amine nomma ‘Ali Ibn ‘Issa Ibn Mahan aux
régions montagneuses de Hamadan, Nahawand, Qoum et Ispahan en l’an
195 de l’Hégire (810). ‘Ali Ibn ‘Issa arriva alors à Baghdad au
milieu du mois de Joumadah Thani, à la tête d’une armée forte de
quarante-mille combattants, dont il n’a pas été vu de précédent,
pour engager al-Ma'moun. Il avait pris avec lui une chaîne en
argent, dans l’espoir qu’il pourrait l’enchainer avec. Al-Ma'moun
lui envoya Tahir Ibn al-Houssayn à la tête de moins de
quatre-mille hommes et il fut victorieux. ‘Ali fut tué et son armée
mise en déroute. Sa tête fut prise à al-Ma'moun et envoyée au
Khorasan et al-Ma'moun fut salué comme le calife. Les nouvelles
arrivèrent à al-Amine alors qu’il était en train de pêcher et il dit
au messager : « Puisses-tu être confondu ! Laisse-moi, car Kawthar a
pris deux poissons et moi encore aucun ».
‘AbdAllah Ibn Salih
al-Jarmi a rapporté que quand ‘Ali fut tué, les gens à Baghdad se
levèrent en grand tumulte et al-Amine se repentit alors d’avoir
écarté son frère. Les nobles aussi, cherchèrent à obtenir ce qu’ils
pouvaient de lui et expédièrent leurs troupes pour demander leur
paie à al-Amine et la dispute continua entre lui et son frère. Les
affaires d’al-Amine empirèrent chaque jours à cause de son abandon à
la frivolité et aux folies, pendant que ceux d’al-Ma'moun
s’amélioraient jusqu’à ce que les habitants des Villes Sacrées et la
plus grande partie de l’Iraq lui jurèrent fidélité.
A la fin, les conditions
d’al-Amine devinrent désespérées. La discipline de l’armée fut
détruite, ses trésors dissipés et la condition des gens s’aggrava.
Pendant ce temps la violence, la dévastation et la ruine
augmentèrent par la poursuite des hostilités et les machines de
guerre et de naphte liquide entrèrent en action. Bientôt, les
splendeurs de Baghdad furent effacées et les chants funèbres
psalmodiés.
Le siège de Baghdad se
poursuivit durant quinze mois et un grand nombre des Abbassides et
des ministres d’état rejoignirent les forces d’al-Ma'moun et
personne ne resta avec al-Amine pour le défendre excepté, la foule
et les vagabonds de Baghdad et cela dura jusqu’au début de l’année
198 de l’Hégire (813). Alors Tahir Ibn al-Houssayn entra dans
Baghdad à la pointe de l’épée et al-Amine s’enfuit avec sa mère et
sa famille du palais à la ville d’al-Mansour. Toutes ses troupes et
ses domestiques se dispersèrent et la nourriture et l’eau devinrent
des denrées rares pour eux.
Une nuit ou deux après cela,
il fut tué. Il fut d’abord capturé et emprisonné dans une maison et
un groupe de Perses tomba sur lui, le frappèrent avec leurs épées et
lui tranchèrent la tête qu’ils amenèrent à Tahir, qui l’a plaça sur
le mur d’un jardin et il fut proclamé par le crieur : « C’est la
tête du déposé Muhammad » et son corps fut trainé par une
corde.
Tahir envoya alors la tête,
la cape, le sceptre et le tapis de prière qui avait des branches de
palmiers alignées tissées, à al-Ma'moun. L’assassinat de son frère
pesa fortement sur al-Ma'moun car il aurait préféré que l’on le lui
ramène vivant afin qu’il puisse considérer son intention le
concernant. Il détesta donc Tahir et le négligea avec total oubli
jusqu’à ce qu’il meurt en exil éloigné. Alors les mots d’al-Amine
furent vérifiés, car il avait écrit une lettre avec sa propre main à
Tahir Ibn al-Houssayn quand il avait été invité à lui faire
face sur le champ de bataille dans laquelle il disait : « O Tahir,
aucun défenseur de nos droits ne s’est jamais élevé pour nous,
depuis que nous avons accédé au pouvoir, et notre récompense est
l’épée. Par conséquent, regarde par toi-même et ne te mêle pas.
Considère Abou Mouslim et ceux comme lui, qui furent au service des
Abbassides et leur fin fut la mort de leurs mains ».
Ibn Jarir a rapporté que
lorsqu’al-Amine prit en charge le gouvernement, il acheta des
énuques à des prix excessifs, les admit dans son intimité et
abandonna la société de ses femmes et de ses filles d’esclaves.
Un autre a rapporté que
lorsqu’il devint calife, il envoya des gens en quête de bouffons et
leur fournit un salaire. Ils lui ramenèrent un certain nombre de
bêtes sauvages, des animaux de proie et des oiseaux qui le gardèrent
à l’écart de sa famille et il traita ses nobles avec mépris. Il
gaspilla ce qui était dans les trésoreries publiques, des joyaux et
des objets de prix dans la profusion. Il construisit de nombreux
palais dans des endroits différents à fin d’amusement et lors d’une
occasion, il donna un bateau plein d’or. Il construisit aussi cinq
barques sous la forme d’un lion, d’un éléphant, d’un aigle, d’un
serpent et d’un cheval et dépensa de grandes sommes pour leurs
constructions.
Ahmad Ibn Hanbal
a rapporté : « En vérité, j’espère que le Seigneur sera
miséricordieux envers al-Amine pour la répudiation d’Isma’il Ibn
‘Oulayyah, qui lui fut ramené et à qui le calife dit « O fils
d’une adultère, ce n’est pas toi qui a prétendu que le Qur’an est
créé ? »
Al-Mas’oudi a rapporté :
« Personne jusqu’à mon époque n’a gouverné le califat étant un
Hashimite et le fils d’une femme Hashimite, excepté ‘Ali Ibn Abi
Talib, son fils al-Hassan (qu’Allah soit satisfait d’eux) et
al-Amine dont la mère était Zoubaydah la fille de Ja’far Ibn Abi
Ja’far al-Mansour. Son nom était Amat al-’Aziz et Zoubaydah était
son surnom ».
