Des exactions des
Tatars
Le tribut continua d’être exigé des manières
les plus rigoureuses si bien que le prix des aliments augmenta
considérablement. Le tribut fut répartit entre les habitants et pour
chaque classe d’entre eux, un groupe de Mongols fut chargés de les
battre, de les torturer et leur faisaient éprouver toutes sortes
d’insultes et d’humiliations. Les massacres de civils et le pillage
ravagea la banlieue de Damas et plus de cent mille hommes furent
tués. Le marché des fabricants de ceintures fut taxé à
cent-trente-mille dirhems, celui des fabricants de lances à
cent-mille dirhems et celui des ouvriers en cuivre à soixante-mille.
Les nobles de la ville durent payer quatre-cent-mille dirhems et
Kamal ad-Din Ibn al-Qadi ash-Shouhbah qui fut chargé de collecter
l’argent dit à cette occasion :
« Les vicissitudes du temps ont déchaîné contre
nous sept fléaux et nul d’entre nous ne saurait y échapper : la
disette, Qazan, la guerre, le pillage, la perfidie, l’apathie et le
chagrin continu. »
Le Sheikh Kamal ad-Din Muhammad Ibn ‘Ali
az-Zamalqani dit également :
« Plaignons le sort de Damas ! Quels maux
a-t-elle éprouvés d’un infidèle dont l’impiété se présente sous
diverses faces !
Il est arrivé, traînant avec lui des forces et
des troupes innombrables, dans les rangs desquelles on trouve des
génies et des démons. »
Le retrait
de Qazan
La somme qui fut livrée pour la fortune
personne de Qazan par Wajih ad-Din Ibn Mounijah s’éleva à
trois-cents-millions-six-cent mille dirhems sans compter les armes,
les étoffes, les bêtes de somme, les grains et tout ce les Tatars
avaient pillé. Il leur était livré chaque jour par la porte
orientale, quatre cents Ghirdrah et Qazan donna aussi l’ordre de
prendre les chevaux et les chameaux si bien que plus de vingt mille
de ces animaux furent pris par l’ennemi.
‘Astabi le fils (de l’infâme traitre) Nassir
ad-Din Toussi, l’astronome de Qazan et l’inspecteur du Waqf des
Tatars reçut pour prix de son inspection à Damas, une somme de
deux-cent-mille dirhems, sans compter tout ce qu’on leva au profit
de l’émir Kanjak, des émirs mongols et ce qui était assigné pour la
dépense journalière de Qazan.
Lorsque le payement du tribut fut enfin payé,
Qazan établit comme gouverneur de Damas l’émir Kanjak, comme
gouverneur d’Alep, de Hamah et de Homs l’émir Baktimour et comme
gouverneur de Safad, de
Tripoli et de Palestine, l’émir al-Baki et il attribua à chacun
d’entre eux un corps de troupes mongoles puis, il nomma gouverneur
général de la Syrie au-dessus d’eux l’émir Katloushali. Vingt mille
‘Ashir et quatre mille Mongols furent envoyés dans les cantons de
Ghaur et le vendredi 12 du mois de Joumadah Awwal, le roi mongol
quitta enfin la ville de Damas et laissa dans le palais du
gouverneur Katloushali.
Le samedi 13 de ce même mois, les Tatars qui
restèrent à Damas donnèrent l’ordre de faire sortir tous ceux qui
occupaient al-Madrassah al-Adiliyah et fouillèrent tous les
étudiants au fur et à mesure qu’ils sortaient et leur prirent tout
ce qui leur convenait puis, ils entrèrent dans l’école, brisèrent
les portes des logements et les pillèrent tous. Le pillage s’étendit
bientôt dans toute la ville et la banlieue de Dimaghiyah jusqu’à Bab
al-Faraj et les Madrassah d’al-Hadith an-Nouriyah, d’al-Qaymariyah,
Dar as-Sa’adah ainsi que l’hôpital an-Nouri furent pillés.
Les Tatars firent évacuer tout ce qui entourait
la citadelle et montèrent sur les toits où ils lancèrent des flèches
contre la forteresse et c’est pour cette raison qu’Arjiwash fit
détruire tout ce qui se trouvait aux alentours de la citadelle
cependant, Katloushah, le commandant des Tatars, poursuivit le siège
de la place.
Lorsque Qazan traversa l’Euphrate, Kanjak et
Baktimour conseillèrent à Katloushah de quitter Damas avec les
Tatars qui étaient sous ses ordres et de s’établir à Alep après lui
avoir versé un large tribut payé par les habitants de la ville. Il
quitta donc la ville le lundi 22 du mois de Joumadah Awwal après
avoir laissé un corps de Tatars. Kanjak accompagna son souverain
pour lui faire ses adieux puis revint le 25 et établit sa résidence
à Qasr al-Ablaq. Le lendemain, il fut annoncé que personne ne devait
se rendre à la montagne ou à Qoutali pour ne pas exposer sa vie et
quelques temps après que les habitants de la campagne pouvaient
retourner dans leurs villages.
Le mardi 1 du mois de Joumadah Thani, les
habitants furent informés qu’ils pouvaient désormais se rendre à
Salahiyah et autres lieux. Les gens revinrent ainsi chez eux puis
les marchés furent de nouveau ouverts ainsi que les portes de la
place. Le vendredi, les tambours qui annonçaient les nouvelles
heureuses retentirent dans la citadelle. Le septième jour du mois,
Kanjak choisit un certain nombre de ses soldats à qui il ordonna de
faire tourner un cabaret ambulant autour de la ville et dès lors, le
vin et les excès les plus vils eurent lieu en public et quiconque
voulait y prendre part était invité à payer mille dirhems par jour.
Les Tatars pillèrent les villages de Ghour,
entrèrent à Jérusalem et se dirigèrent au-delà de Gaza où ils
tuèrent quinze personnes dans la grande mosquée de la ville puis,
ils retournèrent à Damas, le second jour de Rajab avec l’intention
de retourner dans leur pays.
