Drapeau des Ottomans

3. L’appui permanent au Sultan

 

Dans les immenses démêlés qui opposèrent l’Europe chrétienne au monde musulman, la Régence, au nom de la solidarité et des devoirs la liant au Sultan ottoman, s’impliqua dans presque tous les conflits armés.

 

Si le but avoué des croisés fut toujours « le désir d’apporter la croix et la vérité chrétienne au sein des pays où flottait le croissant, » la mission de la marine algérienne était de faire échouer ces plans et de défendre « Ardh al-Islâm. »

 

Le rôle de la flotte était double : tenir le secteur du bassin occidental et porter de rudes coups à l’ennemi juré de l’Islâm, c’est à dire l’Espagne, puisque les Ottomans enduraient beaucoup de difficultés en Orient[1]. Pendant des années, ils se détournèrent de la Méditerranée occidentale, laissant à la marine d’Alger la charge d’y maintenir une certaine suprématie navale. Ensuite, il fallait participer, aux côtés des flottes ottomanes, à des sièges ou combats contre les coalitions chrétiennes.

 

a) Prévéza (septembre 1538)[2]

 

Les origines de cette guerre sont assez obscures. La trêve entre la France et Charles Quint permit à ce dernier d’employer ses forces plus à l’Est en Méditerranée, contre les Ottomans. Le moment était favorable puisque Venise, inquiète de l’irruption musulmane dans l’Adriatique, rompit avec la Porte.

 

La coalition chrétienne ne comptait pas moins de deux-cents unités (galères, brigantins, frégates...) et soixante-mille hommes sous le commandement d’André Doria. Ferdinand de Gonzague, vice-roi de Sicile servait sous les ordres du fameux amiral.

 

Venise lança dans la bataille quatre-vingt grosses galères bien armées conduites par un vieux capitaine, Domingo Capelo. Les flottes musulmanes, commandées par Khayr ad-Dîn ne comptaient que cent-trente unités (galères, fustes, galions)[3] et vingt à trente-mille combattants.

 

Après s’être rassemblée à Malaga, l’armada rejoignit Venise, et de là, les eaux de l’Empire. La bataille allait s’engager dans cette « zone classique des chocs, » au débouché du golfe d’Arta.

 

Khayr ad-Dîn, disposant de forces moins importantes, fit ranger ses navires non loin de la plage, proue au vent et « attendit que l’ennemi ait développé son plan offensif afin d’œuvrer en conséquence[4]. » Puis, la flotte musulmane sortit de son refuge, formée de trois sections décrivant un demi-cercle prêtes au combat, l’escadre espagnole qui reprit ses positions de la veille, hésita à passer à l’attaque car Khayr ad-Dîn « n’est pas manchot, comme son frère. » Il attaqua avec une vigueur redoublée. Rapidement, il s’empara d’une galère vénitienne et d’une nef espagnole [...] mit une caravelle et deux fustes hors de combat « avec une facilité déconcertante. » Le reste, fuyant le feu, abandonna le champ de bataille... « alors, bien tranquillement, enorgueilli par son triomphe aussi rapide qu’inespéré, Barberousse met le cap sur la côte africaine sans qu’aucun de ses adversaires ait tenté de le poursuivre[5]. » Il remporta ainsi, sur le célèbre amiral espagnol la victoire « après laquelle le pavillon de Sulaïman flotta souverain sur toute la Méditerranée. »

 

La guerre de Prévéza eut des conséquences fâcheuses pour les croisés. Les Vénitiens se retirèrent de la coalition. Doria et Capelo se rejetaient les responsabilités de la défaite.

 

« La bataille [à l’époque où les Turcs faisaient trembler le monde] marque le point culminant de la puissance ottomane » affirme Jurien de la Gravière.

 

L’effet psychologique et politique de la déroute fut aussi considérable. La guerre de course connut une extension sans précédent. En 1540, une escadre vint piller Gibraltar. Les chrétiens restèrent paralysés devant leurs adversaires jusqu’à Lépante. La débâcle de Charles Quint devant Alger en 1541 allait encore décourager les tentatives ennemies.

 

b) Djerba (1560)

 

‘Uldj ‘Alî, Beylerbey, avec Darghût (Dragut) et Piali Captan Pacha mirent le siège devant Djerba, occupée par les Espagnols. Les vaisseaux de la Ligue arrivèrent à la rescousse et ce fut, là aussi, un déploiement de bannières et de drapeaux de toute la chrétienté.

 

La flotte musulmane, admirablement commandée par des marins de valeur, connaissant les lieux et la tactique de l’adversaire, donnait en plein sur les bâtiments chrétiens. Ce fut alors le désastre naval que ni Philippe II, Roi d’Espagne qui voulait frapper Tripoli et déloger Dragut de Gozzo pour dégager les Chevaliers de Malte, ni le Duc de Medina, Juan de la Cerda, vice-roi de Sicile, commandant l’expédition n’oublieront si vite. En effet, dix-neuf galères et quatorze transports furent coulés ; cinq-mille soldats capturés.

« Adieu l’Italie et triste toute la chrétienté » dit une lettre de Rome du 22 mai 1560, annonçant le désastre subi par le Duc de Medina.

 

c) Le siège de Malte (1565)

 

L’île était aux mains des Chevaliers depuis une vingtaine d’années. Solidement fortifiés, ces derniers écumaient le bassin oriental de la Méditerranée et infestaient les côtes musulmanes. Leurs coups de main, de plus en plus nombreux et audacieux rendaient nécessaire une action décisive contre eux. Le siège de Malte devenait urgent et capital.

 

La mission échut à ‘Uldj ‘Alî, Darghût et Piali Mustapha, successivement commandant les flottes algérienne, tripolitaine et ottomane. Les forces combinées s’élevaient à 45.000 hommes, 180 galères et 63 pièces de siège.

 

Devant l’imminence du danger, Jean de la Valette, Grand-Maître de l’île, reçut aide et secours de l’Europe. Les galions de Malte transportèrent en Italie, femmes et vieillards et en ramenèrent armes et provisions. En même temps les travaux de défense furent entrepris. Un système de communications fut établi entre le Château Saint-Ange, Gozzo et la ville. Maltais, Français et Italiens formaient un corps de soldats, solidement retranchés dans des forteresses protégées elles-mêmes par des obstacles

infranchissables[6]. »

 

Le 18 mai 1565, les galères musulmanes vinrent jeter l’ancre dans la baie de Marsa Sirocco, non loin de la Valette. Les combats furent d’une extrême violence. L’emblème islamique flottait déjà sur le fort Saint Elme, lorsque Darghût fut tué. ‘Uldj ‘Alî donna aux opérations une impulsion nouvelle. Malgré l’arrivée, le 29 juin, d’un important secours chrétien, en hommes et en armes, les Musulmans poussaient au milieu des dangers et des obstacles, l’investissement de la place. Le feu meurtrier des canons causait les plus grands ravages.

