Mustafa Kemal adopte Ankara comme centre

 

Ayant remporté cette victoire, Mustafa Kemal tenta une fois de plus de s’emparer du pouvoir par des moyens légitimes par le biais du Parlement. Les préparatifs des nouvelles élections parlementaires furent lancés, mais ils reposaient sur l’ancienne base, à savoir un parlement ottoman subordonné au gouvernement du calife. Cependant, le Premier ministre ‘Ali Ridha était faible et il sentit la dérive des gens vers Mustafa Kemal. Il jugea donc sage de s’entendre avec lui. En conséquence, il envoya Salih Bacha, le ministre de la Marine en Anatolie, où, le 18 octobre 1919, il tint avec la commission parlementaire une réunion qui devint plus tard connue sous le nom de Conférence d’Amasia. La conférence dura plusieurs jours et Salih Bacha réussit à se réconcilier entre les députés et le gouvernement. La première motion à être proposée à la conférence et à être immédiatement approuvée par les deux parties fut la « non-violation du Sultanat et du Califat. » Le délégué d’Istanbul approuva ensuite toutes les résolutions adoptées lors de la conférence Ardh-Roum et de la conférence de Sivas. Une discussion animée éclata concernant la question de la dissolution du Comité parlementaire, et après l’intensification du débat, la question resta en suspens et il fut décidé qu’elle resterait suspendue jusqu’à ce que les membres du nouveau parlement puissent se réunir pour le régler.

 

Mustafa Kemal déménagea alors à Ankara pour y résider et l’utiliser comme centre. Des dispositions furent prises pour l’accueillir et le matin de son arrivée prévue, les résidents locaux se levèrent tôt et toute la ville attendit avec impatience. Les fermiers quittèrent leurs fermes pour participer à son accueil et les derviches sortirent dans une grande procession, portant de grandes banderoles vertes portant des versets Qur’aniques exaltés. Quand il arriva, les gens applaudirent, les femmes crièrent, et les Takbir et acclamations retentirent ; Le traitre entra dans la ville en héros et y élut domicile pour poignarder l’Oummah .

 

De nouvelles élections eurent lieu et Mustafa Kemal fut élu député d’Ankara. Plusieurs députés affluèrent alors à Ankara et tinrent une réunion préliminaire pour discuter de leurs affaires. Au cours de la réunion, il fut proposé de convoquer le parlement dans la capitale et de dissoudre la conférence maintenant que ses membres étaient devenus des députés officiels. Cependant, Mustafa Kemal s’opposa aux deux idées avec véhémence et obstination en disant : « La conférence doit se poursuivre jusqu’à ce que le degré d’adhésion du Parlement à la justice devienne manifeste et jusqu’à ce que sa politique devienne claire. Quant à déménager dans la capitale, cela ne peut être considéré que comme une pure idiotie. Si vous faites cela, vous serez sous la merci de l’ennemi occidental car les Britanniques contrôlent toujours le pays et l’autorité interférerait dans vos affaires, et vous pourriez être arrêté. Par conséquent, le Parlement devrait être convoqué ici en Ankara, pour qu’il reste libre et indépendant. »

 

Néanmoins, tous les députés insistèrent pour que l’inauguration du parlement ait lieu dans la capitale Istanbul et dans la chambre du parlement, afin qu’ils puissent être là sous l’aile du dirigeant légitime du pays, le Sultan Wahid ad-Din, le calife des Musulmans. Sur ce, Mustafa Kemal garda le silence et accepta. Cependant, il n’alla pas à Istanbul mais resta à Ankara. Auparavant, il avait tenu une réunion parlementaire avec les députés d’Ankara et leur avait donné les instructions nécessaires. Il leur demanda de voter pour lui comme président du parlement en son absence.

 

Le 11 novembre 1919, le parlement fut inauguré par un discours du trône puis l’élection d’un président eut lieu. Les députés refusèrent d’élire Mustafa Kemal comme président et optèrent pour Raouf Bek à la place. Puis, le 28 janvier 1920, le parlement ratifia la charte nationale connue sous le nom de fameuse Charte Milli, qui confirmait les résolutions des conférences Ardh-Roum et Sivas. La charte appela à l’indépendance et à la liberté totale de toutes les provinces habitées par une majorité turque, y compris Istanbul et sa banlieue, s’étendant le long de la Mer de Marmara, à condition que le sort de toutes les parties de l’empire soit décidé par référendum.