Isbaq de Mossoul rapporta
qu’il y avait des qualités réunies chez al-Amine et trouvées dans
personne d’autre : « Il avait le plus gracieux des visages et était
le plus généreux, le plus noble des califes par le côté de son père
et de sa mère, qualifié dans les lettres, versées dans l’art de
poésie, mais asservit par la sensualité et la frivolité et en dépit
de son extravagance en argent et un radin dans sa table ».
Abou al-Hassan al-Ahmar
a rapporté : « J’avais souvent l’habitude d’oublier un vers par
lequel un point de grammaire pourrait être illustré et al-Amine le
citait pour moi et je n’ai jamais rencontré parmi les fils de
monarque quiconque plus à anticiper qu’al-Amine ».
Son assassinat eut lieu les
24 ou 25 du mois de Mouharram de l’année 198, (813) alors
qu’il était âgé de vingt-sept ans ».
‘Ali Ibn Muhammad
an-Nawfali et d’autres ont rapporté que ni as-Safah, ni al-Mansour,
ni al-Mahdi, ni al-Hadi, ni ar-Rashid ne furent mentionnés sur les
chaires par leurs noms de famille, ni dans leurs correspondances
jusqu’au règne d’al-Amine. Il fut alors prié pour al-Amine sur les
chaires et la correspondance lui fut adressée sous ce surnom.
L’entête des lettres mentionnait : « Du servant d’Allah,
Muhammad al-Amine, le Prince des croyants ».
At-Tha’labi a rapporté dans
« al-Lata'if al-Ma’arif » qu’Abou al-‘Aynah Abou ‘AbdAllah Muhammad
Ibn al-Qassim, le Mawlah du calife al-Mansour, avait l’habitude de
dire : « Si Zoubaydah libérait ses nattes tressées, elles ne
s’ouvriraient sur rien excepté des califes ou des héritiers au
califat, car al-Mansour fut son grand-père, as-Safah le frère
de son grand-père, al-Mahdi son oncle paternel, ar-Rashid son mari,
al-Amine son fils, al-Ma'moun et al-Mou’tassim les fils de son mari,
al-Wathiq et al-Moutawakkil les petit-fils de son mari et quant à
ses héritiers apparents, ils sont nombreux. Comme elle, de la Maison
d’Oumayyah, fut ‘Atikah, la fille de Yazid Ibn Mou’awiyyah. Yazid
était son père, Mou’awiyyah son grand-père, Mou’awiyyah Ibn Yazid
son frère, Marwan Ibn al-Hakam son beau-père, ‘Abdel Malik
son mari, Yazid son fils, al-Walid le fils de son fils al-Walid,
Hisham et Souleyman les fils de son mari et Yazid et Ibrahim les
deux fils d’al-Walid, les petits-fils de son mari ».
Le calife Amine ne pouvait en
aucun cas être d’une quelconque utilité pour les Musulmans et encore
moins capable de remplir les fonctions du pouvoir du fait qu’il
passait beaucoup de son temps dans les inutilités (lahw) et
les beuveries (majalis shrab). Les conseils de Khouzaymah Ibn
Khazim s’avérèrent justes et allaient devenir une habitude. Al-Amine
fut donc le premier calife abbasside à être tué et nous assisterons
par la suite à de nombreux événements similaires dans l’histoire de
la dynastie des Abbassides.
‘AbdAllah al-Ma'moun, le septième calife abbasside
Le calife al-Ma’moun prit la
succession après l’assassinat de son frère au moins de Mouharram
198 de l’Hégire (813). Durant son règne, Muhammad Ibn Ibrahim
Ibn Isma’il Ibn Ibrahim Ibn Hassan Ibn Hassan Ibn ‘Ali
Ibn Abi Talib (qu’Allah soit satisfait d’eux) se révolta contre le
calife. Le père de Muhammad est « Tabataba » et c’est ainsi
qu’il est connu dans le monde islamique. Cette rébellion finit par
la mort de Muhammad Ibn Ibrahim qui fut empoisonné en l’an
199 de l’Hégire (814) suivie par la défaite de ses partisans en l’an
200 de l’Hégire (815).
Zayd an-Nar qui
est le surnom de Zayd Ibn Moussa al-Kazim Ibn Ja’far Siddiq Ibn Muhammad
al-Baqir Ibn ‘Ali Zayn al-‘Abidin Ibn Houssayn (qu’Allah soit
satisfait de lui) se révolta à Basra. Il fut surnommé, Zayd an-Nar
(Zayd le feu) par ce qu’il brûla beaucoup de maisons à Basra et si
des prisonniers abbassides tombaient entre ses mains, il ordonnait
de les brûler. Après avoir réussi à venir à bout de la rébellion du
fils de Tabataba à Koufa, l’armée d’al-Ma’moun
marcha sur Basra et Zayd an-Nar se rendit sous la condition d’une
garantie de sécurité cette même année. Le nombre des Abbassides qui
avait un poste de commandement à cette époque s’élevait à
trente-trois mille.
Après cela, les forces
d’al-Ma’moun se dirigèrent vers La Mecque pour combattre un membre misérable des
Banou Hashim du nom d’Ibrahim Ibn Moussa al-Kazim Ibn Ja’far et
lorsqu’il fut informé de l’arrivée imminente de l’armée des
Abbassides, il s’enfuit au Yémen dont il prit le contrôle. Il commit
là-bas d’horribles crimes, viola des Musulmanes et prit les biens
des Musulmans. Il fut surnommé après cela « le boucher » (al-jazzar).
