Année 1917
Les troubles dans le Sud-Tunisien ne cessèrent cependant pas en
1917, malgré la défense française ultramoderne. S’il est vrai que
les Tripolitains semblaient surtout concentrer leurs forces contre
les Italiens en Libye, en Tunisie, on assistait en 1917 à des
attaques de harcèlement qui se prolongèrent jusqu’à 1918.
Pendant les mois de février et mars 1917, des patrouilles du D.S.T.
eurent plusieurs accrochages. Dans un de ces petits combats, trois
cavaliers furent tués et trois autres blessés.
En juin 1917, le poste de la compagnie saharienne a été razzié ;
tous les animaux de la compagnie furent emportés par les rebelles.
Le 8 juillet 1917, une section d’avions pris part à la poursuite par
une patrouille de Mashahad Salih d’une caravane de fellaga.
Un vif combat s’engagea entre les deux partis.
Le 7 juin 1917, dans le but d’arrêter la propagande hostile de
Khalifah Ibn ‘Askar et le recrutement de ses partisans, le général
Alix donna l’ordre d’opérer un nouveau bombardement de Nalout.
L’opération fut effectuée par 4 avions de l’escadrille 542 en deux
sections. Un détachement de goumiers et les tracteurs-mitrailleurs
de l’aviation s’établirent à 8 km au sud-est de Galb Oumm ad-Doud
pour servir de repli aux avions. Un groupe léger, [spahis, une
section montée, deux sections de mitrailleuses, une compagnie et
demie du 4e bataillon d’Afrique] prit position à Ben-Gouaddal « 640
kilos de projectiles sont jetés faisant des dégâts matériels
importants. Les rebelles réfugiés dans les Rhars et les grottes
n’eurent aucune perte ». « Une surprise malheureuse allait, selon
les autorités militaires françaises, démontrer en même temps que la
mobilité extrême des rebelles, combien la sécurité d’une troupe est
fictive en pays arabe ».
Le 11 juin 1917, un rezzou[1]
Touareg de 300 hommes parti de Naga (200 km sud-est de Ghadamès),
passa par Sinaoun, Zar et le Grand Erg et attaqua au petit jour le
peloton de méharistes d’al-Hajrah (18 km au nord-ouest de Bir
Kassirah), gardant les animaux de la compagnie saharienne au
pâturage. Le combat dura trois heures, jusqu’à l’arrivée du peloton
de Bir Kassirah, sous le commandement du capitaine Rissler. Cette
affaire coûta aux Français 8 blessés, 200 méharas enlevés, 100 autre
tués ou blessés (ces chiffres doivent être pris avec le maximum de
réserve). Le rezzou perdit une vingtaine d’hommes.
Par suite d’un vent violent et d’avaries aux appareils, une section
d’avions envoyés de Tataouine à Bir Kassirah, ne purent intervenir
efficacement.
A la suite de ce combat, la Compagnie saharienne fut placée par
décision ministérielle sous les ordres du général commandant le
Sud-Tunisien, pour les opérations militaires, zone saharienne
comprise.
Le 31 juillet 1917, le groupe mobile d’Oumm Souigh, en fouillant la
Shi’bat an-Nakhlah, y surprit une centaine de rebelles et un combat
eut lieu entre les deux partis.
Les 2, 3 et 4 août 1917, Vazin fut bombardée par les avions qui
réglèrent en même temps le tir des pièces de 90 de Dahibat.
Le 12 août 1917, une opération fut montée par plusieurs colonnes
sous les ordres du lieutenant Bemadotte pour faire la cueillette des
fruits dans la Shi’bat an-Nakhlah. Une telle opération fut prescrite
par le général Boyer dans une série d’opérations ayant pour but
d’effectuer la récolte des fruits et des figues de tous les jardins,
alimentation principale des rebelles
Le 19 août 1917, plusieurs caravanes escortées tombèrent dans une
embuscade tendue par les rebelles à Ben Nijma (près de Dahibat). Les
pertes françaises furent sévères : 7 tués, 8 blessés, 100 chameaux
emportés par les rebelles.
Le 26 octobre 1917 vers 14h, le groupe mobile de Dahibat de
plusieurs unités eut un engagement avec les rebelles venus de Wazin.
Le décrochage se fit facilement et le groupe mobile rentra à
Dahibat, ayant un caporal disparu, 5 blessés, des animaux tués et
blessés.