Pendant ce temps, les pays européens informèrent le gouvernement ottoman par un mémorandum officiel qu’Istanbul et les détroits devaient rester à la disposition du Sultan. Les partisans de Mustafa Kemal interprétèrent cela comme une victoire de leur politique et qu’il serait possible de s’entendre avec les Européens sur des conditions de trêve plus équitables. Par conséquent, Mustafa Kemal commença à travailler pour faire tomber le gouvernement de ‘Ali Ridha Bacha et pour le remplacer par un gouvernement nationaliste pur et simple. Il persista et pressa les députés avec véhémence d’entreprendre cette initiative et épuisa tous ses efforts, mais les députés reculèrent et refusèrent d’écouter Mustafa Kemal. Ainsi, il devint furieux et se rendit compte que son plan pour prendre le pouvoir par des moyens légitimes et pour remplacer le système du Califat par un système républicain de koufr était inévitablement voué à l’échec. Alors, il entreprit de raviver la rébellion afin de s’emparer du pouvoir par la force.

 

Le retour de Mustafa Kemal à la rébellion à travers une deuxième phase

 

C’est Mustafa Kemal qui appela à l’élection de nouveaux membres et reconnu la constitutionnalité de l’assemblée. Il approuva les députés choisis et promit de se conformer aux résolutions de l’assemblée, qui avait dissous l’ancien gouvernement et accepté le gouvernement actuel, avec les demandes que le pays devrait être gouverné par la règle constitutionnelle. Malgré tout cela, il décida de déclarer à nouveau la rébellion, après avoir perdu tout espoir de prendre le pouvoir par le Parlement. Par conséquent, il équipa les troupes et à prépara au combat. Des armes et des fonds commencèrent à affluer vers lui depuis Istanbul en toute connaissance de cause du Haut-Commissaire britannique et du Haut-Commissaire français qui avaient tous deux l’habitude d’exprimer nominalement leur objection à cela, mais se taisaient généralement et refusaient de révéler quoi que ce soit ; même lorsqu’un incident bien plus important que celui-ci se produisit, c’est-à-dire lorsque Mustafa Kemal rassembla des camions pleins d’armes et de munitions dans la péninsule de Gallipoli, juste sous le nez du Haut-Commissaire britannique et malgré sa surveillance, une autre preuve.

 

Une guérilla maquillée éclata contre les Alliés, et Biria fut assiégée et forcée de capituler, ainsi les rebelles permirent à la garnison italienne d’évacuer. Puis le côté est de la Cilicie fut attaqué et la garnison française évacuée. Londres et Paris appelèrent à un arrêt absolu des opérations militaires, mais celles-ci se poursuivirent. Ainsi, le 7 mars 1920, les Alliés forcèrent ‘Ali Ridha à démissionner qui présenta sa démission et fut remplacé par Salih Bacha, qui était le Ministre de la marine, et qui avait dans le passé conclu un accord avec Mustafa Kemal à Amasia. Par conséquent, il agit au sein du gouvernement tout en essayant de dissiper et de pacifier la situation.

Cependant, le 10 mars 1920, Lord Curzon prononça un discours à la Chambre des Lords dans lequel il déclara : « Les Alliés ne peuvent plus tolérer le niveau de dépréciation que les Européens doivent endurer à Istanbul, alors que les Chrétiens y sont persécutés et massacrés (un odieux mensonge comme d’habitude). »

 

Les Britanniques occupent Istanbul

 

À la suite de cette déclaration, le port de la Corne d’Or se remplit de navires de guerre britanniques. Le personnel britannique évacua l’Anatolie et des ordres furent donnés à la garnison britannique restante d’évacuer le plus tôt possible. Les Britanniques vivant à Ankara quittèrent la ville à la hâte.

Le président du parlement à Istanbul, Raouf Bek, déclara que les Britanniques avaient l’intention d’arrêter les députés nationalistes et de restaurer le gouvernement de Damad Farid Bacha. Par conséquent, Mustafa Kemal télégraphia à ses adjoints les exhortant avec véhémence à fuir et à ne pas se rendre aux Britanniques, mais ils refusèrent de fuir.

 

Aux premières heures du 16 mars 1920, toutes les mesures visant à occuper militairement Istanbul et à resserrer l’emprise sur les résidents locaux furent prises. Cette tâche fut déléguée au général britannique Henri Wilson, qui avait été nommé auparavant commandant en chef des forces alliées.

Paris et Rome convinrent que les trois gouvernements britannique, français et italien devraient participer à l’imposition des sanctions. Cependant, c’est la Grande-Bretagne seule qui envoya sa marine. Lorsque la France et l’Italie réalisèrent que la Grande-Bretagne avait réussi à occuper Istanbul, elles intervinrent une fois de plus pour bloquer l’initiative catégoriquement britannique afin de préserver l’équilibre international des forces et exigèrent donc de participer à la direction du pays mais les Britanniques ne leur permirent pas de le faire et agirent seuls.

