L’ère  des Omeyyades

Le faucon des Qouraysh 

Le calife abbasside Abou Ja’far al-Mansour demanda un jour à ses compagnons :

- « Qui est le faucon des Qouraysh ? » Ils dirent :

- « L’émir des croyants ! » (Voulant dire lui-même Abou Ja’far al-Mansour)

- « Celui qui voulut la royauté, fit taire les tremblements de terre (étouffa les révoltes) et mit fin aux rivalités ». Il répondit :

- « Ce n’est pas la bonne réponse ! » Ils demandèrent :

- « Mou’awiyyah ? »

- « Non même pas celui-là ! »

- « ‘Abdel Malik Ibn Marwan ? »

- « Non ! »

- « Alors qui est-il, émir des croyants, » demandèrent-ils ? Il répondit :

- « ‘AbderRahmane Ibn Mou’awiyyah, celui qui, grâce à sa ruse, échappa aux pointes des lances et aux lames des épées, qui après avoir erré en solitaire dans les déserts d’Asie et d’Afrique eut l’audace de chercher fortune sans armée, dans des terres qui lui étaient inconnues au-delà de la mer. N’ayant rien sur qui compter excepté son intelligence et sa persévérance. Malgré cela, Il humilia ses fiers ennemis, extermina les rebelles, organisa les villes, mobilisa les armées, sécurisa ses frontières, fonda un grand empire et réunit sous son sceptre un royaume qui semblait déjà parcellé entre ses chefs insignifiants. Nul homme avant lui n’a accompli seul de telles actions. ‘AbderRahmane fit tout cela seul, avec le soutien de nul autre que son propre jugement, ne dépendant de rien d’autre que de sa propre résolution. Puis par la force de sa volonté, rebâtit une royauté après en avoir été chassé ! »

 

Un homme expulsé, aux abois, sa tête mise à prix, recherché dans tout l’empire islamique, seul sans armée construisit une royauté qui contrôla l’Andalousie dans sa totalité. Il déjoua vingt-cinq révoltes sous son règne. Quelle puissante volonté animait ‘AbderRahmane Ibn Mou’awiyyah !

Ibn Hayyan, l’historien renommé dit de lui : « L’Imam ‘AbderRahmane ad-Dakhil était d’une intelligence redoutable, indulgent, très instruit, une énorme volonté, nulle armée se leva contre lui sans qu’il l’anéantit et nul pays ne put lui résister. Brave et courageux, toujours premier et présent, sans ambition pour ce monde, vivant sobrement et ne chargeait d’ordre que lui-même. Très hospitalier, fantastique politicien, toujours habillé en blanc même son turban, visitait toujours les malades, présent aux funérailles, guidait les gens dans la prière les jours de vendredi et de fêtes et orateur de sermons ces mêmes jours. Il enrôla les soldats, désigna les étendards et son armée s’éleva à 100.000 cavaliers ».

 

Par sa volonté, il bâtit un puissant état Omeyyade en Andalousie après la chute de celui-ci de l’est. Il y a une excellente leçon à suivre à travers l’histoire de cet homme qui partit de rien, bâtit une forte nation. Lorsque la foi et le puissant désir d’accomplissement se trouve chez un homme rien ne peut l’arrêter et même si sa foi n’est pas au summum, son inébranlable volonté fera de lui un homme victorieux.

De même si un homme s’accroche au Seigneur, la victoire viendra de Lui. Aujourd’hui, les savants disent que si les gens s’accrochent fermement à l’Islam alors la victoire sera pour eux mais s’ils abandonnent l’Islam, la victoire reviendra au plus fort car le Seigneur laisse les gens à leurs propres affaires, c’est donc pourquoi le plus fort gagnera.

 

‘AbderRahmane prit appui sur son Seigneur et armé de sa puissante volonté, il donna tout ce qu’il avait en lui et il fut vainqueur.

Aujourd'hui, nous avons laissé tomber les deux. Notre foi et la volonté pour la faiblesse. Le remède est donc de relever notre foi, notre volonté et notre sacrifice. Nous devons abandonner le défaitisme psychologique, la soumission à nos ennemis peu importe le seuil qu’atteint notre faiblesse. Nous devons avoir la volonté de réussir, même si nous ne verrons pas les fruits de nos efforts, le courage, la bravoure, l’honneur et le désir intense de sacrifice. Un sacrifice qui bénéficiera aux générations futures comme nous avons bénéficié du sacrifice de nos ancêtres.

