La traversée des Pyrénées

Moussa, à la tête de son armée, conquit les unes après les autres, avec facilité et aisance, les villes de Huesca (washqah), Lérida (liaridah), Tarragone (tashkonah) et Barcelone (barshalona). La totalité de l’est de l’Andalousie tomba aux mains des Musulmans tandis que l’ouest attendait leur arrivée.

Agé à cette époque de plus de 74 ans, Moussa Ibn Noussayr était un homme particulièrement ambitieux si bien qu’il décida d’envoyer Tariq suivit de brigades et pensa lui-même à traverser les Pyrénées du fait qu’il se trouvait au pied de la France, la mère du catholicisme pour poursuivre sa route jusqu’à Constantinople pour prendre la ville par l’ouest puisque sa conquête par l’Est s’était avérée impossible. A la tête d’une armée de 30.000 soldats, il pensa donc à conquérir la France, l’Italie et faire ainsi sa voie jusqu’à Constantinople après avoir quitté la Syrie, il était prêt à faire des milliers et des milliers de kilomètres à cheval pour propager la religion d’Allah Exalté et abattre tous les obstacles sur sa route ! Néanmoins lorsque le calife al-Walid Ibn ‘Abdel Malik fut informé de son désir, il eut peur pour l’armée des Musulmans et le convoqua à Damas avec Tariq Ibn Ziyad.

 

Armé de cette solide idée Moussa Ibn Noussayr traversa les Pyrénées et entra dans la sud de la France ou il entreprit de nouvelle conquête. Il prit Carcassonne (karkashona), Narbonne (arbonna), Albi (abinione) et Toulouse  (lozone).

Avec lui se trouvait un Tabi’i[1] du nom de Hibban Ibn Abi Jabilla. Se rendant compte de la rapidité excessive des conquêtes, il saisit les rennes du cheval de Moussa Ibn Noussayr et lui dit : « O Moussa te rappelles-tu ce que tu as dit à propos de ‘Ouqbah Ibn Nafi’ ?  Quand tu as dit : Puisse Allah lui faire Miséricorde, conquérir (tawaghal) sans protéger ses arrières ? N’y avait-il pas avec lui un homme clairvoyant (rashid) ? » Aujourd’hui, je suis ton homme clairvoyant. Ou emmènes-tu les gens sans protéger tes arrières et sans que personne ne protège tes arrières ? Si jamais l’Andalousie se rebelle à nouveau tu seras définitivement encerclé et coupé de toute assistance. Moussa Ibn Noussayr sourit et lui dis : « Puisse Allah te rendre clairvoyant ! »

Sur ce, il ordonna un repli sur l’Andalousie et n’était-ce la remarque de cet homme, Moussa était bien décidé à conquérir l’Europe avec juste 30.000 hommes. 

Sur la route du retour, ils s’arrêtèrent à Carcassonne ou mourut et fut enterré Hibban Ibn Abi Jabilla, le Tabi’i, puisse Allah lui faire Miséricorde. Puis Moussa traversa de nouveau les Pyrénées et se dirigea vers Léon afin d’achever la conquête de l’Andalousie.

Arrivé à Gijón (khikhone), principauté de Léone, il conquit Ishtarqa quand arriva l’émissaire du calife al-Walid Ibn ‘Abdel Malik de Syrie (sham). Du nom de Moughith ar-Roumi, l’envoyé du calife entra en Andalousie et suivit la route prise par Moussa et ne put enfin le rencontrer qu’à Ishtarqa ou il lui fit part du message. Le calife te dis : « Tu es allé trop loin avec trop de facilité et cela sans protéger tes arrières. Reviens sur tes pas et retourne en Syrie. Le calife veut te voir ».

Ces nouvelles firent de la peine à Moussa car il voyait l’entrée de l’Europe dans l’Islam du fait de la facilité de ses conquêtes successives. Il dit à Moughith : « Laisse-nous au moins conquérir Léon afin de sceller la conquête de l’Andalousie ! » Moussa finit par le convaincre et Moughith accepta avec la condition de son retour immédiat dès la conquête achevée.

Moussa conquit donc la région et les troupes ennemies ayant réussi à fuir trouvèrent refuge dans une région montagneuse difficile d’accès du nom de Mesa Del Rey (sakhrat bilay) en Galice. Moussa se dirigea donc vers cette contrée qui avait pour capitale Lugo (louq) ou il mit le siège avant qu’un deuxième émissaire du calife du nom d’Abou Nasr se présente à lui et lui dit : « L’émir des croyants (amiroul mou’minin) t’ordonne de te retirer maintenant ». Moussa essaya de le convaincre mais l’envoyé continua à le harceler lui disant : « Maintenant ! »

 

Moussa et Tariq convoqués par le calife 

Moussa ordonna a Tariq Ibn Ziyad de poursuivre les opérations. Tariq conquit Lugo et ordonna le retrait des armées musulmanes formellement aux ordres du calife. L’Andalousie fut entièrement conquise hormis une région montagneuse de Galice au bord de l’océan Atlantique, vers laquelle Moussa Ibn Noussayr envoya un commando qui encercla les Goths (qot) qui furent défaits lors de la bataille qui s’ensuivit et s’enfuirent vers les cimes d’une région montagneuse froide, très élevée et difficilement accessible au nord-ouest et ou se réfugièrent toutes les forces vaincues des Goths sous le commandement d’un homme nommé Pilayo.