Au mois de Mouharram
de cette même année, Houssayn Ibn Hassan Ibn ‘Ali Ibn
‘Ali Zayn al-‘Abidin surnommé al-Aftas, entra à la Maison Sacrée
d’Allah (bayt al-haram) à la Mecque, et les Musulmans
souffrirent énormément de ses exactions. Les gens qui
l’accompagnaient terrifièrent les enfants de La Mecque et ils
volèrent tout l’or qui servait de parure à la Ka’bah. Al-Aftas vida
aussi les caisses d’argent du trésor de la Ka’bah qu’il partagea à
ses partisans. Puis il alla voir
Muhammad Ibn Ja’far as-Siddiq, qui était un habitant de La
Mecque, et le força à lui porter allégeance ainsi qu’à son fils ‘Ali
Ibn Muhammad Ibn
Ja’far ainsi que d’autres personnes. Alors il se fit surnommé
commandant des croyants (amir
al-mou’minin) et bien
qu’il n’ait ni force et ni pouvoir.
Ceci fut la conséquence de la
volonté du calife Haroun ar-Rashid de donner la succession à trois
de ses fils les uns après les autres. Et cela commença
lorsqu’al-Fadl Ibn Rabi’ qui voyait les affaires du point de vue de
ses intérêts personnels suggéra au calife al-Amine de désister
al-Ma’moun de la succession. Et suite à cela, la sédition s’infiltra
dans la communauté musulmane. Le calife fut tué ainsi que des
milliers de Musulmans. Le palais du gouvernement fut bombardé avec
des catapultes et brûlé lorsque Tahir Ibn Houssayn donna
l’assaut sur la ville. Et de ce fait, et ce qui est bien pire, la
population se retourna contre le souverain. Le fils de Tabataba se
rebella à Koufa, Zayd an-Nar à Basra, al-Aftas à La Mecque,
al-Jazzar à San’a et il fut porté allégeance à Muhammad Ibn
Ja’far as-Siddiq.
Et bien que les Abbassides
fussent d’une extrême dureté, il apparaît maintenant qu’ils ne
portaient plus d’attention à ceux qui se rebellèrent contre eux. Il
s’ensuivit de nouveau une grande sédition avec tout ce qu’elle
entraîna comme horreur dans son sillage. Et du fait, que le calife
ne fit rien pour l’arrêter, elle engendra sédition sur sédition
comme un feu ravageur. Et si regardons ce que fit al-Houssayn
al-Aftas et le fils de son oncle, il apparaît qu’ils étaient des
gens corrompus et dépravés ce qui poussa les Musulmans à s’éloigner
d’eux d’autant plus que les Abbassides lui accordèrent la sécurité
après ses dépravations.
À cause de cette sédition, il
n’y eût aucun émir des Musulmans pour conduire le pèlerinage en l’an
199 de l’Hégire (814), après que le gouverneur abbasside de La
Mecque, Daoud Ibn ‘Issa Ibn Moussa Ibn ‘Ali Ibn ‘AbdAllah Ibn
‘Abbas, quitta la ville en disant : « Je n’autorise pas le combat
dans La Mecque ». Il prit ses affaires et ses biens et quitta La
Mecque pour l’Iraq. Ce fut un simple musulman qui conduisit la
prière des gens le jour de ‘Arafat sans prêche (khoutbah) et
les musulmans quittèrent ‘Arafat pour Mouzdalifah sans qu’il y ait
un Imam pour les Musulmans. Un autre simple musulman conduisit la
prière de Maghrib et de ‘Isha des pèlerins.
Ar-Rashid décéda au mois de
Joumadah II de l’année 193 de l’Hégire (809) et la sédition
s’enflamma parmi ses enfants. La sécurité et la stabilité de l’état,
ainsi que le commun des Musulmans, souffrirent de ces événements qui
conduisirent à l’assassinat d’al-Amine au mois de Mouharram
de l’année 198 de l’Hégire (813). Al-Ma'moun devint alors calife
mais il ne put entrer à Baghdad qu’au mois de Safar 204 de l’Hégire
(819), soit six ans après.
Le grand Imam l’historien Muhammad
Ibn Jarir at-Tabari, puisse Allah Exalté lui faire miséricorde, né
en l’an 224 de l’Hégire (838) est décédé en 310 (922) fut un témoin
vivant de ces événements qu’il rapporta de gens vivants à son époque
et qui connurent ces événements. L’Imam est donc le meilleur
historien qui écrivit sur cette époque et il a dit dans son livre :
« En l’an 201 de l’Hégire (816), les soldats et les bandits (ash-shourar
ou al-baltajiyah de nos jour) commirent les pires turpitudes
et semèrent une grande corruption sur la terre. Ils forcèrent
l’inviolabilité des gens et de leurs biens, pratiquèrent ouvertement
les interdits et firent couler le sang des innocents. Ils se
sentirent tellement en sécurité qu’ils firent payer le tribut aux
voyageurs pour garantir leur sécurité afin de ne pas être dépouillé
de leurs biens y compris les gens voyageant sur les fleuves dont il
arrêtait la circulation des navires. Les agriculteurs et les
fermiers furent aussi contraints à payer le tribut pour pouvoir
exercer librement leurs fonctions sans quoi leurs cultures étaient
détruites et leur bétail confisqué. Cela se propagea jusqu’à la
péninsule arabique. La police était trop faible pour faire face à
ces bandits ».
Ces événements et ses
tribulations eurent lieu à Baghdad à cause de la faiblesse du calife
qui pendant ce temps était au Khorasan et l’appel à l’aide des
Musulmans durera bien longtemps sans que personne ne vienne les
secourir. Ils décidèrent donc de venir eux-mêmes à bout de cette
corruption et formèrent un groupe de volontaires des habitants de
Baghdad pour faire face aux bandits. Ce groupe fut appelé «
al-Moutawi’ah ». Ibn Mandour dit dans « al-Lissan al-‘Arabi »
: al-Moutawi’oun sont les volontaires pour le Jihad.
Et c’est effectivement d’un
Jihad qu’il s’agissait puisque ces gens luttaient pour défendre leur
religion, leur terre, leurs familles, leur honneur et leurs biens.
Doit-on considérer cela comme une rébellion contre le calife
officiel al-Ma'moun qui se trouvait à Merv au Khorasan et qui
n’était pas très éloigné de Baghdad à l’opposé de Tanger ?