 

Venant d’Alger, Hasan ibn Khayr ad-Dîn[7] arriva devant l’île, le 8 juillet, à la tête de 28 voiles et 2 500 combattants choisis et qui s’appelaient eux même « les braves d’Alger. »

 

L’honneur du premier assaut contre la presqu’île Saint Michel revint à ces derniers. Malgré une chaleur torride, les difficultés à traîner de lourdes pièces dans des chemins accidentés et les positions favorables dont jouissait l’ennemi, les combats furent acharnés et les pertes élevées.

 

Ecoutons Ch. Paul faire le récit des batailles : « Les scènes de carnage abreuvaient la mer de sang [...] cette fois, ce sont les braves d’Alger la Guerrière que les Chevaliers ont eu à combattre. Le fils de Khayr ad-Dîn dirige lui-même ses intrépides pirates. Il les encourage de la voix et de l’exemple et leur communique une telle ardeur que du premier choc leurs enseignes parurent au sommet du parapet [...] C’est de part et d’autre, une fureur égale. On se voit, on se parle, on se saisit, on se pousse, on lutte l’épée et le poignard à la main[8]. » Plusieurs fois les Algériens plantèrent leurs étendards sur l’éperon Saint Michel.

 

Le siège dura quatre mois sans diminuer de violence, puis il fut levé. Une partie de la flotte quitta précipitamment Malte pour se porter au secours de Mahdiya occupée par les chrétiens.

 

d) Lépante (1571)

 

La mort de Sulayman, en 1556, n’arrêta pas la poussée ottomane en Europe et en Méditerranée où la menace était la plus grave pour la chrétienté[9]. Le Pape organisa une coalition formée de l’Espagne, Venise et Gênes contre les Ottomans.

 

Les historiens ne sont pas d’accord sur les forces qui allaient s’affronter, la flotte islamique comprenait 208 galères. L’escadre algérienne, sous les ordres de ‘Uldj ‘Alî se distingua tout particulièrement.

 

Les croisés avaient à leur tête Don Juan d’Autriche[10] et le Doge Sebastiano Vemier. Leur flotte nombreuse avait des unités nouvellement lancées. Elles entraient en scène pour la première fois. Les galéases étaient des bâtiments plus hauts sur l’eau que les galères. D’une longueur de 70 mètres sur 16 de large, elles disposaient de deux ponts, l’un pour les rameurs, l’autre pour les canonniers. Elles étaient dotées d’une artillerie très puissante à l’avant et sur les flancs « ce qui leur permit de rompre la ligne de combat des galères adverses, puis au milieu de celles-ci, d’exercer d’effroyables ravages. »

 

La bataille s’engagea à Lépante[11], le 7 octobre 1571 (17 djûmâma I de 979) avec un acharnement inouï. Les flottes s’étaient accrochées, emmêlées les unes aux autres. On en vint au corps à corps, et la tuerie devint un carnage.

 

Une indulgence[12] plénière fut promise à chaque soldat chrétien. Une armée de religieux criaient aux équipages : « Pas de paradis pour les poltrons ! »

 

L’engagement prit aussitôt une tournure défavorable pour les Musulmans. A l’exception de l’escadre algérienne, efficacement commandée par ‘Uldj ‘Alî, qui réussit à se dégager sans grande perte, le reste de la flotte fut coulé ou capturé Les causes de la terrible défaite sont à chercher dans les mauvais préparatifs. Les galères furent armées rapidement et avaient à bord beaucoup de novices et de nombreux spahis, peu formés à la guerre sur les flots[13].

 

Cette première victoire des chrétiens sur mer combla l’Europe, mais l’euphorie fut de courte durée. Lépante demeura le siège d’un sandiak-bey jusqu’à 1587. Une nouvelle flotte fut très vite constituée[14]. Devant cette résurrection de la marine ottomane, les Vénitiens furent contraints de signer un traité même défavorable[15]. « Vous nous avez coupé la barbe, dit le Grand Vizir à l’Ambassadeur de Venise, elle repoussera plus drue ! » Avec la nouvelle flotte, la course reprit au grand désespoir des ennemis. Les milliers de morts de Lépante étaient morts pour rien [...] Trois ans plus tard, la défaite sera effacée à Tunis[16]. »

 

La bataille de Lépante avait prouvé le mordant et les prouesses des galères d’Alger. Au combat, elles se comportèrent admirablement ; au moment du repli, elles se retirèrent intactes. La précision des manœuvres, le sang-froid et le courage des marins firent bonne impression[17].

 

e) Le dernier round de Tunis (1574)

 

La présence espagnole en Tunisie était intolérable pour les dirigeants de la Régence[18].

 

‘Uldj ‘Alî reprit la politique instaurée, jadis, par Khayr ad-Dîn en portant la guerre en Tunisie. Il fallait venger l’humiliation de 1571. Les forces combinées d’Alger, de Tripoli et de Constantinople enlevèrent, coup sur coup, la Goulette et Tunis. Les Espagnols en furent chassés, cette fois, définitivement. Les Hafcides laissèrent le pouvoir aux Turcs.

Le verrou par lequel Philippe II espérait fermer la Méditerranée occidentale au nez des Ottomans venait de sauter.

 

f) La guerre contre Venise (1630)

 

Dès son entrée en conflit avec la République, le Sultan Mourad IV réclama l’aide de la marine algérienne.

Une vingtaine de galères bien pourvues, firent voiles vers l’Archipel, sous les ordres du fameux ‘Alî Bitchin. Sur sa route, l’escadre frappa durement les côtes de l’Adriatique, mais le mauvais temps l’obligea de chercher refuge dans le port de Velone, port de l’Empire ottoman. Le séjour y fut assez long. Les Vénitiens la surprirent avec succès. Comment s’expliquer un tel désastre ? Le moment choisi par l’adversaire était à son avantage. Plus de la moitié des équipages étaient à terre. Ceux restés à bord, entassés les uns contre les autres, ne purent ni manœuvrer ni se servir efficacement de leur artillerie. On passa de la panique à la débâcle. De nombreux officiers algériens furent capturés. ‘Alî Bitchin parvint à fuir avec quelques-unes de ses unités, après avoir laissé, sur le champ de bataille, des centaines de tués et une bonne partie de sa flotte[19].

