Chapitre Treize

 

 

LES CRISES ALGERO-FRANCAISES AU XVIIème SIECLE

 

Pour faire plier le gouvernement d’Alger, les monarques de France crurent, un moment donné, au miracle des démonstrations navales devant la capitale[1].

 

Le XVIIème siècle fut le témoin de plusieurs tentatives En 1637, treize vaisseaux de guerre, sous les ordres de De Manty, chef d’escadre, quittait Toulon, avec mission « d’exiger des Algériens réparations des infractions aux traités signés[2]. » L’emploi de la force était prévu en cas de refus. Cependant, une tempête divisa la flotte et De Manty arriva seul devant Alger. On était en novembre !

 

Ne pouvant rien entreprendre, il opta, en fin de compte, pour la négociation et conciliation puis rentra sans grand succès à Toulon.

 

Alî Bichîn riposta par la destruction du Bastion de France. Richelieu, alors chef du Conseil du Roi, envoya à son tour par deux fois, en 1640 et 1641, une escadre d’intimidation. Le vice-amiral De Montigny, à la tête de dix vaisseaux et six brûlots, reçut pour mission de bloquer le port d’Alger. Sur les lieux, les négociations traînèrent en longueur et le chef de l’expédition n’obtint rien.

 

Le Cardinal suggéra à Mgr de Bordeaux « chef des conseils du Roi en l’armée navale » qui revenait d’une croisière contre les Salétins de « faire quelque chose pour ravoir, dit-il, nos esclaves de Tunis et d’Alger... que le meilleur moyen pour cela est d’essayer de leur faire peur et de prendre autant de leurs vaisseaux qu’on pourra ; après quoi, on viendra à restitution de part et d’autre[3]. »

 

1. Les premières escarmouches

 

Sur le trône de France depuis 1643, Louis XIV menait une politique maghrébine radicalement différente de celle de ses prédécesseurs.

 

En effet, de Louis XI à Louis XIII, soit plus d’un siècle et demi, le Maghreb central apparaît à la France comme un allié de fait. La politique de ces monarques était fondée sur l’entente avec l’Islam. François 1er, menacé par Charles Quint, se rapprocha des Algériens. La lutte contre un ennemi commun l’exigeait. L’alliance du Lys et du Croissant datait de cette époque. Ce n’était plus en ennemies que se présentaient sur les côtes de Provence, les forces navales algériennes. Henri II (1547-1559) tenait au renforcement de ces rapports. Henri IV (1590-1610) invoqua le secours des Algériens en 1593 contre Marseille, alors au pouvoir des Ligues. Plusieurs traités de paix furent signés entre les deux pays. Pachas et Deys échangeaient avec les souverains et les princes de France, des présents et des lettres amicales.

 

Avec Louis XIV, les relations se tendirent au fur et à mesure. Avide de gloire, influencé par des courtisans « dévots, » obsédé par la grandeur de son règne, il renonça à l’entente avec l’Islâm et tint à faire honneur à ses obligations de souverain très chrétien. Il voulut « assurer la vengeance sur les Turcs par la justice de ses armes » nous dit le Père Dan. Par des actions militaires, soufflées par la Duchesse d’Aiguillon et Saint Vincent de Paul, entre autres, il tenta d’imposer le respect de son pavillon en Méditerranée. C’est ainsi que les rapports franco-algériens devinrent tumultueux, orageux, contrastant avec un passé caractérisé par l’entente cordiale et l’intérêt mutuellement compris.

 

Le renouveau religieux qui marquait ce long règne engendra l’idée de croisade et le retour offensif de l’humeur antimusulmane en France. Les prêtres consuls et rédempteurs prêchaient la ruine de la Régence d’Alger. C’est pourquoi, de 1660 à 1688, les expéditions militaires se succédèrent. On n’en compte pas moins de neuf ! Elles n’aboutissaient chaque fois « qu’à une paix boiteuse. »

 

En 1660, le commandeur Paul, à la tête d’une escadre de quatorze vaisseaux de guerre fit sa démonstration devant Tripoli, puis Tunis, ensuite Alger[4]. Là, il trouva une quarantaine de vaisseaux algériens désarmés, « belle proie pour nos brûlots » dit La Roncière[5]. Mais le Dey fit dire au chevalier « qu’au premier coup de canon, je mettrai consul, chevaliers, prêtres et autres français de marque à la bouche de mes pièces et vous les enverrai avec mes boulets. »

 

La croisière s’acheva en septembre sans résultat. En février 1661, le voici de nouveau, à la tête, trois navires, un brûlot et des embarcations dans la baie d’Alger avec le projet d’y incendier la flotte. Mais il repartit bredouille.

 

Comme les actions d’éclat et les coups de main restaient sans lendemain, et comme on rêvait toujours de « rendre la France, reine de la Méditerranée, » il convenait de contenir les Algériens dans leurs ports, les forcer d’ouvrir leurs échelles aux marchandises françaises et faire d’eux « les esclaves de Louis XIV et non ses égaux ou ses maîtres » ; le seul moyen d’anéantir la puissance des barbaresques était d’aller les attaquer chez eux.

 

Tous les mémoires et rapports de l’époque sont formels : les corsaires, y dit-on, seront toujours redoutables tant qu’ils n’auront pas vu leurs vaisseaux brûlés et leurs villes incendiées.

 

En 1663, Beaufort et Paul, pour détruire Alger, élaborèrent un plan. Un coup de main à exécuter de nuit. Deux brûlots en remorque mettront le feu dans la darse, quatre galères enlèveront les navires en rade. On comptait beaucoup sur des pilotes qui avaient séjourné plusieurs années à Alger. Hélas, ces derniers manquèrent l’entrée de la rade et la « dépassèrent de six lieues sans voir le phare sur lequel ils devaient se régler[6]. »

 

Colbert fut particulièrement préoccupé par les guerres avec la Régence car il tenait à défendre le commerce du Levant et assurer aux navires français des escales sûres pour leur retour.