L’immunité des bandits était parvenue à un tel point qu’ils
prenaient les montures des Musulmans et leur bétail comme bon leur
semblait et les vendaient aux Musulmans dans leur propre marché !
Les Musulmans approuvèrent le
bien et désapprouvèrent le mal eux-mêmes sans la permission du
souverain officiel qui était occupé pendant ce temps à lire les
livres de philosophie qui corrompirent son dogme (‘aqidah).
En l’an 201 de l’Hégire
(816), ‘AbdAllah Ibn Khouradadbih, le gouverneur du
Tabaristan, conquit Lariz et Shirriz dans Daylam et les rajouta aux
terres d’Islam puis les régions montagneuses du Tabaristan et en
expulsa Shahriyar Ibn Sharwin.
Cette année, il envoya Mazyar
Ibn Qarin à al-Ma'moun et fit prisonnier Abou Layla, le roi de
Daylam, sans conclure un accord de paix avec lui.
Toujours cette année, Babak
al-Khourrami prétendit que l’esprit de Jawidan s’était incarné en
lui et avec les jawidaniyah, les partisans de Jawidan Ibn Sahl, le
souverain de Badh, ils semèrent la corruption et le mal sur terre.
Cette année, les habitants du
Khorasan, d’ar-Rayy et d’Ispahan furent affligés par la famine. Les
prix de nourritures montèrent si haut que beaucoup de gens moururent
de faim.
Cette même année, le calife
al-Ma'moun désigna ‘Ali Ibn Moussa al-Kazim à la succession après
lui et le surnomma ar-Radi ou Rida de la famille du Prophète
Muhammad (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) et qui est ‘Ali
ar-Rida. Puis, al-Ma'moun prit la couleur verte comme signe de
reconnaissance personnelle. Il s’habilla dorénavant de vert et fit
ses drapeaux et ses étendards de la même couleur au contraire des
Abbassides dont la couleur était le noir comme les Omeyyades prirent
la couleur blanche.
Les Musulmans appliquèrent la
loi d’Allah dans la capitale du califat sans ordre du calife.
Laissez-moi faire un bond de
huit siècles dans l’histoire en l’an 982 de l’Hégire (1574). Le
souverain des Musulmans, le Sultan ottoman (‘uthmani), le
calife des Musulmans, Mourad III pris la succession cette année et
ordonna l’interdiction de consommation du vin parce que sous le
règne de son père Salim II, l’état était parvenu à un haut degré de
dépravations.
Est-ce que l’interdiction du
vin requiert une autorisation du souverain des musulmans ?
Ceci relève de la Shari’ah et
c’est un commandement direct d’Allah Exalté qui interdit la
consommation du vin (de tout ce qui est enivre de quelque manière
que ce soit). Donc le calife ou le gouvernement n’a absolument rien
à voir dans cette affaire et n’a donc pas besoin d’être consulté
pour requérir une interdiction. Le licite et l’illicite concerne
directement le Musulman sans intermédiaire.
Que firent donc les
Inkishariyah[1] ? Ils
mirent tellement la pression et menacèrent le faible Sultan qu’il
dut retirer son édit. Cela conduisit les janissaires à la rebellions
et la sédition et la corruption ébranlèrent la dynastie des
Ottomans.
De même, sous le règne du
Sultan ottoman, le calife des Musulmans, Ahmad al-Awwal (I)
en l’an 1123 de l’Hégire (1711) et sous la menace de l’armée, le
Sheikh de l’Islam, le Mufti ad-Dawlah ‘Uthmaniyah, dut retirer son
édit juridique (fatwa) sur l’interdiction de fumer le tabac
introduit par les hollandais dans l’état ottoman.
En l’an 1125 de l’Hégire
(1713), le Sultan ottoman, le calife des Musulmans, Ahmad III (thalith)
prit la succession sous la condition de pardonner aux janissaires
assassins du Mufti ad-Dawlah, le Sheikh de l’Islam. Pourquoi
l’ont-ils tué ? Parce qu’il désapprouvait les turpitudes des
janissaires.
Et cette même année, après la
mort du Sheikh de l’Islam, naquit le Sheikh réformateur de l’Islam
Muhammad Ibn ‘Abdel Wahhab, puisse Allah Exalté lui faire
miséricorde.
En période de tels troubles,
il arrive des gens qui se permettent de dire que le Sheikh de
l’Islam Muhammad Ibn ‘Abdel Wahhab se rebella contre le
Sultan ottoman qui fut incapable d’interdire le vin, qui fut
incapable aussi de défendre les innocents contre la terreur des
janissaires et qui fut incapable de protéger le Mufti ad-Dawlah
d’être assassiné tandis que le tabac à cette époque, se répandait
rapidement sans ne rien pouvoir faire ? Quel pouvoir avait donc cet
homme s’il était incapable de diriger un état ? Parce que ces gens
sont questionnés sur les raisons qui poussèrent, soi-disant, le
Sheikh de l’Islam Muhammad Ibn ‘Abdel Wahhab à se rebeller
contre l’état ottoman, ils disent : « Par ses méthodes réformatrices
». Il considère l’appel à la purification islamique comme une
rébellion contre le souverain ! Le Sheikh de l’Islam Muhammad
Ibn ‘Abdel Wahhab était à ‘Inah dans le Nejd tandis que le Sultan
ottoman était à Islamboul[2].
Nous devons nous servir de
l’histoire pour en tirer des bénéfices et des leçons. Nous
reviendrons amplement sur ces détails dans la suite de nos
« Abrégés ».
Lorsqu’al-Ma'moun désigna
‘Ali ar-Rida pour être son successeur et qu’il prit la couleur
verte comme symbole, Baghdad
où habitaient les grands Hashimi et les chefs des Abbassides se
retournèrent contre lui et portèrent allégeance à Ibrahim Ibn
al-Mahdi pour être leur calife et le surnommèrent al-Moubarak.
