Le Maghreb avant la conquête 

Qu’était donc le Maghreb pour les Arabes musulmans de cette époque ?

Le Maghreb était divisé en trois parties :

- Le Maghreb inférieur (adna) appelé aussi Ifriqiyah[1], qui est le terme auquel nous faisons le plus souvent référence dans nos traductions, est la région qui comprend la Tunisie actuelle et tous les pays au-deçà comme la Lybie,

- Le Maghreb central (awsat) correspond à l’Algérie actuelle et,

- Le Maghreb extrême (aqsa) qui est le Maghreb actuel ou le Maroc.

Quand à al-Andalous, ce n’est pas un nom arabe ni islamique mais un nom qui vient de Vandaloussia qui veut dire le pays des Vandales qui était une tribu de barbares (hamaji) sauvages (wa’shi). Le mot vandale d’ailleurs est entré dans le langage courant et vandalisme veut dire selon wikipédia.fr : « Le vandalisme désigne tout acte de destruction ou de dégradation gratuite visant des biens publics ou privés. Le vandalisme vise le plus souvent des édifices et biens mobiliers, des sites naturels, des documents ou œuvres artistiques, et en particulier tout ce qui constitue l’identité d’une culture, son patrimoine, son histoire. Dans le langage courant, cependant, le terme s’applique parfois à d’autres types de déprédations volontaires ».

Cette tribu de Vandales occupa la péninsule ibérique, qui représente le Portugal et l’Espagne actuelle, au troisième, quatrième siècle de l’ère chrétienne et aussi au début du cinquième siècle avant d’être chassés de la péninsule ou de l’Andalousie par les Goths de l’ouest.

L’Andalousie est donc la péninsule ibérique comprenant le Portugal et l’Espagne.

L’Andalousie est aussi appelée dans certains livres islamiques l’île d’Andalousie (al-jazirah al-andalousiyah).

Ainsi est la définition de l’Andalousie chez les savants musulmans et autres.

 

Les Habitants du Maghreb et leurs origines

 Le Maghreb avant la conquête islamique était habité par un certains nombres de groupes de gens. Les historiens les ont classés en trois principaux groupes :

- Les Romains de Byzance (roum bizantiyoun). Vous n’êtes pas sans savoir que Rome ou l’impérium romain de l’ouest tomba aux mains des barbares sauvages européens qui poussèrent les Romains à partir pour Constantinople (al-constantiniyah) et donna naissance à l’impérium byzantin de l’est. Lorsque nous faisons mention des Romains byzantins, ce sont ceux qu’Allah Exalté permis aux musulmans de battre.

Il y avait donc au Maghreb avant la conquête islamique, les Romains byzantins et :

- Les Afariq ou les Afariqah qui sont les survivants du royaume de Carthagène (mamlakat qourtagana) qui fut dirigée par le célèbre conquérant Hannibal, qui si vous vous rappelez, traversa les Alpes sur ses éléphants pour attaquer Rome. En plus d’un certains nombres de tribus qui vivait au Maghreb, il y avait aussi d’autres latins : les Berbères.

 

Qui était donc les Berbères ? Le mot berbère est d’origine romaine. Il désignait les gens et les habitants du Maghreb parce qu’ils étaient des étrangers qui n’avaient pas atteint le seuil de vie des Romains qui pensaient à cette époque être des gens libres.

Certains historiens affirment que ces Berbères étaient d’origine européenne parce que certains d’entre eux avaient les cheveux blonds et les yeux bleus et quiconque avaient ces caractéristiques ne pouvaient donc pas venir par exemple du Niger ou d’un pays d’Afrique. Ces affirmations ne sont donc basées que sur des ressemblances physiques.

D’autres historiens disent que ces tribus arrivèrent longtemps auparavant d’Asie et donc que les Berbères sont d’origine asiatique.

Pour les savants arabes, il en est différemment et il y a deux opinions concernant l’origine des Berbères.

