Shah ‘Abbas

En montant sur le trône, ‘Abbas prit le titre de Shah ‘Abbas alors que les affaires des safawi étaient au niveau le plus bas. Certains chefs Qizilbash d’humeur rebelle pensèrent à capturer le pouvoir pour eux-mêmes. Deux d’entre eux, ‘Ali Qouli Khan et Mourshid ‘Ali Khan particulièrement indisciplinés, devinrent une source de danger pour la stabilité du règne. ‘Ali Qouli Khan fut donc chargé par Shah ‘Abbas de marcher contre les Uzbeks et trouva la mort au combat éliminant ainsi sa menace pour Shah ‘Abbas. Quant à Mourshid ‘Ali Khan, il fut par la suite assassiné sur les ordres de Shah Abbas et avec la mort de ces deux chefs, les troubles furent éliminés.



Réorganisation de l’armée

Shah Abbas entreprit la réorganisation de l’armée avec en vue l’affaiblissement du pouvoir des chefs qizilbash. Jusqu’ici, l’armée était organisée de telle façon que chaque chef qizilbash commandait directement un contingent tandis qu’aucune unité n’était sous le commandement direct de Shah. Pour briser le pouvoir des Qizilbash, Shah Abbas créa une nouvelle unité dans l’armée qu’il appela « Les Amis de Shah » et qui était sous son seul contrôle.



Confrontation avec les Ottomans

Tirant profit du désordre dans la maison safawi, les Ottomans, sous le commandement de Farhat Basha, envahirent la Perse en 1587 et dans la bataille qui suivit près de Baghdad, les Perses furent écrasés et perdirent un territoire considérable. Les Ottomans prirent Tabriz et annexèrent la ceinture ouest du dominion des safawi, de la Géorgie au nord au Luristan au sud. Ce fut un dur coup pour le prestige des safawi et Shah ‘Abbas décida d’attendre et d’accumuler assez de force pour battre le fer de nouveau avec les Ottomans.



Campagne contre les Uzbeks

Il était devenu courant de faire face à la menace Uzbek qui, sous le règne de leur ‘Oubaydallah envahit la Perse et captura Herat après un siège de neuf mois. Par la suite, les Uzbeks marchèrent sur Mechhed qui tomba à son tour suivit par Nishapour et Sabzewār, une situation critique pour les safawi et ainsi les Uzbeks occupèrent une partie du dominion des safawi durant quelques années.

En 1597, Shah ‘Abbas rassemblé une large armée et avança en personne à la rencontre des Uzbeks. Dans la féroce bataille d’Herat qui suivit, Shah ‘Abbas écrasa leur armée et les Uzbeks abandonnèrent tous les territoires des safawi en leur possession. Ce fut la première victoire de Shah ‘Abbas qui marqua le début de sa campagne de conquêtes.

Après l’expulsion des Uzbeks, un événement singulier arriva dans l’histoire des safawi qui ne peut être trouvé nulle part dans les annales de l’Histoire de l’humanité.
Un jour en 1597, les astrologues de la cour prétendirent que les trois jours qui allaient suivre seraient désastreux pour le souverain. Shah Abbas fut conseillé de s’écarter du pouvoir pour trois jours et de nommer quelqu’un d’autre à sa place. Shah ‘Abbas suivit conformément ce conseil, se retira de la cour et nomma Youssouf Siraj pour le trône.
Youssouf Siraj qui avaient des vues communistes, s’installa parmi les pauvres ce qui causa plus tard des troubles à grande échelle au cours desquels un grand nombre de personnes furent tuées y comprit Youssouf Siraj.
Le quatrième jour, Shah ‘Abbas ressortit de l’ombre et remonta sur le trône, inversa le décret de Youssouf Siraj et restitua l’ordre dans le pays.



Campagnes contre les Ottomans

Shah ‘Abbas réorganisa son armée à l’aide des conseillers britanniques introduits dans la politique safawi. Il mit sur pied une brigade efficace d’artillerie qui fut équipée avec les dernières armes. Ayant accumulé une force suffisante, Shah ‘Abbas décida de se mesurer avec son ennemi invétéré, les Ottomans.

