Tabouk

La conversion du poète Ka’b Ibn Zouhayr

 

La suite des évènements en Arabie prouva dès l’an 9 de l’Hégire que l’Islam dominait désormais tout le pays, bien que quelques rares tribus restèrent encore accrochées à leurs croyances païennes.

 

Les faibles tribus ne se hasardèrent même pas à déclarer leur inimité contre les Musulmans, tandis que les plus fortes comme les Qaza’a, Balay, ‘Azra, Kalb, Balqin se trouvaient très éloignées de Médine. Certaines habitaient dans l’extrême nord près des frontières de la Syrie ou à l’extrême sud comme les tribus qahtaniyah dont les Balharith à Najran, les Hamadan et Himyar au Yémen et les Kinda à Hadramaout.

 

D’autres encore envoyèrent des délégations à Médine annoncer leur conversion à l’Islam au Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) prouvant que l’Islam était désormais la seule force dans toute la presqu’ile arabique et parmi ces conversions est l’histoire du célèbre poète Ka’b Ibn Zouhayr, qui avait auparavant été l’un des ennemis les plus déclarés du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), par l’entremise de ses virulents poèmes.

 

Avec l’éclatante victoire qui se termina par le Fath de La Mecque ainsi que l’effondrement de la puissance militaire de Hawazin, Ka’b Ibn Zouhayr craignit pour sa sécurité et ne trouva d’autre solution que de contacter le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et de lui annoncer sa conversion à l’Islam.

 

Ibn Ishaq a rapporté dans la Sirah d’Ibn Hisham :

« Baji Ibn Zouhayr écrivit à son frère Ka’b lui disant : « Les poètes qourayshi se sont tous enfuis (comme Ibn az-Zab’ara, Habira Ibn Wahb). Si tu n’as donc aucun inconvénient, contacte vite le Messager d’Allah et annonce lui ton Islam car il ne tue pas les convertit. »

 

Ka’b qui par le passé, avait reproché à son frère sa conversion et insulté le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) accepta la suggestion, entra secrètement à Médine pour descendre d’abord comme hôte chez un ami avant d’aller avec ce dernier le lendemain matin à la mosquée et qui après la prière, lui désigna le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).

Ka’b Ibn Zouhayr n’hésita pas instant et rapidement saisit la main du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) en lui disant : « O Messager d’Allah, Ka’b est venu musulman et te demande une garantie de sécurité. Serais-tu d’accord si je te le ramène ? »

- « Oui, » répondit le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).

- « O Messager d’Allah, c’est moi Ka’b Ibn Zouhayr. »

 

Tabouk

 

Tabouk dont le nom est célèbre depuis très longtemps fut ainsi décrite par Yaqout dans Mou’jam al-Bouldan : « Tabouk, est un endroit entre Wadi al-Qoura et la Syrie, une importante source d’eau appartenant aux fils de Sa’d des Banou Asra et se situant entre le mont Housma à l’ouest et le mont Sharouri à l’est. Entre Tabouk et Médine, il y a douze étapes. Pendant le règne de deuxième Calife, Umar Ibn al-Khattab, le Juif Ibn ‘Ariz ensevelit le puits sur l’ordre de ce dernier. »

 

Abou Zayd a aussi rapporté : « Tabouk se situe entre al-Hajar et la frontière de la Syrie à quatre étapes à mi-chemin sur la route de la Syrie. C’est une forteresse où il y a une source et des palmeraies. »

 

Dans certaines sources musulmanes, il est rapport que le Prophète d’Allah Shou’ayb (‘aleyhi salam) fut envoyé aux habitants de Tabouk et qu’il était venu de Madian qui se situe sur le littoral de la mer Rouge, à six étapes de Tabouk.

 

Les tribus du Nord

 

La partie nord-ouest de la presqu’ile arabique dont Tabouk était considérée comme le pays de plusieurs tribus connues pour leur histoire et leurs excellentes compétences guerrières et certaines d’entre elles, régnèrent incontestés dans cette partie de l’Arabie et même au sud de la Syrie.

 

Ces tribus exilées de Hadramaout descendaient de deux origines :

1 - Qouda’ah qui émigrèrent d’ash-Shahr (Hadramaout) et qui bâtirent un royaume aux limites de la Syrie. De cette tribu se ramifièrent plusieurs autres comme Bali, ‘Athra, Bahra, etc.