 

On parle de huit galiotes. Les Tunisiens en perdirent autant. La triste nouvelle parvint à Alger le 27 djumâdâ I 1048 (26 septembre 1638).

 

La Régence ressentit lourdement le poids d’une telle défaite. On dit que la taïfa, malgré sa détermination légendaire, ne se releva jamais totalement de ce rude coup.

 

Lors de la guerre entre l’Empire ottoman et l’Autriche (1714-1718), Venise se trouva, naturellement, aux côtés de cette dernière. La marine d’Alger apporta un concours autrement plus efficace. La guerre de course asséna tant de coups au commerce vénitien qu’il cessa presqu’entièrement.

 

g) Russes et Grecs contre les Ottomans (1770-1820)

 

« J’incendierai l’Empire Ottoman des quatre côtés à la fois » disait Catherine II de Russie. Après le démembrement de la Pologne, elle se tourna vers le Sud, vers la Méditerranée.

 

Dès que le Sultan Mustapha ibn Ahmad[20] entra en conflit armé contre ses voisins, le Dey Muhammad pacha dépêcha, en Orient, une escadre bien armée, sous l’autorité du Raïs ‘Alî ibn Yûnas, qui resta cinq ans au service de Constantinople. Une deuxième, commandée par al Hadj Muhammad rejoignit, à son tour, la zone du conflit.

 

Quand ‘Abd al Hamîd succéda à Mustapha, le danger russe était toujours menaçant. Le Dey d’Alger envoya « ad-dûnanma ath-thâlitha » (la troisième escadre) dont le chef était al Hadj Sulaymân.

 

Un contemporain, az-Zahhar, nous fait le récit des événements : « A leur arrivée dans les îles (l’Archipel), ils se heurtèrent aux bâtiments grecs appelés « lanbrô. » Ils leur firent une chasse très sévère. Le Sultan y avait dépêché, auparavant, ses navires pour les combattre mais sans succès.

Lorsque Dieu a voulu que Sa promesse soit tenue, Il les (les Grecs) mit en face de nos navires près de Cira. L’accrochage fut très dur. Le Raïs Salah était à bord de la grande « chatiya. » Il s’approcha de la frégate grecque et, dès l’abordage, les Musulmans, le sabre à la main, se jetèrent sur l’ennemi, dont une partie prit la fuite. La frégate fut capturée [...] les autres bâtiments poursuivis et brûlés. Les Grecs avaient fait périr beaucoup de gens, à tel point que les bateaux de commerce ne sortaient d’Alexandrie ou de Smyrne qu’escortés par « al-Kanbrî. » Ils ne pourront plus inquiéter les Musulmans[21]. Puis, les unités algériennes se dirigèrent vers Istanbul. Arrivées dans les Dardanelles [...] les Raïs accrochèrent sur les mâts les Grecs pirates [...] firent flotter les étendards, tirèrent au canon jusqu’à l’arrivée [...] l’optimisme gagna les Musulmans, les gens sortirent pour voir les bâtiments algériens [...] C’était un jour de fête [...] On priait pour que triomphent les Algériens [...]

 

Ensuite, on apprit que la flotte russe était entrée dans le port de Djankala. Les Algériens y accoururent et y mirent le feu[22].

 

h) La rébellion grecque

 

Le règne du Sultan Mahmûd (1808-1839) fut celui des révoltes généralisées et des tensions provoquées par la Russie et certains Etats européens.

 

L’insurrection grecque éclata au grand jour, en 1820. Des renforts en hommes et en armes parvenaient, sans interruption, aux rebelles En 1821, on signalait à Marseille « l’arrivée massive d’Allemands volontaires pour combattre aux côtés des Grecs. » On signalait, également, le départ des Grecs réfugiés en Suisse[23]. Des Polonais se joignaient aux groupes.

 

La guerre ne pouvait se passer de la contribution de la flotte algérienne, d’autant plus que les Ottomans avaient essuyé de nombreux revers.

 

L’assistance au Sultan commença dès 1820. Dix bâtiments quittèrent la Régence, puis six autres avec l’armement nécessaire. Ils étaient confiés à Hadj ‘Alî Raïs. Hadj Khelîl, de Smyrne, dans une lettre adressée à un haut fonctionnaire d’ici met en relief la valeur et la renommée des combattants algériens : « Dans ce pays, tous les Musulmans, d’accord avec les chrétiens, n’ont qu’une voix pour le compte de votre Régence victorieuse. Ils proclament tous, le courage et la capacité guerrière dont vos champions ne cessent de donner des preuves éclatantes sur mer comme sur terre, et qui leur ont fait vaincre toutes les nations. Tous les Musulmans prient donc le Dieu Glorieux de faciliter l’arrivée de vos navires et tous guettent leur venue matin et soir[24]. »

 

En octobre 1821, le capitaine Treve, venant d’Alger, déclarait à Marseille que « toute la flotte du Dey était disposée pour courir sur les Grecs[25]. »

 

La population d’Alger suivait, avec une particulière attention, les événements de Grèce et l’activité de la flotte : « On attendait les nouvelles des bâtiments qui étaient partis [...] jusqu’au matin du 7ème jour de râhï al awal quand arriva le captan Ahmad al-Haddâd, que Dieu ait son âme, sur un navire capturé et rendit compte au Dey de tout ce qui s’était passé [...] dont la prise par les Algériens de seize bâtiments grecs [...]. La mission avait duré deux ans et trois mois[26] et avait engagé douze fois le combat ; elle déplora de nombreux tués et perdit deux navires. »

 

Peu de temps après, le Khâznadjî de la Régence, Ahmad ibn Muhammad adressait à un fonctionnaire de La Porte ces mots : « Le Prince de la Régence d’Alger (Djazaïr al-Gharb) a fait prendre la mer aux navires de la Régence victorieuse avec ordre de rallier la flotte de la Sublime Porte. Puisse Dieu accorder la victoire et le succès à la flotte ottomane, aux navires de la Régence et à la nation de Muhammad[27]. »

 

