Des terres d'Islam avant la première croisade
L’état du
monde islamique à l’aube des croisades
Cette introduction achevée, nous allons présenter les racines historiques
de ces croisades mais préalablement, il convient de répondre à
quelques questions que le lecteur pourrait se poser.
L’une d’entre-elle est pourquoi les Chrétiens catholiques ont-ils débuté
leur croisades au cinquième siècle de l’Hégire (onzième siècle) et
pas avant ? Pour répondre à cette question, un rapide aperçu du
monde islamique à cette époque est nécessaire.
Si par exemple nous nous penchons sur l’Irak et Baghdad qui était le siège
des Abbassides, nous nous rendons compte que les croisades ont
débuté sous le règne du vingt-huitième calife abbasside
al-Moustadhir Billah et du sultanat des Seljouks qui était des
Musulmans Sounnites. Comme nous l’avons précédemment mentionné dans
notre Abrégé de l’Histoire des Abbassides, je vous rappelle
qu’à cette époque le titre de « calife »
n’avait de valeur que son nom
et que le réel pouvoir était exercé par les sultans. Le premier
sultan à être nommé en Islam fut Ashnas, un chef abbasside turc,
sous le règne du neuvième calife abbasside al-Wathiq Billah qui lui
attribua cette fonction en l’an 228 de l’Hégire (842) et ce fut
aussi la première fois que ce nom fut utilisé en Islam.
Au cinquième siècle de l’Hégire, le califat traversait sa période de
faiblesse qui débuta avec l’assassinat du dixième calife abbasside
al-Moutawakkil ‘Alallah en l’an 247 de l’Hégire (861) par les chefs
turcs qui avaient été introduits dans la structure du gouvernement
abbasside par son père le calife al-Mou’tassim Billah. Comme vous le
savez, al-Mou’tassim Billah est le fils d’Haroun ar-Rashid, le
huitième calife abbasside. La mère d’al-Mou’tassim Billah se nommait
Marida et elle était une « mère d’enfant » turque.
Avec l’assassinat d’al-Moutawakkil ‘Alallah, les Turcs contrôlèrent dès
lors le pouvoir jusqu’à l’entrée de Mou’iz ad-Dawlah Ahmad Ibn
Bouwayhi ad-Daylami à Baghdad en l’an 334 de l’Hégire (945) et qui
était un rafidi shi’i et comme l’a précisé l’Imam Ibn al-Athir dans
al-Kamil, les Bouwayhi de Daylam étaient des shiite ghoulat.
Certains autres historiens ont aussi rapporté qu’ils étaient des
shiite zaydiyah.
Les sultans rafidi bouwayhi contrôlèrent à leur tour l’état abbasside
jusqu’en l’an 447 de l’Hégire (1045) sous le règne du vingt-sixième
calife al-Qayim Bi-Amrillah quand le chef seljouk Toughroul
(Toghrul) Bek entra pour la première fois à Baghdad et mit fin au
règne injuste des Bouwayhi ainsi qu’à leur personne.
La dynastie des
Seljouks et qui sont-ils
Les Seljouks étaient des Turcs de la tribu des Ghouz qui vivaient dans le
Turkestan et dont l’ancêtre seljouk était Ibn Douqaq ou Ibn Boughaq
et qui fut le premier à s’islamiser. Après sa mort, les Ghouz se
rendirent dans le Khwarezm près de Boukhara à l’ombre du puissant
état des Ghaznawi et en l’an 428 de l’Hégire (1089), Toughroul Bek
Ibn Mika'il Ibn Seljouk prit Nayssabour (Nichapour) la
capitale du Khorasan.
Lorsque le sultan ghaznawi Mas’oud se rendit compte du danger que
représentait les Saljouk, il décida de les chasser et en l’an 431 de
l’Hégire (1036), il affronta ces derniers sous le commandement de
Toughroul Bek mais perdit la bataille ce qui permit aux Seljouks de
prendre le contrôle du Khorasan, puis d’ar-Rayy et d’Ispahan dont
ils firent leur place forte.
Puis Toughroul Bek Ibn Mika'il Ibn Seljouk décida d’éliminer Arsalan
Bassassiri qui était un chef turc des Bouwayhi et qui voulait mettre
fin au califat abbasside sous le règne d’al-Qayim Billah et entrer à
Baghdad sous la protection du
califat ‘oubaydi ismaélien d’Egypte dont le calife de
l’époque était al-Moustansir Billah al-‘Oubaydi al-yahoudi
al-Khabith ad-Da’i.
Toughroul Bek Ibn Mika'il Ibn Seljouk entra donc à Baghdad, mit fin aux
Bouwayhi et à leur règne avant de prendre le contrôle du faible
califat abbasside et de demander la main de la fille du calife mais
peu après son mariage qu’il ne consuma pas, il décéda au mois de
Ramadan de l’année 455 de l’Hégire (1062) et sans successeur, il fut
succédé par le fils de son frère le sultan Alb (Alp) Arsalan Ibn
Daoud Ibn Mika'il Ibn Seljouk.
Alb Arsalan nomma Nizam al-Moulk ministre et ce dernier est considéré
comme le plus grand ministre (wazir) de toute l’histoire des
Musulmans et sous son règne, les Seljouks entreprirent l’assaut
destructeur de l’empire orthodoxe romain byzantin ce qui poussa
l’empereur byzantin Romanos IV (Romain Diogène) à lever une immense
armée et attaquer les terres musulmanes. Alb Arsalan, par la grâce
d’Allah Exalté, réussit à le vaincre et à le faire prisonnier lors
de la fameuse bataille décisive de Maladzkard (Manzikert) qui eut
lieu en Arménie le vendredi 27 du mois de Dzoul Hijjah de l’année
468 de l’Hégire (1075) et ou l’armée
byzantine de plus d’une
centaine de milliers de soldats fut anéantie.
La bataille de Manzikert
Voici le récit de cette bataille par trois
historiens différents et à différente époque. Cependant je n’ai pu
trouver de détail, chez les Musulmans, sur le déroulement de la
bataille en elle-même, ce qui m’aurait permis de pouvoir tracer un
plan de bataille. Je n’ai pas été voir ailleurs et sachant qu’un
livre va sortir au mois d’aout sur cette bataille, il doit avoir
certainement plus de détail chez les historiens occidentaux. J’ai
les documents en questions que je n’ai pas pris la peine de lire,
néanmoins, il se peut que je le fasse par la suite pour dresser
d’éventuel plan.