Certes, le souverain peut
patienter et rester ferme devant de nombreuses choses mais pas
contre celui qui lui dispute le pouvoir et des gens qui étaient avec
lui au Khorasan partirent l’informer de l’urgence de la situation et
que s’il ne faisait rien dans l’immédiat il perdrait le califat. Et
le calife al-Ma'moun revint à la raison après une longue période
d’absence et en l’an 202 de l’Hégire (817), il marcha aussitôt vers
Baghdad. Ses hommes tuèrent Fadl Ibn Sahl et envoyèrent sa tête à
Hassan Ibn Sahl qui se trouvait en Iraq. Certains ont dit que le
calife al-Ma'moun tua Fadl Ibn Sahl par ce qu’il avait des partisans
au Khorasan. Il avait une haute position chez al-Ma'moun et était le
premier homme de l’état après lui. Il était tellement puissant qu’il
ordonna de tuer le grand général musulman Hartamah Ibn A’yan
alors qu’il était en route vers al-Ma'moun pour l’informer des
derniers événements en Iraq.
Cette même année, le calife
al-Ma'moun maria Muhammad Ibn ‘Ali ar-Rida à sa fille Oumm
Habibah.
Quant à al-Ma'moun, il se
maria à Bourane Bint Hassan Ibn Sahl et Hassan Ibn
Sahl est Ibn Sahl Ibn ‘AbdAllah as-Sarkhrassi al-Khorassani qui
était un des grands mages (majous) qui se convertit à l’Islam
ainsi que ses enfants sous le règne d’ar-Rashid avant que sa famille
deviennent des hommes de l’état.
Alors qu’il était en route
pour l’Iraq, le calife al-Ma'moun s’arrêta dans la ville de Tous[3] alors
qu’il était en compagnie du successeur au califat ‘Ali ar-Rida Ibn
Moussa al-Kazim. Rida et le huitième imam des shiites duodécimains (ithna
‘ashariyah).
En l’an 203 de l’Hégire
(818), ‘Ali ar-Rida Ibn Moussa al-Kazim décéda et l’Imam at-Tabari a
rapporté qu’il mangea du raisin en trop grande quantité et mourut
d’indigestion. Abou Faraj al-Isfahani alias ‘Ali Ibn Houssayn
al-Amawi, qui était un des protégés de Marwan Ibn Muhammad
Ibn Marwan le dernier calife omeyyade, et auteur du fameux livre « al-Aghani »
a dit dans son livre qu’al-Ma'moun mit du poison dans ses aliments
et le tua. ‘Ali ar-Rida fut enterré à Tous et il était surnommé «Abi
Bakr ».
Cette même année, le dimanche
28 de Dzoul Hijjah, il y eut une éclipse du soleil, la
lumière du soleil fut éclipsée et deux tiers de son globe disparu.
L’éclipse commença quand le soleil s’éleva et continua jusqu’à à peu
près midi avant de s’éclaircir.
Au moins de Safar de l’année
204 de l’Hégire (819), le calife al-Ma'moun entra à Baghdad habillé
de vert mais une semaine après, il s’habilla de nouveau en noir, la
couleur des Abbassides.
Toujours en l’an 204 de
l’Hégire, Yahya Ibn Mou’ad combattit Babak, et aucun d’entre
eux ne marqua une victoire décisive sur l’autre.
En l’an 205 de l’Hégire
(820), al-Ma'moun nomma ‘Issa Ibn Muhammad Ibn Abi Khalid
gouverneur d’Arménie et de l’Azerbaïdjan et lui ordonna de combattre
Babak.
Cette année, al-Ma'moun
ordonna à ‘Issa Ibn Yazid al-Jouloudi de combattre les zout.
Toujours cette année, Tahir
Ibn al-Houssayn partit pour le Khorasan au moins de Dzoul
Qi’dah (205-821). Il resta deux mois dans son camp jusqu’à ce que
les nouvelles de la rebellions de ‘AbderRahmane
an-Nayssabouri al-Mouttawwi’i lui parviennent. Dès lors il marcha
sur lui.
Cette même année, les Turcs
Toghouz Oghouz arrivèrent à Oushroussanah.
En l’an 206 de l’Hégire
(821), al-Ma'moun nomma Daoud Ibn Banijour responsable de la guerre
contre les zout, des habitants du Sind, et gouverneur des provinces
de Basra, du Tigre, de Yamamah et du Bahrayn.
En l’an 207 de l’Hégire
(822), décéda le grand général de l’Islam Tahir Ibn Houssayn
Ibn Mous’ab al-Khorassani al-Khouza’i alors qu’al-Ma'moun l’avait
nommé gouverneur du Khorasan en l’an 205 de l’Hégire. Le calife
al-Ma'moun le détestait beaucoup parce qu’il avait ordonné de tuer
son frère al-Amine et lorsqu’il apprit sa mort il dit : « Louanges à
Allah qui a avancé sa mort est retardé la mienne ».
En l’an 209 de l’Hégire
(824), une crue inonda le Sawad, Kaskar, les terres d’Oumm Ja’far et
celles d’al-‘Abbas et emporta toutes les couches arables.
Cette année, Babak terrassa
‘Issa Ibn Muhammad Ibn Abi Khalid.
Toujours cette année,
al-Ma’moun nomma Sadaqah Ibn ‘Ali, connu sous le nom de Zourayq,
gouverneur de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan, avec la responsabilité
de conduire la guerre contre Babak. Sadaqah nomma Ahmad Ibn
al-Jounayd Ibn Farzandi al-Iskafi pour reconduire les opérations
militaires contre Babak. Ahmad Ibn al-Jounayd Ibn Farzandi
revint à Baghdad et retourna ensuite pour combattre les
khourramiyah, mais Babak le fit captif. Le calife nomma alors
Ibrahim Ibn al-Leyth Ibn al-Fadl at-Tajibi sur l’Azerbaïdjan.
Cette année, Michael, le fils
de George l’empereur byzantin qui régnait depuis neuf ans mourut.
Les Byzantins nommèrent Théophile le fils de Michael pour le
remplacer.