 

Il voyait grand : bloquer les ports et brûler toute la marine de ce pays ! Il voulait aussi faire la guerre à outrance aux Algériens en armant, contre eux, des bâtiments légers, équipés d’avirons et des galères toujours en état de prendre la mer à partir de Marseille. Il trouvait même inutile, sinon déshonorant de traiter avec le Diwân. Il poussa l’intransigeance jusqu’à arrêter tout bâtiment étranger trafiquant en Méditerranée, s’il entrait ou sortait des ports algériens... à l’exception des navires anglais. Il se faisait informer, secrètement, des rades, mouillages et fortifications de la côte. Mais il regardait aussi comme très important pour le commerce de Marseille de ne point rompre « trop légèrement avec ceux d’Alger » où « il n’y a qu’à perdre parce qu’ils ne font que la course et point de commerce. » Sa devise était : « Ne pas rompre mais contenir et intimider les corsaires, car la rupture coûte cher[7] ! »

 

Son fils, Seigneley, lui aussi Ministre de Louis XIV, pensait que les Algériens devraient être traités « avec une extrême hauteur. » Il méprisait leurs forces. Il était convaincu qu’il pouvait les écraser et trop facilement. Il rêvait de les humilier. On lui faisait remarquer, pourtant, qu’on ne saurait les anéantir totalement, « c’est une hydre qui renaît à tout moment » disait-on pour le persuader.

 

Un tel état d’esprit ne favorisait guère les relations pacifiques, mais plutôt la tension permanente entre les deux pays qui convoitaient, chacun pour soi, la maîtrise de la mer.

 

2. L’aventure de Jijel

 

La crise franco-algérienne, qui couvait depuis quelques années, aboutit en été 1664 à un affrontement armé sans précédent : l’attaque de Jijel, par mer, avec volonté de s’en emparer et de s’y établir durablement.

 

L’événement doit susciter toute l’attention du chercheur[8]. En effet, pour la première fois, la France, renonçant aux croisières punitives, envisageait une occupation permanente d’un port algérien. Jusqu’ici, on invoquait, à la Cour de Versailles, les nombreux échecs portugais et espagnols comme autant d’arguments contre d’éventuels débarquements français sur le littoral algérien. L’élaboration d’un plan d’invasion, les moyens mis en œuvre, la réaction du Diwân et la faillite de l’entreprise en fin de compte, le tout constitue un des épisodes les moins connus de notre histoire moderne, mais certainement un des faits armes les plus glorieux.

 

a) Des récits trop brefs

 

Les historiens européens ont, sinon passé sous silence les événements de Jijel en 1664, du moins escamoté le récit et donné des interprétations fantaisistes.

 

Quelques exemples vont démontrer la disproportion entre les faits et la narration. Dapper consacre à l’affaire une demi-page et Perrot, six lignes[9]. Orse en fait le récit à sa manière : « Le Roi se rendit maître de cette place sans beaucoup de difficultés, mais ses troupes furent bientôt épuisées par les maladies et les attaques incessantes des Arabes. Après quelques mois de séjour, on abandonna cette conquête[10]. »

 

Loir note, sans scrupule, « qu’en 1664, le Duc de Beaufort, renouvelant cette croisière [celle de 1662] battit deux fois les Barbaresques, et leur prit plusieurs navires[11]. » Galibert nous apprend que : « Le Duc, à la tête d’un corps de 5 200 hommes, s’empara de Gigelly le 23 juillet [...] et s’y établit. Mais bientôt, la division qui éclata entre les chefs de l’armée, la faiblesse des ressources qui avaient été mises à leur disposition, enfin la négligence qu’on apporta à fortifier la place et à y réunir tout ce qui était nécessaire à l’entretien des troupes, obligea la France de renoncer à cette conquête[12]. »

 

Féraud insiste sur les divergences entre officiers supérieurs français. Les modernes, à leur tour, n’attachèrent qu’une curiosité relative à l’expédition. Julien n’est pas plus prolixe que le reste : « La tentative d’occupation de Djidjelli, écrit-il, eut des résultats plus lamentables encore. Après un débarquement difficile [...] les soldats, mal nourris, mal ravitaillés et minés par la fièvre, ne purent résister aux attaques des Turcs et des Kabyles. On dut rembarquer les troupes en laissant 1 400 cadavres et une centaine de canons à l’ennemi[13]. »

 

De la résistance algérienne, on ne souffle mot ; des véritables causes de la débâcle, on se soucie très peu ; sur la crise politique et morale qui éclata en France, on reste prudent ; le prix payé par le pays après l’aventure ? On préfère ne pas en parler !

 

Pour saisir toute l’importance des événements dont Jijel fut le théâtre, et pour comprendre les causes et les conséquences d’un acte aussi hostile, l’historien doit recourir aux documents d’archives. Par bonheur, ils sont suffisamment nombreux et divers pour fournir les détails ignorés des historiens. Grâce aux pièces officielles, aux mémoires inédits et aux lettres de soldats ou de captifs, la lumière peut se faire sur l’affaire de Jijel.

 

b) Pourquoi Jijel ?

 

Les menaces et les croisières précédentes[14] n’ayant rien donné, il fallait trouver les moyens d’en finir avec une Régence qui osait défier le Roi Soleil[15]. On décida une occupation permanente de quelque point sur le littoral algérien, puisqu’il n’était pas possible d’affronter directement Alger, ce qui exigeait « beaucoup d’hommes et de canons. »

 

Pour l’exécution du projet, Louis XIV désigna le Chevalier de Clerville, Commissaire général des fortifications et qui avait, d’autre part, des intérêts dans les affaires du Bastion de France, près de La Calle. Il fut chargé de reconnaître alors « un poste sur la côte d’Afrique favorable à un débarquement. » Dans un rapport adressé le 22 juin 1662 à Colbert, cet officier suggérait la ville de Stora[16]. Ce point du littoral remplissait, aux yeux de Clerville, les meilleures conditions. Par contre un Marseillais, Biaise Reimond Merignon qui vécut longtemps parmi les tribus de l’Est et noua des intelligences dans les villes côtières avait choisi Skikda.