Le retour
du sultan en Egypte après sa défaite
Au moment de la déroute du sultan, les troupes
s’enfuirent dans toutes les directions et seul un petit nombre des
membres de sa famille restèrent avec lui ainsi que les émirs Zayn
ad-Din al-Karajah, Sayf ad-Din Baktimour al-Houssami, al-Akhour et
quelques personnes. Durant le retour jusqu’en Egypte, Baktimour
servit de son mieux le sultan tant de sa personne que de sa bourse.
Le sultan arriva dans la citadelle de la montagne, le mercredi 12 du
mois de Rabi’ Thani suivit par les différents corps de troupes dans
l’état le plus lamentable.
Une cérémonie funèbre eut lieu pour ceux qui
avaient péri et qui étaient en très-grand nombre puis les émirs se
préparèrent de nouveau pour le départ. Les gens habiles furent
mandés pour fabriquer des armes et le vizir recueillit de l’argent
afin de subvenir aux dépenses de l’expédition. Des lettres furent
envoyées dans toutes les régions d’Égypte pour demander des chevaux,
des lances et des épées. Un cheval, qui valait trois cents dirhems,
monta au prix de mille dirhems et toutes les montures qui servaient
pour les moulins et autres tâches furent achetés pour des prix bien
au-dessus de leur valeur. On chercha partout des chevaux, des
chameaux et des armes et ce qui valait cent dirhems fut vendu sept
cent voir mille. Les soldats retirés furent appelés à rejoindre
leurs corps et les soldes de ceux qui avaient péri. On assigna à
chaque émir mille soldats et plusieurs émirs engagèrent des corps de
volontaires.
Le
refus du Sheikh Taqi ad-Din Ibn ad-Daqiq
Majd ad-Din ‘Issa Ibn al-Habbab, le secrétaire
du comptable fut mandé et chargé de recueillir des juristes un avis
juridique pour lever des habitants des contributions suffisantes
pour les dépenses de l’armée. Il apporta alors la décision juridique
qui avait été donnée par le Sheikh ‘Izz ad-Din Ibn ‘Abdes-Salam à
al-Malik al-Mouzaffar Qoutouz (qu’Allah leur fasse miséricorde) qui
autorisait à lever de chaque citoyen un impôt d’un dinar. Silar lui
avait recommandé de ramener un avis donné par le Sheikh Taqi ad-Din
Ibn ad-Daqiq mais ce dernier refusa de donner un avis ce qui offensa
vivement Silar qui manda le Sheikh en présence des émirs. Il
l’informa que l’état manquait d’argent et que seule la nécessité le
poussait à lever une contribution des gens pour se donner les moyens
de faire face à l’ennemi. Il demanda au Sheikh d’approuver la
décision mais il persista dans son refus.
Lorsque l’avis donné par le Sheikh Ibn
‘Abdes-Salam lui fut avancé, il dit : « Le Sheikh Ibn ‘Abdes-Salam
ne donna son avis juridique à al-Malik al-Mouzaffar Qoutouz que
lorsque tous les émirs du royaume apportèrent tout ce qu’ils
possédaient, d’or et d’argent, les parures de leurs femmes et de
leurs enfants et qu’il eût reçu de chacun d’entre eux le serment
qu’il n’avait plus rien en sa possession et comme cela n’était pas
encore suffisant pour faire face aux dépenses, il décida que l’on
pouvait exiger de chaque habitants un dinar. Mais, dans le cas
présent », ajouta-t-il, « tous les émirs possèdent des richesses
considérables, donnent à leurs filles des trousseaux de pierres et
de perles, les vases d’eau qu’ils utilisent pour se laver dans les
toilettes sont en argent et les sandales de leurs femmes sont ornées
de toutes sortes de pierres précieuses. » Alors le Sheikh se leva et
quitta l’assemblée.
Nassir ad-Din Muhammad Ibn ash-Shaykhi
al-Moutawalli fut mandé du Caire et on lui confia de vérifier
scrupuleusement les richesses des marchands et des particuliers et
de faire payer à chacun d’eux tout ce qu’ils pouvaient payer ainsi
avant le début du mois de Joumadah Awwal, une armée considérable
était de nouveau sur pied. Les villes du Caire, de Foustat et de
l’espace qui les sépare furent encombrées des nombreux soldats qui
arrivèrent des provinces de la Syrie. Comme les maisons étaient trop
étroites pour les recevoir, ils campèrent dans al-Qarafa, autour de
la mosquée d’Ibn Touloun et à l’extrémité du quartier
d’al-Houssayniyah. Malgré ce nombre considérable de gens, les prix
se maintinrent à un niveau modérés.
Ibn Shaykhi voulut toutefois lever une
contribution sur tous les habitants du Caire et de la banlieue puis
écrire aux gouverneurs des diverses provinces pour leur ordonner de
faire payer tout le monde sans distinction et donner à cette taxe,
le nom de Mouqarrar al-Khaliyah. Cependant, les émirs, trouvèrent la
mesure odieuse et il fut établit que chaque Ardab de grains vendu
serait taxé à un Kharroubah qui serait exigé de l’acheteur ainsi
qu’une taxe Nisf ash-Shamsarah. Cette dernière fut levée secrètement
et servit à lever environ deux cents cavaliers. Les fortunes des
marchands et des riches furent contrôlées et il fut imposé à chacun
d’entre eux une contribution de cent à dix dinars et aucun marchand,
artisan ou homme connu pour sa richesse, ne fut exempté de cet
impôt. Il fut aussi emprunté aux négociants des sommes plus ou moins
élevées et ainsi une masse considérable d’argent fut réunie puis, il
fut envoyé à chaque commandant de mille hommes, la solde destinée à
ses soldats.
Kanjak se
rend en Egypte
C’est alors qu’arriva la nouvelle du départ de
Qazan de Damas après avoir laissé Kanjak gouverneur dans la ville et
cette nouvelle remplit les gens de joie. Lorsque le sultan était
arrivé en Egypte, il avait écrit aux gouverneurs des forteresses
pour leur ordonner de les défendre vaillamment si bien qu’aucune
d’entre elles n’était tombée entre les mains des troupes de Qazan.