 

Première opinion :

- Qu’ils sont des Berbères Baranaize issus d’un homme du nom de Bournouss Ibn Bourn. Ils ont divisés les Berbères issus de cet homme en sept grandes tribus aux noms surprenants pour les arabes musulmans ainsi que l’ont été pour eux les noms des Turcs, des Seljouks ou des Kurdes musulmans comme nous l’avons vu dans l’Histoire des Abbassides. Et le contraire est également valable. Allah Exalté soit-Il dit dans son livre : « Ô hommes! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre connaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allah, est le plus pieux. Allah est certes Omniscient et Grand-Connaisseur ».[2]

La nation musulmane est composée d’un très grand nombre de nations différentes et les Berbères sont une grande nation islamique et n’y a aucun doute en cela. De même que l’Islam ne fait pas de différence entre les nations islamiques et les différents états. Quant à la nationalité, elle n’a aucune valeur aux yeux de l’Islam ! La nation islamique est une et tous les musulmans sont des frères. Allah Exalté soit-Il dit dans son livre : « Les croyants ne sont que des frères. Établissez la concorde entre vos frères, et craignez Allah, afin que l’on vous fasse miséricorde »[3].

 

Les sept principales tribus des Berbères Baranaize sont :

- La tribu d’Ouroubah ou Ourbah,

- La tribu Sanhadja,

- La tribu Qoutamah,

- La tribu Origah,

- La tribu ‘Ajithah,

- La tribu Izdajah et enfin,

- La tribu Masmoudah.

Veuillez m’excuser si je me suis trompé sur la prononciation de certains noms et tout le respect est du à nos frères en Islam qui ont joué un rôle majeur dans l’histoire de l’Islam et des musulmans, en Andalousie et dans le Jihad en général.

 

D’autres historiens ont mentionnés que les Berbères Baranaize avaient donné naissance à dix tribus, les sept précédentes ainsi que :

- La tribu de Labtah,

- La tribu d’Asfourah et,

- La tribu de Jazoulah.

La tribu Sanhadja est considérée comme la plus grande tribu et certains historiens ont dit qu’elle représente le tiers de la population berbère.

 

Deuxième opinion :

- Les Berbères Boutr de leur ancêtre Madghiss Ibn Bourr qui donna naissance à quatre principales tribus :

- La tribu Marissah,

- La tribu Watah,

- La tribu Oudassah et,

- La tribu Nafoussah.

La tribu Marissah donna naissance aux célèbres tribus de Maknassah et de Zenâta ou Zinata. De Zinata sont issue les tribus de Jourawah, de Maghrawah, des Banou Yathrine, des Banou Zayyan et des Banou Marine qui jouèrent un grand rôle dans cette histoire.

Comme pour les tribus arabes, toutes les tribus berbères ont leurs champions et leurs héros.

 

Le grand et célèbre historien ‘Allama Ibn Khaldoun a dit que les Berbères Boutr et Baranaize sont issus du fils de Madigh Ibn Kan’an Ibn Ham Ibn Nouh, et c’est l’avis d’Ibn Khaldoun.

 

 Le but derrière la décision des Omeyyades de conquérir le Maghreb

 Tous les savants musulmans et les autres historiens sont unanimes à dire que les conquêtes islamiques (al-foutouhat al-islamiyah) du nord de l’Afrique, le Maghreb islamique, par les Omeyyades, avaient pour but principal la conquête de la Sicile (jazirat saqilyah) et du sud de l’Italie ainsi que le contrôle de la mer adriatique.

Le plan des Omeyyades, après plusieurs vaines tentatives par l’est, était d’attaquer par l’ouest l’imperium byzantin qui s’était réfugié à Constantinople après leur défaite face aux Goths. Constantinople qui tomba toutefois en l’an 854 de l’Hégire (1453) sous l’assaut intelligent du jeune commandant et stratège musulman âgé alors de vingt et un an, Muhammad II al-Fatih (Muhammad II le Conquérant)[4], dont le nom figure dorénavant pour l’éternité avec les grands conquérants musulmans, puisse Allah Exalté leur faire tous miséricorde.

Le puissant état des Omeyyades projetaient d’attaquer et de capturer Constantinople de trois directions, la Syrie, l’Asie Mineure et l’ouest. Mais les Byzantins se rendirent compte de leur plan et l’empereur byzantin orthodoxe Constantin II, le célèbre empereur Héraclius (iraql) battu par les musulmans en Syrie, quitta Constantinople en 42 de l’Hégire et se rétablit à Rome où il se prépara à faire face à l’assaut des musulmans.