Puis sans plus tarder, les troupes britanniques patrouillèrent les rues principales de la ville, exhibant fièrement, occupant la poste et tous les principaux bâtiments du gouvernement, après avoir terrorisé les habitants et même les soldats turcs eux-mêmes. Ils arrêtèrent un certain nombre de députés du parti de Mustafa Kemal, parmi lesquels Raouf Bek et Fathi Bek. Ils arrêtèrent également l’ancien Premier ministre Said Halim, les emmenant tous en prison. Le lendemain matin, ils furent embarqués dans un bateau qui les emmena à Malte. Par conséquent, certains des députés et officiers de l’armée fuirent Istanbul pour Ankara. Et ainsi, les alliés prirent le contrôle total d’Istanbul et la dirigèrent comme ils l’entendaient. La loi martiale fut déclarée à Istanbul et une censure stricte fut appliquée à la presse, aux communications postales et télégraphiques et au gouvernement.

 

Le ressentiment du peuple envers le Sultan pour son soutien aux mesures britanniques

 

Le Sultan soutint les mesures que les Britanniques avaient prises et le gouvernement publia un communiqué public dans lequel il exhorta les gens à observer le calme, déclarant qu’il était de leur devoir de le faire. Le gouvernement débuta le communiqué en disant : « Le devoir le plus important de tout citoyen turc est de se conformer aux ordres du Sultan. » Par conséquent, les masses et les soldats turcs furent plongés dans une atmosphère de terreur qui à son tour conduit au ressentiment de la population à l’égard du Sultan et à l’intensification de toutes parts des attaques contre lui. Puis le parlement fut officiellement dissous.

 

Le 5 avril 1920, Salih Bacha démissionna et Damad Farid Basha forma le nouveau gouvernement à la demande des Britanniques et commença à diriger le pays de manière despotique. Une fois le parlement dissous, il devint le seul intermédiaire du pouvoir et prit ouvertement en compte les intérêts britanniques qui tentèrent de le convaincre par divers moyens, jusqu’à ce qu’il devienne presque plus britannique que les Britanniques eux-mêmes. Le Sultan n’était pas trop loin derrière dans sa tentative de gagner les Britanniques et dans son attaque contre les partisans de Mustafa Kemal. Il incita Sheikh al-Islam à émettre une fatwa contre eux et il le fit. La fatwa déclara que tous les nationalistes étaient parmi les maudits et parmi ceux qui se sont égarés, et que les croyants parmi les serviteurs d’Allah devraient déclarer la guerre à ces insurgés révoltés. Un décret sultanesque fut publié simultanément approuvant cette fatwa et condamnant Mustafa Kemal et ses partisans à la peine capitale.

 

Quand Mustafa Kemal en entendit parler, il arrêta le petit nombre de Britanniques qui restaient en Anatolie et qui n’avaient pas évacué quand ils avaient reçu l’ordre de le faire. Puis il ordonna à la garnison turque d’attaquer les Britanniques et d’assiéger la ville d’Eskisehir où un peloton britannique était stationné. A cette époque, les Britanniques attendaient une garnison italienne se dirigeant vers Konie. Par conséquent, les troupes turques attaquèrent les Britanniques et réussirent à assiéger la ville. Ils attaquèrent également la garnison italienne alors qu’elle se rendait à Konie. Les Italiens cependant réussirent à rejoindre Konie après avoir subi de lourdes pertes. En conséquence, la garnison italienne fut forcée de se déplacer vers l’ouest et de rejoindre les Grecs à Izmir. Les Britanniques évacuèrent Eskisehir tandis que les Italiens évacuèrent Konie. Par conséquent, pas un seul soldat des forces alliées ne fut laissé en Anatolie ; la vérité est cependant qu’aucun affrontement n’eut lieu avec les Britanniques, tandis qu’une seule escarmouche eut lieu avec les Italiens alors qu’ils se rendaient à Konie pour rejoindre les Britanniques. Puis ils évacuèrent tous.

 

Mustafa Kemal annonce de nouvelles élections parlementaires

 

À la lumière de ces opérations, la situation devint évidente dans la mesure où deux camps dominaient le pays : les Britanniques d’un côté, soutenus par le calife qui ignorait bien sur tous du complot entre les Britanniques et le traitre Kemal, et le gouvernement et, le parti de Mustafa Kemal de l’autre côté, soutenu par tout le peuple. Par conséquent, Mustafa Kemal s’opposa au gouvernement et les gens le considérèrent comme leur chef contre les Britanniques. L’opinion publique était donc en sa faveur et la plupart des officiers de l’armée et des fonctionnaires étaient de son côté. Ainsi, dans cette ambiance favorable, il saisit l’occasion d’annoncer au nom de la commission parlementaire, toujours en place et jamais dissoute, que de nouvelles élections auraient lieu et que le nouveau parlement n’aurait aucun lien avec l’ancienne assemblée. De plus, ce ne serait pas un parlement ottoman, mais une institution législative nationaliste dotée de pouvoirs exceptionnels. Ankara fut choisie comme centre où se tiendraient les sessions de cette institution nationaliste.