Si vous vous posez la question pourquoi j’ai
rapporté ces trois versions (sur une vingtaine) c’est que chacune à
des détails supplémentaires. Bien sûr j’aurais pu faire une synthèse
des trois textes mais je ne suis ni écrivain, ni savant ! L’honneur
revient donc aux Salaf et à eux seuls ainsi que la récompense
puisqu’ils en sont les auteurs. Mon travail consiste simplement et
humblement à vous traduire ce qu’ils ont rapporté.
Cette bataille fut non seulement décisive
mais d’une prime importance car c’est elle qui va déclencher
(officiellement) les croisades.
Al-Mountadam
fit-Tarikh al-Moulouk wal-Oumam.
Récit de l’Iman Abou al-Faraj Ibn al-Jawzi, (né en 508 et
décédé en l’an 597 de l’Hégire)
« Puis l’année 463 (1071) commença.
Parmi les évènements qui s’y découlèrent, le
sultan reçut la nouvelle que le roi de Byzance réunissait de
nombreuses troupes et marchait vers les terres islamiques. Le sultan
était avec les restes éparpillés de l’armée car ils étaient repartis
de Syrie au Khorasan dans la confusion ;
les prix élevés ayant épuisé leurs biens ils retournaient
vers leurs terres. Le sultan resta avec environ 4 000 Ghoulam. Il
pensa que cela n’était pas sage de renvoyer les troupes et ne fit
rien pour les rappeler en dépit de la catastrophe qu’il pourrait en
découler pour l’Islam. Cependant, il préféra appeler au combat dans
la voie d’Allah et s’y tenir fermement même avec une petite force
d’hommes mais tous décidés.
Il envoya donc Khatoun as-Safariyah, Nizam
al-Moulk et les bagages lourds à Hamadan et lui ordonna de
rassembler les soldats et de les lui envoyer. Il dit à Nizam
al-Moulk et aux commandants de son armée :
- « Je tiens fermement que cette bataille
soit conduite de la façon que le font ceux qui recherchent la
récompense divine et que je devienne l’un de ceux qui risquent leur
vie dans la bataille. Si je suis épargné, cela vient de ma croyance
en Allah le Très Haut. Et dans l’autre cas, je vous enjoins à
écouter et à obéir à mon fils Malik Shah, à le mettre à ma place et
à en faire votre prince car, je lui ai transmis cet ordre et l’ai
informé. » Ils lui répondirent par des invocations, l’écoute et
l’obéissance et telles étaient les manières de Nizam al-Moulk.
Le sultan resta avec son groupe de l’armée
comme un détachement isolé. Chaque ghoulam était monté sur un cheval
et disposait d’un cheval supplémentaire à ses côtés. Alp Arsalan se
dirigeant alors à la rencontre du roi de Byzance et leur fit la
guerre. Il fut victorieux et leur prit la croix. Le reste des
Byzantins s’enfuit après leur totale défaite laissant derrière eux
leurs morts et leurs blessés. Leur chef fut apporté au sultan qui
ordonna que son nez soit tranché. Il envoya à Hamadan la croix, qui
était faite de bois et sur laquelle se trouvaient des pièces
d’argent et de turquoise, et un livre dans un petit coffre en
argent, qu’il portait avec lui. Il écrivit à Nizam al-Moulk pour
l’informer de la victoire et ordonna qu’elle soit transmise au
calife.
Le roi de Byzance arriva et les deux camps
se rencontrèrent près d’un endroit appelé ar-Rahwah, un mercredi
dans les cinq derniers jours du mois de Dzoul Qi’dah de cette même
année (25 août 1071). L’armée de Byzance était immense et le total
de ceux qui se trouvaient avec le sultan approchaient les 20 000.
Quant au roi de Byzance, il avait avec lui 35 000 croisés et 35 000
… avec 200 généraux et commandants ; chacun avait entre 2 000 et 5
000 cavaliers. Il avait aussi avec lui 15 000 Ghouz qui vivaient
au-delà de Constantinople ; 100 000 sapeurs et mineurs, 100 000
ingénieurs de siège et 400 charriots transportant des armes, des
selles, des balistes et des mangonneaux, dont l’un deux était tiré
par 1 200 hommes.
Le sultan envoya un message au roi de
Byzance, lui demandant de rentrer dans son pays et lui dit : « Je
vais moi-même rentré chez moi et le traité de paix du calife
décidera entre nous. » Le roi de Byzance avait préalablement envoyé
un messager demandant au calife de faire la paix et de conclure un
traité. Mais la réponse du roi de Byzance arriva à Alp Arsalan et
disait : « J’ai dépensé beaucoup d’argent et réunis de nombreux
soldats pour un évènement comme celui-ci. Si j’y suis victorieux,
comment puis-je rentrer ? Comme c’est absurde ! Il n’y aura pas
d’autre traité et pas de retour avant que j’ai fait aux terres
d’Islam la même chose que ce que l’on a fait aux terres de
Byzance. »
Quand ce fut l’heure de la prière du
vendredi, le sultan accomplit la prière avec son armée, il pria
Allah le Très Haut, pleura et fit d’humbles invocations avant de
dire à son armée : « Certes, nous avons un nombre réduit d’hommes
mais je veux moi-même me jeter sur les Byzantins en ce moment où les
prières sont récitées pour nous et pour les Musulmans sur les
chaires. Soit j’atteindrais mon but ou j’irai en martyr au paradis.
Celui qui parmi vous veux me suivre, qu’il me suive, et celui qui
veut partir, qu’il quitte ma compagnie. Je ne suis pas ici en tant
que sultan ou commandant d’une armée, aujourd’hui je ne suis que
l’un de vous et un Ghazi (combattant) avec vous. Celui qui me suit
et se vend à Allah Très Haut gagnera le Paradis et le butin. Celui
qui s’en va, le feu et l’ignominie lui seront obligatoires. » Ils
lui répondirent : « O sultan ! Nous sommes tes serviteurs et quoi
que tu fasses nous te suivrons et t’aiderons. Fais donc ce que tu
veux. »
Il jeta son arc et ses flèches, prit ses
armes, sa massue, fit un nœud à la queue de sa jument puis la monta
suivit par ses soldats. Il avança sur les Byzantins, cria un Takbir
auquel répondirent ses hommes et se jeta à l’attaque suivit par un
nuage de poussière qui s’éleva dans les airs. Ils combattirent les
uns contre les autres pendant une heure durant laquelle la situation
dépassa de loin une simple déroute des mécréants. Le sultan et ses
hommes passèrent la journée et la nuit à tuer d’une façon
dévastatrice, pillèrent et mirent à sac. Puis le sultan retourna à
sa position et le Khadim al-Qahray vint le voir et lui dit :
- « O sultan ! Un de mes Ghoulam a mentionné
que le roi de Byzance est son prisonnier. » Ce Ghoulam avait été
présenté à Nizam al-Moulk avec l’armée mais il l’avait rejeté et dit
en plaisantant : « Peut-être nous apportera-t-il le roi de Byzance
prisonnier. » Et Allah le Très Haut accomplit la capture du roi par
les mains de ce même Ghoulam.