Le sultan écrivit aussi à Kanjak, à Baktimour et d’autres émirs en
leur demandant de se soumettre ce à quoi, ils répondirent
favorablement. Lorsque les Tatars qui étaient restés en Syrie furent
informés de la marche du sultan ils furent effrayés. Kanjak et sa
suite quitta Damas au milieu du mois de Rajab pour l’Egypte suivit
par tous les Tatars de ville. Arjiwash resta maître de la ville
comme il l’était déjà de la citadelle et fit faire les invocations
de la prière au nom du sultan après une interruption de cent jours.
II supprima les pratiques criminelles introduites par l’ennemi, fit
fermer les cabarets, répandre le vin et briser les jarres qui le
contenaient par son
ministre le Sheikh Ibn Taymiyah.
Le départ
de l’armée égyptienne
Lorsque la solde fut distribuée aux troupes et
qu’elle fut fin prête, il fut proclamé au Caire le départ des
troupes et que quiconque resterait en arrière serait pendu.
Le 7 du mois de Rajab, Le sultan quitta la
ville et se rendit à Salahiyah. Il reçut en cours de route les
lettres des émirs Kanjak, Baktimour et d’al-Baki qui annonçaient
leurs arrivées en compagnie de ‘Izz ad-Din, Hamzah Qalanissi et
ash-Sharif Ibn ‘Adnan. Le sultan établit son camp à Salahiyah tandis
qu’à la tête des troupes, les émirs Ibn as-Salar an-Na'ib
as-Soultanah et Baybars poursuivirent leur route vers Damas le 22 de
ce même mois. Entre Gazali et Ascalon, ils rencontrèrent l’émir
Kanjak et son cortège et chacun d’entre eux descendirent de leur
monture pour se congratuler avant de reprendre leur route pour se
rendre auprès du Sultan.
Les émirs et l’armée reprirent leur route vers
Damas tandis que Kanjak et ses compagnons arrivèrent à Salahiyah le
dixième jour du mois de Sha’ban et le sultan sortit à leur rencontre
puis les combla d’honneurs et de bienveillance avant de partir tous
ensemble vers l’Egypte et la citadelle de la montagne ou ils
arrivèrent le 14 de ce même mois.
Le samedi 10 du mois de Sha’ban, l’émir Jamal
ad-Din Aqoush al-Afram entra à Damas suivit le lendemain par l’émir
Kara Sounqour al-Mansouri, le gouverneur d’Alep à la tête de ses
troupes qui avait succédé à Bilban at-Tabbakhi qui avait été admis
parmi les émirs d’Égypte attachés à la cour du sultan suite au décès
d’Aqsounqour al-Kartal. Puis, l’émir Assandimour al-Kourji le
responsable des conquêtes relatives au territoire de Tripoli qui
avait remplacé l’émir Katloubak arriva avec ses troupes suivit deux
jours après par l’aile gauche de l’armée égyptienne sous le
commandement de l’émir Badr ad-Din Biktash al-Fakhri Amir as-Silah.
Le lendemain 13 Sha’ban arriva l’aile droite commandée par l’émir
Houssam ad-Din Lajin et le 14 l’émir Silar entra dans la ville avec
les Mamalik du Sultan et al-Malik al-‘Adil Kitbougha qui avait été
nommé gouverneur de la ville de Hamah à la place de Kara as-Sounqour
à qui avait été confié la ville d’Alep. L’émir Kir al-Mansouri fut
nommé na’ib de Safad.
Le
prix de la collaboration
Un corps de troupes fut alors secrètement
envoyé vers Alep qui attaqua la ville et prit par surprise les
soldats tatars de Qazan qui occupaient la ville et la plupart
d’entre eux furent tous passés par le fil des sabres exceptés
quelques-uns qui réussirent à s’échapper et allèrent rejoindre Qazan
qu’ils informèrent de la trahison de Kanjak (ou Kabjak).
Le prix des denrées étaient excessivement chère
à Damas. Tous les hommes pervers qui furent employés par Qazan pour
lever les contributions et les dénonciateurs furent alors activement
recherchés et tous ceux qui furent attrapés furent crucifiés ou
pendus après avoir eu les pieds et les mains tranchées ou la langue
arrachée et les yeux crevés.
L’émir Arjiwash, le commandant de la citadelle
fut revêtu d’une robe d’honneur et reçut une gratification de dix
mille dirhems. Les Sheikhs des tribus de Qays et du Yémen des ‘Ashir
et des Arabes furent ramenés et obligés de restituer tout ce qu’ils
avaient enlevé, soit aux soldats, soit aux habitants des différentes
provinces, au moment où les gens effrayés fuyait vers l’Égypte.
Lorsque Qazan razzia la Syrie et reprit la
route de l’Orient, les Arméniens convoitèrent les villes qu’ils
avaient perdues au profit des Musulmans et ils s’emparèrent de Tall
Hamdoun et d’autres places. Lorsque la paix fut restaurée en Syrie,
les émirs Baybars et Silar retournèrent en Egypte avec leurs troupes
et arrivèrent à la citadelle de la montagne le mardi 3 du mois de
Shawwal. Dès que les émirs eurent repris leurs postes, l’émir Kanjak
demanda la place de gouverneur de Shawbak ce qui lui fut accordé et
les émirs Baktimour et Faris ad-Din al-Baqi as-Sadqi obtinrent le
grade d’émir de cent soldats en Égypte
et en Syrie.
L’expédition contre les druzes
Le 20 du mois de Shawwal, l’émir Aqoush
al-Afram quitta Damas pour mener une expédition contre les druzes
qui habitaient les montagnes de Qisrouwan et qui dévastèrent l’armée
vaincue par Qazan alors qu’elle se retirait vers l’Égypte. Les
gouverneurs de Safad, Hamah, Homs et Tripoli et leurs troupes se
joignirent à lui et se préparèrent à affronter les druzes qui
étaient au nombre de douze mille archers et qui se réfugièrent dans
les endroits les plus inaccessibles.
Les troupes égyptiennes les attaquèrent mais
gagner un avantage majeure sur eux hormis un grand nombre de
blessés. L’armée se divisa en plusieurs corps et chargea, pendant
six jours, l’ennemi de plusieurs côtés à la fois qui prit la fuite.
