La guerre de
Golfe et ses conséquences
L’invasion de Saddam Hussein du Koweït le 2 août 1990 s’avéra
être problématique non seulement pour les Koweitiens mais aussi
pour leurs voisins Sa’oud.
La guerre, un complot orchestré pour pousser Saddam à envahir le
Koweït et justifier ainsi l’entrée des Etats Unis en Arabie,
porta tous ses fruits. Bien qu’une annexion par les Iraquiens de
l’Arabie était impensable et extrêmement improbable, la
libération du Koweït devint une priorité pour Sa’oud non
seulement pour restituer la famille as-Sabah exilée au pouvoir
koweitien mais aussi pour repousser l’armée irakienne au-delà de
ses frontières immédiates. Cette libération n’était possible
qu’avec l’assistance des troupes américaines sous le parapluie
d’une force multinationale qui provoqua le renforcement de
l’opposition islamiste immédiatement après la guerre du Golfe.
La guerre de Golfe fut un catalyseur que l’opposition utilisa
constamment pour exprimer leur mécontentement général avec le
gouvernement sur les questions importantes.
Immédiatement après l’occupation du Koweït, il devint clair que
l’Arabie Saoudite ne pouvait pas faire face seule aux forces
irakiennes malgré les massives dépenses militaire du pays. En
quelques jours, il fut « conseillé » au roi Fahd de demander la
protection des Etats-Unis qui n’attendait que cette occasion
pour dépêcher immédiatement ses forces aériennes et navales déjà
en état d’alerte maximum et prête pour l’action suivies par plus
de 500000 troupes.
Une des décisions importantes que le gouvernement de Sa’oud dut
faire face après l’occupation du Koweït fut de justifier «
l’invitation » des troupes étrangères pour la défense du
territoire contre une invasion possible de Saddam Husayn. Les
‘Oulama, comme ils l’avaient fait précédemment contre les
Ikhwan, trouvèrent des « prétextes » juridiques qu’ils
ratifièrent par des Fatawa pour justifier l’entrée des troupes
étrangères pour combattre Saddam Hussein et le 9 août 1990 roi
Fahd dénonça l’invasion irakienne et déclara que la présence
militaire américaine en Arabie Saoudite était nécessaire et une
mesure temporaire. Il demanda aussi de l’aide aux pays arabes et
un petit nombre de troupes égyptiennes, syriennes et marocaines
joignirent la force multinationale composée principalement de
troupes américaines complétées par de plus petites forces
britanniques, françaises et italiennes. On fixa le 17 janvier
1991 comme date limite à Saddam Husayn pour rappeler ses troupes
du Koweït tandis qu’entre-temps les forces alliées commencèrent
à arriver massivement en Arabie Saoudite ce qui choqua l’opinion
publique qui contesta le système politique et la légitimité du
groupe au pouvoir.
Aux yeux de beaucoup de Sa’oud, cela fut considéré comme une
humiliation provoquée par la mauvaise gestion gouvernementale et
si certain acceptèrent le soutien militaire américain comme une
stratégie nécessaire, d’autres le considérèrent comme une juste
violation des principes islamiques.
La plus forte critique vint des jeunes savants religieux et des
Imams des mosquées qui à travers leurs sermons de vendredi
critiquèrent à juste titre la décision du gouvernement d’inviter
des mécréants à défendre la terre d’Islam. Les questions étaient
: Etait-il légitime au Sa’oud de recourir aux non-musulmans pour
lutter contre d’autres musulmans et un gouvernement qui
recourait à de telles mesures pouvait-il être considéré comme un
gouvernement islamique légitime ?
En septembre 1990, le Dr Safar al-Hawali le savant et doyen du
Collège Islamique de l’Université d’Oumm al-Qoura de Makkah
délivra un de ses discours les plus critiques « l’ennemi réel
n’était pas l’Iraq mais l’occident » qui sera suivit par la
publication de brochures et de livrets faisant des observations
sur la crise de Golfe et les relations entre les Etats-Unis et
le monde musulman.
Les point de vues d’al-Hawali sur la guerre de Golfe furent
exprimées dans une lettre envoyée à la plus haute autorité
religieuse, le Shaykh ‘Abd al-‘Aziz Ibn Baz (mort en 1999), le
chef du Haut Conseil des ‘Oulama et l’Institution d’Ifta et de
Recherche Scientifique. Dans cette lettre al-Hawali demanda à
Ibn Baz de répondre à plusieurs questions dont la présence de
troupes étrangères sur le territoire Sa’oudi. La guerre du Golfe
fournit l’occasion à l’intervention et la domination étrangère.
Bien qu’il était évident qu’al-Hawali n’était pas un partisan du
régime irakien, il mit en doute néanmoins la légitimité du fait
de recourir à un mal plus grand que Saddam, les Etats-Unis, pour
libérer le Koweït .
Un autre savant islamique, Salman al-‘Awdah, un membre de la
faculté de l’Université de l’Imam Muhammad Ibn Sa’oud à Riyad
devint aussi proéminents parmi un cercle d’Imams et de savants
qui utilisèrent la guerre de Golfe pour rendre leur
mécontentement publics et critiquer le gouvernement de Sa’oud.