 

Des élections eurent effectivement lieu, mais il ne s’agissait pas d’élections authentiques, c’était plutôt un exercice nominal visant à créer l’apparence d’élections légitimes. L’humeur générale était que le statu quo ne nécessitait que l’élection des kémalistes, à l’exclusion de tous les autres, de sorte qu’ils deviennent les représentants de la nation. C’était effectivement le cas et aucun autre député en dehors des kémalistes ne fut élu.

Le 23 avril 1920, la conférence nationaliste se tint à Ankara. La session inaugurale fut délibérément programmée un vendredi. Ainsi, après la prière du vendredi à la mosquée de Hajj Birem, les députés sortirent en hissant les drapeaux et se dirigèrent vers le lieu de la réunion. Ils abattirent deux moutons au seuil puis entrèrent dans la salle et tinrent la séance inaugurale. Pendant ce temps, des célébrations similaires eurent lieu dans chaque mosquée d’Anatolie, même dans le plus petit des villages.

Lors de sa préparation à l’Assemblée nationale et à son inauguration, Mustafa Kemal amena les fonctionnaires à Ankara. Les résidents locaux furent témoins d’un afflux de migrants affluant dans leur ville, parmi lesquels se trouvaient des officiers, des enseignants et des hauts fonctionnaires. Ils ne savaient pas au début la raison de leur arrivée mais ils se rendirent compte par la suite qu’ils faisaient partie du personnel du gouvernement.

 

Mustafa Kemal crée un appareil gouvernemental à Ankara

 

Et ainsi, le diable en personne, malédiction d’Allah sur lui, établit un appareil gouvernemental à Ankara. Il créa également une armée régulière et plusieurs départements gouvernementaux. Il amena également la presse et une équipe de journalistes. Un journal appelé Hakmit Milla fut publié et Mustafa Kemal prépara Ankara à devenir le centre du gouvernement et la capitale du pays. Il entreprit de jeter les bases de la république turque. Cependant, il entreprit cette initiative avec une extrême prudence et le plus grand secret en prétendant que sa lutte était une lutte contre l’occupation étrangère et que sa guerre était une guerre contre les occupants. Il avait l’habitude de justifier ses actions en affirmant qu’il défendait le pays et qu’il s’adressait aux Européens par des déclarations officielles dans lesquelles il disait, leur offrant les terres Islamiques : « Vous pouvez occuper tous les pays arabes et occuper la Syrie, mais je ne vous permettrai pas d’occuper la Turquie. » Nous revendiquons seulement un droit dont chaque nation devrait jouir. Nous voulons être une nation libre à l’intérieur de nos frontières nationales naturelles. Nous n’acceptons pas un carat de moins que cela. »

 

Pendant et après l’inauguration de l’Assemblée nationale, l’ennemi d’Allah déclara : « Toutes les mesures à prendre viseraient à maintenir le Califat et le Sultanat et à débarrasser le Sultan et le pays de l’esclavage occidental. » Il fit ensuite une déclaration dans laquelle il déclara : « Puisque le Sultan est prisonnier des pays occidentaux qui contrôlent la capitale à leur guise, il n’est donc pas un souverain libre et ne jouit d’aucune souveraineté. Par conséquent, l’Assemblée nationale suprême va assumer temporairement la direction des affaires du pays. »

En conséquence, un comité exécutif fut mis en place et chargé de gérer les affaires du pays. Il était composé de onze ministres élus par l’Assemblée nationale et Mustafa Kemal fut élu bien sur président tout comme auparavant, il avait été élu président de l’Assemblée nationale, après quoi le colonel Ismat Bacha rejoignit le gouvernement.

 

L’Assemblée nationale commença à tenir ses réunions et à adopter des résolutions. Elle adopta une série de résolutions très importantes, dont l’une était de considérer tous les accords et traités commerciaux signés entre le gouvernement d’Istanbul et les pays étrangers comme nuls et non avenus. Une autre résolution stipulait que tous les revenus de l’état, même ceux provenant des actifs des Sultans, des domaines et des Awqaf (dotations), devaient être mis à la disposition du gouvernement d’Ankara.

Par conséquent, un gouvernement fut établi à Ankara, qui avait un parlement, des départements gouvernementaux et une armée régulière. Elle adopta une foule de résolutions très sérieuses. Ainsi, il devint impératif pour le Sultan soit d’abolir ce gouvernement, soit de s’y abandonner. Une confrontation armée entre les deux camps devint inévitable.