Et quels beaux exemples à travers l’histoire de ‘Abderrahmane ad-Dakhil.

 

‘AbderRahmane Ibn Mou’awiyyah Ibn Hisham Ibn ‘Abdel Malik surnommé ‘AbderRahmane ad-Dakhil 

‘AbderRahmane ad-Dakhil alias ‘AbderRahmane Ibn Mou’awiyyah Ibn Hisham Ibn ‘Abdel Malik naquit en Syrie en l’an 113 de l’Hégire (731) ou il grandit, fut élevé et reçut une éducation adéquate dans une maison de gouvernant.

Il apprit à monter les chevaux et les arts de la guerre. Il reçut une éducation purement arabo-islamique basée sur la loyauté, la bravoure, l’honneur la langue arabe et la poésie. Il devint lui-même un poète lorsque plus tard, il devint calife.

Un jour, alors qu’il était calife d’Andalousie, ayant vu une caravane prendre la direction de la Syrie, il se rappela sa terre natale, sa vie et sa famille en Syrie et dit alors : « O chamelier qui te dirige vers ma terre, donne mon salut à une partie de moi, comme tu vois mon corps est dans un pays différent de celui de mon cœur, la séparation fut décrétée entre nous et peut être nous nous reverrons de nouveau ».

Puis une autre fois voyant un palmier dans la cour de son château de Rassaffah (rappelons qu’en Andalousie il n’y avait pas de palmiers et que c’est lui qui ordonné l’importation et l’implantation), il dit : « Au milieu du château, un palmier éloigné de son pays natal dans un pays sans palmier. Comme moi éloigné de ma famille et de mes proches, tu pousses dans un pays qui t’es étranger ».

L’amour de son pays est naturel et n’a rien à voir avec la religion et l’Islam. Même à l’époque du Prophète (Saluts et Bénédictions d'Allah sur lui), les Compagnons (sahaba) (qu’Allah soit satisfait d’eux) faisaient des poésies lorsqu’il se rappelait le lieu de leur naissance et où ils avaient vécu. Bien sûr cela ne doit pas pousser à un amour excessif plus fort que celui que l’on porte au Seigneur de l’Univers. Un amour normal voué à sa famille, ses proches et sa terre fait partie des qualités fines de l’Islam.

 

Le meurtre d’al-Walid Ibn Yazid 

Al-Walid Ibn Yazid était un homme essentiellement préoccupé par ses désirs : la chasse, la musique, les servantes ce qui poussa les historiens à dire : « Le règne d’al-Walid fut le début de la chute des Omeyyades. C'est lui qui perdit la gloire de ces ancêtres ».

Al-Walid Ibn Yazid était le calife de tous les Musulmans de l’est à l’ouest. C’est à son époque que les Abbassides s’activèrent sous la directive d’Abou Mouslim al-Khorassani qui prépara la prise du pouvoir pour les Abbassides. Les Abbassides le reconnaissent unanimement comme celui qui les aida à pénétrer les terres d’Islam et à prendre la direction des Musulmans.

Abou Mouslim al-Khorassani commença à réunir tous les partisans des Abbassides au Khorasan. Nasr Ibn Sayyar le gouverneur (wali) du Khorasan informa al-Walid Ibn Yazid du grave danger qu’il représentait et demanda de l’aide. Mais al-Walid plongé dans ses béatitudes ne tint pas compte de l’avertissement.

Les Omeyyades ne se rendirent pleinement compte du danger qu’en l’an 125 de l’Hégire (742) lorsque Yazid Ibn ‘Abdel Malik se révolta et tua al-Walid Ibn Yazid. Suite à cela la division secoua les Omeyyades et leurs ennemis en profitèrent.

Souleyman Ibn Hisham s’enfuit et se réfugia à ‘Amman de même que Marwan Ibn ‘Abdillah Ibn ‘Abdel Malik à Homs (hims). Marwan Ibn Muhammad s’enfuit également  en Arménie et chacun d’entre eux appelèrent à la vengeance du meurtre d’al-Walid et la capture de son meurtrier. Yazid, le meurtrier du calife mourut six mois après.