Le sultan considéra l’histoire de la prise
de Romanus comme très improbable et il convoqua un Ghoulam nommé
Shadi qui était allé plusieurs fois avec les envoyés voir le roi de
Byzance et lui demanda d’aller voir le prisonnier et de vérifier. Il
y alla donc et le vit, puis il revint et dit : « C’est lui. » Alors
Alp Arsalan donna des ordres pour qu’une tente soit installée et le
prisonnier fut amené et enchainé, les mains au cou. Il ordonna
également que cent Ghoulam se chargent de lui.
Il offrit alors une robe d’honneur à l’homme
qui avait capturé et enfermé l’empereur Romanos et il lui donna tout
ce qu’il suggéra comme récompense avant de lui demander de lui
raconter l’histoire. Le Ghoulam lui dit alors : « Je l’ai attaqué,
sans l’avoir reconnu, et autour de lui il y avait dix jeunes garçons
parmi les serviteurs. L’un d’eux me dit : « Ne le tuez pas car il
est le roi », alors je l’ai fait prisonnier et l’ai rapporté. »
Le sultan ordonna que Romanos soit apporté
devant lui. Il le frappa deux ou trois fois de sa main et il lui
donna autant de coups de pied puis lui dit :
- « N’ai-je pas donné l’ordre à tes envoyés
au calife de préparer les termes de paix avec toi pour répondre
ainsi à ta requête ? Ne t’ai-je pas envoyé un message et offert de
me retirer, et que tu as refusé ? Qu’est-ce qui t’a fait enfreindre
le traité ? » Romanos répondit :
- « J’ai rassemblé les troupes, ô sultan,
j’étais en nombre supérieur et j’avais le dessus, mais la victoire
fut tienne. Alors faites ce que tu veux et ne me réprimande pas. »
Alp Arsalan le questionna :
- « Si j’étais tombé entre tes mains,
qu’aurais-tu fait de moi ? »
- « Quelque chose de mal. »
- « Il a dit vrai par Allah ! S’il avait dit
autre chose, il aurait menti. C’est un homme intelligent et fort. Il
ne convient pas qu’il soit tué. »
- « Que penses-tu que l’on devrait te faire
? »
- « Une des trois choses : la première est
de me tuer, la seconde de me défiler publiquement dans ton pays que
j’ai failli à attaquer et capturer, et troisièmement, inutile d’en
parler car tu ne le feras pas. » Alp Arsalan lui demanda :
- « Dis-le. »
- « Me pardonner, accepter l’argent, me
rançonner, m’attacher à ton service et me renvoyer dans mon royaume
en tant que l’un de tes Mamelouk, comme ton représentant sur les
terres de Byzance. » Alp Arsalan lui répondit :
- « J’ai décidé en ce qui te concerne ce qui
convient à ta position désespérée. Après y avoir réfléchi, apporte
assez d’argent pour ta libération et je te libérerai. » Romanos
demanda :
- « Le sultan doit dire ce qu’il veut. »
- « Je veux un million de dinars. »
- « Par Dieu, tu mériterais le royaume de
Byzance, si tu épargnes ma vie, mais j’ai dépensé de l’argent et,
depuis que je règne sur eux, j’ai utilisé des biens de Byzance pour
le renouvèlement de l’armée et pour la guerre que j’ai livré jusqu’à
cette bataille-ci, et je les ai appauvri par cela. Si ce n’avait été
cela, je ne considèrerais rien de ce que tu exiges comme excessif. »
Et la conversation continua jusqu’à ce que
l’accord soit établi sur la base d’un million et demi de dinars et
pour un traité sur la base de 360 000 dinars par an et la libération
de tous les prisonniers musulmans de Byzance, ainsi que des cadeaux
et des présents soient livrés en même temps qu’eux, le plus
rapidement. Alors Romanos lui dit :
- « Si tu te montres bon avec moi, et me
renvois avant que les Byzantins ne désignent un nouveau roi sans
quoi je ne pourrai pas les approcher et je ne pourrai pas tenir mon
engagement. » Le sultan dit :
- « Je veux que tu rendes Antioche, ar-Rouha
(Edesse) et Manbij, qui ont été récemment prises aux Musulmans et
que tu libères les prisonniers musulmans. »
- « Si je retourne dans mon royaume,
j’enverrai un contingent en chaque lieu et je les assiégerai jusqu’à
ce que je parvienne à les obliger à se rendre. Quant aux
prisonniers, je les relâcherai tous et je serai bon envers eux. »
Le sultan ordonna alors que ses chaines et
son collier soient ôtés puis dit :
- « Donnez-lui un verre d’eau. » On le lui
donna et Romanos pensa que c’était pour lui et il voulut boire mais
il en fut empêché puis ordonné de servir le sultan et de marcher
vers lui et de lui présenter le gobelet. Alors il s’arcbouta
légèrement vers le sol conformément à la coutume byzantine et avança
vers lui. Le sultan prit le gobelet, tira ses cheveux et mit sa face
contre terre et dit :
- « Si tu rends hommage aux rois, fais-le
comme ça. » Le sultan fit cela parce qu’il avait dit à ar-Rayy :
« Me voici, partant combattre le roi byzantin, le faire prisonnier
et le placer près de moi comme échanson. »
Le roi de Byzance retourna dans sa tente,
leva un prêt de 10 000 dinars qu’il distribua à son cortège, à ses
domestiques et à ses agents, et d’autres pour régler son affaire.