Cette région était encerclée par trois chaines de montagnes principales proches les unes des autres qui abritaient de grandes grottes dont celle de Cova Donga que les Musulmans appelèrent Sakhrat Bilayo. Les Goths qui se réfugièrent dans ces montagnes, vécurent très longtemps en reclus à l’abri des Musulmans et au fil du temps, ils furent rejoint par d’autres Goths si bien qu’ils devinrent extrêmement nombreux.

Les Musulmans n’accordèrent pas d’importance aux fuyards d’autant plus que la région n’était pas très praticable et les abandonnèrent, ce qui fut une erreur majeure ! En effet, de ces fuyards naquit une nouvelle force qui non seulement allait donner naissance à l’Espagne actuelle mais qui allait aussi chasser les Musulmans d’Andalousie.

Ce groupe captura d’abord Léon puis les régions du nord-ouest de l’Andalousie et lorsqu’il fut assez puissant, il fonda le royaume de Léon et pour se protéger des assauts Musulmans, les Goths construisirent un très grand nombre de forts et de forteresse. Puis ce royaume se divisa et fonda le nouveau royaume de Castille[2], que les Musulmans appelèrent Imarat Qishtallah. Ainsi au nord naquirent deux nouveau royaume, celui de Léone et de Castille !

Quelques temps après, les goths christianisés que nous appellerons désormais les Chrétiens puis les croisés, agrandirent leur territoire en capturant le centre-nord et le nord-est et fondèrent le royaume de Navarre avec pour capitale Pampelune.

 

Les Musulmans doivent tirer des leçons du passé pour ne plus commettre le même genre d’erreur qui est de sous-estimer l’adversaire quand bien même, il se serait qu’une poignée ! Les armées musulmanes se retirèrent et abandonnèrent les fuyards aussi à cause du harcèlement de l’envoyé du calife, mais n’eussent été Moussa Ibn Noussayr et Tariq Ibn Ziyad, ils n’auraient jamais abandonné cette région et Allah est plus Savant !

 

Moussa informait le calife de tous ses mouvements et des conquêtes successives mais le calife lui répondit ! « Ce ne sont pas des conquêtes mais des pressions (hashr). Toutes ces régions soumises si facilement à l’Islam et tous ces gens converti ! Certainement pas des conquêtes ! »

 

Tous ces événements prirent fin alors que l’année 95 de l’Hégire s’achevait. La conquête débuta au mois de Ramadan de l’année 92 de l’Hégire et finit au mois de Dzoul Hijjah 95 (710-713). Trois années suffirent à une petite armée pour clôturer la conquête de l’Andalousie et du Portugal. Mais seul la foi, la volonté de fer et la sincérité envers Allah permirent de tels faits.

Personne ne se rend réellement compte que toutes ces conquêtes prirent trois années seulement. Un des historiens rapporte à ce sujet : « Ces trois années restent un fait extraordinaire ! La conquête de l’Andalousie, du Portugal et du sud de la France en trois années ? » Mais cela fut loin d’être aisé et il y eut de grands sacrifices et des durs combats ou périrent des milliers de Musulmans dans une terre inamicale, des montagnes difficiles et avec un étrange climat où les Musulmans patientèrent, armés des deux excellences : le martyr ou la victoire.

 

Au mois de Dzoul Hijjah 95 de l’Hégire (713), Moussa Ibn Noussayr et Tariq Ibn Ziyad se retirèrent.

 

La nomination des successeurs de Moussa Ibn Noussayr 

Sur la voie du retour, Moussa s’arrêta quelques jours à Séville ou il laissa son fils ‘Abdel ‘Aziz Ibn Moussa Ibn Noussayr gouverneur en son absence. ‘Abdel ‘Aziz fut le premier gouverneur d’Andalousie.

Moussa traversa le détroit de Jibal Tariq et arriva au Maghreb ou il s’arrêta à Tanger (tanja) et où il nomma son fils ‘Abdel Malik Ibn Moussa Ibn Noussayr gouverneur. Puis il se dirigea vers la capitale de l’Ifriqiyah ; Kairouan (al-qayrawan) ou après être resté quelques jours, il nomma son fils ‘AbdAllah Ibn Moussa Ibn Noussayr gouverneur.