 

Le Sultan dépêche un groupe de travail pour abolir le gouvernement d’Ankara

 

Le Sultan dépêcha un groupe de travail à Ankara dirigé par des officiers qui lui étaient fidèles. Les troupes marchèrent vers le nord-ouest de l’Asie Mineure. De nombreux volontaires rejoignirent le groupe de travail et le Sultan envoya certains de ses partisans au Kurdistan afin d’inciter les tribus de cette région. Puis il exhorta toute l’Oummah à défendre le trône et le Califat. La loyauté envers le calife était encore forte au point que ses ordres furent accueillis avec respect et son obéissance était considérée comme une obéissance à Allah, à Lui les Louanges et la Gloire, tandis que sa désobéissance était considérée comme une désobéissance à Allah, à Lui les Louanges et la Gloire. Ainsi, toutes les provinces rejoignirent le calife tandis que certaines d’entre elles se révoltèrent contre le gouvernement d’Ankara. L’armée du Califat réussit à prendre toute une division kémaliste prisonnière.

 

Les batailles entre les deux armées se poursuivirent tout au long du mois de mai 1920 et l’armée du Sultan réussit à mettre en déroute les forces de Mustafa Kemal partout. Toutes les provinces rejoignirent le calife et les masses étaient de son côté, à l’exception d’Ankara, qui était le centre de la rébellion. Ankara elle-même était sur le point de tomber, car les villages voisins passaient les uns après les autres sous la bannière du Sultan et rejoignaient l’armée du Califat. Mustafa Kemal et ses partisans à Ankara étaient dans une situation désespérée, et à Ankara même, le désespoir s’insinua dans le cœur de ceux qui étaient avec lui et ils envisagèrent de se rendre au calife et de le rejoindre. La vie de Mustafa Kemal ne tenait qu’à un fil et il était sur le point d’être détruit.

 

La diffusion des termes de la trêve fit pencher la balance en faveur de Mustafa Kemal après sa défaite

 

A ce moment précis, les termes de la trêve qui avait été signée un an et demi auparavant à Paris, connu sous le nom de Traité de Sèvres que le Sultan avait accepté et que le premier ministre Damad Farid Bacha avait signé, furent diffusés. Ces conditions avaient été tenues secrètes et le peuple turc n’en savait rien. Ils furent maintenant diffusés dans toute la Turquie. L’opinion publique fut donc indignée dans toutes les régions du pays, contre le calife et contre le Premier ministre Damad Farid Bacha. Alors que l’indignation était à son plus haut, le Premier Ministre britannique Lloyd George, fit une annonce à la Chambre du Parlement en disant : « Le but des Alliés est de libérer les nations non turques du joug turc. » Cette annonce fut également diffusée parmi les masses, provoquant une intensification de l’indignation, et le ressentiment se dirigea contre les Britanniques et leurs marionnettes, le calife et son Premier ministre Damad Farid Bacha.

 

De cette façon, la situation changea totalement et les gens commencèrent à s’éloigner du calife et à rejoindre Mustafa Kemal. Les zones qui se sont révoltèrent contre Mustafa Kemal furent toutes purgées de l’armée du Califat et de ceux qui s’opposaient à Mustafa Kemal. L’armée du Califat fut lourdement vaincue et le pouvoir du Sultan fut diminué. Les gens juraient de se venger de Damad Farid Bacha qui avait signé le traité et rendu le pays. En conséquence, Ankara reprit le contrôle de la situation et toutes les personnes se rangèrent du côté de Mustafa Kemal. Ils considérèrent le traitre comme le sauveur de l’occupation et il fut rétabli en tant que chef du pays. Ce traité exaspéra les Turcs car il signifiait la fin de l’Empire Ottoman et sa division entre les Européens, ou sa fragmentation en plusieurs wilayas indépendantes, transformant ainsi la Turquie en un petit pays d’Asie Mineure et amenant Istanbul, la capitale de la Turquie et son seul passage en Europe sous mandat international, le Traité transforma également l’autorité du Sultan en des formes insignifiantes et grâce à Kemal, la Turquie réduite à des zones d’influence pour la Grande-Bretagne, la France et l’Italie.

Le Traité contenait une foule de clauses les plus horribles, parmi lesquelles :

1. Les pays arabes: la Turquie fut dépouillée de tous les pays arabes qui faisaient autrefois partie de son empire. Quant au royaume du Hijaz, il fut reconnu comme un état indépendant et la Turquie renonça à sa domination sur la Palestine, la Syrie et la Mésopotamie dont l’avenir devait être décidé par les Alliés.

2. La Turquie européenne : L’ouest de Damas fut remis à la Grèce jusqu’à la ligne Catalca. Dans le même temps, la Grèce reçut des Alliés l’héritage d’al-Gharbiyyah et étendit ainsi ses frontières à environ 20 miles de la capitale turque.

