Al-Maghreb al-Adnah (la Libye)
L’identité politique de la Libye fut établie quand elle fut ajoutée
par les Ottomans à leur empire au milieu du dixième siècle de
l’Hégire (seizième siècle). Avant le contrôle turque, la Libye était
surtout un pays de passage qui fut habité par de nombreuses tribus
arabes qui au début et comme nous l’avons vu dans le premier volume
était une base arrière des troupes musulmanes venues d’Egypte avant
qu’elles ne deviennent pratiquement indépendantes, ne dépendant
d’aucune autorité.
Au sixième siècle de l’Hégire (douzième siècle), les Normands de
Sicile prirent Tripoli mais ils n’étaient intéressés que par les
activités commerciales et avaient confié l’administration locale au
chef de tribu Yahya Ibn Matrouch qui agissait comme un
vassal.
Avec l’apparition des Mouwahhidine en l’an 555 de l’Hégire
(1160), le contrôle des Normands prit fin après un règne
insignifiant de quatorze années seulement. Après le retrait des
Normands, les Mouwahhidine étendirent leur autorité en Libye
mais les tribus continuèrent à être maîtresses de leurs terres.
Lorsque les Mouwahhidine furent sur le déclin, les Banou Hafs
de Tunisie exercèrent le contrôle sur la Libye et comme pour leurs
prédécesseurs, la Lybie resta pratiquement indépendante.
En l’an 724 de l’Hégire (1324), les Banou Thabit s’installèrent à
Tripoli et les chefs de la tribu Banou Thabit constituèrent la
dynastie régnante.
En l’an 755 de l’Hégire (1354), les Génois renversèrent les Banou
Thabit après avoir attaqué Tripoli et confièrent le gouvernement à
une autre tribu, les Banou Makki qui en l’an 771 de l’Hégire (1370),
perdirent le pouvoir au profit des Banou Thabit qui régnèrent de
nouveau.
En l’an 803 de l’Hégire (1401), les Banou Hafs prirent la
Libye et gouvernèrent jusqu’en l’an 864 de l’Hégire (1460).
En l’an 916 de l’Hégire (1510), les Banou Hafs perdirent leur
pouvoir et un chef local du nom de Mansour prit le pouvoir.
Cette même année, Tripoli fut prise par l’Espagne qui confia la
charge du pouvoir au vice-roi de Sicile. Plus tard, l’Espagne remit
Tripoli aux croisés templiers de St Jean qui avaient leur base dans
l’île de Malte.
Dragut alias Turgut Reis ou Darghout
De son nom turc, Turgut Reis, ou Raïs, est connut sous une multitude
d’autres noms tels que Dragut ou Darghouth.
Turgut Reis était un marin musulman qui naquit en l’an 890 de
l’Hégire (1485) dans un village près de Bodrum, sur la côte égéenne
en Asie Mineure et décéda au mois de Dzoul Qi’dah de l’année 972 de
l’Hégire (23 juin 1565). Il fut un célèbre amiral de la flotte
ottomane et aussi un redouté barbaresque qui exerça aussi les
fonctions de Bey d’Alger, de Bey de la Méditerranée, de premier Bey
et de Pacha de Tripoli. Sous son commandement naval l’empire
maritime ottoman s’étendit jusqu’en Afrique du Nord. Quand Turgut
devint pacha, il orna et agrandit la ville de Tripoli (tarablous),
et en fit l’une des plus impressionnantes villes de la Côte
africaine Nord.
Selon d’autres versions, Turgut naquit à Saravalos à l’ouest de
Bodrum, appelé de nos jours Turgutreis en son honneur, ou selon
encore d’autres, dans le village Karabag sur la côte de la Mer Égée
en Asie Mineure. Turgut aurait été capturé et prit prisonnier par
des corsaires dans sa jeunesse et se convertit par la suite à
l’Islam.
A l’âge de 12 ans, il fut remarqué et recruté, par un commandant de
l’armée ottomane, pour son extraordinaire talent dans l’utilisation
des lances et des flèches. Avec son appui, Turgut devint un marin
qualifié, un excellent artilleur et fut formé comme un canonnier et
un spécialiste de l’artillerie de siège, une aptitude qui allait
jouer un rôle important dans le futur succès de Turgut et sa
réputation de tacticien naval hors pair.