 

Au mois de Rabi’ Awwal de l’année 96 de l’Hégire (714), il arriva dans la capitale de l’Egypte al-Fustat ou il rendit une chaleureuse visite au fils de ‘Abdel ‘Aziz Ibn Marwan qui l’avait nommé gouverneur de l’Afrique (ifriqiya) en vue de les honorer lui et son père pour la confiance qu’ils avaient placé en lui.

Puis, il se prépara à prendre la direction de la Syrie au mois de Joumadah Awwal de l’année 96 de l’Hégire où après plusieurs mois de voyage, il arriva à Damas (dimashq) alors que le calife était malade et ne tarda pas à mourir au mois de Joumadah Thani, 40 jours après l’arrivée de Moussa Ibn Noussayr.

Son fils Souleyman ‘Abdel Malik prit la succession de son père et accueilli chaleureusement Moussa Ibn Noussayr et Tariq Ibn Ziyad avant de prendre ensemble la route pour accomplir le Pèlerinage à la Mosquée Sacrée (masjidoul haram).

 

La mort de Moussa Ibn Noussayr 

En l’année 96 de l’Hégire, Moussa Ibn Noussayr accomplit son pèlerinage avec Souleyman Ibn Malik.

Moussa Ibn Noussayr combattit dans la voie d’Allah quarante années implorant Allah : « O Grand Seigneur je te demande le martyr (shahada) dans Ta voie ou la mort dans la ville de Ton Prophète (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) ! »

Après le pèlerinage, les deux hommes partirent à Médine (al-madina) et en l’année 97 de l’Hégire (715), décéda à Médine, Moussa Ibn Noussayr, un des grand général et conquérant de l’Islam, puisse Allah, à Lui les Louanges et la Gloire, lui faire Miséricorde et le récompenser largement ainsi que tous ceux et celles qui d’une manière quelconque établirent l’édifice de l’Islam à travers le monde.

Quant à ce qu’il advint de Tariq Ibn Ziyad, aussi un grand général et conquérants de l’Islam, nul historien n’a rapporté ce qui lui arriva par la suite ni de quelle manière il trouva la fin excepté qu’il mourut en l’an 102 de l’Hégire (720). Puisse Allah le récompenser largement et lui faire Miséricorde.

L’histoire retiendra que la conquête de l’Andalousie est due à ses deux grands soldats du Miséricordieux. Avec la fin de ces deux hommes prit fin l’ère de la conquête et une nouvelle ère appelée l’ère des gouverneurs (wallate) s’ouvrit.

 

Le premier gouverneur d’Andalousie 

Les Musulmans classèrent les gens par classes : Les nobles, les princes et les religieux, les grands agriculteurs, les petits agriculteurs considérés comme les piliers de la terre du fait de leur servitude avec elle. Ils plantaient, soignaient, nettoyaient et récoltaient complètement voués à leurs tâches mais sans n’avoir jamais eu aucun droit fondamental.

La première chose que firent les Musulmans est la mise en place de ces classes afin que tous soient reconnus. Les gens furent réellement surpris de se voir attribuer des droits alors qu’ils avaient toujours été considérés dans le passé comme des esclaves. Le droit de demander des comptes au gouverneur, de posséder des terres, de se déplacer et de faire du commerce sans contraintes. C’est en voyant l’application de cette justice qu’ils devinrent Musulmans.

D’autres rapports nous mentionnent qu’en plus de cela non seulement ils apprirent leur religion mais aussi la langue arabe et copièrent les Arabes jusqu’à leur manière de s’habiller et se prénommèrent comme eux.

 

Lorsque Moussa Ibn Noussayr quitta l’Andalousie, il nomma son fils ‘Abdel ‘Aziz Ibn Moussa Ibn Noussayr gouverneur du pays. ‘Abdel ‘Aziz s’était marié à Aylah ou Elona, surnommée plus tard Oumm ‘Assim, la fille orpheline de Rodéric. Mais peu de temps après, en l’an 97 de l’Hégire (715), les grands commandants musulmans se rebellèrent contre lui et l’assassinèrent alors qu’il priait dans la mosquée de Séville.

C’est Habib Ibn Abi ‘Abdah Ibn ‘Ouqbah Ibn Nafi’ al-Fihri, qui ordonna son assassinat sous le prétexte que la femme de ‘Abdel ‘Aziz avait pris son contrôle et voulait le couronner roi des Chrétiens mais avec son meurtre, les troubles débutèrent en Andalousie.

 

Avant son départ, Moussa Ibn Noussayr nomma son autre fils ‘AbdAllah gouverneur du Maghreb mais Souleyman Ibn ‘Abdel Malik le désista et nomma à sa place, en l’an 97 de l’Hégire (715), Muhammad Ibn Yazid, un Mawlah des Qouraysh.



[1] Tabi’i : Suivant, homme ayant connu au moins un des compagnons du Prophète (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui.

[2] De Castella en espagnol : fort ou château et castel en anglais.