Le 9 novembre, le même groupe mobile, renforcé au groupe mobile
d’Oumm Souigh, monta directement sur Saniat Oumm Guarjoum et marcha
vers le puits de la Mortaba pendant que la Place de Dahibat
bombardait Wazin et qu’un petit détachement de couverture était
installé à Gar’at ‘Afînah. Une section d’avions pris part à
l’opération. Vers 9h du matin, la compagnie de tête fut fortement
attaquée par des groupes nombreux de rebelles estimés à environ 500
hommes. Après un vif combat, la colonne se replia par échelons sur
la Saniat Oumm Garjoum et redescendit du Zahr : les pertes
françaises furent sensibles : 4 tués ou morts de leurs blessures, 2
disparus, un officier et 8 blessés. Les pertes musulmanes restèrent
inconnues.
Les avions, par suite « de l’habileté des rebelles à se dissimiler à
leur approche, n’avaient pu donner que des renseignements impartiaux
».
Pendant toute l’année, les patrouilles eurent à poursuivre des
bandes de rebelles dans le Zahr.
La « conspiration panislamique » des Bani Zid
Toujours pendant l’année 1917, les autorités coloniales découvrirent
un projet de « conspiration » (ou complot panislamique) impliquant
les Bani Zid à al-Hammah de Gabès qui formaient en quelque
sorte la liaison entre les tribus nomades du centre et de l’ouest de
la Tunisie. On sait que les Bani Zid avaient vigoureusement résisté
à l’occupation militaire française à partir de 1881. Un grand nombre
de ces gens était passé alors en dissidence en Tripolitaine et tous
ne sont pas revenus. Et les intelligences des Bani Zid avec les
chefs tripolitains n’ont pas cessé ; l’arrivée de Noury Bey avec un
firman du Sultan, les tentations réussies des sous-marins allemands
sur les côtes de la Tripolitaine et de la Tunisie pour débarquer des
armes et des munitions, les activités des Moujahidine
réveillèrent l’esprit de « conspiration » chez les Bani Zid.
Le Khalifah des Bani Zid « ayant des aptitudes policières et
de la poigne » trouva la trace d’un complot panislamique : il saisit
des correspondances de Noury Bey, le frère d’Anwar et de Souleyman
al-Barouni appelant les Bani Zid au Jihad : « vous vous
plaignez, dit-on, de manques d’armes nous vous en enverrons ; mais
vous avez déjà celles que portent vos fils dont la France a fait des
soldats malgré eux ». Depuis deux ans, ils avaient été signalés
comme ayant des intelligences avec la Tripolitaine. Plusieurs
d’entre eux furent internés à Tunis, à Djerba, à Ghar al-Milh
et ailleurs. Un certain nombre des Sheikhs des Bani Zid fut condamné
à cinq ou dix ans de travaux forcés dans un procès qui se déroula en
1919.
En résumé, l’année 1917 fut comme les deux précédentes, une année
pénible économiquement et militairement pour les autorités
françaises, une année de sécheresse. La récolte d’orge, de figues,
de dattes et d’olives fut presque nulle. Les pâturages n’ont pu
nourrir les troupeaux qui dépérissaient. Enfin de nombreux vols de
sauterelles ravagèrent en mai et juin, les régions de Médenine, Ben
Gardane, Zarzis et Matmatah. A en croire les sources officielles
françaises, ce fut grâce aux distributions d’orge et d’huile des
Affaires Indigènes que les populations des territoires du
Sud-Tunisien furent sauvées de la famine, qui régnait en
Tripolitaine, où l’on mourrait de faim (il ne mourrait rien qu’à
Nalout en novembre 1917, 8 à 10 personnes par jour).
Année 1918
Khalifah Ibn ‘Askar continua sa propagande et ses attaques contre
les postes français ; ‘Omar al-Guallati, panislamiste tunisien et «
adversaire irréductible des Français », fut désigné par Souleyman
al-Barouni pour prendre le commandement à Wazin, où se trouvaient
une cinquantaine de Moujahidine réguliers et 250 irréguliers.
Des armes et des munitions, des uniformes furent envoyé à Nalout.
Les postes rebelles furent munis de grenades.
La récolte de l’année fut excellente et mit fin à la famine
générale.