Ses sermons et ses conférences furent enregistrés et circulèrent
en Arabie Saoudite durant la guerre de Golfe, surtout parmi ceux
qui dénoncèrent l’occident et son intervention pendant la crise.
Dans ses sermons, il envisageait un ordre moral islamique où le
règne de la Shari’ah était suprême.
Comme al-Hawali, al-‘Awdah objecta contre l’utilisation de
troupes non musulmanes pour lutter contre l’armée de Saddam et
ce fut l’incompétence du gouvernement qui conduisit à une plus
grande dépendance à l’occident préjudiciable à l’unité de
musulmans d’autant plus qu’ils étaient là pour rester et qu’ils
le sont encore 25 ans après la guerre !
En décembre 1990 Saddam Husayn n’avait fait aucun signe pour
rappeler les troupes irakiennes du Koweït et quand il devint
probable que les troupes étrangères réunies dans la province de
l’est allaient être déployées dans une bataille pour libérer le
Koweït, il devint urgent pour le gouvernement de Sa’oud
d’établir la légitimité de sa décision d’inviter des troupes
étrangères pour défendre le pays.
En janvier 1991, le Shaykh ‘Abd al-‘Aziz Ibn Baz, la figure
religieuse la plus éminente dans le pays, publia une Fatawa
autorisant le Jihad contre Saddam Husayn même si cela exigeait
l’assistance des mécréants et cette Fatawa ne fit pas pour
autant taire les voix de désaccord. La guerre contre Saddam
commença comme prévu, quelques heures après l’expiration de la
date limite cependant ni la victoire rapide des forces alliées
et ni l’écrasante défaite des Iraquiens ne mirent fin à la crise
politique intérieure en Arabie Saoudite.
En mai 1991, une différente sorte de lettre, une pétition
religieuse signé par cinquante-deux Sheikhs fut envoyée u roi
Fahd. Les signataires demandèrent plusieurs réformes dans un
cadre islamique. Ces réformes couvraient plusieurs domaines : le
rôle des ‘Oulama et des Imams, les lois et les règlements, le
système judiciaire et les cours, l’administration publique,
l’économie et la finance, les institutions sociales, l’armée, le
système informatique et la politique étrangère. Les réformes
proposées mentionnaient que dans ces dix domaines, le
gouvernement n’appliquait pas la Shari’ah et demandaient
l’Islamisation de la politique en Arabie Saoudite.
Une autre pétition signée par des sécularistes saoudiens
demandait le contrôle du rôle de la police religieuse tandis que
les islamistes demandèrent au gouvernement de lever les
restrictions des prêcheurs, des savants et Imams religieux ainsi
qu’un plus grand rôle pour les ‘Oulama dans toutes les agences
gouvernementales, ministères et ambassades.
Ces dix points soulevés dans la pétition de mai devinrent le
fond d’une autre pétition plus longue titrée Moudhakarat
an-Nasiha (Mémorandum du Conseil), qui fut soumise au Sheikh
‘Abd al-‘Aziz Ibn Baz en septembre 1992 et signé par plus de
cent savants.
Le mémorandum objecta que les Imams des mosquées étaient
restreints à s’occuper des affaires morales générales et
interdit de discuter de politique et des affaires
gouvernementales. Une réponse claire pour limiter les sermons de
Safar al-‘Awali et Salman al-‘Awdah qui avaient utilisé les
mosquées et les amphithéâtres pour exprimer leurs objections à
l’invitation de troupes étrangères.
Le mémorandum demanda le respect des droits de l’homme défini
par le Shari’ah, un pouvoir judiciaire indépendant pour
appliquer la Shari’ah d’une manière à ne pas outrepasser les
droits des Musulmans, que seul un juge musulman pouvait donner
l’autorisation d’arrêter des individus et que toutes les formes
de torture, de renseignement et de détention devraient être
défendues.
Selon le Mémorandum les médias de Sa’oud devraient promouvoir
des principes islamiques et permettre à la liberté d’opinion
d’être exprimée concernant les affaires publiques et le
comportement des souverains et garantir que l’opinion publique
n’était pas corrompue par les influences occidentales. Il était
essentiel que la manipulation des médias par Sa’oud qui
dénaturait l’image d’Islam et ses principes soit stoppés ainsi
que ceux qui encourageait les acteurs et de chanteurs qui
détournaient les jeunes saoudiens de leurs devoirs religieux et
responsabilités. Une interdiction de femmes dévoilées sur les
écrans de télévision devrait être mise en place pour répondre
aux tendances corruptrices et impudiques occidentales.