 

L’entrée de ‘Amr Ibn al-‘As en Egypte

 En l’an 13 de l’Hégire (634), encouragé par les succès de Khalid Ibn Walid (qu’Allah soit satisfait de lui) contre les Persans en Iraq, le Calife Abou Bakr (qu’Allah soit satisfait de lui) se décida à conquérir la Syrie et lanca un appel aux armes. Il écrivit aussi à ‘Amr Ibn al-‘As (qu’Allah soit satisfait de lui) de revenir à Médine pour participer à la campagne syrienne. En réponse, ‘Amr  écrivit : « Je suis une des flèches d’Allah. Tire là où tu veux ».

‘Amr Ibn al-‘As (qu’Allah soit satisfait de lui) était de la tribu des Bani Sahm. Selon les généalogistes, il était ‘Amr, Ibn Wa’il, Ibn Hashim, Ibn Sou’ayd, Ibn Sahm, Ibn Houssays, Ibn Ka’b, Ibn Louwah, Ibn Ghalib, Ibn Fihr, Ibn Malik, Ibn Nizar, Ibn Kinanah. Et comme il était de coutume chez les Arabes, il était aussi connu par le nom de son fils premier-né, Abou ‘AbdAllah.

 

Lors de la guerre en Syrie et surtout en Palestine, ‘Amr fut commandant d’un corps de troupe et prit part dans la plupart des batailles dont Ajnadayn, Damas et Yarmouk. Quand la conquête de la Palestine fut achevée, et la paix restaurée en Syrie et en Palestine, il fut nommé gouverneur de la Palestine en l’an 17 de Hégire (637).

 

Quand la Syrie, au début de l’an 18 de l’Hégire (638), fut frappée par la peste d’Amwas, qui tua le commandant en chef des forces musulmanes Abou ‘Oubaydah Ibn al-Jarrah et plusieurs généraux (qu’Allah soit satisfait d’eux), ‘Amr Ibn al-‘As prit le commandement de l’armée et se déplaça rapidement vers une région de la Syrie où l’air était plus propre et l’eau plus pure. Il s’établit avec son armée à Jabiyah, un cantonnement construit par Abou ‘Oubaydah Ibn al-Jarrah, (qu’Allah soit satisfait de lui) au nord de la plaine de Yarmouk et resta commandant de l’armée jusqu’à ce qu’il reçoive la visite du nouveau Calife ‘Omar Ibn al-Khattab (qu’Allah soit satisfait de lui) cette même année.

Deux ans plus tôt, après la capitulation de Jérusalem au Calife ‘Omar Ibn al-Khattab (qu’Allah soit satisfait de lui), ‘Amr lui avait exposé son idée de la conquête de l’Egypte : « O commandant des croyants, autorise-moi à marcher sur l’Egypte. Si tu conquis le pays, il sera une source de force et de subsistance pour les Musulmans. C’est une des terres les plus riche de la terre et la plus faible à se défendre elle-même ». Mais le Calife ne fut pas convaincu car il craignait pour la sécurité des musulmans et s’opposa au plan de ‘Amr pour l’invasion d’une vaste terre comme l’Egypte. Toutefois, ‘Amr insista si bien que le Calife ‘Omar céda. ‘Amr pourrait procéder à la campagne avec 4.000 hommes seulement et selon d’autres sources 3.500.

Le Calife lui dit : « Part tandis que je chercherai les conseils d’Allah Exalté concernant votre départ. Tu recevras bientôt une lettre de moi, si Allah Exalté le veut. Si elle t’atteint avant que tu sois entré en Egypte alors ton ordre sera de revenir. Mais si toi et l’armée êtes déjà entrés alors allez de l’avant et recherchez l’aide d’Allah et Son secours ».

‘Amr quitta Jabiyah cette même nuit avec quatre-mille combattants musulmans.

 

Il prit peu de temps au Calife pour réaliser qu’il n’avait rien à faire avec l’Egypte. Donc il écrivit à ‘Amr : « Si vous avez avancé vers l’Egypte avec ceux qui sont avec toi, sache qu’il y a une multitude de Romains devant toi tandis que votre nombre est peu. Si cette lettre vous atteint alors que vous n’êtes pas encore entrés en Egypte, retournez en arrière. Mais dans le cas contraire, procédez et sachez que je vous aiderai ».