En l’an 210 de l’Hégire
(825), des navires chargés de gens venant d’Andalousie arrivèrent
par la Mer Méditerranée et ancrèrent leurs navires à Alexandrie. À
cette époque et à cause de la rébellion d’al-Jarawi et d’Ibn
as-Sari, les gens ne leur prêtèrent pas attention. Leur chef était à
ce moment-là un homme appelé Abou Hafs[4], ‘Omar Ibn
Hafs al-Ballouti et ils restèrent près de la côte jusqu’au
retour de ‘AbdAllah Ibn Tahir en Egypte.
Younous Ibn ‘Abdel A’la a
rapporté : Un jeune homme (il voulait dire ‘AbdAllah Ibn Tahir) vint
chez nous de la direction de l’est alors que le monde entier était
plongé dans des conflits. Différents usurpateurs avaient saisi le
pouvoir dans chaque partie de la terre et avaient terrorisés les
gens mais il ramena aux gens innocents leurs droits et apporta la
paix et la sécurité.
Quand ‘AbdAllah Ibn Tahir Ibn
al-Houssayn entra en Egypte, il envoya un message aux
Andalous et ceux qui les avaient rejoints. Il menaça de les attaquer
s’il ne se soumettait pas aux autorités de l’Égypte. Les Andalous
acceptèrent de se soumettre si un sauf-conduit leur était accordé
afin qu’il puisse quitter Alexandrie et partir vers une autre région
de la terre des Roum (les territoires byzantins) qui ne faisait pas
partie des terres d’Islam. ‘AbdAllah leur accorda ce qu’il demandait
et ils quittèrent Alexandrie et débarquèrent sur une des îles de
la Mer Méditerranée appelée Crète. Ils installèrent et
établirent une colonie et leur progéniture resta sur cette île
jusqu’à ce jour.
En l’an 211 de l’Hégire
(826), le calife afficha ses déviances et fit annoncer publiquement
que dorénavant quiconque mentionnerait Mou’awiyyah (qu’Allah soit
satisfait de lui) en bien perdrait la sécurité inhérente à sa
personne que lui confère l’Islam. Nul calife des abbassides avant
lui n’affirma de tels propos.
Un jour alors que le calife
parlait avec ‘Abd as-Salam Ibn Salih al-Harawi il le
questionna, ‘Abd as-Salam Ibn Salih lui répondit : « Abou
Bakr ceci Abou Bakr cela…» Le calife al-Ma'moun lui demanda : « Qui
est Abou Bakr ? Notre Abou Bakr ou Abou Bakr en général (‘amma)
? » Il voulait dire en disant « Notre Abou Bakr » ‘Ali ar-Rida
surnommé «Abou Bakr » et « Abou Bakr en général » le respectable
compagnon Abou Bakr as-Siddiq (qu’Allah soit satisfait de lui), le
Compagnon du Messager d’Allah (Saluts et Bénédictions d’Allah sur
lui), son compagnon dans la grotte, le père de l’honorable ‘Ayshah
(qu’Allah soit satisfait d’elle) et le calife du Messager d’Allah
(Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) !
Qui étais-tu donc toi-même ô
al-Ma'moun pour rabaisser le plus grand Compagnon du Messager
d’Allah (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) ?
Lorsqu’un poète Daymali du
nom d’Aspahdaoust Ibn Muhammad Ibn Hassan décédé en
l’an 469 de l’Hégire (1076), longtemps après al-Ma’moun, qui était
un shiite et redevint Sounni vers la fin de ses jours, fut
questionné à propos de ses croyances, il dit : « Si on me questionne
à propos de mes croyances, je leur dirais : « Il était sur la voie
des justes et je dirais que la meilleure personne après Muhammad
(Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) est son véridique (siddiqouhou)
et son compagnon dans la grotte » ». Ainsi était Abou Bakr (qu’Allah
soit satisfait de lui).
Le Calife al-Ma'moun n’allait
pas arrêter là ses déviances et il devait en l’an 212 de l’Hégire
(827) affirmer que ‘Ali Ibn Abi Talib (qu’Allah soit satisfait de
lui) était la meilleure création après le Messager d’Allah (saluts
et bénédictions d’Allah sur lui) avant d’affirmer la création du
Qur’an.
Cette même année, al-Ma'moun
dépêcha Muhammad Ibn Houmayd at-Toussi par la route de
Mossoul pour faire campagne contre Babak. Muhammad Ibn
Houmayd captura Ya’la Ibn Mourrah et d’autres rebelles en
Azerbaïdjan et les envoya à al-Ma'moun.
Les
campagnes d’al-Ma'moun contre les Byzantins
En l’an 215 de l’Hégire
(830), al-Ma'moun quitta la Ville de la Paix[5] le 27 Mouharram
pour attaquer les Byzantins.
D’autres ont rapporté qu’il
voyagea de Shammassiyah à Baradan le jeudi, après la prière de Zouhr
le 24 du mois de Mouharram. Quand al-Ma'moun partit de la
Ville de la Paix, il nomma son député Ishaq Ibn Ibrahim Ibn
Mous’ab sur la ville, et à qui il confia plus tard le Sawad, Houlwan
et les régions du Tigre.
Quand al-Ma'moun arriva à
Tikrit, Muhammad Ibn ‘Ali Ibn Moussa Ibn Ja’far Ibn Muhammad
Ibn ‘Ali Ibn al-Houssayn Ibn ‘Ali Ibn Abi Talib (qu’Allah
soit satisfait d’eux) arriva de Médine dans la nuit du vendredi[6] du mois de Safar
et rencontra le calife. Al-Ma'moun lui offrit des cadeaux et lui
ordonna de consommer son union avec sa fille Oumm al-Fadl (la fille
d’al-Ma'moun). Elle fut amenée en sa présence dans la maison d’Ahmad
Ibn Youssouf, située sur la rive du Tigre ou Muhammad Ibn
‘Ali resta. Quand le temps du pèlerinage approcha, il revint avec sa
famille à La Mecque avant de retourner dans sa maison à Médine ou il
resta.