2 - Les Banou Kalb de Kinda. Et Kinda était une tribu qui s’exila du nord de Hadramaout puis bâti un royaume très connu dans l’histoire, à Douma al-Jandal connu aujourd’hui sous le nom d’al-Jawf.

 

Les Qouda’ah et les Kinda étaient au début des païens mais avec les contacts et les échanges avec leurs voisins byzantins, qui dominaient la Syrie, ils devinrent chrétiens. La majorité des tribus qahtaniyah du nord étaient donc chrétiennes avant l’avènement de l’Islam.

 

Les tribus Qouda’ah habitaient alors Tabouk et ses environs jusqu’au littoral de la mer Rouge à l’ouest et les tribus Kalb de Kinda à l’est et au nord-est de Tabouk. Ces tribus du Nord, se considéraient ennemis des Musulmans et pensèrent plus d’une fois attaquer Médine bien évidemment sur les conseils de leurs mentors byzantins qui craignaient non seulement les guerres du désert mais aussi que l’influence de l’Islam ne domine leur pays après l’invite du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) lorsqu’il envoya un messager à Héraclius.

 

Cependant, Médine resta toujours sur ses gardes et chaque fois que ces chrétiens s’apprêtèrent à marcher sur la capitale de l’Islam, les Musulmans les devancèrent en envoyant rapidement des expéditions avant même qu’ils n’aient le temps de rassembler leurs troupes.

 

Les évènements qui s’ensuivirent prouvèrent que des intérêts communs liaient les tribus qahtaniyah et l’empire byzantin puisque qu’ils fusionnèrent leurs capacités militaires en une seule force prête contre les Musulmans. Cela s’explique par le souci de ces tribus à conserver leur domination sur les régions du Nord et celui des Byzantins à assurer la protection de leurs frontières contre toute expédition des Musulmans visant la Syrie.

 

Les livres biographiques et historiques rapportent que les tribus du Nord et particulièrement Qouda’ah étaient en quelque sorte des gardes-frontières pour le compte de l’empire byzantin et les détachements de leur cavalerie sillonnaient sans cesse le nord de la presqu’ile et s’accrochaient régulièrement avec les patrouilles musulmanes au point que même les missionnaires musulmans ne furent pas épargnés. Nous avons vu, dans la bataille de Mou'tah, comment ses Arabes chrétiens assassinèrent à Dat at-Talh quinze Compagnons du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) qui appelaient pacifiquement les habitants du Nord à embrasser l’Islam.

 

En fait, ces Arabes étaient le fer de lance des troupes byzantines dans la région et formaient à Mou'tah, la moitié de l’armée byzantines commandée par le frère d’Héraclius qui accrocha l’armée musulmane à al-Karak.

 

Rapportons aussi la présence d’une tribu (Jouhaynah) qui se considérait de Qouda’ah mais qui n’avait aucune relation avec les Byzantins et son indépendance contribua largement à sa conversion à l’Islam, cette tribu, dont les terres s’étendaient du golfe d’al-‘Aqabah, participa avec une compagnie de quatre cents hommes dans l’expédition de La Mecque.

 

A l’opposé, les tribus de Qouda’ah comme Bahra, ‘Azdra, ‘Amila et Soulayh, restèrent des ennemis déclarés de l’Islam et des Musulmans comme l’étaient les autres tribus de Kinda. Une raison très suffisante pour que Khalid Ibn al-Walid leur livre deux fois combat :

Une première fois quand le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) l’envoyé à la tête de quatre cents hommes à Tabouk et la seconde de fois sous le califat d’Abou Bakr.

 

Malgré les expéditions répétées des Musulmans, ces tribus restèrent un danger non négligeable pour l’Islam et les Musulmans et à chaque expédition musulmane, elles se retiraient au sud de la Syrie parmi leurs frères de religion si elles voyaient qu’il n’y avait aucun intérêt à s’accrocher avec les combattants de l’Islam, comme cela arriva avec ‘Amrou Ibn al-‘As et ces Compagnons lors de l’expédition de Dat as-Salassil dirigée particulièrement contre la tribu des oncles maternels de ‘Amr en personne.