La défaite italienne sur le front de l’Isonzo en octobre 1917, la
révolution russe, les opérations des Moujahidine dans le sud
n’étaient pas ignorées des milieux musulmans dans la Tunisie
entière.
Plus que jamais, 1’alliance poursuivit sa politique panislamique. La
pénétration des armées allemandes et turques dans les provinces
méridionales de la Russie, les mirent au contact de nombreuses
populations musulmanes. Les rêves allemands entrevoyaient déjà le
soulèvement du Caucase, de la Perse, de 1’Afghanistan, et de l’Inde.
Le prince Osman Fouad Pacha
remplaça en mai 1918 Noury Bey, frère d’Anwar, pour
coordonner les efforts des chefs tripolitains, et essaya de calmer
les désaccords et les mésintelligences qui éclataient à tout moment
entre eux.
Les autorités françaises du D.S.T. continuèrent avec vigueur les
tournées de police et la poursuite des rebelles et des déserteurs.
Combat du col Matous
Le 3 mars 1918, 17 chameaux ont été enlevés près de Bir Darcen par
un petit groupe qui a pu échapper aux patrouilles françaises : un
goumier blessé.
Le 18 mars, 7 chameaux furent enlevés au troupeau du fournisseur de
bois de Dahibat pâturant dans une région interdite.
Le 27 mars, une bande de 40 Tripolitains razziait un troupeau de 150
têtes environ près de Ramadah. Le Makhzen de ce poste, sous les
ordres de l’adjudant Michel, lancé à sa poursuite, engagea un combat
de nuit au col de Matous, dans lequel furent tués un Bachaouch, un
cavalier et trois rebelles.
Dans la nuit du 17 avril 1938, une patrouille d’al-Aouadi commandée
par l’adjudant Thomassin du cinquième bataillon d’Afrique reçut des
coups de fusil de 6 rebelles. L’adjudant fut tué.
En mai 1918, plusieurs rebelles furent poursuivis entre Fatnassia et
Bir al-Atslah : un rebelle tué.
Le service des renseignements français ayant fait connaître qu’un
groupe de 40 tentes était installé à 4 km environ sud-ouest de Wazin
; un ordre fut donné à l’escadrille 541 (5 avions) de le bombarder
par obus et par bouteilles de brome. Deux bombardements successifs
ont été effectués le 17 mai 1918.
Une section de tracteurs-mitrailleurs éclairée par des goumiers
s’installa en repli à la frontière tripolitaine.
Vers 8 heures du matin, un combat s’engagea à la mitrailleuse à
Dhahrat an-Nisf avec les rebelles descendant du col de Wazin qui
tentèrent d’encercler la section.
Un groupe commandé par le capitaine Bouvet des Affaires Indigènes
(goum, spahis, section montée, section de 65, etc.) puis la colonne
mobile de Dahibat (cap. Bayard) appuya successivement la section des
tracteurs-mitrailleurs.
La rupture du combat dirigé par le commandant de Bordesoulle, chef
de secteur fut obtenue facilement vers 11 heures par l’intervention
en masse de l’escadrille qui bombardait les rebelles.
Un goumier fut blessé. Les rebelles eurent une dizaine de morts et
une vingtaine de blessés.
Dans la nuit du 4 au 5 juin, le courrier postal partant de Dahibat
fut attaqué : un spahi blessé.
Khalifah Ibn ‘Askar, d’après nos renseignements, reçut un renfort de
400 réguliers pour opérer contre les Français et on annonça
l’attaque prochaine des postes de Mashahad Salih et de
Ramadah.
Dans le mois de juillet 1918, deux bandes de rebelles furent
poursuivies : la première dans les Matmata, la deuxième ayant razzié
vers Bir al-Hajjaj, fut rejointe en Tripolitaine par les cavaliers
de Bir ‘Ali et les chameaux repris. Un goumier fut tué. Un petit
combat eut lieu entre le makhzen et cinq rebelles dans la région de
Ramadah : un rebelle fut tué et deux autres blessés.
En août 1918, il y a eu une recrudescence de l’activité des rebelles
; de nouveaux groupes de rebelles apparurent dans le territoire de
Tataouine et Matmata. Un petit poste de surveillance de Dahibat fut
attaqué. Un chasseur du quinzième groupe spécial fut tué.