 

« Sire, écrivait-il au Roi, au pays d’Afrique, il y a un port de mer où se peut dresser une fort grande armée navale et se pourra dresser une forteresse qui subjuguera les royaumes d’Alger et de Tunis, sis à proximité de Constantine, entre Bougie et Bône, à l’intersection des deux grandes principautés barbaresques[17]. »

 

Mais le conseil du Roi avait, lui aussi, ses options. On y trouvait les partisans de Bône et ceux de Bougie... On choisit Jijel[18], sur les recommandations du Duc de Beaufort qui venait d’être nommé Grand Amiral. Certes, le choix se justifia : « port assuré pour les galères et vaisseaux dans le pays le plus fertile du monde, un endroit tout bâti où il ne faut porter aucun matériel. »

 

Les organisateurs de l’expédition étaient persuadés que, s’agissant d’un littoral familier des négociants et marins de France (en 1632, plusieurs sujets du Roi étaient établis dans les villes côtières où on trouvait des civils, des militaires et des religieux), la ville tomberait sans grosse difficulté et deviendrait « un excellent port pour les bâtiments chargés de surveiller les corsaires et de leur faire une chasse continuelle. » On espérait ainsi « purger la mer de ses forbans. » On voulait « épouvanter ces Barbares plus dangereux que les Tatares. » On voyait déjà se créer l’Empire de la Méditerranée. On fit déjà de Jijel « un port de guerre, un port excellent, capable de contenir quinze vaisseaux, douze galères et tous les sandales du pays[19]. » Et l’imagination créa la tentation.

 

c) L’exécution du plan

 

Après de nombreux préparatifs minutieux à Toulon, où l’on réunit une armée et une flotte, des milliers de soldats prirent la mer[20] sous les ordres d’officiers prestigieux : le Duc de Beaufort, Duquesne, de Clerville, le Général Gardanne. Le chevalier Paul commandait les dizaines de vaisseaux, frégates et autres types de navires[21]. Malte dans cette croisade, avait dépêché sept navires. La participation de la marine s’élevait à 63 voiles.

 

Le 2 juillet, on quitta Toulon et, après une escale aux Baléares on passa devant Bougie pour arriver, le 22, devant Jijel. Les premiers accrochages furent brefs mais sanglants. Dès qu’elle jeta l’ancre devant la ville, la flotte fut accueillie par l’artillerie locale. Le lendemain, le débarquement s’opéra près d’une qubba (où s’élèvera plus tard, le Fort Duquesne). On arbora le drapeau de France et la croix sur le minaret de la mosquée, suprême injure qui devait faire rager les croyants. La progression des assaillants fut difficile. A pied, à cheval, les Algériens affluèrent vers la côte s’offrant à l’artillerie des galères ennemies. Puis on décrocha pour se réfugier dans la forêt et, malgré les dangers, on revenait chaque fois sur les lieux, harceler l’adversaire et se battre avec courage. Mais les moyens de défense faisaient défaut et on dut évacuer la ville dès le lendemain après un vif combat.

 

A terre, le Duc, imitant le Cardinal Ximenès entrant à Oran en 1509, monta se jeter contre la forteresse « tenant un crucifix à la main gauche et une épée nue de l’autre[22]. » Les troupes prirent position dans une petite plaine, entre la ville et les montagnes et s’y retranchèrent, car la résistance frappait chaque fois que les moyens le permettaient.

 

Le Duc, en parlementant avec quelques indigènes, tenta de leur faire croire « qu’il n’en voulait qu’aux corsaires d’Alger » que son intention, en s’emparant de Jijel, ne visait rien d’autre que « d’occuper une position fortifiée d’où il lui fut possible de surveiller leurs navires[23]. » Le même jour, les avant-postes ennemis furent attaqués par les Moujahidines qui « se jetèrent avec fureur sur les soldats qui bivouaquaient, surprirent quelques-uns d’entre eux et laissèrent aux autres à peine le temps de se rallier. » Dans le camp des croisés, on devint très prudent et on fit construire un petit fort avec des matériaux provenant du cimetière local, ce qui excita encore plus la détermination des Musulmans. Durant trente jours, escarmouches, razzias, batailles et embuscades éprouvaient les chrétiens. Les hommes du Duc ne pouvaient sortir de leur retranchement sans s’exposer à une mort certaine. Par petits groupes, cachés derrière les arbres, ou blottis derrière un rocher, les combattants scrutaient, sans relâche, les mouvements de l’adversaire.

 

d) Des réjouissances prématurées

 

On suivait en France avec attention le déroulement des opérations. Les nouvelles d’une victoire totale et fulgurante se répandirent avec une rapidité telle que, sans attendre confirmation, on se mit à fêter le succès ! Le Chevalier Paul, s’adressant au Roi, osa dire : « Grâce à Dieu, nous avons conduit la flotte de Votre Majesté composée de quatre-vingt-quatre voiles dans le port de Gigery, lequel port se pourra rendre fort bon avec la dépense. Je n’ai rien oublié, Sire, dans mon métier de la mer pour faire réussir tous les généreux desseins de Votre Majesté et ses armes ont été victorieuses dans la descente et partout, jusqu’à présent, ainsi que Votre Majesté le pourra apprendre par Son Altesse de Beaufort et de MM. les officiers généraux de terre[24]. »

 

Henri Pussort vantait l’action du Duc « comme le plus grand établissement que le Roi puisse faire pour être le maître du commerce[25]. »

 

Colbert, complimentant le Duc, se réjouit à son tour du « nouvel accroissement de gloire que l’heureux succès de l’entreprise de Gigery, conduite avec tant de prudence et de valeur, donne à vos autres actions [...] Toute la terre est suffisamment persuadée de votre courage dont vous avez donné de si éclatantes preuves [...] Il ne me reste qu’à vous rendre un million de grâces[26]. »

 

Croyant la victoire assurée, Louis XIV exprimait à son cousin « sa joie d’apprendre l’heureux succès de l’entreprise » et lui demandait « de pouvoir le maintenir, le fortifier et y faire un bon port. » Il envoya des messages au Grand Maître de Malte et Bailli d’Arménie, Général des Galères de la religion pour les remercier. Ce dernier reçut même une boîte « où le portrait du Roi enrichi de diamants » devait traduire la satisfaction du monarque[27]. »