L’armée grimpa alors la montagne et tua ou fit prisonniers un grand
nombre d’entre eux et le reste allait être exécuté lorsqu’ils
demandèrent des conditions si bien que le combat cessa aussitôt.
Leurs Sheikhs arrivèrent et ils leur fut demander de rendre tout ce
qu’ils avaient pris aux troupes lors de leur retrait. Ils ramenèrent
donc un immense stock d’armes et d’étoffés et jurèrent qu’ils
n’avaient rien caché. L’émir Aqoush al-Afram les condamna à payer
une somme de deux-cent-mille dirhems ce qu’ils firent et emmena
plusieurs de leurs Sheikhs et de leurs chefs avec lui à Damas ou il
arriva le 3 du mois de Dzoul Qi’dah.
A son retour en ville après avoir envoyé la
nouvelle en Egypte. Il obligea, par une proclamation, les habitants
de Damas à suspendre des armes dans les boutiques et à s’exercer
continuellement à tirer des flèches. Le Qadi al-Qoudat Badr ad-Din
Muhammad Ibn al-Jama’ah exigea la même chose des savants de Damas
puis, le 21 de ce même mois, il procéda au recensement de la
population et tous les habitants, classe par classe furent
enregistrés. Des inspecteurs de marchés furent aussi nommés.
Cette même année, les habitants de Diyar Bakr
poursuivirent l’armée des Tatars et massacrèrent la plupart d’entre
eux.
Cette année aussi, la population de Damas se
retrouva dans la plus extrême misère.
Les Tatars
menacent de nouveau la Syrie
Au début de l’année 700 de l’Hégire (1300), des
nouvelles arrivèrent que Qazan se préparait à entrer de nouveau en
Syrie et le sultan fit les préparatifs nécessaires pour envoyer
l’armée à sa rencontre. Le vizir Shams ad-Din Sounqour al-‘Assar et
l’émir Nassir ad-Din Muhammad Ibn ash-Shaykhi, le wali du Caire
furent mandés et il leur fut ordonné d’exiger des habitants une
contribution en argent. Des messages furent envoyés en Syrie pour
procéder à la même chose.
Le vizir et le wali s’établirent dans la Maison
de la Justice près de la citadelle là où se trouve de nos jours les
tambours et tous les habitants, les uns après les autres, vinrent
apporter le montant de leur contribution et ainsi une somme de cent
mille dinars fut ramassée ce qui fut pour la population, une mesure
très-vexatoire.
En Égypte et en Syrie, les langues se
déchaînèrent contre les membres du gouvernement et les gens
parlèrent avec mépris des soldats leur disant : « Hier, vous vous
êtes enfuis et aujourd’hui vous enlevez nos biens. » Et si les
soldats répondait, il leur était répliqué : « Pourquoi n’avez-vous
pas montré cette audace devant les Mongols qui vous ont traités
ainsi et devant lesquels vous avez fui ? » La situation se dégrada à
un tel point qu’il fut proclamé au Caire et à Foustat que si un
citoyen parlait à un soldat, sa vie et ses biens seraient à la
disposition du sultan.
A Damas, il fut levé un impôt correspondant à
quatre mois de revenu sur tous les habitants de la ville et des
environs. Dans les villages, il fut levé sur chaque surface de
mille-six-cents coudées carrées six dirhems deux tiers. Il fut exigé
des cultivateurs l’équivalent du produit de l’année 698 de l’Hégire
et on demanda aux riches le tiers de leurs revenus. Cette mesure fut
pour la population une source de calamités. Les habitants coupèrent
les arbres fruitiers et vendirent le bois. La vallée de Ghoutah fut
dépeuplée et une bonne partie des habitants se réfugia en Egypte.
Lorsque la levée des contributions fut achevé à Damas, l’argent fut
employé pour recruter huit cents palefreniers kurdes et chacun
d’entre eux reçut six cents dirhems cependant, la plupart
s’enfuirent et il n’en résulta aucun inconvénient réel.
A Foustat, un nombre considérable d’artisans et
autres furent employés. Les émirs firent dresser leurs tentes à
l’extérieur de la ville pour passer en revue les soldats, les
chevaux, les armes et pour s’assurer de l’état de l’armement. Chaque
jour, ils inspectèrent dix commandants de la Halqah avec leurs
troupes. Un certain nombre d’entre eux furent écartés mais furent
repris même ceux qui étaient visiblement des intrus. Le contrôle fut
terminé en vingt jours puis les provisions furent préparées.
L’Egypte se remplit de fugitifs qui venaient de
la Syrie tandis que les prix chutèrent.
L’armée des
Tatars décimée par le froid
Le sultan quitta la citadelle le samedi 13 du
mois de Safar et se rendit à Ridaniyah en dehors du Caire où il
établit son camp et fut rejoint par les émirs et les troupes avant
de marcher sur Gaza où il resta deux jours. Il reçut alors la
nouvelle que le roi tatar Qazan, après avoir traversé l’Euphrate,
marchait sur Antioche tandis que les populations fuyaient devant
lui. La province d’Alep fut désertée et Kara as-Sounqour, le
gouverneur de la ville, se réfugia à Hamah.
Kitbougha, le gouverneur de Hamah, sortit alors
de la ville le 22 du
mois de Rabi’ Awwal après l’arrivée de renforts d’Égypte et de Syrie
et établit son camp en dehors de la ville. Puis l’armée prit la
route d’Awja et fut éprouvée par les pluies qui tombèrent sans
interruption durant quarante et un jours qui empêchèrent l’arrivée
de l’approvisionnement si bien que les prix devinrent excessifs. Le
froid affaiblit également les animaux et les esclaves. Alors une
inondation succéda aux pluies qui détruisirent la plus grande partie
des bagages. Plusieurs esclaves et quatre soldats périrent des
suites du froid tandis que les routes n’étaient plus que de la boue
profonde.