En l’an 923 de l’Hégire (1517), lors de sa campagne en Egypte, le
gouverneur ottoman utilisa aussi Turgut comme canonnier et il
participa à la conquête de l’Egypte et améliora ses connaissances
sur le champ de bataille. Suite à la mort de son maître, Turgut
partit pour Alexandrie et débuta sa carrière de marin dans la flotte
de Sinan Reis (ou Sinan Pacha) ou il devint immédiatement un des
équipiers préférés du célèbre barbaresque en raison de son succès à
toucher les vaisseaux ennemis avec les canons.
Lorsque Turgut maîtrisa suffisamment les techniques de navigation,
il devint capitaine d’une brigantine dont un quart des prises lui
était alloué. Après plusieurs campagnes réussies, il devint le
propriétaire unique d’une brigantine puis plus tard le capitaine et
le propriétaire d’une galiote qu’il arma avec les canons les plus
avancés de cette période, avant de commencer à opérer dans les eaux
de la Méditerranée-est, visant particulièrement les routes maritimes
entre Venise et les îles égéennes appartenant à la République
Sérénissime.
En l’an 926 de l’Hégire (1520), il rejoignit la flotte de Khayr
ad-Din Barberousse, qui devint son protecteur et meilleur ami.
Turgut fut bientôt promu au grade de lieutenant en chef par Khayr
ad-Din qui lui confia le commandement de 12 galiotes.
En l’an 932 de l’Hégire (1526), Turgut Reis captura la forteresse de
Capo Passero à Sicile et entre les années 932 et 939 de l’Hégire
(1526 et 1533), il débarqua plusieurs fois dans les ports du Royaume
de Sicile et de Naples qu’il razzia, tout en interceptant les
navires qui naviguaient entre l’Espagne et l’Italie, et captura un
très grand nombre d’entre eux.
Au mois de Shawwal de l’année 939 de l’Hégire (mai 1533), commandant
quatre fustes et 18 barques, Turgut Reis captura deux galères
vénitiennes près de l’île d’Egine.
En l’an 944 de l’Hégire (juin et juillet 1538), il accompagna Khayr
ad-Din Barberousse dans sa poursuite d’Andrea Doria dans la Mer
Adriatique, et captura plusieurs forteresses sur les côtes de
l’Albanie, le Golfe de Préveza et l’île de Leucade.
Au mois de Rabi’ Awwal de cette même année (1538), Turgut Reis
captura Candia en Crète ainsi que plusieurs autres possessions
vénitiennes dans la Mer Égée.
Au mois de Rabi’ Thani (septembre 1538), avec 20 galères et 10
galiotes, Turgut Reis commanda l’aile arrière du centre de la flotte
ottomane qui vaincu la sainte ligue des croisés sous le commandement
d’Andrea Doria lors de la fameuse bataille de Préveza et sur
laquelle noue reviendront dans notre « Abrégé de l’Histoire des
Ottomans ». Pendant la bataille, avec deux de ses galiotes, il
captura la galère papale sous le commandement de Giambattista
Dovizi, le croisé qui était aussi l’abbé de Bibbiena, qui fut pris
ainsi que son équipage prisonnier.
En l’an 946 de l’Hégire (1539), commandant une flotte de 36 galères
et galiotes, Turgut Reis reprit Castelnuovo aux Vénitiens, qui avait
eux-mêmes repris la ville des Ottomans. Pendant la bataille, il
coula deux galères vénitiennes et
en captura trois autres.
Toujours cette même année, en débarquant à Corfou, il rencontra 12
galères vénitiennes sous le commandement de Francesco Pasqualigo et
captura celle d’Antonio Canal. Il débarqua plus tard en Crète et
lutta contre les templiers croisés vénitiens sous le commandement
d’Antonio Calbo.
Un peu plus tard, quand Sinan Reis, le gouverneur de Djerba, fut
nommé, par Souleyman le Magnifique, nouveau commandant en chef de la
flotte ottomane de la Mer Rouge basée à Suez, Turgut Reis fut nommé
son successeur et devint le gouverneur de Djerba.
En l’an 946 de l’Hégire (début 1540), Turgut Reis captura plusieurs
vaisseaux génois au large des côtes de Santa Margherita Ligure.
Au mois de Dzoul Qi’dah de cette même année, commandant deux galères
et 13 galiotes, il débarqua à Gozo et ravagea l’île puis un peu plus
tard, Pantelleria avant d’attaquer les côtes de Sicile et de
l’Espagne avec une force de 25 navires, en causant tellement de
dommage que Charles V ordonna à Andrea Doria de le pourchasser avec
une force de 81 galères. De là, Turgut Reis navigua vers la Mer
Tyrrhénienne et bombarda les ports du sud de la Corse et plus
particulièrement celui de Palasca. Puis il prit et ravagea l’île
proche de Capraia.