 

A Marseille, une assemblée générale fut convoquée « pour examiner l’opportunité d’un présent de munitions et rafraîchissements à faire à l’armée navale [...] qui vient de prendre Gigeri[28]. » Trois jours après, cette même assemblée décidait « l’envoi d’un présent en victuailles et munitions de guerre à l’escadre du Duc de Beaufort qui a châtié les corsaires de Barbarie si redoutables pour le commerce[29]. »

 

Après les festivités, les projets s’élaboraient et les directives se multipliaient. Le Baron d’Oppede vint présider en personne dans la cité phocéenne, une assemblée extraordinaire de la Chambre de Commerce. Y avaient assisté de nombreux négociants « pour prendre connaissance des volontés du Roi. » Parmi celles-ci : « Sa Majesté ayant toujours à cœur de bonifier le commerce... veut établir un juge consul au lieu de Gigery, en Afrique, qu’il a nouvellement soumis à sa domination pour donner lieu à tous les commerçants de pouvoir y établir un commerce avec toute assurance faisant pour cet effet, fortifier cette place avec toute sorte de diligence pour l’entière sûreté du dit commerce[30]. »

 

L’envoi de renfort fut vite décidé. Trois vaisseaux et quatre barques quittèrent Toulon dès le 27 août « pour porter des vivres à l’armée du Roi et quantité d’autres choses utiles et nécessaires à la conservation des troupes et du poste qu’elle occupe pour attendre, sans inquiétude, l’arrivée du deuxième convoi que nous préparons[31]. » Dans ce convoi voyageait le sieur Louis de Léon, nommé par l’Assemblée pour exercer la charge précitée[32].

 

Avec les provisions, arrivaient également les marques de satisfaction du Roi et ses encouragements. Le corps des officiers « qui contribueront à soutenir le poste de Gigery et y donneront leurs soins et leur temps, sans aucune impatience ni chagrin, seront estimés et considérés en toute rencontre de Sa Majesté, comme lui ayant rendu le service le plus important et le plus agréable. » Puis, les directives du Roi devinrent plus précises : « Empêcher ceux d’Alger à songer d’y envoyer des forces pour cela [...] ôter tous moyens aux pirates du dit Alger de se dégarnir de leurs forces en les obligeant continuellement à penser plutôt à leur propre conservation [...] Le Duc, avec son armée, doit inspirer la crainte [...] faire croiser les vaisseaux devant Alger [...] faire en sorte qu’ils reconnaissent que c’est eux (les Algériens) qui ont besoin de l’accommodement et à qui il sera, incomparablement, plus utile qu’à nous[33]. »

 

Cependant, la situation se dégradait rapidement à Jijel et le Roi, ses ministres, les commissaires de la Marine multipliaient les directives vainement. Alors que la déroute approchait, on ordonnait de « continuer la guerre aux corsaires d’Afrique... de croiser les mers d’Alger, de se faire voir avec ses vaisseaux le plus souvent, et de plus près qu’il pourra de ladite ville pour leur donner de la jalousie, leur faire imprimer de la crainte par quelques actions hardies et vigoureuses, comme de brûler leurs vaisseaux en rade ou dans le port, s’il en trouve l’occasion. » Pour épater l’Europe, le Roi cherchait une action d’éclat « qui puisse donner de la réputation à ses armes. » Bien mieux, il voulait terroriser les dirigeants d’ici, par des exigences exorbitantes. Devant Alger, prescrivait-il, se garder de leur faire des ouvertures de paix, exiger d’eux la restitution de tous les vaisseaux et de tous les Français. Si les corsaires offrent la remise du Bastion de France, à condition que les armes du roi abandonneront le poste du Gigeri, il faudra rejeter bien loin cette proposition et la traiter même de mépris et de moquerie « au contraire, il faudra leur faire tout le mal qu’il pourra[34]. »

 

Considérant le projet victorieusement réalisé, et la situation militaire très favorable, Versailles demandait déjà si on pouvait faire sur les lieux, des machines pour nettoyer le port de Jijel... sinon on en enverrait de Provence ou d’ailleurs.

 

 

e) Cha’bân Agha sur les lieux

 

Après avoir réuni une armée, le chef de la Régence marcha, en personne, sur l’ennemi. Il y arriva début octobre[35]. Dès le 5, Cha’bâne occupa les hauteurs et installa une puissante artillerie qui allait faire ses preuves. Les travaux de siège débutèrent immédiatement.

 

Le fort de l’Ouest, battu en brèche avec des pièces de 48 et de 36, résista à peine trois heures. D’après une relation manuscrite, l’âpreté des combats fut inouïe : « Les Turcs attaquèrent vigoureusement en concentrant tous les efforts sur le fortin de l’Ouest. Repoussés plusieurs fois, ils revenaient avec obstination, capables de tout [...] L’épée à la main et avec des échelles, avancèrent les premiers, soutenus de cinq cents mousquetaires et il y eut une échelle de posée sur laquelle on pouvait monter trois de front. Un Turc, l’euscarienne à la main, y monta et voulut sauter dans la tour, mais le lieutenant qui était dedans lui allongea un coup de pertuisane et le manqua. Il redoubla et fit de même que la première fois... le feu des ennemis fut fort grand, il dura d’une même force jusqu’au jour... Une petite heure après le commencement de l’attaque, Cadillan[36] fut tué d’un coup de mousquet [...] et le reste des hommes était fort las[37]. »

 

Les croisés avaient tenté, sans succès, une parade avec une batterie de quatre canons qui, en quelques instants, fut démontée. Une seconde redoute qui protégeait le camp, fut emportée à son tour, en moins de deux heures.

 

La situation était désespérée pour les Français quand le Marquis de Martel arriva avec d’appréciables renforts : un millier d’hommes, des munitions et des provisions [...] Un ordre du Roi confiait le commandement des opérations au Général Gardagne et prescrivait au Duc de Beaufort « de continuer avec ses vaisseaux de combat, la chasse aux corsaires barbaresques » et ce dernier mit aussitôt à la voile !