Plus la guerre durait, plus l’engagement de la marine de la Régence s’accentuait. Hadj ‘Alî Koptan de l’escadre algérienne, écrivant au Dey, lui confiait : « La flotte est dans les Dardanelles par ordre supérieur. Le brick commandé par Hadj Slimane Koptan est arrivé. Les sept autres navires sont allés à Constantinople pour y être réparés et mis en état de tenir la mer [...] Nous sommes à el-Mérara. En cas d’urgence, nous sommes désignés pour partir les premiers[28]. »

 

Le Gouverneur des forteresses Mtoun (Modon) et Keroun (Coron) assiégés par les rebelles fit parvenir au Dey exprimant que « le vœu de l’impuissant signataire de la présente serait d’obtenir [...] une manifestation de votre générosité sans bornes, qui aurait pour résultat de soulager des personnes qui sont dans la détresse[29]. »

 

En 1824 (15 cha’bân 1240), le gouvernement consentit des efforts exceptionnels pour honorer ses obligations. Huit navires de guerre partirent combattre, en escadre, les Infidèles maudits sous les ordres de Mustapha Batchalî Raïs et de Hadj ‘Abd Allah, chef de troupe.

 

En septembre de la même année, on annonçait au Sultan un autre envoi : « Dans quelques jours, dit la lettre, nous allons vous procurer aussi vite que possible, cinq bateaux armés. De même, nous souhaitons, l’hiver prochain, préparer de grands navires pour aider la flotte ottomane à déjouer l’intrigue des insurgés. »

 

L’année d’après, deux corvettes, deux bricks et deux goélettes sous les ordres de Mustapha Raïs, furent envoyés dans les zones d’opérations. « Nous avons quitté Alger, le 4ème jour de Ramadhân et dix-huit jours après, nous étions arrivés, sains et saufs, à Navarin où nous avons rallié la flotte de la Sublime Porte[30]. »

 

Jusqu’en 1827 et même après, Alger restera aux côtés du Sultan malgré les menaces qui pesaient sur elle. Quelques jours avant le fameux blocus, deux grosses frégates furent expédiées en Méditerranée orientale pour soutenir La Porte. Cette assistance permanente, malgré la difficulté croissante, fit dire à Beaudicour qu’Alger « était devenue le plus ferme appui des Sultans de Constantinople. Aucun événement ne s’accomplissait sur le bassin de la Méditerranée sans que les corsaires algériens y prissent part. La force principale de toute la Marine ottomane reposait sur eux[31]. »

 

 

 


Chapitre Dix-Sept

 

 

LA GUERRE DE COURSE

 

« C’est la mer qui a fait l’histoire, la fortune et la puissance d’Alger »

(Lespès, Alger, p. 27)

 

I - DE LA COURSE EN GENERAL

 

Les accusations, les campagnes, les condamnations et l’exclusive jetées sur les Maghrébins à propos de course ou de piraterie avaient fait trop d’adeptes parmi les chroniqueurs et les historiens européens. Reprendre le sujet et renouveler les questions nécessite un patient travail de recherche, afin de rejeter les préjugés qui mettent au compte seul des Musulmans, en général, et des Algériens en particulier, « les déprédations des corsaires de la Méditerranée. »

 

La course ne date pas du XVIème siècle. Elle ne fut nullement une spécialité algérienne.

 

« S’il y a un domaine, écrit Deschamps, où la suprématie des Aryens apparaît incontestable, c’est bien celui de la piraterie [...] c’est avec les Européens que la piraterie apparaît clairement, pour la première fois, dans l’histoire[32]. »

 

Après l’arrivée des Turcs dans le Maghreb central, la course devint, pour de multiples raisons que nous verrons plus loin, l’activité maritime la plus populaire.

 

Les nombreux exploits couronnés de succès suscitèrent alors un émoi grandissant dans toute la chrétienté. La peur, la haine et le désir de vengeance avaient gonflé les faits en les dénaturants. Toute une littérature que l’histographie avait prise en compte, sans discernement, n’est en réalité qu’un procès, mille fois répété, d’une activité courante à l’époque.

 

L’histoire de l’Algérie moderne devint l’histoire de cette drôle de guerre. Les auteurs, tombant tous dans les mêmes excès et les mêmes erreurs, furent victimes d’un mal très répandu en Europe : l’algérophobie.

 

Pour bien étudier la course algérienne, il importe, avant tout, de faire des mises au point grâce aux documents d’archives volontairement inexploités. Notre but n’est ni de rehausser nos corsaires, ni de les laisser traiter de brigands.

 

A - Piraterie et course

 

Dans de très nombreux documents et textes, la guerre de course est appelée piraterie. Une confusion, délibérément maintenue jusqu’à la fin de la Régence, consistait à ne donner aux Moujâhidines sur mer, que le qualificatif de pirates.

 

Une mise au point s’avère indispensable. Piraterie et course ne sont pas à confondre ! Si au départ, il était difficile de faire une nette distinction entre guerre navale, course, piraterie, coup de main, règlement de compte... les usages et conventions ont vite fait ressortir les caractéristiques de chacune de ces activités[33]. »

 

Le pirate court les mers pour son propre compte, en dehors de toute responsabilité. C’est un brigand à main armée, un malfaiteur plus qu’un soldat, un razzieur des mers « jouant sa vie et apportant le malheur aux gens d’autres pays (Homère). » C’est un homme sans foi ni loi. Il n’a ni patrie ni pavillon si ce n’est un drapeau noir avec deux tibias croisés et une tête de mort. S’il ne revient pas « on n’a perdu que lui. » Pour lui, l’aventure est sur mer, la fortune aussi.

 

Le navire des pirates portait quelques fois des bordages peint en noir avec un cordon blanc.

 

Anciens Grecs, Vandales, Vikings, Normands et bien d’autres furent des pilleurs remarqués.

 

Au début du XIXème siècle, il était question, à plusieurs reprises, de bâtiments forbans dans l’Adriatique, les îles grecques ou la côte catalane, causant au commerce de France des dommages considérables. Plusieurs navires y étaient retenus dans les ports par crainte d’être enlevés ou pillés... les pirates étaient anglais.

 

En octobre 1807, le commandant de la Santé signalait à MM. du Commerce le cas de la chaloupe du capitaine Etienne Chavelly, de la Ciota, commandant « Le Saint Joseph… » Parti d’Arles avec un chargement de blé et de légumes, il fut arrêté par un bateau sans pavillon monté par sept personnes de différentes nations (Grecs, Espagnols, Italiens, Anglais) lesquels armés de sabres et de poignards, les firent descendre dans une chambre où ils furent gardés à vue. Vers minuit, ces pirates les firent monter sur le pont où après les avoir visités scrupuleusement et dépouillés même de leurs vêtements, ils les congédièrent avec leur chaloupe[34].