Turgut Reis navigua quelque temps plus tard vers la Corse et mouilla
dans le port de Girolata sur la rive ouest de l’île pour réparer ses
navires ou il fut pris au dépourvu avec ses hommes par les forces
combinées de Doria Giannettino, le neveu d’Andrea Doria, Giorgio
Doria et Gentile Virginio Orsini. Turgut Reis fut capturé et forcé à
travailler comme un esclave de galère dans le navire de Doria
Giannettino durant presque quatre ans avant d’être emprisonné à
Gênes. Khayr ad-Din Barberousse offrit de payer une rançon pour sa
libération mais elle fut rejeté.
En l’an 951 de l’Hégire (1544), retournant de France à la tête de
210 navires ou il avait été envoyé par le calife ottoman Souleyman
pour porter assistance à François I contre Charles V (Quint)
d’Espagne, Khayr ad-Din Barberousse apparut devant Gênes, assiégea
la ville et força les Génois à négocier pour la libération de Turgut
Reis. Barbarossa fut invité par Andrea Doria à discuter la question
dans son palais à Fassolo et les deux amiraux parvinrent à un accord
pour la libération de Turgut Reis dans échange de 3.500 ducats d’or.
Khayr ad-Din offrit à Turgut son vaisseau amiral de rechange et le
commandement de plusieurs autres vaisseaux et cette même année,
Turgut Reis débarqua à Bonifacio en Corse et prit la ville où il
causa des dommages particulièrement aux intérêts Génois.
Toujours cette même année, il assaillit l’île de Gozo, combattit les
templiers croisés de Giovanni Ximenès et captura plusieurs navires
maltais qui apportaient de précieux chargement de Sicile.
En l’an 951 de l’Hégire (juin 1545), il attaqua les côtes de Sicile
et bombarda plusieurs ports sur la Mer Tyrrhénienne.
Au mois de Rabi’ Thani, il ravagea l’île de Capraia et débarqua sur
les côtes de Ligure et de la Riviera italienne avec une force de 15
galères et de fustes. Il ravagea Monterosso et Corniglia avant de
débarquer à Menarola et à Riomaggiore. Les jours suivants, il arriva
dans le Golfe de La Spezia et prit Rapallo, Pegli et Levanto.
En l’an 952 de l’Hégire (1546) il captura al-Mahdiyah, Sfax, Sousse
et al-Monastir en Tunisie puis, il utilisa al-Mahdiyah comme une
base pour assaillir les templiers croisés de St. Jean à Malte.
Au mois de Safar de cette même année (avril 1546), il attaqua les
côtes de Ligure.
Au mois de Rabi’ Awwal toujours à Ligure, il prit Laigueglia, une
province de Savona, avec une force de 1.000 hommes. Il captura plus
tard Andora et prit le magistrat de la ville comme prisonnier. Après
une brève période de repos avec ses troupes, il reprit son assaut
sur la Riviera italienne et débarqua à San Lorenzo al Mare ou il
détruisit aussi le village de Civezza. De là, il navigua de nouveau
vers Malte et assiégea l’île de Gozo.
Au mois de Rabi’ Thani (juin 1546), Andrea Doria fut nommé par
Charles V pour repousser Turgut Reis loin de Malte et Doria basa ses
forces dans l’île de Favignana. Les deux amiraux, cependant, ne
purent se rencontrer puisque Turgut Reis avait navigué vers Toulon
au mois de Joumadah Thani (août 1546), ou il resta plusieurs mois et
permit à ses hommes de se reposer dans la sécurité d’un port
français.
Après la mort de Khayr ad-Din Barberousse au mois de Joumadah Awwal
de cette même année (juillet 1546), Turgut lui succéda au poste de
commandant suprême des forces navales ottomanes dans la
Méditerranée.
En l’an 954 de l’Hégire (juillet 1547), il attaqua une nouvelle fois
Malte avec une force de 23 galères et galiotes et après avoir
entendu les nouvelles que le Royaume de Naples avait été secoué par
la révolte contre le vice-roi Don Pietro de Toledo, Turgut Reis
débarqua ses troupes à Marsa Scirocco, à la pointe extrême du sud de
l’île qui faisait face aux rivages de l’Afrique, d’où les troupes
ottomanes marchèrent rapidement vers le voisinage de l’église de
Santa Catarina. Les gardes de la tour d’église s’enfuirent aussitôt
qu’ils virent les forces de Turgut Reis, sans enflammer le tube de
poudre-à-canon, qui était la méthode habituelle de prévenir les
habitants locaux d’attaques. Après avoir ravagé l’île, Turgut Reis
se dirigea vers Capo Passero en Sicile, où il captura la galère de
Giulio Cicala, le fils du Duc Vincenzo Cicala.