Un nouveau courrier arriva d’Alep qui informa
que Qazan s’était dirigé des montagnes d’Antioche et de Soummak
avant de retourner vers Koroun Hamah et Shayzar ou il avait pillé le
pays, emmené un grand nombre d’habitants prisonniers et enlevé une
énorme quantité de troupeaux et autres objets. La lettre affirmait
qu’il avait l’intention de marcher vers Damas mais Allah Exalté, à
Lui les Louanges et la Gloire, envoya contre lui des pluies et des
neiges telles qu’on n’en avait jamais vu de pareilles dans la région
si bien que son armée fut décimée ainsi que ses montures et ses
bêtes de transports. Le nombre de ses chevaux qui s’élevaient à
douze mille chevaux furent réduit à environ deux mille et la majeure
partie de l’armée se retrouva à pied. Lorsqu’ils se retirèrent, les
Tatars montèrent en croupe derrière leurs camarades et Qazan passa
l’Euphrate à gué, le 11 du mois de Joumadah Awwal.
Celle nouvelle remplit tous les habitants d’une
joie sans borne. Les émirs Sayf ad-Din Baktimour et Baha ad-Din
Yaqouba se rendirent à Alep, à la tête d’environ deux mille
cavaliers pour recevoir les nouvelles et tranquilliser la population
tandis qu’à la fin du mois de Rabi’ Thani, le sultan avec le reste
de l’armée prit la route de l’Égypte.
L’arrivée du vizir du Maghreb en Egypte
Au mois de Rajab, un vizir du souverain du
Maghreb arriva en Egypte alors qu’il se rendait au Hijaz pour faire
le pèlerinage de la Mecque et eut plusieurs entrevues avec le Sultan
et les émirs. Alors qu’il se trouvait près de la citadelle, il vit
passer un homme monté sur un cheval et entouré d’un grand nombre
d’individus qui marchaient à côté de son étrier. Ils s’adressaient à
lui humblement, l’imploraient et lui baisaient les pieds tandis
qu’il les évitait sans leur porter aucune attention et demandait à
ses pages de les chasser. Le vizir du Maghreb s’enquit sur cet
individu et apprit que ce cavalier était un chrétien ce qui le
blessa vivement. Il alla trouver les émirs Baybars et Silar, leur
raconta ce qu’il avait vu et son mécontentement. Il versa des larmes
abondantes et leur dit : « Comment, pouvez-vous espérer le secours
du ciel alors que chez vous les Chrétiens se montrent à cheval,
portent des turbans de couleur blanche, humilient les musulmans et
les font marcher à pied dans leur cortège ? » Il s’étendit alors sur
l’obligation aux membres du gouvernement d’agir contre eux et de les
forcer à se vêtir différemment. Son discours produisit une vive
impression sur l’esprit des émirs. Ils mandèrent les Qoudat et les
juristes ainsi que le patriarche des Chrétiens.
Un ordre émanant du Sultan enjoignit aux
tributaires de se conformer à la loi musulmane. Les Qoudat se
réunirent dans la Madrassah Salahiyah et le Qadi al-Qoudat Shams
ad-Din Ahmad as-Sarouji al-Hanafi fut nommé pour conduire l’affaire.
Ce magistrat manda le patriarche, les évêques et les rabbins et
après un long débat avec eux, il fut décidé que les Chrétiens se
distingueraient des Musulmans en portant un turbans bleu, les Juifs
des turbans jaunes, que ni les uns ni les autres ne pourraient
monter des chevaux ou des
mules et devait s’abstenir de tout ce que la loi leur interdisait.
On les astreignit à toutes les conditions que leur avait imposées le
commandant des croyants ‘Omar Ibn al-Khattab (qu’Allah soit
satisfait de lui). Ils acceptèrent ces mesures et le patriarche
déclara devant témoins qu’il défendait à tous les chrétiens de
contrevenir à ce règlement et de s’en écarter car à cette époque,
les Juifs et les Chrétiens vivaient dans le plus grand luxe au Caire
et à Foustat, montaient des chevaux fringants et des belles mules
couvertes d’ornements somptueux, se revêtaient d’habits d’apparats
et occupaient les emplois les plus importants.
Quant au grand rabbin des Juifs, il dit : « Je
jette l’anathème sur tous les Juifs qui contreviendront à cet accord
ou s’en écarteront. » L’assemblée se sépara et l’on informa le
Sultan et les émirs de ce qui avait été résolu. Le résultat en fut
annoncé par des lettres qui furent expédiées dans les différentes
provinces d’Egypte et de Syrie.
Le jeudi, 25 du mois de Rajab, on rassembla les
Chrétiens et les Juifs qui se trouvaient au Caire, à Foustat et dans
leur banlieue et il leur fut déclaré qu’aucun d’entre eux ne
pourrait à l’avenir occuper un emploi dans le bureau du Sultan, ni
dans ceux des émirs, qu’ils ne pourraient monter sur des chevaux ou
des mules et qu’ils devaient s’engager à observer fidèlement les
conditions qui leur avaient été prescrites. Cette ordonnance fut
proclamée au Caire et à Foustat (Misr) et on menaça ceux qui y
contreviendraient.
Cette année, une grande partie des bœufs
d’Égypte mourut suite à une maladie qui se propagea parmi eux et qui
ne cessa de s’étendre si bien que les métiers à roues, les roues
hydrauliques cessèrent de marcher ce qui causa d’immenses pertes
pour la population. Les habitants furent contraints de substituer
aux bœufs des chameaux et des ânes tandis que le prix d’un taureau
s’éleva à mille dirhems.
Cette année aussi, al-Malik Mas’oud ‘Ala'
ad-Din Sanjar, l’affranchi de Shams ad-Din Aytamish, l’affranchi du
sultan Ghiyath ad-Din et souverain de Delhi attaqua l’année
précédente un peuple voisin qui à son tour marcha sur Dehli, pilla
la ville et emmena de nombreux prisonniers. Il livra aussi contre
les Tatars plusieurs grandes batailles qu’il remporta toutes.
L’année précédente apparut en Abyssinie un
homme nommé Abou ‘AbdAllah Muhammad qui appela les gens à l’Islam
puis, après avoir rassemblé environ deux-cent mille partisans, il
attaqua cette année le souverain d’Amharah et lui livra de
nombreuses batailles.
Cette année, le roi du Yémen affronta plusieurs
fois les Zaydi (une
secte satanique).