Le Calife ‘Omar (qu’Allah soit satisfait de lui) cacheta la lettre et l’a donna à ‘Ouqbah Ibn ‘Amr qui était son messager. ‘Omar lui dit d’aller à toute vitesse à la poursuite de la petite armée de ‘Amr Ibn al-‘As, avant qu’il n’entre en Egypte et de lui donner la lettre. ‘Ouqbah prit congé du Calife et partit sur un rapide chameau à la poursuite de ‘Amr qui se trouvait à Rafah, un peu avant de la frontière égyptienne, quand le messager du calife le rattrapa et lui remit la lettre.

Il ordonna au messager de garder la lettre pendant quelque temps et avança de nouveau avec sa petite armée pour atteindre quelques heures plus tard la petite ville de Shajratayn, entre Rafah et Arish, qui était la première ville d’Egypte et marquait sa frontière. ‘Amr (qu’Allah soit satisfait de lui) fit alors venir le messager, prit la lettre du Calife, la lut avant de se tourner vers les Musulmans et les instruire du contenu. Puis, il ajouta : « Sa lettre m’est parvenue alors que nous sommes déjà en Egypte. Marchons donc et recherchons les bénédictions d’Allah ».

 

La marche des Musulmans vers Memphis

 Les Musulmans marchèrent sur Memphis. C’était une marche montée, les hommes conduisaient leurs chameaux et tiraient leurs chevaux, prêts à être montés si l’apparition soudaine d’un ennemi devait exiger une rapide action militaire. C’était la façon de voyager des Arabes quand ils devaient parcourir de longues distances.

Le même matin, le jour de ‘Id al-Adhah, le 10 du mois de Dzoul Hijjah de l’année 19 de l’Hégire, (639), après un court voyage, ils arrivèrent à Arish, la première ville importante d’Egypte et le siège d’une autorité gouvernementale mais sans garnison. Les Musulmans offrirent des sacrifices et ‘Amr Ibn al-’As (qu’Allah soit satisfait de lui) sacrifia un bélier.

Pendant ce temps, à Alexandrie la capitale d’Egypte, les Romains furent informé de l’intrusion sur leur terre, préparèrent leurs forces pour l’action et prirent des contre-mesures pour s’opposer à l’avance des Musulmans dont celle de renforcer Farmah, leur garnison la plus avancée.

 

Dans la dernière moitié du mois de Dzoul Hijjah de cette même année, les Musulmans reprirent leur marche et arrivèrent à Farmah[5] (farma ou tal al-farma), un endroit stratégique qui était la clé de l’Egypte, parce que toutes les invasions venant d’Asie devaient traverser cet endroit qui ouvrait toutes les routes vers l’intérieur dont Alexandrie et Memphis. Mais c’était une ville fortement fortifiée qui comptait une garnison romaine dont le nombre était inconnue et qui pouvait être approvisionnée par mer en cas de siège

 

Le siège d’al-Farmah

 Al-Farmah fut la première location en Egypte où les Musulmans rencontrèrent de la résistance qui s’avéra tenace. Les Romains étaient résolus à lutter aussi longtemps que leurs réserves dureraient et comme ils avaient le contrôle de la Mer Méditerranée, la garnison pouvait être ravitaillée sans que les Musulmans puissent interférer. Les Romains pouvaient donc tenir indéfiniment un long siège.

Les musulmans assiégèrent la ville mais sans pouvoir prévenir les entrées et les sorties des bateaux. Le siège dura presque deux mois, et les Romains repoussèrent chaque assaut. Finalement, au mois de Safar de l’année 19 de l’Hégire (639), Farmah fut prise d’assaut par un commando musulman mené par Houdayfah Ibn Wa’la qui attaqua le fort et captura la porte, par laquelle le reste de l’armée pénétra dans la ville. La résistance romaine s’effondra presque immédiatement.

Lorsque les Musulmans, à la mi-Safar de l’année 20 de l’Hégire (640), quittèrent al-Farmah vers Majdoul, dans la région d’al-Qantarah al-Sharqiyah, ils firent face à une opposition de l’arrière-garde romaine mais ‘Amr Ibn al-’As (qu’Allah soit satisfait de lui) balaya la faible résistance sans pratiquement aucune perte du coté musulman. Les Musulmans poursuivirent leur avancée le long du Delta du Nil, éliminant au fur et à mesure l’opposition des Romains jusqu’au milieu du mois de Rabi’ al-Awwal ou ils arrivèrent à la forteresse de Bilbays, à une cinquantaine de  kilomètres de Memphis, et se retrouvèrent face à une autre garnison romaine barrant leur route.