 

Ainsi, on peut dire qu’une très grande puissance agressive contre l’Islam se situaient dans les régions du Nord qui s’étendaient, des frontières irakiennes à l’est jusqu’à la mer Rouge à l’ouest. Ces tribus de Qouda’ah et de Kinda constituaient donc un grand danger et à elles seules, pouvaient mobiliser cent mille hommes si l’occasion leur était donnée cependant, le commandement médinois n’oublia pas l’expérience des batailles des Coalisés et de Hounayn et du donc prendre les mesures nécessaires pour qu’elles ne se reproduisent jamais.

 

De plus, en peut ajouter le danger de la présence des Byzantins en Syrie depuis très longtemps et qui étaient en étroite liaison avec les tribus arabes chrétiennes. Certes les Byzantins ne comptaient pas envoyer leurs lourdes légions s’aventurer dans le désert arabique mais ils craignaient désormais le rayonnement de l’Islam surtout après le message envoyé par le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) qui appelait l’empereur Héraclius et son peuple à embrasser l’Islam.

Les Byzantins n’étaient pas enclins à tenter l’aventure au cœur de l’Arabie cependant les Qouda’ah et les Kinda habituées aux guerres du désert pourraient le faire à leur place d’autant plus que les Byzantins restaient capables d’investir certaines régions d’où ils pourraient fournir une aide directe à leurs alliés voir même combattre à leur côtés.

 

Telle était donc la situation au Nord de la presqu’ile arabique avec des tribus arabes chrétiennes alliées et soumises à leurs frères de religion les Byzantins qui restaient la véritable menace puisque les ordres d’agressions et les visées contre Médine et l’Islam venaient directement d’eux.

 

La menace de Byzance prit effectivement forme lorsque les Musulmans furent informés que des troupes byzantines s’accumulaient et se préparaient au nord de Tabouk ce qui entraina une réaction rapide du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) pour prouver à ces ennemis que les Musulmans étaient capables militairement de répondre à toute menace et attaque.

 

Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) appela à la mobilisation générale et pu lever en un temps record la plus grande armée de sa carrière militaire soit 30000 combattants. Cette rapide mobilisation traduisait en termes clairs que les Musulmans étaient conscients des dangers qui menaçaient leur communauté malgré la chaleur torride de l’été et le travail de sape des hypocrites, ennemis invétérés de l’Islam et du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).

 

La mobilisation de l’armée

 

Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) avait l’habitude de garder secret l’objectif des expéditions qu’il avait l’intention de mener contre ses ennemis, comme il le fit pour La Mecque quand ses dix-mille Compagnons ne furent informés de l’objectif qu’à dix miles de la ville sacrée. Cependant pour l’expédition de Tabouk, il déclara à tout le monde qu’il voulait marcher contre les Byzantins afin que tous les combattants puissent se préparer en conséquence pour le long trajet de six cent miles (mille kilomètres environ).

 

De plus, cette expédition n’allait pas être une expédition-éclair à cause de la distance à parcourir et du nombre de troupes engagées puisqu’il n’y avait plus de raison pour la dissimulation étant donné que tous les ennemis de l’Islam avaient été neutralisés dans toute l’Arabie et que si les Byzantins pouvaient être informés par les hypocrites de Médine, ils restaient maintenant les seuls ennemis. C’est pour ces raisons, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ne dissimula pas ses intentions.

 

En planifiant l’expédition, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) retint toutes les probabilités pour contrecarrer les Banou al-Asfar ; les Pâles (blancs), les Byzantins.

 

Tous les Musulmans capable de prendre les armes devaient répondre à l’appel du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). En plus des Ansar et des Mouhajirine, il chargea des responsables parmi ses premiers Compagnons à avoir embrassé l’Islam, pour qu’ils contactent leurs tribus respectives et qu’ils demandent à ces dernières de rejoindre les rangs de l’armée musulmane à Médine tout en les informant du but de cette mobilisation.

 

Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ne se limita pas d’envoyer ses délégués dans les tribus voisines mais aussi aux habitants de La Mecque bien que ces derniers avaient embrassé l’Islam depuis huit mois seulement.

 

Les historiens ont rapporté le nom de ces onze noms des Compagnons :

- Barida Ibn al-Hasib à Aslam dont les territoires se situaient entre La Mecque et Médine.