Au début du mois Mouharram de l’année 701 de
l’Hégire (1303), les envoyés de Qazan, qui était venus à la
citadelle pour demander la paix entre les deux nations, se remirent
en route accompagnés des messagers du Sultan chargés de sa réponse.
Un courrier de la poste apporta la nouvelle que
‘Ala' ad-Din ‘Ali Ibn Sharf ad-Din Muhammad al-Qalanissi et Sharf
ad-Din Ibn al-Athir étaient arrivé du pays des Tatars à Damas, le 29
du mois de Joumadah Awwal après avoir été faits prisonniers à
l’époque où les Tatars étaient entrés en Syrie et après s’être
échappés. Ils éprouvèrent les plus grandes difficultés et danger
durant leur voyage.
La
rébellion de Takafour le roi de Sis
Cette année, arriva aussi la nouvelle d’Alep
que Takafour le roi de Sis avait refusé de payer son tribut, qu’il
avait rompu son traité avec le Sultan d’Égypte et s’était allié à
Qazan. Le sultan décida alors de lui faire la guerre. Les émirs Badr
ad-Din Biktash al-Fakhri et ‘Izz ad-Din Aybak al-Khazindar partirent
quittèrent l’Egypte au mois de Ramadan accompagnés de leurs émirs et
troupes pour Hamah. Al-Malik al-‘Adil Kitbougha partit avec eux en
campagne le 25 du mois de Shawwal et ils arrivèrent à Alep, le
premier jour du mois de Dzoul Qi’dah pour en repartir le troisième
jour et le septième ils pénétrèrent dans le défilé de Bagras. De là,
ils se répandirent dans le pays de Sis, brûlèrent les moissons, et
pillèrent tout ce qu’ils purent atteindre. Ils mirent le siège
devant la ville de Sis et recueillirent au pied de la citadelle un
immense butin qu’ils enlevèrent aux Arméniens fugitifs puis, ils
repassèrent le défilé pour la plaine d’Antioche et arrivèrent à Alep
le 19 de ce même mois. Le 27 ils retournèrent à Hamah alors
qu’al-Malik al-‘Adil Kitbougha était déjà malade.
Cette année, un courrier de la poste apporta de
Tripoli la nouvelle que les croisés s’étaient emparés d’une île
située près de la ville et nommée Arwad qu’ils avaient abondamment
pourvue de munitions et de machines de guerre et placé une nombreuse
garnison qui exerça la piraterie en mer et enlevaient des vaisseaux
musulmans. Le vizir donna ordre d’équiper quatre galères de guerre
et les travaux débutèrent aussitôt pour réaliser ce projet.
Un courrier de la poste arrivé de Hamah apporta
la nouvelle qu’il était tombé, entre cette ville et Hisn al-Akrad
une abondante pluie suivie de grêlons ayant la figure d’hommes ou de
femmes et quelques-uns de singes. On dressa sur ce phénomène un
rapport détaillé.
Le 25 du mois de Rabi’ Awwal, Fath ad-Din Ahmad
Ibn Muhammad Ibn al-Bakaki al-Hamawi fut exécuté. Sa tête fut placée
à la pointe d’une lance et son corps traîné jusqu’à la porte de
Zawilah, où il fut accroché. Voici les motifs qui amenèrent son
supplice. C’était un homme sage, intelligent et qui connaissait
parfaitement la littérature et les sciences anciennes. Il blâmait
ceux qui jeûnaient durant le mois de Ramadan qu’il ne pratiquait pas
lui-même. Lorsqu’il voulait prendre un objet disposé sur une
armoire, il ne craignait pas d’utiliser un Qur’an y accéder. D’autre
part, il était extrêmement virulent et méprisait les Qoudat qu’il
regardait avec dédain et les traitait d’ignorants.
Al-Bakaki fut amené de la prison, chargé de
chaînes, pour être mis à mort. Il criait et disait : « Allez-vous
faire périr un homme qui dit : Allah est mon Seigneur. » Et il
prononçait la profession de foi musulmane cependant, il ne fut tenu
aucun compte de ses prétentions et sa tête fut tranchée, plantée au
bout d’une lance et promenée dans la ville tandis que le corps fut
pendu à la porte de Zawilah.
Le huit du mois de Mouharram de l’année 702 de
l’Hégire (1302), des envoyés de Qazan arrivèrent en Égypte, avec une
lettre du roi tatar et ils furent congédiés le 10 du mois de Rabi’
Awwal avec des messagers musulmans dont l’émir Houssam ad-Din
‘Azdimour al-Moujiri, Shams ad-Din Muhammad et ‘Imad ad-Din Ali Ibn
‘Abdel-‘Aziz Ibn al-Saqari porteurs de la réponse du sultan.
Lorsqu’ils arrivèrent chez le roi tatar et lui remirent la réponse
du sultan, il refusa de les laisser partir suite à un événement que
nous rapporterons plus tard. Ils restèrent donc séjournèrent chez
les Mongols jusqu’à la mort de Qazan et ne partirent que sous le
règne de Kharbandah.
De
l’expédition contre les croisés de l’ile d’Arwad
Ce même mois fut achevé la construction des
navires sur lesquelles furent embarqués des soldats et des machines
de guerre. Le commandement de la flotte fut confié à l’émir Jamal
ad-Din Aqoush Qari al-‘Alay, le gouverneur de Bahnassah. Aqoush
monté sur la plus grand des vaisseaux descendit le fleuve jusqu’au
Mikiyas tandis que le Sultan accompagné des émirs quitta le palais
pour assister aux manœuvres navales ainsi de même qu’une grande
foule se pressa sur les rives du Nil de Boulaq jusqu’au chantier
naval de sorte qu’aucune place ne fut laissée vide. L’armée se plaça
sur la rive près du jardin de Habbab tandis que les émirs
traversèrent dans des barques sur l’ile de Rawdah.
Les navires avancèrent alors pour exécuter une
simulation de combat. Les trois premiers navires complétèrent leurs
exercices d’une manière qui causa une satisfaction extrême aux
spectateurs d’autant plus que ces bâtiments étaient abondamment
garnis de soldats, de pièces d’artifice et de machines de guerre.