Le Mémorandum demandait l’établissement en Arabie Saoudite d’une
forte armée islamique dont l’esprit devrait être maintenu haut
par l’appel au Jihad. Selon les auteurs du Mémorandum, la guerre
de Golfe exposa la faiblesse générale des forces armées, les
dépenses excessives du gouvernement pour la défense et malgré
cela son incapacité à garantir la sécurité de l’Arabie Saoudite
pour se défendre en temps de crise. Quand l’aide extérieure
était nécessaire, le gouvernement ne devait compter que sur
d’autres armées musulmanes. Le mémorandum suggéra d’augmenter
l’armée et garantir que tous les Sa’oud subissent un
entraînement militaire.
Le gouvernement, selon le Mémorandum, devrait promouvoir une
politique étrangère islamique et montrer le plus grand
engagement aux inquiétudes islamiques et non pas montrer de
réticence pour soutenir les islamistes algériens et soudanais.
L’occidentalisation des ambassades sa’oudites employant un
nombre de plus en plus important de femmes fut aussi dénoncé
comme non-islamique.
Le Mémorandum inclus un chapitre sur l’économie et la richesse
devenue apparente en Arabie Saoudite. Il demandait que plus
d’argent soit dépensé sur la protection sociale, l’éducation et
la santé pour remplacer les dépenses actuelles accordées aux
régimes et aux gouvernements qui ne se conformaient pas aux
enseignements islamiques. Le système bancaire islamique devait
être appliqué là où les systèmes bancaires occidentaux étaient
devenus dominants.
Bref, le Mémorandum du Conseil demanda des réformes
substantielles de la société, de la politique et du
gouvernement. Le gouvernement, était responsable de
l’affaiblissement de la Shari’ah dans le pays et le document
demandait un retour à un ordre moral islamique qui formerait la
base de gouvernement, envisageant un plus grand rôle pour les
‘Oulama dans ce dernier.
Le Mémorandum du Conseil fut publié à l’extérieur de l’Arabie
Saoudite, à l’embarras du gouvernement qui demanda des excuses
aux ‘Oulama. Ibn Baz dénonça la publication du mémorandum, mais
pas son contenu. Il soutint que le conseil au souverain de la
communauté musulmane était un devoir que les ‘Oulama devrait
respecter et se livrer et qu’il ne devait pas être rendu public.
Le premier pas fait par le roi pour contenir les voix de
l’opposition fut d’annoncer en mars 1992 trois réformes
importantes : la loi fondamentale du gouvernement, la loi du
conseil consultatif et la loi des provinces
Les réformes gouvernementales allèrent de pair avec
l’augmentation du contrôle de l’état et de l’utilisation de
violence contre les dissidents soupçonnés. Le Ministère de
l’Intérieur et les services de renseignements furent mobilisés
pour contenir toute activité considérée une menace d’exposer la
sécurité. Cette surveillance accrue inclus les discussions
publiques, les prêcheurs et Imams de mosquée, les sermons, la
littérature d’opposition, les messages jugé hostile envers le
gouvernement ou la famille au pouvoir. Entre 1992 et 1994,
l’Arabie Saoudite témoigna une des campagnes les plus féroces
contre les islamistes. Durant cette période, al-Hawali et
al-‘Awdah ainsi qu’un grand nombre de savants, prêcheurs et
Imans furent arrêtés pour avoir demandé une application plus
vigoureuse de la Shari’ah et pour avoir critiqué ouvertement le
gouvernement et la famille « royale. »
En 1994 le ministre de l’Intérieur Nayef reconnut que plus de
110 citoyens avaient été arrêtés. Le chiffre véritable est que
plus de milles arrestations eurent lieu avec menace personnelle,
tentative de corruption et emprisonnement de famille complète,
femmes et enfants.
En plus de la violence directe utilisée contre eux, le
gouvernement mobilisa ses propres médias pour les discréditer et
des articles ventant la modération religieuse apparurent dans la
presse officielle. Dans une publication, un rédacteur d’affaires
religieuses écrivit que « l’extrémisme signifie être situé au
point le plus lointain possible du centre. Au sens figuré, il
indique un éloignement semblable dans la religion, la pensée et
le comportement. L’Islam recommande la modération et le juste
milieu dans tout ; la conviction, la conduite et la législation.
L’extrémisme est trop pénible pour la nature humaine ordinaire
pour être enduré ou toléré. » (Saudi Gazette, le 8 juillet
1994).
L’auteur ne mentionna aucun groupe puisqu’aucun d’entre eux
n’existait mais il décrivait et critiquait l’atmosphère générale
dans le pays suite à la guerre de Golfe. Cette sorte de
rhétorique devint de plus en plus apparente dans les
publications officielles, les discours des membres du
gouvernement et les médias contrôlés par le gouvernement qui
condamnèrent l’extrémisme et traitèrent l’opposition
d’extrémistes.
Les publications sponsorisées de l’état et intellectuels arabes
discréditèrent aussi l’opposition et un livret intitulé
Mémorandum du Conseil apparut peu de temps après la guerre de
Golfe ou son auteur lanca une attaque contre la pétition
principale des islamistes, Moudhakarat an-Nassiha et où il
énuméra tous les projets islamiques sponsorisés par le
gouvernement dans le pays et à l’étranger.
La Débacle
Traitres shi'a remettant des soldats irakiens capturés