Les Romains défendirent de nouveau obstinément le fort, mais ils n’avaient pas suffisamment de réserves pour soutenir un siège prolongé et quand les musulmans assiégèrent la ville fortifiée. Un mois après l’arrivée des Musulmans, la garnison de Bilbays déposa les armes. Après les formalités de capitulation et administrative consignée pour le territoire conquis, ‘Amr se mit de nouveau en marche

Les Romains continuèrent à ralentir sa progression mais aucune action sérieuse n’entrava la marche des Musulmans vers Memphis et au mois de Joumadah al-Awwal de l’année 20 de l’Hégire (640), évitant Heliopolis, les Musulmans aperçurent les tours de Babylone ou Misr.

Les deux plus grandes villes d’Egypte étaient Memphis et Alexandrie qui était une large base navale par laquelle les Romains exerçaient leur contrôle sur la Méditerranée et qui leur donnait la liberté de mouvement sur la mer. Memphis, d’autre part, était aussi importante du fait qu’elle permettait de séparer l’Egypte en deux en cas d’invasion. C’était une ville totalement indépendante qui n’avait aucune incidence sur la ville voisine d’Alexandrie ou même la mer. Memphis était le point de séparation de l’Egypte Supérieure (sud) et de l’Egypte Inférieure (nord) et le point de contrôle entre les deux.

Alors qu’Alexandrie était le joyau de l’Egypte maritime, Memphis celui de l’Egypte continentale et sa possession avait une valeur inestimable.

Memphis n’était pas non seulement une ville fortifiée mais un groupe de villes dont trois principales que les musulmans appelèrent Misr[6]. La plus vieille d’entre elle était Memphis, sur la rive ouest du Nil. Sur la rive est du fleuve, lui faisant face, à l’opposé de  Gizeh, s’élevait la forteresse de Babylone (bab al-youn) connectée à la rive ouest par un pont protégé par un puissant fort du coté est. Tandis qu’à une quinzaine de kilomètres au nord-est du pont s’élevait la ville temple d’Heliopolis, ou ‘Ayn ash-Shams.

La plus imprenable et la plus difficile des trois villes à prendre était Babylone et donc le prochain objectif de ‘Amr Ibn al-‘As (qu’Allah soit satisfait de lui).

 

La bataille de Bab al-Youn 

Quand Farmah tomba et que ‘Amr Ibn al-‘As (qu’Allah soit satisfait de lui) avança vers Bilbays, le patriarche d’Alexandrie al-Mouqawqis fut informé de la direction prise par les Musulmans et mit immédiatement son armée en mouvement. Celle-ci quitta la garnison locale d’Alexandrie pour arriver après quelques jours de marche à Babylone ou une légion romaine était déjà postée pour la protection des villes de Memphis et de Babylone commandée par un général romain du nom de Mandfour al-Ou’ayrij, qui absorba sa légion dans sa propre armée.

Les préparations commencèrent aussitôt pour renforcer Babylone comme une forteresse. Alors que les Musulmans assiégeaient Bilbays, les Romains préparèrent Babylone à soutenir un siège. De larges quantités de provisions furent acheminées, les créneaux réparés et les troupes placées en état d’alerte. Du fait qu’il n’y avait pas assez de logement pour loger les légions dans le fort à Babylone, l’armée établit le camp à l’extérieur des murs, dos à la forteresse et creusa un profond fossé en face du camp au nord pour empêcher l’accès à Babylone. Ce fossé permettait non seulement la protection des troupes au sol mais aussi à celle du fort en augmentant les difficultés de l’attaquant. Quelques endroits restèrent non creusés, afin de servir de ponts naturels à travers le fossé et faciliter les mouvements et ils furent parsemés de pointes en fer pour prévenir et empêcher les attaques.

Les Musulmans, évitèrent Heliopolis, et apparurent devant Babylone ou ils trouvèrent une immense armée romaine déployée pour la bataille, sur les créneaux, dans le fossé et en avant du fossé pour protéger la traversée. Les Musulmans commandés par le respectable Compagnon du Messager d’Allah (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) ‘Amr Ibn al-‘As (qu’Allah soit satisfait de lui) assiégèrent la ville au mois de Joumadah al-Awwal de l’année 20 de l’Hégire (640).