 

Sans se laisser impressionner par ce deuxième débarquement, les artilleurs algériens tournèrent leur feu contre le camp lui-même. La position de l’ennemi devint alors des plus difficiles. Pourtant de Clerville avait bien dit à ses hommes que « les seules lavandières de l’armée suffiraient pour défendre les deux redoutes. » Devant une pluie de projectiles et un feu aussi meurtrier, les soldats de Sa Majesté « ne parlaient plus que de se rendre aux Turcs. »

 

En France cependant, les stratèges imaginaient l’inimaginable. Le 1er novembre, alors que les jours de la défaite étaient comptés, un marin, le sieur Trubert proposait à Colbert le plan suivant : « Pour accabler la ville d’Alger [...] la faire bombarder par une force navale de galères et de barques, spécialement aménagées [...]. Alger est une ville bâtie sur le bord de la mer, en forme d’amphithéâtre, les maisons sont percées par en haut, au milieu des terrasses en sorte qu’étant fort pressées et les rues fort étroites, l’on ne tirerait pas une bombe qui ne portât et peut être même que quelques-unes seraient conduites assez heureusement sur les vaisseaux pour en faire périr une partie [...]. Galères et barques accompagnées de quelques bâtiments de lignes iraient s’embosser à distance de mousquet de terre, et de là, vomiraient sur la ville et le port, leur approvisionnement de deux ou trois mille bombes [...] Le bombardement d’Alger durerait six heures, pour le moins, et causerait un si terrible fracas qu’assurément, les habitants qui n’y pourraient demeurer en sûreté, obligeraient ceux qui les gouvernent de rendre tous les pauvres Français qui gémissent sous la pesanteur que ces infidèles leurs donnent[38]. »

 

Avec une Régence irréductible, on espérait conclure par la terreur, un traité « qui rendrait durable la peur éprouvée par les Algériens et la conservation, par le Roi, de quelques postes en Afrique. » On voulait aussi, par une telle diversion, abréger les combats engagés à Jijel.

 

Mais ce qu’ignorait Trubert, en remettant son plan au Ministre, c’est que l’expédition était finie... depuis la veille.

 

f) La débâcle générale

 

L’enfer de Jijel ne pouvait plus durer pour le corps expéditionnaire. La retraite commença dans un désordre indescriptible et dans une peur « aussi honteuse qu’une fuite » au dire du commandant en chef lui-même.

 

On embarqua les blessés qui étaient plus de mille (on se battait à l’arme blanche autour des dernières chaloupes). On laissa, sur le terrain, de nombreux tués. Garrot nous dit deux mille[39]. D’Ormesson consigna, dans son journal, le 19 novembre 1664 « qu’il avait péri quatre-cents hommes qu’on laissa pour garder le camp tandis que les troupes s’embarquaient, lesquelles virent ces pauvres malheureux se jeter à la mer plutôt que de tomber vivants ès mains des Maures[40]. »

 

Parmi les tués, on déplora le chevalier Trouchet du régiment de Picardie, perte qui fit dire plus tard à un poétereau :

 

D’un mousquet le boulet barbare,

Nous enleva cet homme rare,

Mais après un si triste sort,

On vengea hautement sa mort !

 

On abandonna, sur le champ de bataille, un matériel de guerre aussi riche que varié : canons, mortiers, fusils, vivres...[41]. »

 

Les malheurs du corps expéditionnaire n’étaient pas finis. Un pénible drame le guettait. Le vaisseau « La Lune, » un des plus gros navires de la marine française, rapatriait deux mille hommes, quand il sombra au large des îles Hyères et très peu de soldats échappèrent au naufrage.

 

g) Alger en liesse

 

L’arrivée des prisonniers et du butin de guerre électrisa les foules. La joie se lisait sur tous les visages. Grâce à un captif français détenu à Alger depuis quelques années, le Sieur Le Grain, nous pouvons suivre ces moments d’intense émotion. Une de ses lettres nous livre maints détails : « Jetant la vue à la mer, j’aperçus les galères qui revenaient chargées de quatre-vingt Français [...] et de quatorze pièces de canon et de beaucoup de butin parmi lesquels il y avait aussi un lieutenant du régiment des royaux [...] et aussi le fils de Briconnet (?) [...] et aujourd’hui, arrivèrent encore trois navires avec autant de monde qu’en avait apporté les galères et tous les canons [...] trente-deux pièces de fonte et seize de fer mais aussi excellents que ceux de fonte et quantités de pierriers et une multitude infinie de batteries et grenades, deux grands magasins de farine et plus de huit cents (?) de vin que le Général des Turcs fit tout perdre et rompre... »

 

Ce captif qui « éprouvait la honte et de la confusion » précise que l’armée algérienne, envoyée à Jijel, comprenait deux-mille-cinq-cents hommes, trois canons de 44 à 48 livres de balles... « Ils ont fait fuir, dit-il, quatre-mille hommes et ramener deux-cent-soixante[42]. »

 

Le consul de France à Alger, Dubourdieu, alla rejoindre au bagne de la capitale, le monde de Jijel. Notre captif, auteur de la lettre, se sentait encore plus malheureux et bien chagriné d’entendre les Algérois lui lancer « Guarda Jijel ! » et « à Jijel, on coupe les têtes avec la faucille[43]. » Les prisonniers espagnols n’épargnaient point leurs compagnons français par des moqueries et « des choses horribles et vilaines du Roi et de toute la nation. »

 

h) En France : les retombées de la défaite

 

La nouvelle de l’échec militaire eut, en France, l’effet d’une secousse catastrophique. La presse « eut ordre de faire silence[44]. » Le coupable avéré fut vite trouvé : c’était la peste qui avait contraint le corps français de quitter les côtes d’Afrique.