Le lendemain, le sultan convoqua Romanos et
installa pour lui son trône et une chaise qui lui avaient été prise
et l’assit sur les deux. Il retira sa cape et sa coiffe et l’en
revêtit avant de lui dire :
- « Je t’ai attaché à mon service et je suis
satisfait de ce que tu as dit. J’irai avec toi dans ton pays et te
rendrai à ton royaume. » Alp Arsalan lui demanda alors :
- « Le calife d’Allah Très Haut ne t’a-t-il
pas envoyé un envoyé pour t’amener à lui, avec l’intention
d’arranger ton affaire, et tu as ordonné qu’il se découvre la tête,
resserre sa ceinture, et embrasse le sol devant toi ? »
Alp Arsalan avait entendu que l’empereur
Romanos avait agi ainsi avec Ibn al-Mouhallaban, et le sultan sembla
changer d’avis alors Romanos dit :
- « O sultan, comment les choses en
sont-elles venues là ? » Puis, il se leva, se découvrit la tête, se
prosterna et dit :
- « Ceci est en échange de ce que j’ai fait
avec son envoyé. » Le sultan en fut heureux
et ordonna qu’une bannière soit levée pour lui sur laquelle
était brodé : « Il n’y a de Dieu qu’Allah. Muhammad est le Messager
d’Allah. » Alors le sultan Alp Arsalan la leva au-dessus de la tête
de Romanos et envoya deux chambellan et 100 Ghoulam avec lui à
Constantinople tandis qu’il l’accompagna durant un farsakh (un
parasange ou environ 5 km). Quand Romanos fit ses adieux au sultan,
il voulut descendre de sa monture et le sultan l’en empêcha et ils
s’embrassèrent et se quittèrent.
Cette victoire de l’Islam fut un miracle
sans équivalent car les mécréants s’étaient assemblés pour détruire
l’Islam et son peuple. Le roi de Byzance avait pris la décision
d’aller avec le sultan jusqu’à Rayy tandis que ses généraux avaient
déjà divisé les terres islamiques en fiefs.
Quand la victoire arriva et que la nouvelle
atteignit Baghdad, les tambours et les cornes
sonnèrent, le peuple se rassembla dans le hall d’audience et
les lettres de victoires furent lues.
Quand les Byzantins entendirent ce qui
s’était passé, ils empêchèrent Romanos de revenir dans son pays et
ils désignèrent un autre roi. Romanos devint ascète et porta des
vêtements de laine. Il envoya au sultan 200 000 dinars, un plat en
or avec des bijoux pour une valeur de 90 000 dinars et jura sur
l’Evangile qu’il ne pouvait faire plus que cela. Il se dirigea vers
le roi d’Arménie à qui il demanda l’hospitalité. Ce dernier aveugla
Romanos et envoya un message au sultan pour l’en informer. »
Al-Kamil fit-Tarikh. Récit de ‘Ali
‘Izz ad-Din Ibn al-Athir al-Jazari (né en l’an 555 et décédé en l’an
630 de l’Hégire (1233))
Cette année-là (463 de l’Hégire (1071)),
Romanus le roi de Byzance sortit avec 200 000 hommes constitués de
Byzantins, de croisés, d’Arabes, de Russes, de Pachnag (Turcs), de
Géorgiens et d’autres. Ils vinrent orgueilleux et en grande pompe.
Romanos se dirigea vers les terres d’Islam et arriva à Manzikert
dans un des quartiers d’Akhlat. La nouvelle atteignit le sultan Alp
Arsalan alors qu’il était dans la ville de Khoy en Azerbaïdjan, de
retour d’Alep. Il fut informé du nombre de troupe qui accompagnait
le roi de Byzance et le sultan ne pouvait pas rassembler ses troupes
car elles étaient loin et l’ennemi proche. Alors il envoya les
bagages avec sa femme et Nizam al-Moulk à Hamadan puis marcha
lui-même avec ce qu’il avait comme troupes ; 15 000 cavaliers. Il
accéléra le rythme de sa marche et leur dit : « En vérité, je me
bats dans l’espoir de la récompense divine et avec endurance. Si je
suis épargné, alors ce sera une faveur d’Allah Exalté Tout Puissant,
et si c’est le martyre, alors mon fils Malik Shah deviendra mon
héritier ».
Quand il arriva près de l’ennemi, il envoya
son avant-garde contre Romanos et celle-ci rencontra le commandant
des Russes accompagné d’environ 10 000 Byzantins près d’Akhlat et
ils engagèrent le combat. Les Russes furent vaincus et leur
commandant fut pris prisonnier et emmené au sultan qui lui coupa le
nez et l’envoya avec le butin à Nizam al-Moulk en lui ordonnant de
l’envoyer à Baghdad.
Quand les deux armées se firent face, le
sultan envoya un message au roi de Byzance lui proposant une trêve.
Romanos répondit : « Il n’y aura pas de trêve avant
ar-Rayy (sous-entendu pas de trêve avant que j’atteigne ar-Rayy) »
et le sultan en fut mécontent. Son Imam et Faqih, Abou Nasr Muhammad
Ibn ‘Abdel-Malik al-Boukhari al-Hanafi, lui dit : « Tu combats pour
la religion à laquelle Allah Exalté a promis Son aide et qu’Il la
ferait triompher sur les autres religions et j’ai l’espoir qu’Allah
Tout-Puissant a écrit cette victoire pour toi. Alors rencontre le
vendredi après-midi à l’heure où les prêcheurs seront en chaire, car
ils prieront pour la victoire des Moujahidine et la prière est liée
à une heure ou les invocations sont agrées. »
Quand l’heure en question arriva, il pria
avec eux. Le sultan pleura et les gens pleurèrent en le voyant
pleurer puis, il leur dit : « Que celui qui veut partir, s’en aille.