3. Smyrna et les îles de la Mer Égée, ainsi que la ville de Smyrna, furent placées sous l’administration grecque pendant cinq ans, après quoi les habitants pouvaient choisir de rejoindre le royaume de Grèce par voie de référendum. Quant aux îles Jambros et Tinides, elles furent offertes à la Grèce en plus d’autres îles de la Mer Égée. Les îles Dodicaniz, qui comprennent l’île stratégique de Rhodes, furent été offertes à l’Italie.

4. L’Arménie : La Turquie reconnut l’Arménie comme étant un état indépendant et accepta l’arbitrage du président Wilson concernant la question des frontières entre les deux pays.

5. Le Kurdistan : la Turquie accepta d’accorder une autonomie aux terres kurdes situées à l’est de l’Euphrate et d’accepter tout plan relatif à cette question soumis par un comité restreint international représenté par la Grande-Bretagne, la France et l’Italie. La Turquie accepta également d’approuver certaines modifications de ses frontières avec l’Iran dans la région kurde, en plus d’approuver qu’un an après l’exécution de ce traité, les Kurdes pourraient demander l’indépendance qui serait accordée si le conseil de la Société des Nations jugeait les Kurdes dignes de cette indépendance. La Turquie devrait donc renoncer à toute son autorité sur ces terres. Les textes de cette renonciation formeraient un nouvel accord entre les Alliés et la Turquie.

6. Les détroits et Constantinople : la Turquie accepta de placer les détroits sous administration internationale et de démilitariser les zones environnantes. Quant à Constantinople, (Istanbul), elle resterait sous souveraineté turque. En plus de cela, l’armée turque fut limitée à 50000 soldats et soumise à se conformer aux directives et recommandations des Alliés. La Turquie accepta également d’autoriser le contrôle à long terme de la Grande-Bretagne, de la France et de l’Italie sur ses affaires financières, en plus de maintenir les anciennes concessions et d’ajouter une foule de clauses humiliantes. En plus de la Turquie acceptant d’accorder aux minorités ethniques une foule de droits et privilèges, en particulier les Arméniens, les Grecs et les Kurdes, et tous les Chrétiens en général.

 

Ce traité humiliant pour détruire le calife et le Califat fut fomenté de toutes pièces par les Britanniques et Mustafa Kemal afin de pousser le malheureux Sultan à le signer pour qu’il devienne injustement l’anathème des Musulmans et que le traitre mécréant prenne le pouvoir à sa place. Quelle terrible injustice ! Quelle terrible injustice que le traitre s’est vu élevé un palais après sa mort pour être visité alors qu’il est le destructeur de la nation musulmane. Cependant nulle n’échappera jamais à la Justice Divine.

 

La diffusion d’un traité aussi horrible et humiliant suffit à déclencher la rébellion en Turquie contre le Sultan, qui avait accepté le traité et l’avait signé. Par conséquent, le courant se déplaça rapidement en faveur d’Ankara et tout le pays se rangea du côté du nouveau gouvernement en lui donnant une force militaire et populaire. Le gouvernement d’Ankara alla jusqu’à menacer la capitale Istanbul elle-même occupée par les Alliés. Ainsi, Mustafa Kemal remporta la deuxième phase et réussit à établir un deuxième gouvernement dans le pays, avec Ankara comme centre, et à prendre le dessus sur le pays et l’armée.

 

Ce fut la deuxième phase de la rébellion de Mustafa Kemal 

 

Quiconque discerne ces événements peut sentir de manière tangible que ce sont les Britanniques qui préparèrent cette phase et la déclenchèrent ; aussi que ce sont eux qui l’ont protégé et empêché sa destruction et son abolition. Ce sont les Alliés qui informèrent le gouvernement turc par un mémorandum officiel qu’Istanbul et les détroits devaient rester sous les auspices du Sultan, alors que le gouvernement ne l’avait pas demandé. A l’époque, personne ne pouvait comprendre les raisons de cette générosité, les Alliés occupant toujours le pays. La raison fut découverte plus tard quand elle permit à la Grande-Bretagne de revenir plus tard d’elle-même pour occuper le détroit et Istanbul, ne donnant pas la possibilité à l’Italie. Il s’agissait donc d’une manœuvre britannique visant à leur permettre d’occuper à eux seuls la capitale et le détroit.

 

En outre, l’argent et les armes qui allaient à Mustafa Kemal après la reprise de la rébellion, lui parvinrent en pleine connaissance des hauts commissaires britanniques et français ; alors pourquoi ce silence de leur part ? Pourquoi cet encouragement à permettre le chargement de camions pleins depuis la presqu’île de Gallipoli ? De plus, la fausse colère qui conduisit à l’affrontement de Mustafa Kemal avec les Alliés aurait dû être dirigée contre Mustafa Kemal lui-même, pas contre Istanbul. Ainsi, la chose naturelle à faire aurait été que les Alliés attaquent le centre de la rébellion à Ankara et l’armée rebelle, pas que les Britanniques reviennent seuls avec leurs navires de guerre et commettent des actes de provocation dans la capitale sans infliger aucun dommage aux rebelles !