 

Cependant, malgré les dispositions prises, le désastre eut un grand retentissement dans toute la chrétienté. Un grand roi est battu ! Le monarque qui espérait ajouter une victoire africaine aux dizaines de succès remportés en Europe fut « très touché d’une sensible douleur. » Son déplaisir fut aggravé en apprenant l’abandon de toute l’artillerie et la capture de près de trois-cents de ses soldats par les Algériens, « c’est de quoi l’on ne peut pas se consoler aisément. » Il voulut s’informer sur les véritables motifs d’une retraite effectuée sans ses ordres. Il chargea M.de Champigny « d’entendre, à Hyères, les officiers et les parties subalternes car il y eut faute et précipitation et on venait de recevoir à Gigeri, un renfort considérable qui devait être suivi par d’autres[45]. »

 

Mais la question qui se posait à la Cour était comment laver l’affront, comment remporter un succès « pour effacer la honte dont la disgrâce de l’expédition avait terni le Lys de France[46]. » Bien pire encore, les Barbaresques n’étaient pas anéantis et la déroute de Jijel n’allait-elle pas leur donner plus de vigueur et plus d’assurance ? Devant une situation peu supportable, le Roi ordonna à M.de la Guette[47] d’envoyer des vaisseaux devant les côtes algériennes « après ce qui vient d’arriver à Gigeri. » Sentant son prestige personnel et celui de son armée fortement entamés en Europe, il ne pensait qu’à la revanche qui lui rapporterait une satisfaction. Aussi, ordonna-t-il, de "mettre encore quelques vaisseaux à la mer pour rabattre l’orgueil que les Barbaresques peuvent concevoir de ce petit succès et leur faire connaître qu’il n’empêche pas que je leur continue encore plus fortement la guerre que j’ai entreprise contre eux[48]. »

 

A.M.de Martel, il fut donné d’aller vite faire la guerre aux Turcs. « Il sera bon que vous-même preniez soin que les capitaines qui restent de votre escadre ne perdent pas un moment pour remettre leur équipage en bon état et qu’ensuite, après avoir pris des rendez-vous et concerté toutes choses avec le Duc de Beaufort, vous vous mettiez le premier à la voile et d’abattre autant qu’il vous sera possible et d’apaiser un peu d’orgueil que les Turcs ne manquent pas d’avoir de l’abandonnement que nous avons fait de Gigeri[49]. »

 

i) A la recherche du responsable

 

Comme après chaque bataille perdue, on s’efforça, à la Cour, de faire sortir les causes de la défaite. Elles furent nombreuses : rivalités entre capitaines d’infanterie et capitaines des galères[50], troupes dans le dénuement complet, manque de vivres, de bois et d’eau potable, pénurie de munitions [...] Responsabilité de Clerville qui « espérait obtenir la concession des comptoirs de Stora et de Collo[51]. » Faiblesse des effectifs. Les spécialistes avaient, chacun sa version et son analyse. On a été jusqu’à invoquer, en novembre, les menaces de l’hiver.

 

On s’en prit au choix de Jijel à qui on trouva depuis, plusieurs inconvénients : rade mauvaise et communications avec l’intérieur très difficiles[52]. II y avait d’autres endroits infiniment meilleurs que Jijel... Bône aurait dû intéresser les chefs militaires... la victoire aurait été assurée et durablement.

 

Pendant que les critiques se déchaînaient et les accusations s’échangeaient, parfois violemment, un point faisait l’unanimité : le silence sur la combativité des Algériens. Les rapports officiels l’ignorèrent complètement. Heureusement, les notes de quelques témoins nous révèlent ce que furent l’effort et le sacrifice du combattant musulman.

 

« Plusieurs d’entre eux, dit le manuscrit utilisé par Féraud, étaient nus comme la main, d’autres avaient une houppelande blanche qui les couvrait depuis le haut de la tête jusqu’à à la moitié des jambes. Quelques-uns étaient armés de grands sabres mais la plupart n’avaient que des sagaies moins grandes qu’une demi-pique d’un bois fort lourd. Leurs cavaliers, habillés comme des fantassins, avaient un morceau d’étoffe au bas de leurs jambes, pour tenir leurs éperons longs d’un demi-pied. Leurs selles ressemblaient à des bâts et leurs brides n’étaient que de méchants filets. Tous leurs chevaux étaient petits et [...] néanmoins ces gens poussaient du haut d’une montagne en bas, à toute bride[53]. »

 

Les points de vue continuaient de diverger sur les causes du revers. Quinze ans après les événements de Jijel, le sieur Dancour croyait avoir trouvé la vraie faute des stratèges. Il aurait voulu qu’on débarquât sur l’île de la Galite parce que c’est une île déserte, d’environ une lieue de long sur une demi-lieue de large [...] ayant un bon port au midi, capable de contenir une armée navale qui peut y mouiller depuis trente brasses jusqu’à six forts près de terre, sans danger... »

 

Comme le souci majeur du moment était d’abattre par tous les moyens la puissance d’Alger, Dancour, pour emporter l’adhésion des responsables, pensait détenir le remède miracle : « Il n’y a point de lieu, écrit-il, dans toute la Méditerranée d’où l’on puisse incommoder la Barbarie et surtout Alger et Tunis [...] que cette île où on peut bâtir un fort avec la chaux et les pierres qu’on trouverait sur les lieux pour défendre le port, et je me suis étonné, comme tout le reste du monde, pourquoi au lieu d’aller à Gigery, on ne s’appliqua pas à bâtir un fort en cette île éloignée seulement de quatre lieues de terre ferme, où les troupes du roi, les canons et les munitions auraient resté en sûreté, en sorte qu’en détachant des vaisseaux et des galères de ce port, on aurait réduit ces barbares à demander la paix la corde au cou[54]. »

 

j) L’après-Jijel

 

La guerre n’ayant rien réglé, il fallait recourir à la négociation pour trouver une solution au problème des prisonniers français capturés à Jijel. Le roi tenait à effacer les séquelles de son aventure africaine !