Il n’y a plus de sultan ordonnant ou pardonnant. » Il jeta son arc
et ses flèches, prit son épée et sa massue et attacha la queue de
son cheval suivit par son armée. Il mit des vêtements blancs,
s’oignit et dit : « Si
je suis tué, voici mon linceul. »
Il avança vers les Byzantins et ils
avancèrent vers lui. Quand il se rapprocha d’eux, il descendit de sa
monture, frotta son visage de poussière, pria et fit de nombreuses
invocations. Puis il monta et attaqua et les soldats attaquèrent
avec lui. Les Musulmans atteignirent leur centre et la poussière
forma une barrière entre eux. Les Musulmans firent un carnage parmi
eux comme ils le souhaitèrent et Allah Exalté, à Lui les Louanges et
la Gloire, fit descendre sa victoire. Les Byzantins s’enfuirent et
une quantité innombrable d’entre eux furent tués, au point que le
sol était recouvert de leurs cadavres. Le roi byzantin fut fait
prisonnier par un des
esclaves de Jawhara’in qui voulut le tuer, ne l’ayant pas reconnu,
mais le serviteur qui se trouvait avec le roi lui dit : « Ne le tue
pas, c’est le roi. »
Cet esclave avait été offert à Nizam
al-Moulk par Jawhara’in qui lui avait rendu le trouvant chétif mais
Jawhara’in loua l’esclave et Nizam al-Moulk dit : « Peut-être nous
apportera-t-il le roi de Byzance comme prisonnier », et cela se
passa ainsi.
Quand l’esclave eut fait prisonnier le roi,
il l’apporta à Jawhara’in qui alla dire au sultan que le roi avait
été fait prisonnier. Le sultan Alp Arsalan ordonna de l’apporter et
lorsqu’il fut en sa présence, il le frappa trois fois de ses propres
mains et lui dit :
- « Ne t’ai-je pas envoyé un message au
sujet d’une trêve que tu as refusée ? » Romanos répondit :
- « Cesse de me réprimander et fais ce que
tu veux. » Le sultan lui demanda :
- « Qu’avais-tu l’intention de faire de moi,
si tu m’avais fait prisonnier ? »
- « Le pire. »
- « Que penses-tu que je vais faire de toi
? » Romanos répondit :
- « Soit tu vas me tuer, ou tu vas m’exhiber
en terre d’Islam, et l’autre possibilité est improbable ; c’est le
pardon, que tu acceptes l’argent et que tu me fasse ton
représentant. »
Alors le sultan Alp Arsalan le rançonna pour
un million et demi de dinars et sur l’accord que Romanos lui
enverrait des soldats de Byzance à chaque fois qu’il le demanderait
et qu’il libèrerait tous les prisonniers musulmans de Byzance.
L’affaire fut conclu et il l’installa dans une tente et lui envoya
10 000 dinars pour s’équiper. Il libéra pour lui un groupe de
commandants et le lendemain il lui donna une robe d’honneur. Le roi
de Byzance dit : « Dans quelle direction est le calife ? » On le lui
montra. Il se leva et se découvrit la tête et se prosterna jusqu’au
sol en signe de soumission. Le sultan fit un traité avec lui pour 50
ans et le renvoya dans son pays. Il envoya avec lui un contingent
pour l’accompagner jusqu’à destination, et le sultan l’accompagna
sur un farsakh.
Quand les Byzantins apprirent le résultat de
la bataille, Michael s’empara du royaume et prit possession des
terres. Quand le roi Romanos atteignit la citadelle de Douqiyah, la
nouvelle lui parvint. Il mit des vêtements de laine et prit la voie
de l’ascétisme. Il envoya un message à Michael l’informant de ce qui
avait été convenu avec le sultan et il dit : « Si tu désires faire
ce qui a été convenu, fais-le, et si tu ne veux pas, ne le fais
pas. » Michael lui répondit qu’il préférait honorer les accords
convenus. Alors Michael demanda à Romanos d’agir comme intermédiaire
pour lui et de déposer une requête à ce sujet.
Romanos assembla les biens qu’il avait soit
200 000 dinars qu’il envoya au sultan, avec un plat d’or couvert de
bijoux d’une valeur de 90 000 dinars. Il lui jura que c’était tout
ce qu’il pouvait faire. Puis Romanos conquit les districts et les
territoires d’Arménie. Les poètes ont écrit des éloges du sultan et
ont mentionné sa victoire et ont discouru dessus.
Rawdat as-Safah
fis-Sirat al-Anbiyah wal-Moulouk wal-Khoulafah.
Récit de
Mirkhwand Mohammad Ibn
Khwandshah Ibn Mahmoud (né en 836 de l’Hégire
(1433) et décédé en 903 de l’Hégire (1498))
« Quand le sultan Alp Arsalan, au cours de
sa campagne en Irak arabe, arriva à la forteresse de Khoy, il reçut
la nouvelle que l’empereur byzantin avait rassemblé une grande armée
de croisés, de Russes, d’Arméniens, de Syriens et de Grecs, et qu’il
avait assemblé 300 000 hommes prêts à se battre et dont les noms
avaient été enregistrés. De plus, un grand nombre de patriarches et
d’évêques s’étaient enrôlés sous son étendard. L’empereur et sa
suite prévoyaient de conquérir Baghdad et d’installer un catholique
à la place du calife. Puis sans attendre, ils marcheraient sur
Samarcande et non seulement bruleraient le livre sacré des Musulmans
mais briserait les chaires et n’en laisserait pas un seule debout.
Apprenant cela, Alp Arsalan se prépara pour
la guerre avec l’objectif de réduire les Chrétiens complètement sous
son joug. Donc, il dit à son vizir Nizam al-Moulk : « Emmène les
bagages en lieu sûr car j’ai pris la décision d’attaquer les ennemis
de l’Islam. » Nizam al-Moulk répondit : « Puisque le Sultan a
jusqu’à maintenant déversé ses faveurs sur ses insignifiants sujets,
loin de moi l’idée de me séparer de sa noble suite. En vérité, il
n’est pas question que je cesse de le servir ou d’abandonner son
étendard victorieux afin de chercher la sécurité ailleurs. » A ceci
le sultan répondit : « Même si tu n’es pas avec moi physiquement, tu
es néanmoins avec nous en esprit. Que ta haute sagesse soit avec
nous, que ta bonne fortune nous suive, que ta prière nous aide et
que tes louanges nous rendent heureux. Mais il est maintenant temps
pour vous d’obéir à notre volonté. » Une fois que le vizir eut
entendu le sultan parler
de cette façon, il exprima sa submissivité et se soumit aux ordres
du sultan.