Aussitôt arrivé à Babylone, ‘Amr Ibn al-‘As (qu’Allah soit satisfait de lui) déploya son armée de 4.000 combattants en formation d’assaut et attaqua les détachements romains qui lui faisait face. L’attaque fut repoussée par les Romains et ‘Amr revint avec les Musulmans dans le camp, sur la rive est du Nil.

Le matin suivant, les Musulmans attaquèrent de nouveau les forces romaines et l’attaque fut aussi repoussée. En soirée, les Musulmans lancèrent une autre attaque contre un autre secteur du fossé mais ils furent de nouveau repoussés. A nouveau, le jour suivant, les Musulmans lancèrent plusieurs attaques sans succès apparent. Ces affrontements sans succès durèrent quelques jours si bien que ‘Amr stoppa ses attaques et pour faire apparaître sa petite armée plus nombreuses, il l’a divisa en petits groupes qu’il étendit sur une très larges surface.

 

Durant deux mois les confrontations avec les Romains se poursuivirent et ils repoussèrent systématiquement toutes les fréquentes attaques musulmanes. Ne voyant aucun signe de victoire, ‘Amr (qu’Allah soit satisfait de lui) estima qu’il ne pouvait plus retarder les affaires et au mois de Rajab de cette même année, il écrivit à ‘Omar Ibn al-Khattab (qu’Allah soit satisfait de lui) et demanda de l’aide.

Quelques jours à peine après réception de la lettre, et durant deux à trois semaines, des renforts furent envoyés quotidiennement en Egypte et un mois après qu’il ait demandé de l’aide, ‘Amr reçut 4.000 nouveaux combattants en renforts.

‘Amr Ibn al-‘As (qu’Allah soit satisfait de lui) reprit l’offensive avec plus de vigueur. De nouveau, il attaqua les Romains matins et soirs, mais ses attaques ne purent faire aucun progrès contre la résistance romaine. Ils réduisirent un grand nombre de Romains sans toutefois porter atteinte à la défense de la ville. Ne sachant pas quoi d’autre faire, ‘Amr écrivit de nouveau au calife et demanda plus d’aide.

‘Omar Ibn al-Khattab (qu’Allah soit satisfait de lui) choisit quatre commandants, chacun valant mille hommes et il confia à chacun d’entre eux mille hommes. Ces quatre hommes étaient : ‘Abdallah Ibn Zoubayr Ibn a1-‘Awwam (qu’Allah soit satisfait d’eux),  Miqdad Ibn a1-Aswad (qu’Allah soit satisfait de lui), ‘Oubabah Ibn as-Samit et Kharijah Ibn Houdayfah (qu’Allah soit satisfait d’eux). Le Calife écrivit alors à ‘Amr Ibn al-‘As : « J’ai nommé à la tête de chaque détachement de mille homme un commandant qui en vaut mille à lui seul. Sache que tu as 12.000 hommes et 12.000 hommes ne peuvent être vaincus à cause de leur nombre[7] ».

Sitôt arrivé à Babylone, ‘Abdallah Ibn Zoubayr parcourut le périmètre de défense des Romains et effectua une reconnaissance sans toutefois trouver de brèche dans leur défense.

‘Amr Ibn al-‘As et ‘Abdallah Ibn Zoubayr (qu’Allah soit satisfait d’eux) décidèrent alors de lancer une autre attaque sur la totalité du front afin d’essayer de capturer une ou plusieurs traversées du fossé. Un lourd combat s’ensuivit ou les légions romaines postées devant la tranchée durent se retirer à l’abri de la tranchée sans aucun succès pour les Musulmans.

 

‘Amr Ibn al-‘As et ‘Abdallah Ibn Zoubayr (qu’Allah soit satisfait d’eux) tournèrent alors leur attention vers Heliopolis qui se trouvait à quelques distance derrière eux. Réalisant alors le danger de cette force romaine dans leur dos et le risque d’être prit entre deux fronts, ‘Amr avec une grande part de l’armée se dirigea avec vers la ville forteresse, laissant derrière lui un nombre suffisant de défenseurs pour garder Babylone et protéger ses arrières.

Lorsqu’il arriva devant Héliopolis la cavalerie romaine de la garnison sortit à leur rencontre mais fut repoussée. Peu de temps après, ‘Abdallah Ibn Zoubayr (qu’Allah soit satisfait de lui) escalada le mur de la forteresse accompagné d’un groupe choisit de Musulmans et peu après la garnison romaine se soumit et un traité de paix fut conclu soumit à la Jizyah[8].