 

Colbert confia la délicate tâche à Trubert. Ce négociateur avait l’expérience des affaires algériennes. On mit à sa disposition l’argent de la rançon. On répondit, également, aux exigences de la Régence concernant les Français servant dans la marine étrangère. Dans peu, écrit Colbert à son plénipotentiaire, il sera expédié une déclaration du roi pour rappeler tous les matelots français employés au service des princes étrangers. Et l’on évitera, autant qu’il se pourra, qu’aucun sujet de Sa Majesté ne s’embarque sur des vaisseaux de nations avec lesquelles ceux d’Alger sont en guerre, qui cependant exécuteront, je m’assure de bonne foi, le traité[55]. »

 

Le traité fut signé à Alger le 17 mai 1666, après d’interminables tractations. Il ne fut rien d’autre, de la part du Roi, qu’une reconnaissance de la puissance algérienne. S’il stipulait des franchises antérieures, il laissait les mains libres à la Régence[56]. »

 

La tentative contre Jijel fut un test. Malgré les guerres, les crises, les graves incidents en mer, les gouvernements de la France n’opteront plus, jusqu’à 1830, pour une occupation permanente d’une portion de ce territoire.



[1] Les premiers armements de la France contre Alger eurent lieu en 1617 sous le règne de Louis XIII. On se vantait, à l’époque, de pouvoir réussir à soumettre les corsaires de la Régence Cependant malgré de considérables préparatifs, l’amiral Beaulieu. qui commandait l’expédition, se borna ci la destruction de 3 ou 4 bâtiments d’Alger. De leur côté, les Algériens se vengèrent amplement de cette attaque en frappant durement les côtes de France. Voir Perrot. Esquisse... p. 75.

[2] Trois traités avaient été conclus avant 1637 :

-               Le 21 mars 1619 (Paix et Commerce) signé à Marseille au nom du roi par le Duc de Guise. Gouverneur et Lieutenant Général pour le roi et Queynan Agita et Rozan Bey députés du très illustre Bacha et Vice-Roi, Divvân et milice d’Alger

- Le 19 septembre 1628 (Paix et Commerce) signé à Alger

- Le 23 septembre de la même aimée (Concession d’Afrique).

[3] Berbrugger. R.A. 1866. pp. 338-339.

[4] Rappelons qu’en 1658, le gouverneur du Bastion, Thomas Piquet criblé de dettes, crût ingénieux de quitter la côte algérienne sans payer de tribut au gouvernement de la Régence. Mieux encore, il enleva des autochtones de La Calle et alla les vendre à Malte. Le Dey se vengea et Louis XIV ordonna le blocus d’Alger. Cette mission sera confiée au Chevalier Paul. (Masson, Histoire du Commerce. p. 114).

[5] Histoire de la Marine Française, V, 252.

[6] Ibid, p. 257.

[7] A.N.Aff.Etr. B III 305.

[8] L’affaire de Jijel

a) Documents d’archives : Ordres royaux, rapports, lettres, mémoires, délibérations etc... Voir notes citées plus bas.

b) Récits de l’époque, chroniques. Turbet-Delof, Bibliographie Critique, pp. 170-172.

c) Ecrits du XIXème siècle:

- La Primaudaie (E. de), Le Commerce et la Navigation de l’Algérie avant la Conquête, pp. 114-123.

- Feraud (Ch), Histoire de Gigeli, pp. 129-169.

- Watbled, « L’expédition du Duc de Beaufort contre Djidjelli, » R.A.. 1873, pp. 215-231 - La Roncière, Histoire de la Marine Française, V, pp. 257-261.

d) Ecrits du XXème siècle :

- Retout, Histoire de Djidjelli, Paris. 1927.

- Turbet-Delof (G), « A propos de trois impressions bordelaises. L’affaire de Djidjelli (1664) dans la presse française du Temps, » Bull. Soc. des Biblioph. de Guyene, n° 88/1968. pp. 150-165.

[9] Dapper, L’Afrique. p. 186 ; Pechot, Histoire de l’Afrique du Nord, III. pp. 87-88 (Le traditionnel résumé) ; Garrot, Histoire Générale de l’Algérie, pp. 495-497 ; Perrot. Esquisse... pp. 176.

Sans citer la guerre de Jijel, Martin (La vie et la Condition des Esclaves Chrétiens dans la Régence d’Alger), va jusqu’à dire « qu’en 1663 et 1665, le Duc de Beaufort infligea à la flotte algérienne une si grave défaite qu’elle périt presque toute entièrement, » p. 47.

[10] Alger pendant Cent Ans, p. 156

[11] Loir (M), La Marine Française, Paris, 1893, p. 65.

[12] Galibert, L’Algérie... p. 226.

[13] Julien (Ch. A), Histoire de l’Afrique du Nord, II, p. 286.

[14] Il faut rappeler que :

En août 1660, le Commandeur Paul, après un dernier échec devant Tripoli, tenta d’incendier le port d’Alger. (La Roncière, Histoire..., V, 252).

En 1661 : Croisières très actives, le long des côtes maghrébines ;

En 1663 : échec d'un débarquement à Collo, et d’un coup de main contre le port d’Alger.

[15] Louis XIV laissait dire qu’il voulait venger la défaite subie en 1541 devant Alger par Charles Quint.

Il se posait en champion de la Chrétienté et pensait satisfaire l’Eglise, en découdre avec l’Infidèle, flatter l’opinion toujours à la recherche de gloire et enfin renforcer les positions du négoce français en Méditerranée (Grammont, Histoire, p. 213 : Garrot, Histoire, p. 495)

[16] Stora était connue des Européens, dès le Moyen-Age. Les premiers portulans en faisaient mention sous le nom d’Oustoura. Le port figure sur toutes les anciennes cartes nautiques avec la même appellation.

Le port était doté d’entrepôts bien approvisionnés. Les Génois au XVIème siècle y étaient très actifs et y faisaient de bonnes affaires. Avec les concessions, les Français les supplantèrent. Le bon mouillage faisait qu’il était connu des marchands.

Le géographe arabe, al-Idrîsî (XIème siècle) mentionne « Marsa as-Stûra » mais au XVIIIème siècle, on confondait encore Stora et Skikda.

[17] La Roncière, op. cit., IV, 408.; Grammont, Histoire d’Alger, p. 214.

[18] Jijel fut attaqué dès 1442 par les Normands de Sicile. Au XVème siècle, le port fut occupé par les Pisans puis par les Génois avant d’être chassés, vers 1512, par les frères Barberousse.