Une corvée de bois de Dahibat fut attaquée par une vingtaine de
rebelles. Les goumiers du poste intervinrent et après un léger
engagement le détachement de protection rentra à Dahibat sans perte.
Le 19 août 1918, le convoi décadaire partant de Dahibat à minuit fut
brusquement attaqué à 2 km au nord de Dahibat. Une centaine de
chameaux et 4 chevaux furent emmenés par les rebelles. Les pertes
françaises furent 7 tués dont le lieutenant Gruzon, lieutenant du
Train et dix blessés.
En septembre, le Khalifah des Touazine (Ben Gardane) Hamid
Ben Naji fut arrêté à la suite d’agissements suspects. Cette
arrestation, disait un rapport militaire français, produisit « une
grosse émotion dans le milieu indigène, mais affirme aussi aux yeux
de nos tribus que nous sommes disposés à employer la manière forte
contre ceux dont la conduite et le loyalisme laisseraient à désirer
».
En septembre 1918, trois bandes de rebelles dont l’une d’eux fut
rejointe vers Bir Darsan : 3 hommes furent tués, deux blessés.
Un petit groupe de déserteurs qui opérait entre Kabili et Gabès,
dévalisa les chameliers dont l’un portait le courrier postal, puis
une petite caravane et un convoi. Mais la complicité des populations
leurs permit d’échapper aux poursuites.
Le 5 octobre, un petit détachement envoyé de Tataouine à Bir
Kassirah pour évacuer un malade grave fut attaqué au col de Bréga.
Un conducteur du Train et un tirailleur furent tués, un cavalier
blessé.
Le 9 octobre, une patrouille de 5 cavaliers de Bir Atslah eut un
combat contre un groupe de 7 rebelles.
Combat d’Oued Nakhlah
Une harka[2]
(haraka) de 350 fusils environ attaqua, le 15 octobre
1918 vers l’Oued Nakhlah à 8 km au nord-ouest de Bir Kassirah, le
peloton Ragarou et la section mobile de mitrailleuses de la
compagnie saharienne protégeant le pâturage des chameaux. Pendant
huit heures le peloton résista énergiquement. L’arrivée de renforts
de Bir Kassirah (peloton du lieutenant Genevois) détermina la
retraite de la harka, qui laissa sur le terrain 4 morts et qui
emporta une quarantaine de blessés. Du côté français, 8 hommes
furent tués, dont le maréchal des logis Yvorel, commandant la
section mobile de mitrailleuses, et 12 blessés dont l’interprète
Ragarou.
Une section d’avions (lieutenant Lamy) poursuivit les rebelles en
retraire et les bombarda avec des obus Brandt.
Une bande de déserteurs armés commettaient des assassinats dans la
région d’Aram et de Toujane. Les patrouilles de Makhzen les
recherchèrent mais la complicité des populations leur permit
d’échapper aux poursuites.
En novembre 1918 enfin, les cadres turcs et allemands furent
rapatriés en exécutant des armistices conclues en Europe, les
insurgés autochtones restés seuls durent renoncer aux opérations de
guerre proprement dites.
Le mouvement Fellaga
Vers la fin de 1918 et durant les deux années 1919 et 1920, la
Tunisie fut le théâtre d’un mouvement Fellaga d’une certaine
ampleur. Ce mouvement déborda le cadre du Sud-Tunisien et s’étendit
aussi au centre-ouest et au Caïdat de Gafsa.
Si les Fellaga étaient pour les autorités françaises et leurs
serviteurs autochtones apostats traîtres ainsi que les mécréants en
général, des « bandits », des « brigands », « criminels vulgaires »
et aujourd’hui des « terroristes », ils étaient pour le peuple
tunisien et musulman et tous les peuples du monde libre des «
partisans », des « combattants », des « Moujahidine ».
En effet, « de nombreux déserteurs s’étaient groupés en bandes armés
et opéraient sous la conduite de certains chefs. Beaucoup de
déserteurs du caïdat des Hmama refluèrent vers le caïdat de
Gafsa où les montagnes en grand nombre leur offraient un refuge plus
sûr ». Attaquer les soldats français envahisseurs et les traîtres
tunisiens, razzier les tribus demeurées fidèles aux Français, piller
les fermes coloniales, etc., telles étaient les opérations
auxquelles ces Fellaga se livraient. Mais, à la suite de la loi
martiale décrétée, des soldats furent envoyés pour pourchasser ces «
Fellaga ». Les trains de nuit furent supprimés dans tout le
centre-ouest. Autour des chantiers d’Alfa, les soldats montraient la
garde sans relâche.