De plus, les rebelles ne se sont pas heurtés aux Britanniques, mais aux Français en Cilicie et aux Italiens à Konya. Aucun affrontement n’eut lieu avec les troupes britanniques, les principaux responsables. S’il y avait eu de la colère contre la rébellion de Mustafa Kemal, il aurait été naturel qu’elle vienne des Français et des Italiens, pas des Britanniques. En fin de compte, ce sont les Britanniques qui sont revenus seuls pour occuper le pays, empêchant ainsi les Français et les Italiens de revenir.

En outre, pourquoi la Grande-Bretagne diffuserait-elle le Traité de Sèvres à un moment où Mustafa Kemal était encerclé à Ankara et était sur le point de tomber ? Pourquoi ce Traité avait-il été gardé secret auparavant, sachant qu’il avait été signé plus d’un an auparavant ? N’était-ce pas là une manifestation de la rébellion de Mustafa Kemal contre les Alliés ? Cette action était sans l’ombre d’un doute une conspiration perpétrée par les Britanniques eux-mêmes car ce sont eux qui diffusèrent les articles du Traité à ce moment précis comme une tentative de dernier recours afin de sauver Mustafa Kemal et de porter un coup au califat afin qu’un second gouvernement puisse être établie dans le pays, passant ainsi à la troisième et dernière phase, celle des conférences internationales et des traités finaux.

 

Le gouvernement d’Ankara s’installe et d’autres états traitent directement avec lui

 

C’est ainsi que la deuxième phase se termina avec l’installation du deuxième gouvernement du pays à Ankara, le faisant détenteur des rênes du pouvoir et de l’autorité effective. Pendant ce temps, le gouvernement d’Istanbul se transforma en une autorité impuissante et déficiente. A peine ce second gouvernement installé et prit le contrôle du pays, la Grande-Bretagne convoqua à la suite de ces événements la conférence de Londres, à laquelle assista une foule de députés de Grèce et de Turquie. La Grande-Bretagne déclara : « Le but de la tenue de cette conférence est de rechercher une solution à la crise orientale. » Cela ne pouvait signifier qu’une révision des termes de paix du Traité de Sèvres signé à Paris car la tenue d’une conférence pour examiner la question orientale, qui avait été réglée lors d’une conférence de paix officielle, ne pouvait que signifier que le Traité de Sèvres qui avait été ratifié à Paris ferait à nouveau l’objet de discussions et d’études avant qu’il puisse avoir un quelconque effet, ou avant qu’il puisse être entièrement mis en œuvre. En effet, le Traité ne fut pas appliqué et aucun de ses articles mis en œuvre. Cela confirme que la Grande-Bretagne conclut le Traité dans le but de menacer la Turquie et de l’utiliser comme un moyen de réaliser ses objectifs, et non de le mettre en œuvre. La preuve en est qu’il fut conclue environ un an auparavant et durant toute cette période, il resta tenu secret et ne fut diffusé que lorsque Mustafa Kemal fut encerclé et que sa rébellion fut presque détruit et écrasée.

 

Le simple fait que les Britanniques aient appelé à la conférence de Londres pour revoir le Traité de Sèvres fut considéré comme bizarre parce que le Traité était en faveur des Britanniques. Même si la France n’était pas du tout satisfaite du Traité de Sèvres et qu’elle avait été contrainte de l’accepter ; elle estima que l’héritage ottoman était devenu la propriété de son alliée la Grande-Bretagne, qui en avait gagné la part du lion. La France devait donc se contenter de la Syrie et de la Cilicie. Pourtant, la Syrie et la Cilicie étaient, pour la France, un cadeau ouvert à débat. L’Italie était également en colère contre le Traité, car elle était opposée à la souveraineté grecque en Méditerranée, d’autant plus que l’expansion grecque en Asie Mineure se faisait en fait aux dépens des zones d’influence italiennes qui avaient été établies entre les Alliés pendant la guerre. C’est donc en raison de la cupidité de ces deux états, la France et l’Italie, de gagner plus de butin qu’ils signèrent le Traité à contrecœur.