Quant à al-Ma'moun, il partit
pour Mossoul, puis continua jusqu’à Manbij et enfin parvint à Dabiq,
Antioche et à Massissah. Ensuite, il partit pour Tarse et pénétra
dans les terres des Byzantins au milieu du mois de Joumadah Awwal,
tandis que son fils
al-‘Abbas Ibn al-Ma'moun parti pour Malatyah. Al-Ma'moun assiégea
une forteresse appelée Qourrah qu’il captura par la force. Il
ordonna de détruire la forteresse le dimanche 26 Joumadah Awwal de
cette même année. Précédemment, il conquit une autre forteresse du
nom de Majidah, mais épargna ses occupants. On a rapporté que
lorsqu’al-Ma'moun s’arrêta à Qourrah et attaqua la garnison, les
occupants demandèrent la sécurité. Al-Ma'moun la leur accorda et
envoya alors Ashinas à la forteresse de Soundous et Ashinas rapporta
son commandant au calife. Il envoya plus tard ‘Oujayf et Ja’far
al-Khayyat au commandant de la forteresse de Sinan qui vint se
présenter au calife et lui porta allégeance.
Lorsqu’al-Ma'moun quitta la
terre des Byzantins, il se dirigea vers Damas.
En l’an 216 de l’Hégire
(831), le calife al-Ma'moun retourna dans les terres des Byzantins
pour y conduire le Jihad.
Les historiens ont rapporté
plusieurs versions sur les raisons de son retour en terre de
Byzance. Parmi elles, il a été rapporté qu’al-Ma'moun fut informé
que le roi des Byzantins massacra les gens de Tarse et de Massissah.
D’après ce qu’il a été rapporté il aurait tué plus de
mille-six-cents personnes. Quand il reçut ces nouvelles, il partit
en expédition et entra dans leur terre le lundi 19 Joumadah Awwal de
cette année et y resta jusqu’au milieu du mois de Sha’ban de cette
même année. D’autres ont dit que c’est parce que Théophile le fils
de Michael écrivit à al-Ma'moun et commença la lettre en ce nommant
soi-même uniquement. Quand al-Ma'moun reçut la lettre, il ne la lut
pas et partit aussitôt pour la terre des Byzantins. Les envoyés de
Théophile le rencontrèrent à Adana ou ils lui remirent cinq-cents
captifs musulmans. Quand al-Ma'moun entra dans les terres
byzantines, il s’arrêta à Antighou et l’assiégea. La garnison quitta
la forteresse après avoir concédé un traité de paix et le calife
entra sans combat. Al-Ma'moun se dirigea alors à Heraclia et sa
garnison quitta la ville en sécurité après avoir aussi concédé un
traité de paix. Il envoya son frère Abou Ishaq poursuivre des
raids et il captura trente forteresses, des caches souterraines et
des entrepôts (matmourah). Il envoya aussi de Touwanah, Yahya
Ibn Aktham qui conduisit plusieurs raids de son côté, ou il tua des
ennemis, brûla leur forteresse, prit des captifs et du butin avant
de rejoindre le corps principal de l’armée. Ensuite, Al Ma’moun
partit vers Kayssoum ou il resta deux ou trois jours avant de
retourner à Damas.
En l’an 217 de l’Hégire
(832), al-Ma'moun envahit les terres byzantines et assiégea
Lou’lou’ah durant cent jours avant de se retirer en laissant son
lieutenant ‘Oujayf poursuivre le siège. Mais les gens de Lou’lou’ah
trompèrent ‘Oujayf, le capturèrent et il resta prisonnier huit jours
avant d’être libéré. L’empereur Théophile marcha sur Lou’lou’ah et
encercla ‘Oujayf mais al-Ma'moun lui envoya des renforts et
Théophile se retira pour éviter d’entrer en contact avec l’armée
musulmane. ‘Oujayf et les habitants de Lou’lou’ah après avoir
demandé la sécurité quittèrent la forteresse.
Cette même année, le
souverain de Byzance Théophile, écrivit à al-Ma'moun pour demander
la paix moyennant un tribut. Il mit seulement son propre nom dans sa
lettre et son ministre apporta la lettre suivante au calife :
« Il paraît plus raisonnable
que les deux côtés adverses se réunissent sur ce qui les unit plutôt
que de rechercher des côtés préjudiciables pour eux-mêmes. Tu n’es
pas le genre de personne qui renoncerait à ce que tu possèdes en
faveur d’une autre personne et tu comprends parfaitement ce que je
veux te dire sans que j’aie besoin de te le dire. Je t’écris pour
t’inviter à conclure un accord de paix entre nous car je désire
bénéficier des avantages d’une trêve dans les opérations militaires
afin que nous puissions nous soulager des fardeaux de la guerre qui
pèsent sur nous et être amis les uns des autres et des associés.
Nous pourrions accumuler des bénéfices si nous établissions des
relations commerciales, si nous libérons ceux qui sont en captivité
et si la sécurité des routes et des royaumes sont garantis. Si tu
rejettes l’offre de paix, je ne perdrais pas de temps avec toi[7]. Adieu ! »
Al-Ma'moun lui répondit :
« J’ai reçu ta lettre dans laquelle tu me demandes une trêve dans le
combat et me demande la réalisation d’un traité de paix réciproque.