 

Le dernier calife omeyyade Marwan Ibn Muhammad 

Entre temps Marwan Ibn Muhammad à la tête de son armée se dirigea sur Damas (dimashq). Mais apprenant la mort de Yazid et les Musulmans sans calife, il prit le pouvoir. Ibrahim Ibn al-Walid, le frère de Yazid Ibn al-Walid se révolta à son tour et Marwan le tua, soixante-dix jours après. Puis ‘Abdallah Ibn Mou’awiyyah Ibn ‘Abdillah Ibn Ja’far Ibn ‘Ali Ibn Abi Talib (qu’Allah soit satisfait de lui) se révolta mais Marwan eut le dessus. Puis Souleyman Ibn Hisham se révolta à son tour, aidé par beaucoup de partisans mais Marwan le tua aussi.

Abou Mouslim al-Khorassani à la tête d’une grande force commença à prendre le contrôle du Khorasan tandis que les Omeyyades étaient occupé par les révoltes successives. En l’an 130 de l’Hégire (747), il prit contrôle de la ville de Merv (marw). Nasr Ibn Sayyar s’opposa à lui et aida à reculer la fin des Omeyyades mais en l’an 131 de l’Hégire (748) il trouva la mort et la voie fut libre pour Abou Mouslim. Il confia le commandement de son armée à ‘Abdallah Ibn ‘Ali qui se rendit en Iraq.

La bataille entre les Omeyyades et les Abbassides eut lieu à Zab et ‘Abdallah victorieux se dirigea vers la Syrie.

Marwan Ibn Muhammad le calife, suivit de près par ‘Abdallah, s’enfuit d’abord à Harran puis à Qinassrine et Homs toujours poursuivit par l’armée de ‘Abdallah Ibn ‘Ali. Les gens de Homs voyant la faiblesse du calife et de sa faible armée voulurent en finir avec lui pour mettre fin aux troubles.

Marwan Ibn Muhammad doutant des gens de Homs leur prépara une embuscade et lorsqu’il sortit les gens de Homs le suivirent et ils tombèrent dans l’embuscade. Alors il se dirigea vers Damas ou il nomma al-Walid Ibn Mou’awiyyah Ibn Marwan gouverneur mais ‘Abdallah Ibn ‘Ali le suivit, mit le siège et tua al-Walid Ibn Mou’awiyyah.

Marwan Ibn Muhammad se réfugia en Jordanie ou le gouverneur prit position à ses côtés. De là, il s’enfuit en Palestine, puis en Egypte toujours poursuivit par l’armée de ‘Abdallah Ibn ‘Ali qui voulait en finit avec le calife pour mettre fin aux Omeyyades.

C’est à Boussir en Egypte qu’eut lieu la terrible bataille entre ‘Abdallah Ibn ‘Ali commandant de l’armée des Abbassides et Marwan Ibn Muhammad. La bataille dura plusieurs jours ou le dernier calife omeyyade Marwan Ibn Muhammad trouva la fin.

Ainsi prit fin la dynastie des Omeyyades qui fut remplacée par celle des Abbassides.

 

L’état des Omeyyade fut sans conteste basé sur le combat dans la voie d’Allah (jihad fis-sabilillah) et sous le règne du dixième calife Hisham Ibn ‘Abdel Malik, la superficie de l’empire islamique atteignit son apogée.

Voici ce qu’a rapporté l’Imam al-Hafiz Ibn Kathir ad-Dimashqi, puisse Allah Exalté lui faire miséricorde, dans son livre « al-bidayah wal nihayah » : « Ils (les Omeyyades) conduisaient le Jihad et cela était la seule occupation des Banou Oumayyah. La parole de l’Islam s’éleva à l’est et à l’ouest de la terre et sur les mers et ils humilièrent la mécréance et ses peuples. Le cœur des polythéistes s’emplit de crainte des Musulmans qui ne se dirigeaient pas vers une terre sans la conquérir. Il y avait dans toutes leurs (des Bani Oumayyah) casernes, leurs armées et leurs raids, des groupes de pieux (salihoun), des saints (awliyyah), des savants (‘oulama) des grands Tabi’in, grâce à qui Allah Exalté répandaient Sa religion (leur accordaient les victoires) ».

 

As-Safah Abou al-‘Abbas, le premier calife abbasside 

As-Safah[1] Abou al-‘Abbas devint le premier calife abbasside et ordonna la mise à mort de tous les Omeyyades vivants. Souleyman Ibn ‘Ali, le gouverneur de Basra, ordonna aussi la capture et la mise à mort de tous les Omeyyades de la ville et ordonna de jeter leur dépouilles dans les rues afin que les chiens les mangent.