Même avec le concours de l’autorité militaire, il était d’autant
plus difficile de disperser ou de détruire des groupes de Fellaga
qui trouvaient parmi la population de nombreux complices. Grâce à
leurs indicateurs, les Khalifah, Sheikhs et Caïds arrêtèrent un
certain nombre. Pour affaiblir ce mouvement, « une décision
ministérielle promit l’amnistie à tous ceux qui déposeraient les
armes. Plusieurs dizaines finirent pour se rendre. Seuls les plus
compromis continuèrent à tenir le maquis ». Bashir Ibn ‘Ali Ibn
Sdira al-Hammami « était le plus célèbre » de tous les Fellaga. Sa
mort qui survint le 21 juillet 1920 porta un grand coup à ce
mouvement. Fasciné par son courage extraordinaire le peuple
tunisien, dans sa quasi majorité voyait en lui un héros et un
martyr. Le Khalifah ‘Ali Ibn Hajj Hmid écrivit le 29
octobre 1923 au résident général que Bashir (Ibn Sdira) disposait
d’une force de 75 Fellaga bien armés et fidèles à ses ordres.
Un rapport non daté établit par les autorités coloniales françaises
dit à propos de la mort de ce Fellag : « La mort de Bashir, tué
traîtreusement » par Belgacem Ibn Muhammad Ibn ‘AbdAllah
(al-Agra’) « par un désir de vengeance et aussi par l’appoint de la
prime de 5.000 francs promise pour-la capture de ce bandit, mort ou
vif, eut pour effet de donner à la famille de ce brigand déjà
célèbre et devenu l’objet d’une véritable admiration parmi les
populations » du caïdat de Gafsa « un regain de popularité et de
prestige. On entend, en effet, dire couramment que Béchir était un
Moujahid (combattant pour la foi), et on le considère un peu
comme un martyr. Lors des dernières fêtes de ‘Achoura, des femmes de
Gafsa qui n’ont aucun lien de parenté ni d’alliance avec le brigand
sont allées sur sa tombe se livrer à des manifestations de douleur
qui en disent long sur la mentalité des gens du pays ... ».
Si nous voulions caractériser d’un mot l’opinion publique
arabo-musulmane au Maghreb pendant la Grande Guerre, nous pourrions
dire qu’elle était dans un état de tension, de Jihad
panislamique contre l’ingérence et la domination européenne et pour
se libérer de l’oppression coloniale.
En dépit de la victoire définitive de 1’entente, les Turco-Allemands
pouvaient être satisfaits de leurs pertes : ils n’avaient consacré à
cette guerre qu’une centaine d’officiers turcs, environ 200
sous-officiers turcs et quelques Allemands contre plus de 100.000
soldats de l’entente.
Il ne va pas sans dire que les nationalistes panislamiques agissant
de l’extérieur et de l’intérieur, ne faisaient que tourner leurs
regards vers Istanbul, siège du calife. Rien d’étonnant donc que la
population tunisienne dont une certaine fraction entretenait même
des rapports matrimoniaux avec des familles d’Istanbul, se montrait
particulièrement préoccupée par le sort réservé à l’empire ottoman :
la défaite de la Turquie, la pénétration des troupes alliées à
Istanbul et l’amputation de ce centre de l’Islam d’une bonne partie
de son territoire, de ses provinces arabes à l’Arménie,
provoquèrent, selon une note officielle française, « la mélancolie
de nos Algériens et Tunisiens même les plus loyalistes même ceux qui
ont contribué à cette défaite ».
Par contre la nouvelle de l’armistice et la victoire définitive de
l’entente ont été bien reçues par un certain nombre de gens
notamment les chefs, les notables et les Jeunes-Tunisiens loyalistes
: elles étaient l’occasion de fêtes et de fantasias un peu partout
en Tunisie. Ces derniers venaient complimenter les autorités
françaises et les assurer de leur loyalisme et leur fidélité.