En 1603, à la tête d’une immense armée totalement équipée par les britanniques, Shah Abbas sortit pour affronter les Turcs et prit Tabriz puis Erivan, Shirwan et Kara. Dans une bataille rangée sur les rives du lac Ourmiyah, les Ottomans subirent une terrible défaite et par la suite, les Perses occupèrent la Mésopotamie, Mossoul et Diyarbakir. La paix fut alors convenue avec les Ottomans sur des termes favorables aux safawi.

À la fin de la première décade du dix-septième siècle, Shah ‘Abbas était au zénith de son pouvoir et peu après, Muhammad III, le sultan ottoman mourut. Il fut succédé par son fils Sultan Ahmad. Souffrant de la défaite infligée par les safawi, les Ottomans menés par Sultan Ahmad envahirent la Perse en 1616 et assiégèrent Erivan. Les Perses offrirent une résistance acharnée et les Ottomans durent battre en retraite. L’année suivante, les Turcs envahirent de nouveau la Perse et furent une nouvelle fois repoussés.



Acquisitions dans le Golfe persique

Durant la dernière décade de la fin du seizième siècle, les Portugais avaient occupé le port de Hormuz dans le Golfe Persique. Les Portugais restèrent maître du port durant environ un siècle mais vers la fin du règne de Shah ‘Abbas, les safawi avec l’aide des Britanniques mirent les Portugais à la porte et occupèrent le port d’Hormuz qui fut rebaptisé Boundar Shah ‘Abbas. Shah ‘Abbas autorisa alors les Britanniques et les Néerlandais à y construire des usines.

Shah ‘Abbas mourut en 1629, après un règne mouvementés de quarante-deux ans. Shah ‘Abbas est connu dans l’histoire safawi comme « ‘Abbas le Grand » car il est considéré comme le plus grand souverain de la dynastie des safawi grâce à l’aide des Britanniques et des Néerlandais avait qui il s’allia pour mettre fin au pouvoir des Ottomans sur la voie de leur déclin.

Sous Shah ‘Abbas, la renaissance et l’ancienne gloire perse furent réanimées et il prit pour capitale Isfahan qu’il fit cerner d’une enceinte. Il encouragea l’architecture shiite et fit de la Perse un endroit de pèlerinage qu’il exécuta lui-même chaque année.
Shah Abbas malgré son appellation de « ‘Abbas le Grand » fut un père dépourvu d’amour paternel pour sa progéniture et traita ses fils avec une extrême sévérité et dureté.

Son fils aîné, Safi Mirza, était érudit, généreux, courageux et populaire qui rendit son père jaloux de lui et lui fit croire que son fils voulait renverser son gouvernement. Shah ‘Abbas le fit donc assassiner. Son deuxième fils mourut de mort naturelle durant son vivant. Son troisième fils, Khoudabandah était aussi compétent, brave et un bon administrateur. Il était populaire et sa popularité excita la jalousie de Shah ‘Abbas qui fit assassiner son principal conseillé. Quand Khoudabandah se présenta en personne à la cour pour se plaindre contre le meurtre de son conseiller, Shah ‘Abbas le fit aveuglé et un traitement similaire fut de même infligé à son quatrième fils. Par conséquence quand Shah ‘Abbas mourut, il n’avait aucun fils pour lui succéder.



Shah Safi

La mort de Shah ‘Abbas en 1629, marqua la fin d’une époque.
Shah ‘Abbas fut succédé par son petit-fils Shah Safi, un fils de son fils aîné Safi Mirza. Selon le voyageur français Chardin, il avait une croyance chez les Perse que lorsque Shah ‘Abbas mourrait, le pays ne pourrait plus prospérer et cette appréhension s’avéra en partie vraie car le jeune Shah était un jeune inexpérimenté et sous son règne la grandeur des safawi prit fin.

Avec la transition du gouvernement autocratique de Shah ‘Abbas au gouvernement inefficace de Shah Safi, la cour safawi devint un centre d’intrigues et de conspirations pour se débarrasser de lui et Shah Safi dut recourir aux bains de sang et aux exécutions à grande échelle qui le rendirent impopulaire.