Quant au sultan, il quitta Tabriz avec une
armée de 10 000 hommes qu’il avait avec lui, pour affronter
l’empereur et envoya un détachement en reconnaissance. Un soldat
grec leur tomba entre les mains et fut tué sur les ordres du sultan
qui leur avait ordonné de faire ainsi pour tous les soldats ennemis
qu’ils captureraient. Pendant ce temps, la nouvelle arriva que
l’empereur avait monté son camp à Manzikert, une importante
forteresse près des frontières frontière musulmane, et que 300 000
cavaliers courageux s’étaient rassemblés sous son étendard. Bien que
le sultan ait une bien plus petite armée, il plaça sa foi en Allah
Exalté et se prépara pour la guerre. Quand il s’approcha de
Manzikert, il apprit que l’empereur avait donné des ordres pour
qu’une large et haute tente de soie rouge soit installée au milieu
du camp. Dans cette tente il s’installa sur un trône d’or tandis que
quarante rangs de patriarches se tenaient prêts à lui faire le
service et quatre évêques s’occupaient de lui, tenant en leurs mains
des récipients d’eau bénite. Ils donnèrent à Jésus, paix sur lui,
des titres de divinité et à Marie, paix sur elle, des titres
humains. D’autres membres du clergé lisaient continuellement devant
sa tente dans les évangiles et les psaumes, alors qu’une certaine
quantité de moines célébraient les offices de masses.
Les troupes impériales possédaient une
division de 10 000 hommes armés d’haches et d’outils similaires pour
pouvoir déraciner les arbres et prendre d’assaut les châteaux et les
forteresses. Une armée aussi grande transportait des pots de naphte
pour dévaster les villes et les campagnes. L’armée entière comptait
un million. Le sultan ne fut pas du tout démoralisé par cette
description de l’imposante puissance de l’ennemi et plutôt exprima
des paroles d’encouragement aux commandants de son armée et aux gens
près de lui, habitués comme ils l’étaient à la victoire. Il les
calma en leur rappelant qu’avec la volonté d’Allah Exalté, une
petite armée en a souvent vaincu une grande. Puis il ordonna que la
bataille soit repoussée pendant trois jours et qu’ils n’attaquent
l’ennemi que le vendredi, quand tous les Musulmans se joindraient à
l’unanimité dans les invocations adressées pour les Moujahidine :
« O Grand Seigneur soutient l’armée des fidèles », et attendez avec
confiance la victoire qu’Allah, à Lui les Louanges et la Gloire vous
accordera en ce jour. Les soldats applaudirent à ces paroles du
sultan et en même temps se préparèrent pour la bataille.
Finalement, quand les trois jours furent
passés, les deux armées se rangèrent en ordre de bataille. Du côté
grec, précédant l’armée, on pouvait voir une centaine de personnes
portant des croix dans leurs mains. A côté de chaque croix se tenait
un commandant de l’armée, avec un groupe d’hommes intrépides
attendant ses ordres. Arriva face à chaque section un petit nombre
d’érudit et d’hommes expérimentés et ils allumèrent le feu de la
bataille. Durant cet affrontement, le sultan envoya le commandant
Sabtakin comme messager à l’empereur avec le message suivant : « Peu
importe la taille de ton armée, prend bien en considération que tu
affrontes un ennemi qui a laissé derrière lui des traces bien
visibles de ses campagnes pour montrer ce dont il est capable. Si tu
te repends de ton arrogance, et si tu es prêt à payer un tribut
adéquat, et à présenter des propositions de paix à la place de ton
inimitié, je demanderai au sultan l’autorisation pour toi de garder
le contrôle de tous tes territoires et de ne pas te nuire ni ton
entourage. Mais si tu n’acceptes pas mon conseil, alors tu prépares
ta propre chute, celles de tes biens et toutes tes richesses seront
perdues. »
Quand l’envoyé délivra le message à
l’empereur, ce dernier entra dans une telle rage qu’il attrapa la
croix des mains d’un moine se tenant prêt de son trône et, posant sa
main dessus, jura par le Saint Esprit, le Dieu et l’Incarnation
qu’en ce jour même, il installerait son propre trône dans la
résidence du sultan. Puis il renvoya l’ambassadeur avec le plus
grand mépris et dit à ses soldats : « Maintenant il n’y pas d’autre
conseil que celui que vous attaquiez tous ensemble l’ennemi et que
vous l’écrasiez rapidement. » Sur ce, il attrapa sa lance, monta sur
son cheval et invita les intrépides grecs et arméniens à combattre.
Dès que le sultan Alp Arsalan apprit que
l’empereur avait l’objectif d’atteindre le pouvoir suprême et qu’il
était résolu à ne pas courber l’échine, il se tourna vers ses
soldats et dit :
- « La lâcheté dans la bataille nous
apportera la mort à tous ; les croyants qui se trouvent derrière
nous finiront dans un ignominieuse captivité, et durant leur vie
entière, ils souffriront sous le lourd joug de l’esclavage.
Maintenant nous n’avons pas d’autre choix que d’attendre le résultat
avec héroïsme et courage et de nous placer sous la volonté d’Allah
Exalté, qu’Il ait décrété pour nous le mal ou le bien. » Les soldats
répondirent :
- « Nous faisons le serment sur notre vie
que nous réunirons toutes nos forces pour cette bataille. »
Plein de confiance, le sultan mena son armée
contre l’ennemi et bientôt la poussière du champ de bataille
tournoya comme des nuages dans le ciel. Le sultan lui-même prit son
poste à l’arrière avec certains de ces guerriers et attendit l’heure
où les croyants dans les mosquées et les lieux de prière implorent
Allah le Très Haut pour le succès des armées islamiques. Puis,
soudain, alors que le soleil était entré dans le milieu du cercle de
la mi-journée, un vent portant des traces du feu de l’enfer commença
à souffler contre les Musulmans qui coururent pour se rafraichir
près de la rivière mais ils furent pourchassés par les soldats
ennemis et tous moururent avant d’avoir pu s’abreuver.
Quand le sultan apprit cela, il descendit de
sa monture, desserra sa ceinture et se prosterna dans la poussière
et dit : « Grand Seigneur Exalté ! Ne punis pas ton serviteur
pécheur pour ses méfaits, ne Te détourne pas et soit miséricordieux
envers ton faible serviteur. Fasse que ce vent brulant, dirigé
contre ceux qui Te sont loyaux, rage contre l’ennemi. » Après de
nombreuses et longues supplications, les commandants de l’armée, et
le sultan lui-même, se mirent à pleurer et, soudain, les signes que
leurs prières avaient été entendues et exaucées se manifestèrent et
le vent violent de retourna contre les ennemis de l’Islam.