 

Les pirates anglais attaquaient des navires anglais. En 1819, le brick « William, » capitaine Christopher Delane, parti de Liverpool avec des expéditions les plus régulières et destinées pour Smyme, attaqua un bâtiment de sa nation, à la hauteur d’Alicante, s’en rendit maître après avoir jeté l’équipage à fond de cale et prit les marchandises à sa convenance[35].

 

Les forbans espagnols étaient légion, également.

 

Une lettre du commissaire des relations commerciales de la République, à Palma, adressée aux citoyens membres du Conseil de Commerce de Marseille révèle : « Le porteur du courrier qui arrive de Barcelone assure, qu’à son départ de cette ville, on y avait des avis certains que plusieurs bâtiments pirates courant sur tout pavillon, infestent ces mers. On croit que la plupart de ces armements sont montés par des Grecs [...] Le soupçon que ceux dont on a eu avis sont composés de Grecs, paraît n’être point dénué de fondement. De tout temps, les îles grecques ont été fertiles en pirates[36]. »

 

۞

۞       ۞

 

En été 1820, un bâtiment espagnol fut pillé par une polacre grecque.

 

La course, par contre, était une forme de guerre décidée par le gouvernement. Le corsaire est un combattant régulier, un franc-tireur de la mer. Il ne s’attaque qu’aux navires ennemis de la nation dont il détient une commission régulière et dont il doit battre pavillon. La course est donc une branche de la marine de guerre et, le corsaire, le milicien de la mer dûment chargé de courir sur les bâtiments ennemis en temps de guerre, seulement. Son navire est un bâtiment de combat. Il ne saurait être un bandit, un voleur ou un hors la loi.

 

La course a été définie par les Européens comme: "Une agence temporaire et spontanée au moyen de laquelle des individus étrangers au service de l’Etat acquièrent, momentanément le droit de s’armer, sous son pavillon, de poursuivre le commerce illicite et de faire des expéditions à leurs frais, à leurs risques et à leur profit. Dès lors, et dans la durée de l’engagement en vertu duquel ils ont acquis ce droit, ces armateurs cessent d’être des hommes privés, leurs armements font partie des forces de l’Etat[37]. »

 

Un autre document de 1816 dit que : « Dans les règlements de la course, tout est prévu ou tout doit l’être. Il est depuis longtemps établi que la guerre maritime ne s’adresse pas à l’ennemi seulement et que les neutres aussi sont exposés à ses rigueurs, lorsque leur navigation et leur commerce agissent d’une manière irrégulière et partiale et servent aux vues de l’ennemi[38]. »

 

B - Ancienneté de la chose

 

A lire les plumes prolixes des Européens au sujet de l’Algérie sous les Ottomans, on croirait que le fléau date du XVIème siècle, seulement. Le passé lointain des riverains avait déjà connu une telle activité. La mer était alors un champ libre et « sans loi. » Personne n’était en mesure d’imposer ou d’appliquer des lois en vigueur sur terre. Distinguer le marchand du pirate et ce dernier du guerrier était difficile. Tout le monde s’armait et tous attaquaient sans scrupule et sans honte.

 

Les premiers Grecs étaient tous pirates, dit Montesquieu[39]. Les anciens voyaient ce genre de méfait avec une autre optique. Ecoutons Thucydide : « Dès que les Grecs et les Barbares se mirent à parcourir les mers, ils s’adonnèrent à la piraterie sous la conduite d’hommes puissants et ce métier n’était point honteux, mais il passait pour honorable[40]. »

 

Les premiers temples et les dernières églises qui y furent élevées étaient construites avec les produits de la piraterie.

 

« Sur chaque bâtiment grec pirate, écrit Laborde, il y avait un prêtre qui présidait au partage du butin et retenait la part destinée à l’Eglise. Il surveillait également l’observation exacte des jeûnes et des prières[41]. »

 

Jules César fut capturé, en mer, par des Siciliens en 78 avant J.C. Les Vandales et les Catalans infestèrent tôt la Méditerranée. Dès le XVème siècle, les Vénitiens faisaient face à un renouveau de la piraterie dalmate. Les Baléares, reprises par les Catalans, devinrent un des repaires les plus dangereux du brigandage. Un marchand de Raguse, du XVème siècle, Beneditto Cotrugli, affirme que « tous les Génois qui étaient appauvris par les revers de fortune, se faisaient pirates[42]. »

 

Si dans l’éthique de nos jours et les législations modernes, la course apparaît comme un crime de droit des gens, aux yeux des anciens, elle était une simple activité maritime, comme la pêche est une occupation toute à fait normale, liée au développement du commerce et des échanges.

 

C - L’Europe et la course

 

Loin de diminuer, avec les progrès de la civilisation, la course bien au contraire, prit de l’ampleur. A partir du XVIème siècle, les guerres, les rivalités commerciales et les crises religieuses lui donnèrent un sang nouveau. Derrière les idéaux se cachait le profil. Aussi, les Rois, les Papes, les Princes, les riches, les moins riches, les marchands en vivaient ou en tiraient bénéfice. Devenue l’auxiliaire de la guerre, cette calamité attira Anglais, Français, Hollandais, Espagnols, Portugais et Italiens. Mieux encore, l’institution fut protégée et encouragée.

 

« Au XVIème siècle, constate Deschamps, les pépinières des pirates sont deux nations riveraines de l’océan : la France et l’Angleterre[43]. »

 

Francis Drak, corsaire anglais du XVIème siècle, attaquait sous pavillon usurpé, les escadres sans distinction, ravageait les côtes, s’emparait des navires marchands et en jetait l’équipage par-dessus bord. Des officiers anglais se distinguèrent par une cruauté sans pareil en mettant à mort les captifs espagnols de l’invincible Armada[44]. A leur tour, les Espagnols faisaient subir aux gueux de la mer des Pays Bas, les pires des tortures et les décapitaient ensuite. Leurs têtes étaient salées et promenées dans des paniers. Compen, corsaire hollandais, après avoir travaillé pour le compte de son gouvernement, choisit Safi et Salé, pendant des années comme ports d’attache. Il aurait fait, selon ses contemporains, plus de trois cent cinquante prises entre 1624 et 1625.