En conséquence, lorsque la Grande-Bretagne choisit de ne rien mettre en œuvre du Traité, alors que cela lui aurait donné le plus gros butin par rapport à ses alliés, cela attira l’attention et fut jugé contre nature. Lorsqu’ensuite elle demanda une révision de ce Traité, cela fut une surprise et jugé très étrange. Ce qui fut plus surprenant, c’est qu’une délégation représentant le nouveau gouvernement d’Ankara assista à la conférence aux côtés de la délégation qui est venue représenter le gouvernement ottoman, à laquelle clairement aucune autre institution, qu’elle soit turque ou ottomane, n’avait le droit de participer en dehors d’elle, parce que le gouvernement ottoman était le gouvernement légitime qui était entré en guerre et avait été vaincu. Après tout, c’était ce gouvernement qui avait signé le Traité de Sèvres que cette conférence avait pour but de revoir. Par conséquent, il faut se demander quelle était la position du nouveau gouvernement d’Ankara que personne n’avait encore reconnu, et pourquoi assistait-il à cette conférence internationale organisée pour revoir les termes de la paix ? N’est-ce pas à lui seul une preuve suffisante que la mise en place de ce gouvernement à Ankara a été organisée par les Britanniques pour le faire participer d’abord aux négociations de paix et lui permettre ensuite de devenir l’unique négociateur sur les termes définitifs de la paix ?

 

Le gouvernement ottoman, le gouvernement califal, aurait dû rejeter la participation du gouvernement d’Ankara à ses côtés dans les négociations, car son acceptation aurait signifié sa reconnaissance officielle devant les autres états, et parce que la présence de deux gouvernements dans un pays, face à l’ennemi et la négociation des conditions de paix démontre une faiblesse et une dévastation extrêmes. Par conséquent, il aurait été naturel pour le gouvernement califal de rejeter la présence des représentants du gouvernement d’Ankara, mais en fait il l’accepta. Sa faiblesse l’a même conduit à utiliser l’invitation de Mustafa Kemal à assister à la conférence pour tenter de le convaincre et de les réconcilier. À cet égard, Tawfiq Bacha approcha Mustafa Kemal avec l’invitation des états européens à assister à la conférence de Londres et déclara : « Au nom de l’état turc et pour le bien de l’Empire Ottoman, la délégation turque participant à la conférence devrait présenter un front solide unifié et que l’ordre du jour que les Turcs proposent devrait également être un, indiquant la coopération et l’unité de l’Oummah dans son ensemble, plutôt que son conflit et sa division. » Cependant, Mustafa Kemal refusa et déclara : « C’est seulement l’Assemblée nationale d’Ankara qui jouit de la souveraineté constitutionnelle, et qui jouit du pouvoir et de la règle exclusifs dans le pays. Les pays européens auraient dû envoyer l’invitation à travers cette Assemblée. »

 

Pendant ce temps, l’Assemblée nationale se transforma en assemblée permanente. Elle rédigea également une nouvelle constitution dont la rédaction dura neuf mois entiers. Le principal obstacle à la rédaction de la constitution et qui suscita beaucoup de débats et de délibérations était la question du « Sultanat et du Califat. » Mustafa Kemal fut contraint sous la pression du consensus écrasant et de la tendance générale à l’Assemblée nationale, qui était considérée comme l’Assemblée d’Ata Turk, car ses membres appartenaient tous à ses partisans, fut contraint de déclarer explicitement dans la constitution que le Sultanat et le Califat seraient maintenus. Par conséquent, Mustafa Kemal déclara en réponse au Premier ministre Tawfiq Bacha quand il l’invita et l’exhorta à laisser la délégation turque faire preuve d’unité et d’harmonie : « L’Assemblée nationale a stipulé dans le premier article de sa constitution qu’il n’y aurait aucun préjudice au Sultanat et aucun tort au caractère sacré du Califat ; le Sultan devra reconnaître l’Assemblée nationale pour que le gouvernement d’Ankara puisse participer avec sa délégation avec la délégation du gouvernement du Sultan. »

 

Cependant, le Sultan refusa de reconnaître l’Assemblée nationale et la constitution qu’elle rédigea, car la reconnaître impliquerait la suppression du Califat même si la constitution mentionnait la sauvegarde nominale de celui-ci. De plus, la constitution stipulait que l’autorité dans son ensemble, sans aucune condition préalable, était rendue à la nation dans son ensemble et que la nation était devenue la source de la législation ; aussi que l’Assemblée nationale avait acquis le droit exclusif et absolu de représenter la souveraineté du peuple et aussi l’Assemblée qui statue sur la question de la guerre et de la paix. De toute évidence, il était impossible pour le Sultan d’accepter cela. Ainsi, les négociations entre le gouvernement du calife et le gouvernement d’Ankara concernant la formation de la délégation furent interrompues.

 

Lorsque les pays européens se rendirent compte que Mustafa Kemal avait refusé l’invitation parce qu’elle lui était parvenue par l’intermédiaire du gouvernement du Sultan, la Grande-Bretagne lui envoya une invitation directe à Ankara au nom des états alliés. Cette invitation fut considérée comme une reconnaissance claire de sa part du gouvernement d’Ankara. Par conséquent, les deux délégations voyagèrent séparément. Tawfiq Bacha était le chef de la délégation du calife tandis que Bakir Sami Bek était le chef de la délégation d’Ankara. La conférence de Londres eut lieu en février 1921.