 

[19] Feraud, op. cit., p. 130.

قال الأدريسي :" و مدينة جيجل أيضا مسيان، مرسى منهما في جنة جوبها و هو مرسى وعر الدخول إليه صربب لا يدخل  إلا بدليل حادق و أما مرساها شمال - و يسمي مرسى الشعراء -فهو سكان الحركة كالحوض حسن الإرساء به لكنه لايحتمل الكثير من المراكب لصغره و هو رمل. "

OPVS Géographicum Fas. tertiers, pp. 268-269.

[20] Cinq mille hommes de troupes régulières, un bataillon de Malte avec cent vingt chevaliers, deux cents volontaires et deux cent cinquante valets.

[21] On choisit Paul, nous dit-on, parce qu'il était marin très redouté de ceux d'Alger (La Primaudaie, Commerce, p. 115)

[22] La Roncière, op. cit., IV, 259.

[23] Un délégué présent à l’entrevue lui répondit : « Nous sommes à moitié nus, à peine avons-nous de quoi manger, mais tous aimons la guerre. Nous y sommes habitués et quoi qu’on vous dise, vous n’obtiendrez jamais la paix [...] Partez donc. » (Feraud, op. cit., p. 137)

[24] A.N.Aff.Etr. Mémoires et Documents, t. 10, Lettre au Roi, 29 juillet.

[25] Turbet-Delof, « L’Affaire de Djidjelli », p. 9 (tiré à part) Signe d’un prurit collectif : La Gazette de France n° 103 du 28 août avait consacré 16 pages « au glorieux exploit, » le n° 136 du 14 novembre parlait encore de la défaite des Maures devant Gigery.

[26] A.N.Marine, B 7/49, p. 205, Lettre du 31 août.

[27] Ibid.

[28] A.C.C.M. Série Bf 419(9 août).

[29] A.C.C.M. Série B f° 421 (11 août).

[30] A.C.C.M. Série B f° 427 et 428 (11 septembre).

[31] A.N.Marine B7/49, p. 206, Lettre du sieur de La Guette, 14 septembre.

[32] Si « le consul » fit bien le voyage à Jijel, ce fut pour constater, à son arrivée, l’échec de l’entreprise.

[33] A.N.Marine B7/49, p. 180, Mémoire au Roi, 31 août.

[34] Ibid.

[35] Pour comprendre le retard mis avant de réagir, il faut rappeler que de 1659 à 1672, le pouvoir central était encore entre les mains, non des Pachas envoyés par la Porte, mais de chefs militaires, les Aghas. Cette courte période fut celle de la violence et de l’anarchie. Les désordres avaient, en effet, paralysé l’action du gouvernement. (Grammont, Histoire..., pp. 207-208 ; Garrot, Histoire, pp. 493-495)

[36] Capitaine du Régiment de Normandie.

[37] Féraud, op, cit, p ; 141, d’après une relation manuscrite de la Bibliothèque Impériale.

[38] A N.Marine B4/2, Mémoire de Trubert à Colbert, 1er novembre 1664. Egalement S.I.H.M., série Dynastie Sa’adienne- France, t. 1, p. 89.

[39] Garrot, Histoire, p. 496.

[40] Même détail dans Dapper, Description de l’Afrique (1686), p. 186.

[41] R.A., 1886, p. 468, Documents Algériens, Lettre n° 38, p. 468.

 

[42] A.N.Marine B7/49, pp. 232-233, Lettre de Legrain, 10 octobre 1664.

[43] جبجل قطع الرأس بالمنجل.

[44] La Roncière, op. cit., I, 259.

[45] A.N.Marine B7/pp. 232-233, Lettre du 16 novembre 1664.

[46] Turbet-Delof, Bibliographie Critique, p. 175.

D’après une lettre de Beaufort à Colbert, 12 mars 1665, « Les habitants de Tunis n’avaient dans la bouche que des paroles de moqueries pour la France depuis l’affaire de Gigelly » (Plantet, Correspondance des Beys de Tunis, 1,176).

[47] Testard de La Guette, Intendant de la Marine du Levant.

[48] A.N.Marine B7/49, p. 230, Lettre du 23 novembre.

[49] Ibid. p. 232.

[50] A.N.Marine B7/49, Lettre de Clerville adressée au camp de Gigery, le 12 juillet.

[51] Grammont, Histoire... pp. 213-216.

Dans les documents d’archives, on rencontre très peu d’indications sur la riposte algérienne. Une des rares notes parle des combats et signale que « les Marnes ont attaqué la redoute la plus avancée du poste de Gigery et qu’ils furent repoussés avec pertes des deux côtés » (A.N.Aff.Etr. B I - 115, Lettre du 12 septembre).

[52] Nicolas (L), La puissance navale dans l’Histoire, I, (Moyen-Age à 1815), Paris 1958, p. 150.

[53] Féraud, op. cit. pp. 137-138.

[54] Vittu, Documents sur la Barbarie, 1680-1681, C.T, 1977, p. 310.

[55] A.N.Aff.Etr., B I - 115, Document 69, Lettre du 12 novembre.

Un ordre du Roi stipulait en 1666 que, les matelots ses sujets, pris sur des vaisseaux étrangers par des Algériens ne seront pas rachetés des deniers de son épargne. (Marine B7/49. p. 274).

Trubert ramena, en France, 323 captifs. Il n’en restait plus que cent à Alger, ainsi que les 125 Dunkerquois qui servaient, avant d’être pris, sur des navires espagnols.

Le Roi donna priorité aux captifs de Jijel afin d’effacer le douloureux souvenir de sa défaite. Il ne voulait laisser, en captivité, aucun officier ou soldat pris en 1664.

[56] Garrot, sans citer de sources, affirme que les Anglais « jaloux des avantages consentis aux Français, de par le Traité de mai 1666, avaient été jusqu’à offrir 30 vaisseaux aux Algériens à la condition que le Diwân maintienne l’état de guerre avec la France, » mais le parti de la paix l’emporta...(Histoire. p. 497)