Les Omeyyades terrifiés se cachèrent y comprit ‘AbderRahmane Ibn Mou’awiyyah Ibn Hisham Ibn ‘Abdel Malik qui était le plus recherché et sa tête mise à prix. Cet homme n’était autre que ‘AbderRahmane ad-Dakhil qui allait devenir un des plus grands califes omeyyade.

 

En l’an 132 de l’Hégire (749), poursuivit par la répression, ‘AbderRahmane Ibn Mou’awiyyah se sauva avec sa famille, ses sœurs, ses biens et certains de ses servants vers une ville très éloignée sur l’Euphrate où il vécut un certain temps. Or un jour, il se passa un fait étrange. Laissons-le raconter l’histoire :

« Un jour, j’étais assis dans cette ville dans une pièce ombragée sans lumière à cause d’un problème de vue que j’avais dû à la poussière et la lumière du jour me rendait inconfortable. 

Mon fils Souleyman âgé de quatre ans jouait devant moi. Il sortit dehors puis soudainement rentra effrayer et s’assit sur mes genoux et me dit ce que ne disent pas les enfants de son âge. Alors, je suis sorti m’informer pour trouver les gens paniqués et terriblement effrayés quand j’aperçu les bannières noires des Abbassides. Mon petit frère vient me voir et ne dit : « O frère, ils sont venus ! »

Je suis entré précipitamment dans la maison, prit une poignée d’argent et tirant mon frère derrière moi, nous nous sauvèrent. Les Abbassides ne recherchaient que les hommes des Omeyyades et ne s’attaquaient ni aux enfants, ni aux femmes. Laissant avec eux mon serviteur Badr, je dis à mes sœurs ou j’allais et leur demanda de me rejoindre plus tard avec le reste de ma famille. Lorsque je fus arrivé là-bas je me cachais.

Moins d’une heure après, la maison que je venais de quitter fut encerclée par la cavalerie. Puis Badr me rejoignit fuyant ses positions les unes après les autres.

Accompagné de mon frère, j’allais voir un de mes amis qui vivait sur les bords de l’Euphrate et lui demandait de me préparer deux montures avec tout le nécessaire pour mon voyage. Mais un de ses serviteurs informa le gouverneur de ma présence et nous ne tardèrent pas à entendre le bruit des cavaliers arrivant au galop, alors nous nous enfuîmes et nous entrèrent dans l’Euphrate pour rejoindre la berge opposée et les cavaliers sur nos talons entrèrent à leurs tours dans l’eau.

Puis ils nous dirent : « Revenez, vous ne craignez rien », mais je nageais de plus en plus vite car j’excellais dans la nage. Lorsque nous eûmes traversé la moitié de l’Euphrate mon jeune frère se retourna et hésita. Je le rappelais à la raison mais les cavaliers continuaient d’appeler et lui promirent la sécurité et il les crut.

Je lui dis : « O frère n'écoute pas ces paroles perfides et rejoint moi ! » Mais il ne m’écouta pas trompé par les paroles offrant la sécurité. Et craignant soudain la noyade, il fit demi-tour et s’empressa de les rejoindre. Quant à moi, j’accélérais la vitesse car un bon nageur était à ma poursuite mais il reçut l’ordre de ne pas aller plus loin.

Arrivé sur l’autre berge, je les vis décapiter sous mes yeux mon tout jeune frère âgé de 13 ans alors qu’ils lui avaient promis la sécurité. Je fus terrorisé et très touché par sa mort. Puis je me mis à courir si rapidement que je crus que je volais si bien je j’arrivai dans une forêt dense (ghaydah) ou je restais caché jusqu’à ce que je ne fusse plus recherché. Lorsque la forêt ne m’offrit plus aucune sécurité, je partis au Maghreb ».

 

L’arrivée de ‘AbderRahmane Ibn Mou’awiyyah Ibn Hisham Ibn ‘Abdel Malik Ibn al-Marwan au Maghreb 

Lorsque ‘AbderRahmane s’établit, il envoya un message à ses sœurs qui lui envoyèrent son serviteur Badr ainsi que son fils Souleyman et les biens qu’il avait caché si bien que sa situation s’améliora.