Tu emploies dans ta lettre tant les mots doux que durs en cherchant
la conciliation avec moi tout en me proposant de faire du commerce
avantageux pour nous, la libération des captifs ainsi que l’arrêt
des combats. Si ce n’était pas ce vers quoi je travaille et de
saisir une occasion favorable de renverser la situation en tenant
compte du bien-être de ma communauté, et ce que je préfère à l’égard
de ses résultats, devraient faire la réponse à ta lettre. Mais
l’envoi d’une inébranlable cavalerie montée par des cavaliers vifs
et courageux qui seront heureux de te détruire, cherchant la
satisfaction de Dieu en répandant le sang pour obtenir Sa proximité,
en combattant tes soldats m’est préférable. Je leur fournirai des
renforts ainsi qu’un équipement militaire suffisant. Ils sont plus
désireux d’avancer vers les fontaines de la mort que tu cherches à
te préserver de l’effrayante menace qu’ils font peser sur toi. Ils
ont la promesse d’une des deux meilleures choses : une rapide
victoire ou un retour glorieux à Dieu comme des martyrs dans la
bataille. Mais j’estime que je devrais t’offrir un avertissement,
afin qu’Allah établisse clairement contre toi la preuve décisive de
l’Islam, en t’appelant ainsi que tes partisans à la reconnaissance
de l’Unicité Divine et de la Loi Divine de la Religion des Hanif[8]. Si tu
refuses d’accepter cette offre, tu peux payer le tribut qui te
vaudra la protection des Gens de la Dîme (ahl ad-dimmah) et
rendra possible pour toi un répit pour la guerre. Si tu refuses
aussi de payer le tribut, alors tu feras clairement face à nos
qualités martiales d’une telle manière que mon discours éloquent et
toutes tentative exhaustive d’explication te paraîtront superflues.
Paix sur celui qui suit la guidance ! »
Toujours cette année,
al-Ma'moun se rendit à et prit Salaghous, une forteresse au-delà du
Tarse.
En l’an 218 de l’Hégire
(833), al-Ma'moun voyagea de Salaghous à Raqqah ou il exécuta Ibn
Oukht ad-Dari.
Cette même année, le premier
Joumadah Awwal, al-Ma'moun envoya son fils al-‘Abbas en terre
byzantine et lui ordonna d’établir son camp à Thouwanah et d’y
construire des habitations. Il y avait déjà envoyé des ouvriers et
des détachements de troupes régulières (payées). Lorsqu’il arriva,
il travailla sur ce programme de construction et bâtit sur un mile
carré qu’il entoura d’un mur de 18 km de long, séparé par quatre
portes ayant chacune une tour de défense fortifiée.
Toujours cette même année,
alors que le calife al-Ma'moun était à Raqqah[9], il
écrivit à Ishhaq Ibn Ibrahim Ibn Mous’ab al-Khouza’i, le chef
de la police à Baghdad et lui ordonna de questionner les savants sur
la création du Qur’an. Al-Ma'moun et ses amis mou’tazilah
affirmaient que le Qur’an était créé tandis que les savants de
l’Islam affirmaient que c’est la Parole d’Allah Exalté incréée. Sous
la pression de la menace et de la terreur, après de terribles
événements, les savants répondirent. Ils répondirent contraints que
le Qur’an est créé mais deux d’entre eux du nom de Muhammad
Ibn Nouh al-‘Ijli al-Bakri al-Wahili ar-Rab’i et le deuxième,
la Montagne Inébranlable (jabal rasikh), le grand Imam Ahmad
Ibn Muhammad Ibn Hanbal ash-Shaybani al-Bakri
al-Wahili ar-Rab’i, puisse Allah Exalté leur faire miséricorde,
furent amenés tous les deux enchaînés au calife al-Ma'moun à
Tarassous pour être tué. Lorsqu’ils arrivèrent près de sa résidence,
un employé vint les trouver et dit en pleurant à l’Imam : « Le
calife al-Ma'moun jure par sa proximité du Prophète (Saluts et
Bénédictions d’Allah sur lui) qu’il te tuera si tu n’affirmes pas
que le Qur’an est créé. Lorsque l’Imam Ahmad Ibn Hanbal
entendit cela, il se redressa, leva la tête vers le ciel et invoquât
contre le calife injuste dont même les Compagnons (qu’Allah soit
satisfait d’eux) ne furent pas à l’abri de ces méfaits. Et à peine
eut-il fini son invocation, qu’un messager les informa de la mort du
calife par lequel la communauté islamique fut éprouvée. Al-Ma'moun
mourut au moins de Rajab de l’année 218 de l’Hégire (833).
Comment le calife al-Ma'moun
Ibn Haroun ar-Rashid a-t-il pu changer ses croyances et dévier du
chemin de ses ancêtres, al-Ma'moun qui contrairement à son père ne
fit absolument rien pour arrêter la propagation des sectes déviantes
pour devenir finalement lui-même un déviant ?
La cause est qu’il resta chez
ses oncles au Khorasan un certain nombre d’années et il était le
mari de Marajil la fille d’Oustansis qui se fit passer pour un faux
prophète. Ses plus proches compagnons étaient Fadl et Hassan,
qui étaient les fils d’un mage. D’autre part, il fut éduqué par le
Sheikh des mou’tazilah, Abou Houdayl Hamdan Ibn Houdayl
al-‘Alaf à Basra, qui
était le Mawlah des ‘Abdel Qays.
Abou Houdayl mourut en 226 de l’Hégire (841). Ainsi vous pouvez voir
le résultat néfaste d’un enseignement déviant par les professeurs
sur ses élèves.
[1]
Al-Inkishariyah : Police militaire ottomane connut sous le
nom de janissaires.
[2]
Islamboul - Dar al-Islam : Nom original de la capitale des
Ottomans qui signifiait la ville de l’Islam. Il fut remplacé
par Istanbul en 1925.
[3]
Machhad en Iran de nos jours.
[4]
Nous avons déjà longuement mentionné l’histoire de ces gens
expulsés d’ar-Rabd d’Andalousie dans le second volume de
notre « Abrégé de l’Histoire du Maghreb et de
l’Andalousie ».
[5]
Baghdad.
[6]
La nuit du jeudi. En Islam, la nouvelle journée débute par
la nuit précédant le jour. Donc le jeudi soir est en fait le
début du vendredi.
[7]
Sous-entendu : je t’embusquerais secrètement sans utiliser
avec toi la bonté mais la tromperie pour pénétrer dans tes
terres, retirer leurs barrières et lancer contre toi ma
cavalerie et mon infanterie. Je ne ferai cela bien
évidemment qu’après une excuse valable afin d’établir entre
nous l’argument décisif.
[8]
Hanif : Nature et religion unique et primordiale par
laquelle Allah Exalté à créer l’Humanité.
[9]
Une ville sur les bords du type de l'Euphrate.