Puis, il navigua plus tard vers les Îles Éoliennes et à Salina
Island il captura un navire commercial maltais avec un chargement de
valeur. De là, il navigua vers Apulie et vers la fin de ce même mois
(juillet 1547), il attaqua la ville de Baume avant de repartir pour
Calabre, ou la population locale s’enfuit vers la sécurité des
montagnes. De là, il alla en Corse et captura un certain nombre de
navires.
En l’an 955 de l’Hégire (1548), il fut nommé Beylerbey, régent
d’Algérie par le calife ottoman Souleyman le Magnifique.
Cette même année, il ordonna la construction d’une galère
quinquérème à l’arsenal naval de Djerba, qu’il commença à utiliser
en l’an 956 de l’Hégire (1549).
Au mois de Joumadah Thani de l’année 955 de l’Hégire (août 1548), il
débarqua à Castellamare di Stabia sur la Baie de Naples et captura
la ville ainsi celle de Pozzuoli. De là, il alla à Procida et
quelques jours plus tard, il captura une galère espagnole chargée de
troupes et d’or à Capo Miseno près de Procida. Ce même jour, il prit
une galère maltaise, La Caterinetta, du Golfe de Naples, avec son
chargement de 70.000 ducats d’or qui avait été collecté par les
templiers croisés de St Jean, des églises de la France, pour
renforcer les défenses de Tripoli, qui était alors sous contrôle
maltais.
En l’an 956 de l’Hégire (mai 1549), il mit voile sur Ligure avec 21
galères et au mois de Joumadah Thani, attaqua Rapallo, et
réapprovisionna plus tard ses navires avec de l’eau et d’autres
réserves à San Fruttuoso. De là, il navigua vers Portofino et
mouilla dans le port, avant d’apparaître à San Remo où il captura
une galère aragonaise de Barcelone qui se dirigeait vers Naples.
Puis, il navigua d’abord vers la Corse et plus tard vers Calabre où
il attaqua la ville de Palmi.
Au mois de Mouharram de l’année 957 de l’Hégire (février
1550), naviguant avec une force de 36 galères, il reprit
al-Mahdiyah, al-Monastir, Sousse et la plupart de la Tunisie.
Au mois de Rabi’ Thani (mai 1550), il attaqua les ports de Sardaigne
et d’Espagne et débarqua sur leurs côtes avec une force de six
galères et de 14 galiotes. Ce même mois, il essaya sans succès de
capturer Bonifacio en Corse et sur son chemin de retour en Tunisie,
il s’arrêta à Gozo pour réapprovisionné ses navires avec de l’eau et
recueillir des renseignements sur les activités des templiers
croisés maltais avant de naviguer vers Ligure.
Au mois de Joumadah Awwal (juin 1550), alors que Turgut Reis
naviguait près de Gênes, Andrea Doria et l’huissier Claude de la
Sengle, des templiers maltais, attaquèrent al-Mahdiyah en Tunisie.
Entre-temps, Turgut Reis attaquait et ravageait Rapallo pour une
troisième fois, avant de razzier les côtes d’Espagne. Il navigua
alors vers la Mer Tyrrhénienne et vers le mois de Joumadah Thani
(début juillet) et débarqua sur les côtes ouest de la Sardaigne,
avant de revenir à Djerba, où il apprit que Doria et Claude de la
Sengle avaient attaqué al-Mahdiyah et Tunis. Il leva alors une force
de 4.500 soldats et de 60 spahis, cavaliers ottomans, et marcha sur
al-Mahdiyah pour aider la résistance locale mais ses efforts furent
infructueux et il revint à Djerba avec ses troupes.
Au mois de Sha’ban (septembre 1550), al-Mahdiyah se rendit à la
force jointe espano-sicilo-maltaise. Entre-temps, Turgut Reis,
réapparut avec ses navires près de la plage de Djerba.