Contrairement à l’image d’une Tunisie « calme et tranquille »
pendant la guerre, quoique maquillée de belles déclarations de
loyalisme, nous croyons avoir démontré, une autre image assez
différente. Les peurs des colons, qui pourraient être exagérées par
les besoins de la cause, étaient nourries de faits réels. La guerre
avait ébranlé assez fortement les fondements du Protectorat
(Tunisie). Des bandes composées de déserteurs, de « nomades
belliqueux » maintinrent un climat d’insécurité. Dans le nord les
incendies de forêts, des refus de payer l’impôt se multiplièrent.
La haine de l’armée et de la guerre et les levées d’hommes
suscitèrent la colère. La capitale surtout était assez sensible aux
événements de l’extérieur et aux difficultés économiques dont les
effets conjugués menaçaient d’être explosifs. La poussée des prix,
la rareté du pain en 1917 entretenaient l’agitation, les émeutes et
les manifestations dirigées aussi bien contre les Français que
contre les israélites qui profitaient de la guerre. Ces
manifestations acquirent une extension sérieuse, et gagnèrent très
vite Bizerte, Sousse, Sfax, Kairouan, Béja, Menzel Bou Zalfah, Bani
Khallad, Nabeul etc. Tout cela prouve, évidemment que les craintes
des colons et du pouvoir ont été fondées.
La lutte constitutionnelle
Comme la résistance armée à la présence française n’était plus
possible, les Tunisiens, continuèrent la lutte constitutionnelle.
Des émeutes qui causèrent 118 morts eurent lieu à Tunis en 1938
suite à l’arrestation d’un dirigeant politique.
Entre 1942 et 1943, la Tunisie fut la scène de la troisième majeure
opération par les Forces Alliées (les britanniques et les
États-Unis) contre le Pouvoirs de l’Axe (l’Italie et l’Allemagne)
pendant la Seconde Guerre mondiale.
Entre 1957 et 1962, il y eut des affrontements entre les Tunisiens
et les Français à la frontière puis en 1958, suite à une attaque
aérienne française, sur le village tunisien de Saqiyah Sidi
Youssouf, à la poursuite de résistants algériens.
Entre 1952 et 1956, les activités de la résistance augmentèrent
châtiés par la contre-résistance des colons européens mais menée par
Habib Bourguiba, surnommé « le Mangeur de Ramadan », qui
devint plus tard le premier président tunisien sous la Tunisie qui
devint finalement indépendante en 1956, tout en restant un vassal de
la France.
En 1961, la garnison française de Bizerte prit le contrôle de la
ville mais se retira en 1963.
En 1983, il y eut des émeutes de pain et en 1985, le raid juif
contre le quartier général Palestinien à Tunis.
En novembre 1987, les docteurs déclarèrent Bourguiba inapte à régner
et, dans un coup d’état en douceur, le premier ministre Zine
al-‘Abidine Ben ‘Ali devint le nouveau président et le resta jusqu’à
sa fuite du pays en 2011, déguisé en femme voilée pour ne pas être
reconnut.
Il fut parmi les meilleurs vassaux de la France qui appliqua
strictement à la lettre tous les ordres qui lui furent donné
d’outre-mer et sa perte fut pour une plaie pour le monde.
Lui et sa famille pillèrent la Tunisie et opprimèrent durement le
peuple qui fut privé de toute liberté. Ils furent accusés par la
suite de corruption et de pillage du pays et jugés in absenta en
2012.
Bien sur un grand nombre de crimes, de massacres, de viols et
d’autres tragédies furent commis en Tunisie par l’armée française
sous l’occupation que je ne peux rapporter ici mais que vous
trouverez dans « le livre blanc sur la détention en Tunisie »
datant de 1953. Mais ce qui est pire, c’est que leurs
serviteurs Bourguiba et Zine al-‘Abidine commirent les même crimes
sous leurs règnes.
Aujourd’hui en 2012, il y a un nouveau président en Tunisie mais
comme la structure de l’état est exactement la même que la
précédente et que la politique intérieure est toujours exercée de
l’extérieur, il n’y aura donc aucun changement et c’est donc un
retour à la case zéro, du moins pour le moment car on ne peut pas
faire du neuf avec du vieux.
Pour tourner la page des années noires de corruption et de misère,
il faut définitivement remplacer tous ceux qui y contribuèrent d’une
quelconque manière. Tant qu’ils resteront au pouvoir, ils
continueront de gangréner l’état et de servir les ennemis de la
nation musulmane.