La menace d’Heliopolis éliminée, les Musulmans retournèrent à Babylone pour trouver une activité inhabituelle dans le camp des Romains dont une partie sortit soudainement de leur tranchée. Les Romains repoussèrent les Musulmans postés près de celle-ci et établirent de nouveau leur défense initiale au-devant de la tranchée.

‘Amr redéploya alors toute ses forces face aux légions et peu de temps après, les Romains effectuèrent une sortie et attaquèrent les Musulmans. Décidés à briser le siège, ces sorties augmentèrent progressivement et devinrent quotidiennes.

Puis un jour Kharijah Ibn Houdayfah vint trouver ‘Amr et lui proposa un plan qu’il accepta et fit préparer l’armée en conséquence.

Le matin suivant les Romains sortirent de nouveau en grand nombre et quand ils lancèrent leur attaque, les Musulmans reculèrent, en montrant des signes de détresse. Les Romains les pourchassèrent tandis que les Musulmans poursuivirent leur retraite ordonnée et préméditée jusqu’à ce que l’armée romaine soit sortie du fossé et assez loin de celui-ci puis ‘Amr Ibn al-‘As (qu’Allah soit satisfait de lui) donna le signal.

500 cavaliers menés par Kharijah Ibn Houdayfah qui s’étaient soustrait à la vue, contournèrent l’armée romaine et se postèrent devant tous les passages d’accès menant au fossé. Puis au cri d’Allahou Akbar (Dieu est grand), le corps principal des Musulmans fit demi-tour et contre attaqua. Sachant les Romains coupés de leur base, les Musulmans accentuèrent leur attaque et Romains reculèrent et s’écrasèrent contre de détachement de Kharijah.

Coincée entre les deux forces, les Romains tentèrent un retrait ordonné bien qu’ayant peu de place  pour manœuvrer et à peine capable d’utiliser leurs armes. Un grand nombre de morts jonchaient déjà le sol et par désespoir, les Romains attaquèrent la cavalerie de Kharijah pour dégager leur arrière et retourner dans la tranchée. Après un lourd et violent combat, et plusieurs assauts répétés, les Romains furent capables de repousser la cavalerie et de libérer de nouveau les passages de retrait que le reste de l’armée romaine emprunta tant bien que mal les Musulmans sur leur dos.

 

L’armée musulmane ne relâcha pas son effort et poursuivit l’assaut. Le retrait des Romains se transforma en ruée folle et un grand nombre tomba sous le dernier assaut des Musulmans, rejoignant les milliers qui avaient déjà péri dans la double attaque musulmane, avant que le reste de l’armée impériale ne puisse regagner le fossé. Mais cette fois, la désorganisation des Romains donna aux Musulmans l’occasion de traverser le fossé à leur suite ce qui n’était jamais arrivé auparavant.

Les Romains abandonnèrent le fossé et la bataille ne cessa pas avant que le dernier romain ne soit rentré à l’abri de la forteresse et la porte fermée derrière lui.

Maintenant les Musulmans libérés de deux obstacles purent concentrer leur attention sur l’attaque de la forteresse puisqu’ils se trouvaient dorénavant au pied de celle-ci.

Seuls les murs de Babylone sauvèrent l’armée romaine de l’anéantissement et tant que la forteresse resterait intacte et que l’acheminement des réserves parviendraient par le Nil, les Romains pouvait subir un siège indéfini.

 

‘Amr Ibn al-‘As (qu’Allah soit satisfait de lui) déploya ses forces tout le long de la ville fortifiée d’une rive à l’autre. Puis, il fit assembler ses catapultes en entreprit le bombardement de Babylone.



[1] Ifriqiyah sera essentiellement utilisé pour mentionner le Tunisie actuelle.

[2] Qur’an, Sourate al-Houjourat (49), verset 13.

[3] Qur’an, Sourate al-Houjourat (49), verset 10.

[4] Voir notre future traduction, Abrégé de l’histoire politique et militaire des Ottomans.

[5] Farmah ou Pelusium ou Péluse est une cité de la Basse-Égypte antique, située à l’extrémité Nord-est du delta du Nil, à 30 kilomètres au sud-est de Port Sa’id.

[6]  Misr est aussi le nom arabe de l’Egypte actuelle.

[7] Célèbre Hadith du Messager d’Allah (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui).

[8] Impôt de guerre.