- Abou Rahm al-Ghifari à Ghifar, du côté de Badr et as-Safra.

- Abou Wiqid al-Leythi à Banou Leyth de Kinana.

- Abou al-Ja’d az-Zoumari à Banou Zoumrah sur le littoral.

- Rafi’ Ibn Makith à Jouhaynah.

- Joundoub Ibn Makith à Jouhaynah.

- Nou’aym Ibn Mas’oud à Ashdja’.

- Boudayl Ibn Warqa à Khouza’a.

- ‘Amrou Ibn Salim à  Khouza’a.

- Bishr Ibn Soufyan à Khouza’a.

- Al-‘Abbas Ibn Mardas à Salim.

 

Quant aux envoyés pour La Mecque, nous n’avons pu trouver d’indications les concernant dans les sources d’histoire que nous avons entre les mains.

Néanmoins, on peut dire que l’appel du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) reçut un écho très favorable, puisque trente mille combattants répondirent à l’appel malgré les tentatives alarmantes habituelles des hypocrites.

 

Al-Waqidi a rapporté dans al-Maghazi :

« Les ‘Anbat, ces marchands de matières grasses qui étaient en contact permanent avec Médine et la Syrie bien avant l’avènement de l’Islam, rapportèrent que les Byzantins rassemblaient des troupes nombreuses en Syrie, qu’Héraclius les avaient payés une année complète à l’avance et que les premières légions d’entre étaient déjà arrivées à al-Balqah. Ces Byzantins étaient un ennemi que les Musulmans craignaient beaucoup à cause des espions qui étaient parmi les marchands.

Habituellement, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) prenait toutes les précautions afin que l’objectif de ses expéditions reste secret mais pour Tabouk, il ne fit pas de même et informa les gens pour qu’ils se préparent au long voyage et à la chaleur torride. »

 

Enfin, l’année de l’expédition de Tabouk était une année de disette et de sécheresse surtout pour les Musulmans de la campagne. Ce fut pour cette raison qu’elle fut surnommée « l’expédition des difficultés » tant la chaleur était suffocante et l’objectif éloigné.

 

Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) qui prit certainement en considération tous ces facteurs n’accepta dans son armée que les Musulmans possédant une monture (un cheval ou un chameau) tout en excusant ceux qui n’en avaient pas malgré leur sincère insistance à prendre part à l’expédition. Allah Exalté le mentionna d’ailleurs dans le Noble Qur’an : « Nul grief sur les faibles, ni sur les malades, ni sur ceux qui ne trouvent pas de quoi dépenser (pour la cause d’Allah), s’ils sont sincères envers Allah et Son messager. Pas de reproche contre les bienfaiteurs. Allah est Pardonneur et Miséricordieux. » (Qur’an 9/91)

 

Mais pour ceux qui en étaient capables, Allah, à Lui les Louanges et la Gloire, dit : « Il n’y a de voie (de reproche à), vraiment, que contre ceux qui demandent d’être dispensés, alors qu’ils sont riches. Il leur plaît de demeurer avec celles qui sont restées à l’arrière. Et Allah a scellé leurs cœurs et ils ne savent pas. » (Qur’an 9/93)

 

On peut poser cette question : Pourquoi le Prophète n’attendit-il pas la fin de l’été et l’amélioration de la situation matérielle des Musulmans pour déclencher son expédition sur Tabouk ?

La réponse est que la situation sur les frontières nord était très préoccupante. D’après les informations recueillies, le rassemblement des troupes byzantines et celles des Arabes chrétiens constituait une menace mortelle et le temps était un élément essentiel pour empêcher les Byzantins de rassembler toutes leurs forces d’où la diligence du commandement médinois de faire face le plus rapidement possible à la menace malgré les difficultés et la saison non-propice.

Les dons musulmans pour l’armée

 

Parce que cette année était difficile pour l’ensemble des Musulmans, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) incita les Compagnons riches à faire des dons pour équiper l’armée car le trésor public de Médine ne pouvait répondre à tous les besoins.