Puis, le quatrième navire ou se trouvait Aqoush, quitta le port du
chantier naval à Foustat et arriva au milieu du Nil cependant, la
force du vent le fit pencher et le navire se retourna complètement,
la coque en l’air. La foule poussa un terrible cri et la joie
précédente se transforma en stupeur. Les gens se jetèrent à l’eau
pour joindre la galère et repêcher tout ce qui était tombé dans
l’eau. Tous ceux qui étaient sur le navire furent sains et saufs
excepté Aqoush qui périt noyé. Le Sultan accompagné des émirs rentra
alors dans la citadelle et la foule se dispersa.
Trois jours après, le navire submergé fut
renfloué et l’on trouva encore en vie la femme du Raïs (navigateur)
et l’enfant qu’elle allaitait. Tout le monde fut surpris qu’ils
aient pu rester si longtemps en vie. Le navire fut alors réparé et
l’émir Sayf ad-Din Zarraq al-Mansouri fut désigné pour conduire
l’expédition. Le nouvel amiral se rendit à Tripoli ou il chargea un
renfort de soixante Mamalik, sans compter les Bahri et les
volontaires, puis mit la voile sur l’ile d’Arwad, située près de
Tortose ou il tomba à l’improviste sur les croisés et les encercla
avant de leur livrer bataille.
Le vendredi 28 du mois de Safar, l’armée
égyptienne, remporta la bataille qui s’ensuivit ou un grand nombre
d’ennemis fut tué tandis que le reste soit 280 croisés fut fait
prisonniers et tout ce qu’ils possédaient tomba entre les mains des
Musulmans. Lorsque l’amiral retourna à Tripoli, il distribua tous le
butin à ceux qui avaient participé à la bataille après avoir mis le
quart du butin de côté pour être envoyé au Sultan. Les nouvelles
furent envoyées par le courrier de la poste et les tambours frappés
dans la citadelle à la réception de ces bonnes nouvelles.
L’émir Badr ad-Din Biktash revint de
l’expédition de Sis ce même jour.
Le retour
des Tatars en Syrie
Cette même année, le sultan fut informé par une
lettre venant d’Alep que le roi tatar Qazan faisait ses préparatifs
pour une expédition en Syrie. Il ordonna alors à l’armée de faire
ses préparatifs pour partir
en campagne et nomma pour celle-ci les émirs, Baybars,
Toughroul Iqani, Qiray al-Mansouri, Sounqour Shah al-Mansouri,
Houssam ad-Din Lajin ainsi que d’autre à qui il confia un corps de
trois mille hommes sans compter leurs propres hommes qui se mirent
en marche le 18 du mois de Rajab.
Puis d’autres nouvelles informèrent que Qazan
était arrivé sur les rives de l’Euphrate ou il avait établi son camp
tandis que son armée avait été envoyée vers Rahbah et assiégé la
ville mais que son gouverneur ‘Alim ad-Din Sanjar al-Ghatmi suite à
des négociations avait demandé au commandant tatar d’abandonner son
projet par conséquence, Qazan avait traversé l’Euphrate et envoyé
Katloushah l’un de ses commandant, à la tête d’une nombreuse armée
de quatre-vingt mille hommes attaquer la Syrie et ce dernier envoya
un messager à l’émir ‘Izz ad-Din Aybak al-Afram, le gouverneur de
Damas, pour l’inviter à se soumettre à lui.
L’émir Baybars arriva à Damas au milieu du mois
de Sha’ban et envoya des messages au Sultan pour le presser de se
mettre en marche. Puis, les habitants d’Alep et de Hamah terrifiés
par l’approche des Tatars commencèrent à arriver à Damas tandis que
les habitants de celle-ci se préparèrent à la guerre et n’attendait
plus que le moment de livrer bataille. Il fut proclamé dans la ville
que quiconque la quitterait alors ses biens et sa vie seraient à la
disposition de tous.
Les émirs Bahadouras, Katloubak et Anas
al-Jamdar, à la tête d’un corps d’armée, quittèrent la ville pour
Hamah ou ils furent rejoints par les troupes de Tripoli et de Homs
et tous se rassemblèrent sous les ordres du gouverneur de la ville
al-Malik al-‘Adil Kitbougha. Les Tatars, informés de leur arrivée,
envoyèrent vers Qariatayn un corps considérable de mongols qui tomba
sur les Turcomans.
La bataille
d’al-‘Ourd
Assandimour al-Kourji, le gouverneur de
Tripoli, Bahadouras, Ghizlou al-‘Adili, Timour al-‘Assaki, Anas
al-Jamdar et Muhammad Ibn Kara as-Sounqour se mirent aussitôt en
marche à la tête de mille cinq cents cavaliers et surprirent
l’ennemi dans le campement d’al-‘Ourd, le 11 du mois de Sha’ban et
après s’être divisé en quatre corps distincts, ils attaquèrent avec
vigueur les Tatars qui étaient au nombre d’environ quatre mille. La
bataille dura du milieu de la journée jusqu’au ‘Asr et les Tatars
furent anéantis.
Les Musulmans libérèrent les Turcomans, ainsi
que leurs femmes et leurs enfants qui étaient au nombre de six mille
prisonniers. L’armée égyptienne perdit au cours de l’affrontement
cinquante-six soldats ainsi que les émirs Anas al-Jamdar al-Mansouri
et Muhammad Ibn al-Bashqird an-Nassiri. Les Tatars qui réussirent à
s’enfuir retournèrent près de Katloushah laissant derrière eux cent
quatre-vingts prisonniers d’entre eux entre les mains de l’armée
égyptienne. La nouvelle fut envoyée au Sultan et dans la ville de
Damas ou les tambours destinés à l’annonce des événements heureux
furent dûment battu.
Le Sultan accompagné du calife al-Moustakfi
Billah Abou Souleyman et d’une nombreuse armée quitta la citadelle
de la Montagne le 3 du mois de Sha’ban laissant derrière lui pour
gouverner l’Egypte en son absence, l’émir ‘Izz ad-Din Aybak
al-Baghdadi.