Profitant de l’instabilité en Perse, le sultan ottoman Mourad IV, envahit la Perse en 1630 et pénétra profondément dans le pays. Il ravagea Hamdan et Shah Safi qui n’était pas assez fort pour s’opposer aux Ottomans, fit la paix en cédant au sultan ottoman une partie du territoire.

En 1635, les Ottomans lancèrent une autre attaque et capturèrent Erivan et Tabriz.

En 1638, ils envahirent de nouveau la Perse pour la troisième fois et capturèrent Baghdad. Ces victoires répétées des Ottomans portèrent un lourd coup au prestige de la Perse.
Au nord, Les Uzbeks firent de même des raids répétés au Khourassan et ravagèrent la campagne. À l’est, Qandahar fut perdu et annexé aux Moughal de l’Inde.

Shah Safi mourut en 1642 après une règne turbulent de treize ans durant lesquels toutes les acquisitions territoriales de Shah ‘Abbas furent perdues Quand Shah Safi mourut, l’état des safawi montrait déjà les signes de la chute et leur dominion avait considérablement rétréci au nord, l’ouest et l’est.

Shah ‘Abbas II

Shah Safi fut succédé par son fils Shah ‘Abbas II qui avait seulement dix ans au moment de sa nomination et pendant la minorité, le contrôle des affaires de l’état fut conféré aux religieux shiites qui imposèrent rigoureusement leurs doctrines et fermèrent toutes les tavernes dans l’état. Quand Shah ‘Abbas II grandit, il assouplit les doctrines shiite et les tavernes furent une nouvelle fois ouvertes. Shah ‘Abbas suivit une politique libérale de tolérance envers toutes les sectes et religions. Il traita toutes les classes de gens avec justice et il encouragea l’art, et l’industrie et l’architecture particulièrement à Isfahan.

Il reprit Qandahar aux Moughal de l’Inde et pendant son règne, les rivalités avec les Ottomans restèrent endormies. Cependant, il connut quelques problèmes sur le front russe qui voulaient quelques concessions commerciales que Shah ‘Abbas II refusa de donner. Sur ce, les cosaques du sud de la Russie attaquèrent Mazandaran et pillèrent sa capitale Farahabad. Des mesures punitives furent prises contre les cosaques qui furent repoussés de la Perse.

Shah ‘Abbas II mourut en 1667 après un règne de vingt-cinq ans. Connut pour ses politiques libérales et lois légères, sous son règne le pays connut la paix et la prospérité.



Shah Souleyman

Shah ‘Abbas II fut succédé par son fils Shah Souleyman qui était cruel, injuste et sujets à des humeurs. Son gouvernement fut tout excepté ferme et sous son règne, la cour perse devint débauchée et corrompue et les eunuques très puissants. Shah Souleyman lors d’une occasion resta enfermé dans le « Zenana » sept ans sans sortir une seule fois pour s’occuper des affaires de l’état.
Il eut peur d’entreprendre des actions militaires et pendant son règne, les Uzbeks dévastèrent une grande partie du Khourassan sans qu’il ne prenne jamais une quelconque mesure contre eux. Les Néerlandais capturèrent aussi quelques ports dans le Golfe persique, mais il resta silencieux et ne fit rien pour les récupérer.
Shah Souleyman mourut en 1694 après un règne de vingt-sept ans, une période suffisamment longue mais vide de tous accomplissements. Quand il mourut, la désintégration de l’état safawi était déjà bien avancée.



Shah Houssayn

Après la mort du roi safawi Shah Souleyman en 1694, son fils Shah Houssayn prit le trône. Il était un jeune inexpérimenté et dépourvu des qualités d’un souverain en plus d’être naïf et adonné aux choses vaines. Sous son règne l’administration de l’état se retrouva entre les mains du clergé, les fonctionnaires corrompus et mal organisés. Le clergé shiite essaya d’entrainer les gens dans un modèle shiite plus rigide mais ces politiques entrainèrent des réactions dans les parties de l‘état majoritairement sounnite et des émeutes shiite-Sounni. Nous verrons dans l’Abrégé de l’Histoire des Ottomans comment le shiisme fut imposée aux Sounnis et ce qu’ils endurèrent sous le gouvernement shiite en détail.