Au mois de Ramadan (octobre), Andrea Doria apparut avec sa flotte à
Djerba et bloqua l’entrée de la lagune de l’île avec ses navires,
piégeant les galères échouées de Turgut Reis à l’intérieur du Canal
de Qantirah (Barbarie). Turgut Reis fit construire à la hâte un fort
sur le rivage et l’arma de quatre grosses pièces de canon qui
maintinrent à distance la flotte ennemie. Puis, aidé par les gens du
pays et les esclaves rameurs de la chiourme, il tira ses galères à
terre en les faisant glisser sur des troncs d’arbres lourdement
graissés, les conduisit dans un autre canal et sortit de l’autre
côté de l’île. La suivante nuit sombre, il retira du fort sa
garnison, embarqua avec tous ses hommes et, sans qu’il fut possible
à André Doria de le voir ou de le joindre, navigua à Islamboul,
capturant sur sa route deux galères, un génoise et une sicilienne,
qui étaient en route pour Djerba pour assister les forces de Doria.
Le prince Abou Bakr, le fils du Sultan de Tunis, qui était un allié
de l’Espagne, était sur la galère génoise.
Lorsqu’il arriva à Islamboul, le calife ottoman Souleyman autorisa
Turgut Reis à mobiliser une flotte de 112 galères et de deux
galéasses avec 12.000 Janissaires et en l’an 958 de l’Hégire (1551),
il appareilla avec l’amiral ottoman Sinan Pacha vers la Mer
Adriatique et bombarda les ports vénitiens, infligeant de graves
dommages à l’expédition vénitienne.
Au mois de Rabi’ Thani de cette même année (mai 1551), Turgut Reis
débarqua en Sicile et bombarda les côtes-est de l’île, et
particulièrement la ville d’Augusta en revanche pour le rôle joué
par le vice-roi de Sicile dans l’invasion et la destruction
d’al-Mahdiyah où la plupart des habitants furent massacrés par la
force collective espano-sicilo-maltaise. Puis, il navigua de nouveau
vers Malte ou il débarqua avec environ 10.000 hommes au port du sud
de Marsa Muscietto. Avec la flotte ottomane, il assiégea les
citadelles de Birgu et de Senglea avant de marcher sur le nord où il
attaqua Mdina. Néanmoins, il leva le siège quand il se rendit compte
qu’il était impossible de capturer l’île avec une troupe peu
nombreuse. De là, il mit le cap sur l’île voisine de Gozo et
bombarda la citadelle durant plusieurs jours. Le gouverneur des
croisés, Galatian de Sesse, se rendant compte que la résistance
était vaine, abandonna la citadelle que les barbaresques ravagèrent
et prirent pratiquement la population entière de Gozo, soit environ
5.000 personnes, en captivité. Turgut et Sinan quittèrent alors Gozo
et mirent le cap vers la Libye, où ils expédièrent les captifs à Tarhounah
et Msalatah. Puis, ils naviguèrent plus tard vers Tripoli
dans le but de conquérir la ville-port stratégique et ses environs.
Au mois de Sha’ban de l’année 958 (août 1551), Turgut Reis et Sinan
Pacha attaquèrent Tripoli qui était en possession des croisés de St
Jean depuis l’an 936 de l’Hégire (1530). Les Ottomans encerclèrent
le fort et déployèrent trois batteries de 12 canons avec lesquels
ils bombardèrent la forteresse durant six jours avant que les
croisés ne capitulent et que la ville soit prise le 12 du mois de
Sha’ban (15 août 1551).
Gaspard de Villers, le commandant du fort, fut capturé avec d’autres
croisés et un grand nombre de mercenaires. Cependant, après
l’intervention de l’ambassadeur français à Islamboul, les croisés
français furent libérés. Le commandant ottoman local de Tajourah,
Mourad Aghah, se vit temporairement nommé gouverneur de Tripoli,
mais par la suite et en reconnaissance de ses services, le calife
Souleyman décerna Tripoli et les territoires environnant à Turgut,
avec le titre de Bey Sanjak ou gouverneur de Province.
Au mois de Ramadan de l’année 958 de l’Hégire (septembre 1551),
Turgut Reis navigua vers Liguria et prit la ville de Taggia, avant
de capturer d’autres ports de la Riviera italienne, après que les
troupes ottomanes débarquèrent sur la plage de Riva Brigoso.
Plus tard cette année, il revint à Tripoli et chercha à étendre son
territoire, en capturant la région entière de Misratah et toute
l’étendue de Zouwarah et Djerba jusqu’à l’ouest. Puis se tournant
vers l’intérieur, il agrandit son territoire jusqu’à atteindre le
Jabal au sud.