 

La course intereuropéenne avait éprouvé toutes les nations maritimes. La France, tout en subissant les coups de main de ses adversaires, se lança dans la course. Anglais, Flessingois, Espagnols ou Grecs portèrent de rudes coups au commerce français. Une longue série d’actions marqua les XVIIème et XVIIIème siècles et même les premières années du XIXème.

 

En 1694, l’Amiral Russel franchit le détroit de Gibraltar avec quarante-cinq vaisseaux de ligne pour croiser, quelques temps, en Méditerranée. Ses interventions furent telles que Pontchartrain, dans sa réponse à MM. du Commerce qui sollicitaient une déclaration de guerre à l’Angleterre et l’envoi de vaisseaux croiser « des îles Saint Pierre au canal de Malte, » leur disait que les fonds manquaient et que la priorité était donnée à la défense des côtes d’Espagne et de France. Il suggéra à la Chambre de Marseille « d’y entrer et charger de l’armement de quelques vaisseaux pour la course » qu’il proposerait volontiers au Roi de leur accorder « aux conditions les plus avantageuses » que l’on peut désirer. « Je vous exhorte, leur dit-il, de faire une sérieuse réflexion[45]. »

 

En 1705, arrivait en Méditerranée, une flotte anglo-hollandaise, toujours par le Détroit. La Chambre de Commerce vota, la même année, « une gratification de dix mille livres aux armateurs particuliers qui captureront le corsaire flessingois « La Perle » et les autres de la même nation qui causent les plus grands dommages aux bâtiments de commerce naviguant dans ces mers[46]. »

 

On déplora, en mai 1793, la prise d’un treizième navire français venant des colonies par la division anglaise qui croisait dans le détroit[47].

 

Quand l’insurrection grecque se déclencha, les pirates de ce pays frappèrent durement le commerce français d’une façon particulière. Dès l’été de 1824, parmi les actes hostiles, le plus spectaculaire fut celui perpétré contre la bombarde « La jeune Rose Mélanie. »

 

Le brigandage grec avait fait, en trois ans, plus de quarante prises sur les Français. Les équipages étaient molestés et le commerce désorganisé. Il fallait attendre 1828, date de l’occupation de la Morée par les Français, et la constitution d’un gouvernement grec pour que de tels actes cessent[48]

 

L’Espagne autorisait dans ses ports, le jugement et la vente des navires capturés par les Français, assurant que cette vente constitue un acte de commerce régulièrement autorisé et laissait aux Anglais, la faculté de jouir des mêmes droits. En effet, ces derniers entretenaient des bâtiments de guerre, plus des armements en course très actifs, ce qui entraîna les plaintes du Bey de Tunis, de la République des Sept Iles, de l’Espagne et de la Sardaigne. Les capitaines qui avaient la chance d’opérer plusieurs prises, assuraient leur fortune. Certaines stations jouissaient de la réputation d’être fort lucratives. Lors des guerres avec l’Espagne, on capturait des galons chargés de numéraires ou de marchandises précieuses. Les prises s’en allaient à Malte ou à Gibraltar, où elles étaient jugées par un tribunal de l’Amirauté. Au début du XIXème siècle, Nelson recevait sa part. Plusieurs fois, les prises anglaises étaient ramenées à Alger pour y être vendues[49].

 

Dans une lettre de Napoléon à son ministre Decres, il est prescrit à ce dernier : « Le 13 (août), le Danemark a déclaré la guerre à l’Angleterre. Expédier un courrier à Toulon et Gênes pour que les bâtiments danois soient retenus dans ces ports afin qu’ils ne tombent pas au pouvoir de l’Angleterre[50]. »

 

Dans les traités de paix et de commerce conclus avec Alger, les puissances chrétiennes y avaient prévu des articles garantissant la sécurité de leurs prises.

 

Le traité algéro-danois de 1746 stipule dans son article 10 : « Lorsque quelque vaisseau de guerre danois entrera dans quelque port de la dépendance d’Alger, avec une prise ou avec une marchandise, personne ne leur causera aucun dommage, au contraire, il sera permis d’en disposer suivant leur volonté ou de les vendre ou de les ramener avec eux. »

 

Le traité avec la ville de Hambourg, signé le 22 février 1751, mentionne, lui aussi, que : « Si les vaisseaux armés en course de Hambourg venant dans les ports d’Alger ou dans les autres ports de la dépendance de ce royaume, y amenant des prises qu’ils auront faites sur leurs ennemis, on ne pourra les en empêcher et il leur sera permis de vendre les dites prises ou de les emmener à leur volonté. »

 

Les Vénitiens quant à eux, par le traité de 1763, avaient obtenu du Dey que : « Si les bâtiments corsaires vénitiens conduisent dans quelques ports du royaume d’Alger, quelque prise et y apportent aussi les effets de cette prise, personne ne s’y opposera et ils disposeront à leur gré de ces effets, soit en les vendant ou en les transportant ailleurs. »

 

D - La course française

 

Si la France a bien souffert de l’activité des corsaires européens, elle ne s’empêcha nullement de la pratiquer, à son tour, durant toute cette période.

 

Les édits royaux prescrivaient le cinquième du produit des prises au Roi. Les armements étaient sous la tutelle du Ministre de la Marine et des Colonies. Les corsaires étaient considérés comme des auxiliaires très précieux. Leurs prises payaient un droit de douanes à l’Etat. Un arrêt du Conseil du Roi, rendu le 4 février 1667 déclare « de bonne prise d’un navire anglais, capturé près d’Alicante par le Capitaine Avice De Lalande de Saint-Malo[51]. »

 

La course était réglementée. L’article 8 du règlement de 23 septembre 1676 précise que : « Les prises seront jugées suivant et conformément aux lois et ordonnances du royaume et aux traités faits par Sa Majesté avec les princes et les Etats Etrangers qui seront exécutés en ce qu’ils pourront déroger aux lois et ordonnances du royaume. » La même année, un Conseil des prises fut créé et présidé par l’amiral de France. Le Ministre de la Marine y assistait avec voix délibératrice.

 

Après bien des variations, la législation sur la course fut fixée par Colbert, en 1681, suivant un principe abandonné après avoir été longtemps appliqué, à savoir que : « Les navires et marchandises ennemis, quelque fut le pavillon qui les couvrit, étaient déclarés de bonne prise. Le renouvellement de cette disposition devait donner à la course un nouvel essor[52]. »

 

En 1743, 1780 et 1786 furent publiés d’autres édits et instructions sur la course et sur les droits que devait percevoir l’Amiral[53].