Les
éclaireurs tatars se répandent dans Damas
Katloushah à la tête des armées tatares hâta sa
marche et vint camper à Koroun Hamah le 13 de ce même mois. Les
troupes égyptiennes se retirèrent à son approche jusqu’à Damas.
Toutes les armées étaient réunies
à Damas et les avis se trouvèrent partagés s’il fallait
sortir pour combattre l’ennemi ou attendre l’arrivée du Sultan et
bientôt les Musulmans craignirent d’attaquer les Tatars et se
décidèrent à partir si bien que la panique se répandit parmi les
habitants de Damas qui commencèrent à abandonner la ville tandis
qu’un grand nombre d’entre eux se réfugièrent dans la citadelle,
abandonnant leurs femmes et leurs enfants. A peine la nuit
était-elle tombée que les éclaireurs des Tatars s’étaient répandu
dans tous les environs de la ville. Les troupes se mirent alors
secrètement en marche pour aller à la rencontre de l’ennemi tandis
que toute la population de Damas passa la nuit dans la principale
mosquée, implorant à grands cris le secours d’Allah Exalté.
La bataille
de Shakhab
Dans la matinée du lendemain, les Tatars
s’éloignèrent de la ville après avoir campé dans la vallée de
Ghoulah. Les émirs informés de l’approche du Sultan quittèrent Marj
Rahit et le rencontrèrent
dans la passe de Shajourah, le 2 du mois de Ramadan et
baisèrent la terre devant lui. Peu après, le sultan fut informé de
l’arrivée de Katloushah, le lieutenant de Qazan à la tête de
cinquante mille hommes qui établit son camp en amont de la rivière.
L’armée musulmane prit aussitôt les armes et se
résolut à livrer bataille au lieudit Shakhab au pied de la montagne
de Ghabarih. Le Sultan se plaça au centre de l’armée avec le calife,
al-Khazindar, Sayf ad-Din Baktimour as-Silahdar, Jamal ad-Din Aqoush
al-‘Alafrani, le gouverneur général de la Syrie, Bourloughi, Aybak
al-Hamawi, Baktimour Boubakri Katloubak Noughay et Aghirlou
az-Zayni. Dans l’aile droite se trouvait les émirs Houssam ad-Din
Lajin, al-Moubariz ad-Din as-Siwar, Lakouba ash-Shihrizouri,
al-Moubariz ad-Din Awliyah Ibn al-Karaman et dans l’aile gauche,
l’émir Kanjak à la tête des troupes de Hamah et les tribus Arabes
ainsi que les émirs Badr ad-Din Biktash al-Fakhri, Kara as-Sounqour,
avec les troupes d’Alep, Badqabis le gouverneur de Safad et
Toughroul Iqani, Baktimour as-Silahdar et Baybars ad-Dawadar, avec
leurs suites.
Le Sultan s’avança à pied accompagné du calife
et des lecteurs du Qur’an qui encourageaient à purifier leur
intentions et que le combat soit livré dans la voie d’Allah à
l’exclusion de toute autre chose et
leur promettaient le paradis. Le Sultan s’arrêta et le calife
dit : « O Défenseurs de la foi, ne voyez-vous pas votre prince ?
Combattez pour la suprématie du Verbe Divin, pour la défense de la
religion de votre Prophète (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui)
et pour vos familles » et tous versèrent ses larmes abondantes.
Quelques-uns se jetèrent à bas de leurs chevaux pour se prosterner.
Puis, les émirs Baybars et Silar recommandèrent à tous de tenir
ferme dans le combat.
Le Sultan retourna à son poste tandis que les
esclaves avec les bagages se placèrent sur une seule ligne derrière
l’armée et il leur fut ordonné : « Si un quelconque soldat quitte le
champ de bataille, tuez-le et prenez ses armes et sa dépouille. »
L’armée n’était pas complètement rangée en
ordre de bataille quand le samedi, un peu après l’heure de midi, les
cohortes tatares approchèrent, pareilles aux ténèbres de la nuit.
Katloushah s’avança, à la tête d’un corps d’environ dix mille hommes
et fondit sur la droite des troupes égyptiennes qui soutint
bravement le choc tandis que Houssam ad-Din Lajin, Awliyah Ibn
al-Karaman, Sounqour al-Kafouri, Aydamouri ash-Shamsi al-Khashkhash,
Aqoush ash-Shamsi al-Hajib, Houssam ad-Din ‘Ali Ibn al-Bakhil et
environ mille cavaliers perdirent la vie. Les émirs du centre et de
la gauche vinrent renforcer les combattants. Silar s’écria : « Grand
Seigneur, l’Islam est en péril ! » Il appela alors Baybars et les
Bourji qui se rassemblèrent autour de lui et qui furent aussitôt
attaqués par Katloushah.
Ce jour, Silar et Baybars se distinguèrent par
des actions héroïques et les Tatars furent repoussés et forcés de
s’enfuir devant les Musulmans. Jouban et Karmaji, deux des chefs des
Touman Tatars amenèrent des renforts à Boulay qui se trouvait dans
le dos des musulmans. Lorsqu’il vit la défaite de Katloushah, il
rejoignit ce dernier et ensemble revinrent devant Silar et Baybars
mais plusieurs émirs du Sultan accompagnés des Mamalik du Sultan
accoururent à leur secours, continrent l’ennemi et le mirent en
déroute. Les Tatars tombèrent alors sur Bourloughi forçant son corps
de troupes à se disperser et le combat se livra une nouvelle fois
entre Silar et celui de Katloushah qui tinrent tous les deux leurs
positions. Cependant, suite à la mort d’une partie des émirs de
l’aile droite, les soldats qui servaient sous leurs ordres
s’enfuirent poursuivis par les Tatars. L’alarme se répandit partout
et l’on crut que la défaite était générale. L’armée principale
s’approcha alors des trésors du Sultan, brisa les coffres, et enleva
les richesses qu’ils renfermaient.
Les femmes et les enfants, qui étaient sortis
de Damas au moment du départ des émirs furent aussitôt alarmés et
les gens à la vue de cette déroute devinrent comme perdus et égarés
et jamais un spectacle plus effrayant ne fut jamais vu.