 

‘AbderRahmane Ibn Habib al-Fihri qui s’était enfuit au Maghreb se révolta et il prit le pouvoir au Maghreb et bientôt en Afrique. ‘AbderRahmane Ibn Habib al-Fihri n’avait pas porté allégeance au nouveau calife abbasside et son affaire était en suspens. De ce fait, beaucoup d’Omeyyades se réfugièrent en Ifriqiyah et principalement à Kairouan (qayrawan).  Leur nombre devient si élevé que ‘AbderRahmane Ibn Habib Al Fihri prit peur que ces gens du califat (des Qouraysh) ne revendiquent bientôt le pouvoir et il commença à se débarrasser d’eux.

‘AbderRahmane Ibn Mou’awiyyah dut s’enfuir et ‘AbderRahmane al-Fihri tua le fils d’al-Walid Ibn Yazid, puis saisit ses biens et ceux des Omeyyades avant de demander la tête de ‘AbderRahmane Ibn Mou’awiyyah qui se trouva aussi recherché au Maghreb.

‘AbderRahmane fuit de nouveau et se réfugia chez les Berbères chez un homme du nom de Abi Qouratah al-Barbari à Barqah (ou Bourqah) en Libye où il vécut caché durant un certain temps avant de se rendre chez ses oncles près de Tanger dans la tribu berbère de Nafzah et entre sa fuite de Syrie en l’an 130 de l’Hégire (747), il vécut dissimulé jusqu’en l’an 136 de l’Hégire (753).

 

Apres s’être rendu compte que le Maghreb n’était pas un pays où il pouvait vivre,  ‘AbderRahmane réfléchit sur sa situation et sur la situation politique du monde islamique. Il était recherché tant à l’est qu’à l’ouest et l’Andalousie, gouvernée par Youssouf Ibn ‘AbderRahmane al-Fihri le vingt deuxième et dernier gouverneur, endurait une série de révoltes successives. Il pensa donc à traverser la mer pour se réfugier en Andalousie.

Il envoya en avant-garde son serviteur Badr ar-Roumi en lui demandant de contacter les partisans des Omeyyades et particulièrement Abou ‘Uthman ‘Oubaydillah Ibn ‘Uthman et ‘Abdallah Ibn Khalid. Badr les informa que ‘AbderRahmane Ibn Mou’awiyyah Ibn Hisham Ibn ‘Abdel Malik, cherchait à redonner le pouvoir aux Omeyyades. Ils acceptèrent et secrètement contactèrent d’autres partisans et l’affaire de ‘AbderRahmane ad-Dakhil prit de l’ampleur au sud de l’Andalousie.

 

Nous avons précédemment mentionné que Soumayl, le calife dans l’ombre, était le gouverneur de Saragosse (sarqasta) tandis que Youssouf Ibn ‘AbderRahmane Ibn Habib Ibn Abi ‘Abdah Ibn ‘Ouqbah Ibn Nafi’ al-Fihri était le gouverneur officiel de l’Andalousie à Cordoue (qortoba) mais il avait une mésentente entre eux car Youssouf avait refusé d’apporter son aide à Soumayl.

Lorsque les gens furent prêts à accepter ad-Dakhil en Andalousie, son homme de main lui envoya un messager et un navire pour l’informer qu’il pouvait maintenant débarquer. Ad-Dakhil se postait chaque jour devant la mer et attendait l’arrivée des nouvelles. Lorsque le messager arriva, il trouva ad-Dakhil entrain de prier demandant à Allah de l’aider et de faciliter son entreprise. Lorsqu’il finit sa prière, il se tourna vers l’homme et lui demanda :

- « Qui es-tu ? » L’homme répondit :

- «  Je suis Abou Ghalib Tammam (le père du victorieux juste) ». Alors ad-Dakhil lui dit : « Notre affaire est juste (tamma) et nous serons victorieux (ghalabna) si Allah le veut (insha a Allah) ».

Cet homme fut honoré tout au long de la vie de ‘AbderRahmane qui le rapprocha de lui jusqu'à sa mort à cause de la bonne augure de son nom.

 

‘AbderRahmane ad-Dakhil débarque en Andalousie

‘AbderRahmane ad-Dakhil qui était grand, imposant, les cheveux blonds, borgne et imposait le respect quitta le Maghreb pour l’Andalousie en l’an 133 de l’Hégire (750). Il arriva à Alvéra (alfira) ou l’accueillirent joyeusement ses partisans tandis que le différend entre Youssouf et Soumayl s’amplifiait.