 

Cependant la course française a précédé la législation. Brantone, chevalier du XVIème siècle, écumait la Méditerranée centrale avec ses lieutenants Lassan et Saint Aubin. Il ne cachait point qu’il armait en course pour son propre compte. L’exemple venait d’en haut : le Grand Maître Parisot, exploitait deux galères et le Roi de Naples, très friand de prises, armait lui aussi.

 

En mai 1684, le Roi ordonna la capture de tous les bâtiments génois, la confiscation des marchandises et l’emprisonnement des équipages[54]. Quand le corsaire marseillais « Le Saint Victor l’Africain, » capitaine Parcon captura un vaisseau anglais de deux-cent-cinquante tonneaux et vingt-quatre canons[55], l’exploit fut rapporté avec une certaine fierté dans le Mercure Galant de décembre 1695.

 

« Après 1684, écrit La Roncière, Roi, princes, ministres et courtisans, tout le monde s’intéressait, sans rougir, à la course. A la cour d’amirauté de Brest, au jugement des prises, toute la cour semblait s’être donné rendez-vous : Marquise de Maintenon, Duc de Bourgogne, Duc d’Anjou, Prince de Conti, Duc de Maine... tous ces noms des grands sont portés par des frégates. L’évêque de Saint Malo y subvenait « en faisant porter à la monnaie le trésor des Eglises. » Le chanoine Duparc, Docteur en Sorbonne, en une consultation dogmatique établit la légitimité de la course « quand elle a pour objet le bien de l’Etat[56]. »

 

On osait même demander aux particuliers des comptes au sujet du produit provenant de la vente des esclaves. Pontchartrain, dans une lettre aux Echevins et Députés de Marseille disait : « J’envoie au sieur Brodait, copie que le sieur Ch.de Fuicourt m’a envoyée de la vente des négresses qui étaient sur les deux prises turques qui ont été faites, l’année dernière par le sieur Duquesne et comme il paraît par le compte qu’il reste entre ses mains, la somme de 3.954 livres, je donne ordre au sieur Brotard de vous faire remettre cette somme[57]. »

 

Quand le sieur Ferrand s’empara d’un navire tunisien, le Bey réclama un dédommagement en vertu du traité signé entre les deux pays. Pontchartrain retroqua que les corsaires français « font la course sous pavillon étranger ce qui n’est nullement défendu aux Français par le traité[58]. »

 

Le Roi de France prêtait souvent ses vaisseaux aux corsaires et aux organisateurs d’expéditions, moyennant une part des prises. La croisière contre Rio de Janeiro, en 1711, conduite par Duguay Trouin ne fut rendue possible que parce que le monarque avait fourni cinq vaisseaux totalisant trois cent-soixante canons, six frégates et trois-mille soldats[59].

 

Les armements en course, dont le nombre augmentait continuellement constituaient un placement, hasardeux certes, mais qui rapportait beaucoup. Seigneurs et grands personnages, alléchés par des gains fabuleux, formaient des associations et armaient des bâtiments. La princesse de Conti, la Duchesse et le Duc de Brancas, l’Abbé de Montalat et tant d’autres, en furent les bailleurs de fonds.

 

Si Tourville, d’Hocquincourt et Marigny armaient à leur compte, beaucoup d’autres écumeurs cherchaient des riches « ayant confiance dans le produit futur des captures pour avancer l’argent indispensable aux opérations. » Bien mieux, l’Etat apportait quelquefois son concours à ces armateurs en leur procurant des passagers dont il payait le voyage.

 

L’Europe si prompte à dénoncer la course algérienne, eut de célèbres corsaires. La France chantait les prouesses de Jean Bart[60], de Dugay Trouin, de Ducasse, de Doublet[61], de Cassard, de Saint Paul Herourt et dont certains avaient poussé leur entreprise jusqu’au Brésil et au Cap Vert.

 

« En Amérique et dans les mers du Nord, écrit Loir, nos corsaires Saint Paul, Duguay Trouin, Forbin, Ducasse et Cassard continuaient à ruiner le commerce de nos ennemis et portaient haut l’honneur du nom français. Coup sur coup, en 1703 et 1704, Saint Paul enleva trois vaisseaux de guerre hollandais, trois croiseurs de la même nation [...] En 1706, Forbin prit quarante-six vaisseaux de guerre et l’année suivante, il captura une trentaine de navires marchands[62]. »

 

Les gouvernements européens intervenaient parfois directement ou chargeaient leurs consuls à l’étranger, dans les affaires de partage de prises et défendaient âprement les intérêts de leurs sujets.

 

L’histoire du navire hollandais « La Marie » est révélatrice. Un corsaire de Saint Malo allait s’emparer, le 24 février 1706 dans le Cap Saint Vincent, d’un bâtiment hollandais de cent-vingt tonneaux lorsqu’un autre bâtiment de guerre surgit, battant pavillon hollandais. Il s’approcha de « La Marie » et vite, il arbora la flamme rouge : c’était un vaisseau algérien de trente-six canons, nommé « La Rose » et commandé par le Raïs Ahmad at-Touîl. Le capitaine de la frégate française revint sur les lieux et réclama sa part de la prise. Un désaccord suivi d’un bref engagement et voici le navire hollandais, sur le chemin d’Alger. Le 1er juin suivant, le Consul de France à Alger dressa un long mémoire dans lequel il exposa les arguments susceptibles de faire obtenir une part du revenu, au profit du capitaine de Saint Malo[63].

 

Jusqu’en 1707, la course française connut une certaine vigueur. Puis la situation politico-militaire du pays se dégrada. Le siège de Toulon par les Anglo-Hollando-Espagnols ruina le port qui vendit ses bateaux, ses agrès, ses cordages rendant l’arsenal inactif. Les Anglais devinrent les maîtres de la mer et insultaient, à chaque occasion, les côtes françaises. La marine de guerre cessa d’exister. « Heureusement pour le roi, écrit O.Teissier, qui avait conservé de bonnes relations avec le Grand Seigneur qui donnait asile aux vaisseaux français dans ses ports et les puissances barbaresques demeurèrent fidèles observatrices des traités[64]. »

 

Pendant la seule guerre de succession d’Espagne et, pour le seul port de Dunkerque, le produit se chiffre par quatre vingt deux millions de livres pour mille six cent quatorze prises[65].

 

Rassurée de ce côté, la marine française, après 1710, se lança de nouveau dans la course qui fut d’ailleurs toute son activité.