Des disputes éclatèrent aussi entre les shiites et les soufis et en raison du fanatisme du clergé shi’i, la plupart des soufis quittèrent le pays et émigrèrent ailleurs. Les hospices qui étaient les centres d’activités des soufis furent abandonnés et ce fut un grand revers culturel.

Peter le Grand de Russie envoya une grande délégation en Perse avec pour but officiel d’obtenir des concessions commerciales, mais son réel but était de faire le point sur la situation politique dans le pays pour étendre une plus grande influence russe en Perse. La Russie cherchait à annexer la Géorgie et l’Arménie, où la majorité des gens étaient des Chrétiens.

D’autre part, profitant de l’instabilité dans le pays, les Ottomans attaquèrent la Perse simultanément par mer et terre capturant quelques forteresses sur la frontière. Les Perses qui n’avaient pas de marine demandèrent l’aide des Portugais qui cependant ne firent rien et le Bahreïn fut occupé par les Ottomans.

Peu après des troubles éclatèrent à Qandahar. Il convient de rappeler que lorsque l’empereur Moughal Humayun chercha refuge à la cour safawi, Shah Tahmasp le traita avec l’honneur qui lui était dû et lui fournit une aide militaire avec laquelle, Humayun reconquit Qandahar et Kaboul et comme marque de gratitude envers les safawi, Humayun céda à Qandahar à la Perse.
Plus tard, Qandahar devint un sujet de discorde entre les Moughal (Nous reviendrons sur l’Histoire des Moughal dans un volume dédicacé) et les Perses et parfois la ville fut occupée tour à tour par les Moughal et les Perses.
Sous Shah Houssayn, Qandahar fut sous le contrôle de la Perse et les Ghilzay, des Sounnis pro-Moughal de la tribu la plus influente de la ville. Le gouverneur perse de Qandahar arrêta Mir Ways (ou Wayz), le chef Ghilzay et l’accusant de sédition, l’envoya à Isfahan ou il s’attira les bonnes grâces de Shah Houssayn et fut libéré quelque temps après et permis de revenir à Qandahar.
Lors de son séjour à Isfahan, Mir Ways se rendit compte que l’état safawi était sur le point de s’effondrer et qu’il ne durerait probablement pas longtemps et qu’en tirant profit de cette situation, il pourrait créer son propre royaume indépendant.
De retour à Qandahar, Mir Ways se révolta et des émeutes shiite-Sounni éclatèrent. En conséquence de ces émeutes, le gouverneur perse shi’i de Qandahar fut tué et le pouvoir saisit par Mir Ways. Shah Houssayn envoya une armée à Qandahar pour réprimer la révolte mais dans la bataille qui suivit, les Perses furent vaincus et Mir Ways déclara son indépendance.

Mir Ways ne resta cependant pas longtemps au pouvoir et mourut l’année suivante. Il fut succédé par son frère Mir ‘Abdallah mais Mir Mahmoud, le fils de Mir Ways se révolta contre son oncle et prit le pouvoir après l’avoir assassiné.

Entre-temps, les choses en Perse devinrent incontrôlables : Les Kurdes créèrent des troubles dans leur quartier d’Isfahan, il y eut une révolte à Herat qui déclara son indépendance peu après et les Arabes du ‘Oman créèrent aussi des troubles dans les îles du Golfe persique.
Profitant de ces émeutes dans les parties différentes de la Perse, Mir Mahmoud marcha à la tête de son armée afghane sur Isfahan et dans la bataille de Qoulnabad en 1722, les Persans furent écrasés et l’édifice construit par les safawi s’effondra avant qu’une poignée d’Afghans ne l’achève.
De Qoulnabad, les Afghans marchèrent sur Isfahan et Shah Houssayn, trop démoralisé ainsi que ses troupes, capitula et offrit sa couronne à Mir Mahmoud qui entra triomphant dans Isfahan et se déclara roi de Perse. Ainsi les Afghans devinrent les maîtres de la Perse.