 

De même, ‘Amir al-Badri et son fils de rebellèrent contre al-Fihri mais ils furent vaincus et ce dernier promit la paix et la sécurité aux deux protagonistes. Lorsqu’ils se rendirent, il les fit mettre à mort ce qui provoqua chez les gens un mouvement de révolte parce que les deux hommes avaient été tués alors qu’on leur avait promis la sécurité. Sur ce, une pluie diluvienne tomba sur l’armée d’al-Fihri et une bonne partie de sa troupe l’abandonna.

Soumayl, toujours très bien informé, passa en revue sa situation : au sud des problèmes en conséquences avec ad-Dakhil et les Omeyyades, au nord-ouest la menace d’Alfonsh et à l’est al-Fihri. L’Andalousie était secouée de problèmes et il pensa que le mieux était de s'arranger avec al-Fihri qui était le plus proche de lui. Lui et son armée aussitôt rejoignirent Cordoue la capitale. Alors qu’il était en mouvement, ses espions lui rapportèrent la mise en marche d’ad-Dakhil et de son armée. Il dit à al-Fihri :

- « Allons maintenant à sa rencontre ! Soit nous le tuerons, soit nous anéantirons son armée avant qu’il ne devienne plus puissant ». Mais al-Fihri refusa et lui dit :

- « Notre armée est trop petite. Le voyage est long et cette pluie nous a fatigués. Allons d’abord à Tolède (toleytela), reposons-nous, rebâtissons une nouvelle armée et attaquons-le ». Soumayl qui n’était pas le gouverneur officiel se rangea à l’avis de Youssouf.

Il est pourtant toujours préférable de mettre fin aux révoltes à leur début avant qu’elles ne débordent et deviennent incontrôlables.

 

Ad-Dakhil et son armée de 600 hommes seulement se dirigèrent vers Rayyah. Le gouverneur l’accueillit et lui offrit son aide. Puis successivement ad-Dakhil passa par les villes de Sidonie (shadonia), Moro, Malaga (maliqa), Randa et Shourayss qui restèrent neutres à son arrivée, il ne fut pas attaqué et il ne lui fut pas offert d’aide.

Lorsque Soumayl fut informé des mouvements d’ad-Dakhil, il conseilla à al-Fihri de tenter une approche pacifique. Ils lui envoyèrent donc des présents qu’ad-Dakhil accepta sans pour cela porter allégeance au gouverneur d’Andalousie ni même lui promettre une allégeance et l’affaire resta suspendue.

Ad-Dakhil de nouveau se mit en mouvement et se dirigea vers la capitale du sud Séville dirigée par un dur chauviniste Yéméni du nom d’Abou Sabbah qui pensa que s’il devait avoir un combat, il devrait avoir lieu entre al-Fihri et ad-Dakhil et non pas entre lui et ad-Dakhil et il se rangea aux côté d’ad-Dakhil. Ainsi la capitale du sud tomba entre les mains d’ad-Dakhil.

Lorsque la tranquillité et la paix revint au sud ad-Dakhil pensant à faire tomber la capitale Cordoue. Soumayl et al-Fihri informés des mouvements d’ad-Dakhil préparèrent une armée pour le recevoir.

Les deux armées se mirent en route en même temps. L’armée d’al-Fihri se dirigea vers Séville tandis que celle d’ad-Dakhil sur Cordoue. Lorsqu’elles furent l’une en face de l’autre, elles se trouvèrent séparées par un fleuve, Youssouf et Soumayl du côté nord et ad-Dakhil du côté sud.

 

Alors, ad-Dakhil se dit : Pourquoi devrais-je les rencontrer à cet endroit ? Il serait mieux pour moi d’aller attaquer directement la capitale absente de toute armée.

Sans qu’ils s’en rendent compte, ad-Dakhil fit demi-tour et mit le cap sur Cordoue mais les espions de Soumayl l’informèrent et il fit aussitôt demi-tour pour empêcher ad-Dakhil de parvenir à la capitale et comme il réussit à arriver avant lui, il attendit son arrivée dans la ville d’al-Massarah.

Ad-Dakhil informé s’arrêta à Babish et le 9 du mois de Dzoul Hijjah de l’année 133 de l’Hégire (745), eut lieu la mémorable bataille de Moussarah entre Youssouf al-Fihri, gouverneur de l’Andalousie et ad-Dakhil, partout recherché et sa tête mise à prix.



[1] As-Safah veut dire le sanguinaire (tant il fit couler le sang).