Le sultan remonta alors sur son destrier,
plein de foi et de confiance, et avec un détachement d’homme
courageux, qui n’avaient jamais fui le champ de bataille, que ce
soit devant les flèches et les épées ou devant les tigres et les
lions, se jetèrent sur l’ennemi. Les flammes de la
guerre flamboyèrent et, quand l’ennemi vit la masse d’homme
organisée et invincible devant eux il réalisa le prix de la vie. Le
sultan Alp Arsalan attaquait violemment autour de lui à droite et à
gauche, foudroyant l’ennemi par l’épée, les flèches et les javelots.
A ce moment, Abtakin, un esclave du sultan, sauta de son cheval,
embrassa la terre et demanda au sultan de montrer de la
considération pour ses sujets et de ne pas s’exposer aux risques de
la guerre ni sa vie précieuse et inestimable et de se reposer un peu
du stress de la bataille. Mais le sultan répondit : « Les soldats ne
doivent se reposer qu’après la victoire ; nous saurons assez bien
quand il sera temps de récupérer du labeur et de l’effort de la
bataille. » Après qu’il eut prononcé ses paroles, le sultan exhorta
Abtakin à la bataille et lui-même continua à attaquer l’ennemi,
jusqu’à ce que finalement la victoire se décide définitivement en sa
faveur et que l’hôte grec s’enfuit dans le plus grand désordre. Un
nombre incalculable de Grecs tombaient maintenant sous les coups des
Musulmans et quand le soleil se coucha il ne restait pas un seul
soldat chrétien sur le champ de bataille.
Dans ces circonstances, le sultan ordonna à
Jawhara’in, qui était le plus fort soutient de l’empire, de
poursuivre l’empereur, alors que lui-même s’asseyait sur son trône.
Alors que Jawhara’in se mit à la recherche de l’empereur, un de ses
esclaves rampa vers l’empereur, et le frappa d’un coup inattendu
puis se retira et revint très vite avec l’intention de le frapper à
nouveau. Mais l’empereur, terrifié à l’idée de perdre sa vie, lui
cria : « Prends garde à lever la main sur moi, car je suis
l’empereur des Grecs. » L’esclave le reconnut alors grâce à son
casque, aux habits de soie et à sa ceinture car nul autre ne portait
de tels attraits. Il le fit donc prisonnier et le conduisit à
Jawhara’in, qui l’emmena tout de suite là où se trouvait le sultan.
Quand toute la cour se fut assemblée sous la
tente royale, le sultan donna des ordres pour que l’empereur soit
apporté au pied de son trône. Jawhara’in obéit immédiatement à cet
ordre, et quand l’empereur apparut devant le sultan dans la plus
profonde humiliation, il fut contraint de poser le visage de
l’humiliation dans la poussière de l’impuissance et de l’ignominie.
Dès que le sultan vit l’empereur, il lui reprocha amèrement et lui
parla sévèrement. Mais ce dernier s’excusa et demanda son pardon en
disant :
- « J’ai une supplication à faire. Que le
sultan fasse l’une de ces trois choses : me pardonner mes péchés et
me rendre ma liberté, me tuer, ou – s’il ne veut faire ni l’une ni
l’autre – me jeter en prison. Si le sultan ordonne que je sois tué,
les Grecs mettront quelqu’un d’autre sur le trône, et perturberont à
nouveau les terres d’Islam ; mais s’il pardonne mon erreur et mes
méfaits, je lui resterai soumis et obéissant pour le reste de ma
vie. » Quand le sultan eut entendu ce discours, il répondit à
l’empereur :
- « Dans ce cas je te pardonnerai, à
condition que les Grecs me payent un tribut et se soumettent. » Il
donna alors des ordres pour qu’un trône soit installé près du sien
et d’y installer l’empereur en signe d’honneur.
L’inimitié donna la place à un amour et une
amitié sincère et l’empereur offrit sa fille à Malik Arsalan, le
fils du sultan, pour qu’elle soit sa femme. Au cours de la cérémonie
du mariage, des perles et des pierres précieuses furent éparpillées,
conformément aux ordres du sultan et un banquet festif fut préparé.
Pendant ce banquet, le sultan déversa une bienveillance toute
particulière sur l’empereur, lui montrant toutes sortes de marques
de faveurs royales envers lui et ses patriarches, et donna à chacun
une robe d’honneur d’une grande valeur.
Quand le banquet fut achevé, le sultan donna
à l’empereur la permission de rentrer chez lui avec les grands de
son royaume. Il donna ensuite l’ordre aux secrétaires de sa
chancellerie d’envoyer des lettres annonçant sa victoire vers toutes
les régions, alors que lui-même envoya à Baghdad toutes sortes de
présents couteux parmi les trésors pris comme butin aux Grecs. Après
cette éclatante victoire, le sultan divisa son grand empire entre
ses fils, tout en distribuant aux soldats tout le butin pris du camp
des Grecs.
L’étrange incident suivant fut raconté par
cet esclave : « Quand l’armée fut prête et que les noms des soldats
eurent été enregistrés, le responsable ne souhaita pas enregistrer
le nom de cet esclave, car il se portait mal. Mais le sultan ordonna
à l’émir Sa’d ad-Dawlah ou comme d’autre disent, à l’homme chargé du
rassemblement, d’enregistrer quand même son nom, car il pourrait
arriver que cet homme fasse prisonnier l’empereur. Et cette
prémonition se réalisa » ».
Fin des récits et retour à notre Abrégé.
Il fut rapporté qu’après cette éclatante victoire et suite à un différent,
Alb Arsalan fut poignardé par un de ses commandants juste après la
bataille et suite à son décès il fut succédé par son fils Malik Shah
qui allait rester au pouvoir jusqu’à sa mort en l’an 485 de l’Hégire
(1092) et succédé à son tour par son fils Barkyarouq qui entra dans
une guerre fratricide contre son frère Amir Muhammad et qui mena à
la division du grand état seljouk en cinq parties.
- Soulalat Toughroul, le grand état seljouk fondé par Toughroul Bek Ibn
Mika'il Ibn Seljouk et ses descendants s’étendait sur le Khorasan,
ar-Rayy, l’Irak, al-Jazirah Euphratiyah, Farès, l’Ahwaz et dura de
l’année 429 de l’Hégire (1037) jusqu’à sa chute aux mains de forces
de Khwarezm en l’an 522 de l’Hégire (1127).