 

A l’époque, il n’y avait pas encore d’organisation militaro-administrative qui garantissait l’entretien et la préparation de toute une armée, il y avait seulement des combattants volontaires[1] qui s’engageaient avec le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) sur la base d’une foi inébranlable et pour triompher du plus haut degré du Paradis sous celui des Prophètes, au cas d’une mort sur le champ de bataille et bien sûr en fonction de la sincérité des actes. Le Noble Qur’an l’atteste en ces termes : « Ne pense pas que ceux qui ont été tués dans le sentier d’Allah, soient morts. Au contraire, ils sont vivants, auprès de leur Seigneur, bien pourvus et joyeux de la faveur qu’Allah leur a accordée, et ravis que ceux qui sont restés derrière eux et ne les ont pas encore rejoints, ne connaîtront aucune crainte et ne seront point affligés. Ils sont ravis d’un bienfait d’Allah et d’une faveur, et du fait qu’Allah ne laisse pas perdre la récompense des croyants. » (Qur’an 3/169 à 171)

 

De ce fait la mort au combat dans le sentier d’Allah, à Lui les Louanges et la Gloire, est la plus honorable des morts et la plus récompensées.

 

Sur la base de cette croyance, les Musulmans capables se préparèrent en conséquence (armes, ravitaillement, monture) pour être totalement autonome sur le champ de bataille en plus de ne pas avoir à s’adresser à l’autorité compétente qui se chargea donc uniquement des volontaires démunis qui furent très nombreux à se présenter quand l’appel à la mobilisation générale fut lancé.

Comme les caisses du trésor public ne suffisaient pas à répondre à tous les besoins des guerriers, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) lança un appel aux musulmans riches de Médine, qui dès qu’ils entendirent l’appel se précipitèrent à faire don de tout ou d’une partie de leur richesse pour recevoir la récompense divine.

 

Avec ces donations, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) put ravitailler son armée en armes, vivres et montures et la plus importante donation revint à ‘Uthman Ibn ‘Affan qui avait battu alors tous les records. A lui seul (il était un commerçant) il se chargea de ravitailler en vivres, en armes ainsi qu’en montures le tiers de l’armée soit dix mille hommes. Ce qui amena le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) à dire : « Ce que fera ‘Uthman après cela ne lui fera pas de mal. »

 

Les historiens et les chroniqueurs ont rapporté :

« Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) appela les Musulmans au Jihad en leur expliquant ses nombreux avantages ainsi qu’à faire des donations.

(Après l’avoir écouté), les Musulmans offrirent de nombreuses donations. Le premier des donateurs fut Abou Bakr as-Siddiq qui donna quatre mille dirhams. Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)  lui demanda alors : « As-tu laissé quelque chose pour toi ? » La réponse d’Abou Bakr fut très significative : « Allah Exalté et son Messager savent bien. »

‘Umar Ibn al-Khattab donna la moitié de ses biens. Quand le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) lui demanda : « As-tu laissé quelque chose pour toi ?,» il lui répondit : « Oui, la moitié. » Cependant ‘Umar eut cette belle remarque lorsqu’il fut informé de la donation d’Abou Bakr : « Pour toutes les actions de bien, il me devance. »

Parmi les autres donateurs, on peut citer al-‘Abbas, Talha Ibn ‘AbdAllah, ‘Abd ar-Rahman Ibn ‘Awf, Sa’d Ibn ‘Oubadah, Muhammad Ibn Maslamah, ‘Assim Ibn ‘Adi. »

 

Les hommes ne furent pas les seuls à contribuer et certaines femmes participèrent avec dinars, dirhams et bijoux.

Al-Waqidi a rapporté dans al-Maghazi le témoignage d’Oum Sinan al-Aslamiya qui a dit : « J’ai vu un habit étalé devant le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) dans la maison de ‘Ayshah avec des parfums et des bijoux (de femmes)[2]. »

 

Les subversions des hypocrites à Médine

 

Les conditions dans lesquelles le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) mobilisa son armée furent sans nul doute des conditions difficiles pour la majorité des Musulmans. Aux difficultés économiques s’ajoutèrent l’été, la saison des chaleurs de plomb et de la cueillette des dattes.

 

Selon les chroniqueurs et biographes, les gens aimaient dans à cette époque particulière de l’année rester chez eux à l’ombre des palmiers ainsi que pour cueillir et profiter de leurs fruits. Mais à l’appel du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), ils obéirent car aucun Musulman n’avait la permission de transgresser les ordres de l’Envoyé d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).