- Soulalat Sham, l’état seljouk de Syrie, ou Soulalat Toutoush Ibn Alb
Arsalan Ibn Daoud Ibn Mika'il Ibn Seljouk. Cet état débuta en l’an
487 de l’Hégire (1093) et dura jusqu’en 511 de l’Hégire (1117).
- L’état seljouk d’Irak al-‘Ajam al-Kurdistan qui débuta en l’an 511 de
l’Hégire (1117) et prit fin sous la main des Khwarizmi en l’an 590
de l’Hégire (1193).
- L’état seljouk de Kerman ou Soulalat Tarouk Bek Ibn Daoud Ibn Mika'il
Ibn Seljouk qui débuta en l’an 432 de l’Hégire (1040) et prit fin
aux mains des Turcomans Ghouz en l’an 583 de l’Hégire (1187) et
enfin le cinquième,
- Le grand état des Seljouks Roum (salajik roum), ou l’actuelle Turquie
(ici il n’est question que du nom puisque le réel état de Turquie
était beaucoup plus vaste que celui de nos jours), et qui est l’état
concerné par les croisades. Cet état des Seljouks Roum ou Soulalat
Koutouloush Ibn Isra'il Ibn Seljouk débuta en l’an 470 de l’Hégire
(1077) et tomba aux mains des Turcs Ottomans Ghouz en l’an 698 de
l’Hégire (1298).
Il ne fait aucun doute que l’état des Seljouks était grand et personne ne
le conteste et ainsi était la situation de l’état abbasside à l’aube
des croisades.
Les autres états musulmans qui
furent concernés par les croisades
Si nous regardons l’état politique de la Syrie et de l’Egypte à cette
époque, avant de regarder la situation de l’Andalousie, il apparait
que la situation de la Syrie était synchronisée avec celle de l’Irak
et la Syrie, à cette époque, se trouvait sous le contrôle des
infâmes ‘oubaydi d’Egypte. Cependant, elle leur fut arrachée par les
Seljouks avant que ces derniers n’entrent en conflit entre eux mais
aussi avec des chefs de tribus de bédouins comme Salih Ibn Mirdas
qui contrôlait Halab, Hassan Ibn Jarah at-Ta'i
qui contrôlait la plupart de la Syrie et de la Palestine tandis que
Damas était sous le contrôle de Ridwan Ibn Toutoush Ibn Alp Arsalan,
Bayt al-Maqdis sous le contrôle de Souqman Ibn Artouk at-Tourkami et
Antioche sous le contrôle d’un chef Seljouk nommé Yaghissan
al-Armani.
Quant à l’Egypte, elle était depuis l’an 359 de l’Hégire (969), sous le
contrôle des maudits ismaéliens battini ‘oubaydi comme nous l’avons
vu dans l’Abrégé de l’Histoire du Maghreb et de l’Andalousie.
Et avant d’aller plus loin, au regard des évènements qui vont
suivre, nous devons revoir leur histoire.
Leur état débuta dans le Maghreb Islamique avec l’aide de ‘AbdAllah
ash-Shi’i qui pava la route à ‘Oubaydillah ad-Da’i le juif,
malédiction d’Allah sur lui, qui se surnomma al-Mahdi et qui bâtit
la ville d’al-Mahdiyah en Ifriqiyah (Tunisie actuelle). Son règne
débuta en l’an 297 de l’Hégire (909) et il fut succédé par son fils
Muhammad al-Qa'im, puis son fils Isma'il al-Mansour, puis Ma’ad
connut sous le nom de Mou’iz Li-Dinillah, qui s’établit en Egypte en
l’an 362 de l’Hégire (972), trois ans après son commandant Jawhar.
Succéda à Ma’ad, Nizar al-‘Aziz connut sous le nom d’al-Hakim Bi-Amrillah
puis ‘Ali at-Tahir ou az-Zahir, puis le maudit Ma’ad al-Moustansir
Billah le khabith qui enjoliva aux croisés l’attaque des terres
d’Islam. Il fut succédé par al-Mousta’ali Billah Ahmad, puis par son
fils Mansour Amir Bi-Ahkamillah, puis le fils de son oncle
‘Abdel-Majid al-Hafiz, puis son fils Isma'il az-Zafir Ibn al-Hafiz,
puis par son fils ‘Issa al-Fa'iz Ibn az-Zafir. Lui succéda le fils
de son oncle, ‘Abdillah al-‘Adid qui fut le quatorzième et dernier
calife ‘oubaydi et sous son règne prit fin la vile dynastie
ismaélienne sous les assauts du fléau des croisés al-Malik an-Nassir
Salah ad-Din al-Ayyoubi en l’an 567 de l’Hégire (1171).
Suite aux immondes actes de cette maudite dynastie ismaélienne, leurs
odieux crimes et vils comportement envers les Musulmans, leur état
prit finalement fin et il se peut que nous revenions plus en détail
sur leur sanglante histoire.
Durant leur règne, un certains nombres de conflits et de troubles
secouèrent l’Egypte et particulièrement durant le cinquième siècle
de l’Hégire qui contribuèrent à détruire le pays. Ces conflits
eurent lieu entre les différentes tribus qui habitaient l’Egypte,
des Berbères du Maghreb particulièrement de la tribu de Qoutamah,
des Turcs, des Soudanais et des Mamalik. S’ensuivit une crise de
famine qui débuta en 450 de l’Hégire (1058) et dura sept années
durant lesquelles les gens devinrent cannibales. Un grand nombre
d’historiens ont rapporté ces évènements tandis que la situation
politique était aussi mauvaise que les ‘oubaydi et dans tout leur
dominion si bien qu’en neuf années, quatre ministres se succédèrent.
En ce qui concerne l’Andalousie au cinquième siècle de l’Hégire, la
situation était aussi mauvaise qu’ailleurs, divisée en royautés, en
conflits permanents entre elles tandis que certains gouverneurs
n’hésitèrent pas à demander l’aide aux croisés, les ennemis d’Allah,
contre leurs frères Musulmans ce qui entraina la chute de la royauté
de Tolède aux mains du roi de Castille Alfonsh II en l’an 478 de
l’Hégire qui fut suivit par la chute de la Sicile aux mains des
croisés Normands en l’an 484 de l’Hégire (1091) et tout ceci fait
partit des croisades.
Carte d'Asie Mineure ou du
Sultanat de Roum
Asie-Mineure, Turquie-d'Asie, Syrie, Liban. Region-du-Caucase - Atlas-spheroidal
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