 

Cependant les hypocrites, ces éléments déstabilisateurs, trouvèrent l’occasion propice pour répandre, comme à leur habitude, les rumeurs les plus défaitistes dans les rangs de l’armée, dans le but bien clair de faire échouer l’expédition. Véritable cinquième colonne parmi les Musulmans, Allah, à Lui les Louanges et la Gloire, les appela « hypocrites » dans son Noble Qur’an car ils ne pouvaient supporter le rayonnement de l’Islam et voir tous ces groupes de Musulmans qui venaient de partout pour participer à la campagne byzantine.

 

En voulant l’échec de la cause d’Allah Exalté, ils réalisèrent leur propre échec quand ils virent trente mille Musulmans répondre sans aucune hésitation à l’appel du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) qui surveillait particulièrement leurs tentatives subversives et qui réagit rapidement en détruisant leurs cellules secrètes ou ils se réunissaient pour coordonner leurs actions. Dans le Noble Qur’an Allah, à Lui les Louanges et la Gloire, fustigea les hypocrites, les dévoilât et aida les véritables croyants à résister à leurs manœuvres.

 

Ainsi l’armée du Prophète suivit le plan tracé, réalisa sa mission et atteignit tous ses objectifs et ce, malgré l’infiltration de ces hypocrites qui tentèrent aussi de corrompre leurs rangs.

Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) toujours soucieux de préserver son armée marcha rapidement sur Tabouk afin d’isoler aussi les hypocrites et d’affaiblir leurs menées déstabilisatrices.

 

Al-Waqidi a rapporté :

« Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) les prit d’avance en envoyant les troupes camper à Thaniyah al-Wada’ (à l’extérieur de Médine). »

 

Voici quelques exemples de comportements des hypocrites.

 

Les hypocrites qui éprouvaient des sentiments inamicaux depuis l’arrivée du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) à Médine ne cessèrent jamais de créer des problèmes pour la jeune communauté. Et bien qu’ils se faisaient passer pour des Musulmans, ils ne cachèrent pas leur animosité à l’encontre de l’Islam et du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Aux yeux de tout le monde, ils observaient extérieurement les pratiques religieuses de l’Islam (prière et pèlerinage par exemple) mais cultivaient en réalité une haine implacable et profonde qu’ils ne pouvaient cacher chaque fois que l’occasion se présentait.

 

Comme ils avaient l’identité musulmane (puisqu’ils étaient apparemment musulmans), la loi musulmane appliquée par le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ne pouvait les toucher bien que les indices et les preuves démontraient leurs véritables desseins La loi musulmane ne pouvait décider d’une punition que si le crime était déclaré et attesté.

 

Sur la base de cette loi musulmane, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) resta en bons termes avec ces hypocrites bien qu’il les connaissait parfaitement ainsi que leurs intentions. Ceux-ci bien profitèrent de ce droit, à maintes reprises, pour comploter contre l’Islam mais avec la plus extrême prudence afin de ne pas tomber sous l’effet de la loi.

 

Le Prophète, qui était connu pour sa tolérance, sa flexibilité et sa patience, se contentait toujours d’ignorer les comportements de ces hypocrites même s’ils atteignirent un degré insupportable comme dans la bataille d’Ouhoud où trois cents hypocrites firent défection devant Qouraysh dans le but évident de créer la division dans les rangs des Musulmans. Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ne prit pourtant aucune mesure punitive malgré l’insistance de ses Compagnons.

 

D’autres actions néfastes similaires se répétèrent sans que le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) ne prenne de décision extrême et parmi celles-ci, la provocation d’un mouvement de rébellion lors de l’expédition des Banou al-Moustaliq avec la rumeur du mensonge de l’affaire du Collier,  qui causa du tort à ‘Ayshah (radhiyallahou ‘anha), la Mère des Croyants.



[1] Et c’est là, la clef majeure du succès des premiers Musulmans qui conquirent avec leur foi un vaste empire en un temps record contrairement aux armées payées par la suite qui n’avaient plus cette motivation essentielle et qui furent maintes fois écrasées pour ne pas s’enfuir tout simplement des champs de bataille.

[2] Maghazi al-Waqidi, t.III, p.991.





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