 

« Ses produits remplaçaient ceux de son habituel commerce tellement anéanti que les négociations n’osaient aventurer leurs derniers bâtiments pour aller chercher, à l’étranger, le blé qui manquait. »

 

La même année, il se fit, avec les vaisseaux de Toulon vingt-six armements en course. Les consuls se transformèrent en auxiliaires et en informateurs des corsaires. Deux lettres du consul français à Livournes donnent une idée sur les préoccupations de ce diplomate.

 

« Il n’y a point, dit-il dans la première, de meilleures croisières pour les armateurs français que celle de Livourne, qu’il arrive continuellement un grand nombre de bâtiments ennemis en ce port et que deux frégates, bien armées, suffisent ces bâtiments d’y entrer et d’en sortir et faire beaucoup de prises[66]. »

 

Dans la seconde, il annonce : « Qu’on attend en ce port plusieurs vaisseaux ennemis de différents endroits, entre autres, un hollandais venant des Indes et qui est richement chargé. Le grand nombre d’armateurs français qu’il y a dans la mer d’Italie et les prises continuelles qu’ils font, ont répandu une consternation générale à Livourne. On n’y trouve plus d’assurance qu’à 28 ou 30%[67]. »

 

L’activité corsaire restera soutenue des décennies encore. Le consul de France à Alger notait en 1757 : « Les pirates algériens rapportent qu’il ne trouvent en mer que des Français, la plupart armés en course[68]. » Les zones d’opérations s’étendaient jusqu’aux côtes du Maghreb. En 1779, quatre navires anglais furent capturés par les armements français à quelques lieux d’Alger. Le Ministre de la Marine, M.de Sartines, dans sa réponse aux députés de Marseille écrivait : « J’ai reçu, Messieurs, votre lettre du 25 du mois passé contenant les détails qui vous sont parvenus sur la prise que M. de Flotte a faite aux environs d’Alger de quatre bâtiments anglais. Je vous sais gré de m’en avoir fait part, ainsi que de la satisfaction que cet événement fait éprouver au Commerce de Marseille, dont je suis fort aise que les navires aient quatre ennemis de moins à craindre[69]. »

 

Un projet de décret fut déposé en 1792 sur le bureau de l’Assemblée Législative préconisant « la suppression des armements en course et l’interdiction aux bâtiments de l’Etat, la capture des bateaux de commerce appartenant à des nations ennemis. » Le texte fut tout simplement repoussé[70].

 

Le XIXème siècle vit se poursuivre cette forme de guerre ? On lit dans une lettre de Napoléon, du 10 mars 1801, après la signature d’un traité avec la Régence : « La défense qui a été faite aux armements français de courir sus aux bâtiments d’Alger, de Tunis et de Tripoli doit toujours être observée[71]. »

 

L’Empereur s’était souvent fâché de voir les corsaires algériens s’en prendre aux bâtiments français. Il justifiait sa colère par une attitude morale admise au début du siècle. Mais voici ce qu’il écrivait à Decres en 1807 : « Il paraît qu’un grand nombre de spéculateurs anglais ont envoyé des marchandises à Montevidéo. Ces marchandises n’ont pas de débit ; si elles en ont, il est probable que les bâtiments reviendront chargés des produits du pays Je suis dans l’opinion que huit à dix frégates qu’on enverrait sur le derrière de Montevidéo, pouvant relâcher dans les possessions espagnoles ou portugaises, feraient de très bonnes affaires. Cela aurait l’avantage, si nous faisons la guerre au Portugal, de pouvoir faire un mal affreux au commerce du pays et de nous emparer d’un grand nombre de bâtiments. Faites-moi un mémoire là-dessus. Ces bâtiments pourraient même, s’ils le jugent convenable, envoyer leurs prises à l’Ile de France[72]. »

 

Un curieux procès :

 

Pendant qu’on menait avec tapage une compagne contre la Régence, au sujet de la course, les corsaires français se faisaient reconnaître des droits avec le concours de nombreux juristes qui prêtèrent leur talent et leur science.

 

L’affaire de « Trois Montrouge » commença en juin 1810. Le 27, un négociant de Marseille, le sieur Rougement, armateur du corsaire sus-indiqué, captura, après un bref accrochage, un bâtiment battant pavillon américain appelé « L’expectation, » capitaine Kitt. Comme les ports français étaient loin du lieu d’attaque, le capitaine décida de conduire sa prise à Alger, interprétant à sa guise, le droit garanti par les traités algéro-français. Alors qu’il était en route pour Alger, le voilà encore maître d’une autre prise : la galiote américaine « Le Hope. » Le 3 juillet, « Le Montrouge » et ses deux prises entrèrent dans le port. Le consul de France procéda à l’instruction prescrite par les règlements de la course. Mais le Dey fit saisir les deux prises et leurs équipages et les remit au consul des Etats Unis.

 

L’année d’après, le même corsaire captura un navire anglais, « Le Véridique » et l’expédia, également, à Alger. Et le Dey remit la prise au consul anglais. La colère atteignit son paroxysme à Paris. On parla de spoliation[73].

 

Armateur et équipage présentèrent une requête contre le gouvernement d’Alger, en France, l’affaire fut portée devant le Conseil des prises[74] et... jugée ! Ecoutons les conclusions : « Considérant que Le Véridique avait été remis à ses anciens propriétaires, contre le droit des gens, les capteurs étaient fondés à réclamer du Dey la réparation du dommage causé par la restitution de la prise aux Anglais. Les prises américaines furent jugées par le Conseil d’Etat qui prononça leur confiscation[75]. »

 

L’impatience de l’armateur et de ses hommes amena le conseil des ministres à se saisir de l’affaire et des représentations furent faites auprès du Dey pour obtenir des indemnités...

 

Le procès traîna longtemps après 1830 ! Tenace et résolu, l’armateur adressa encore un mémoire suivi d’une consultation juridique de Jh. M. Delagrange, avocat à la Cour de Cassation[76].

 

L’attitude du Dey était dictée par les accords de neutralité. Dans cette affaire, il y avait également une infraction à la réglementation en vigueur, notamment celle du 4 juillet 1810.

 

Alger comme on le voit, n’avait nullement le monopole de la course. Avec un peu de bonne foi, on ne trouvera guère de différence entre cette ville et Alicante, Cagliari, Marseille, Gênes, Livourne ou Naples...

 

Les villes françaises avaient les mêmes activités que la capitale de la Régence. On a osé écrire au sujet de la course pratiquée par Saint Malo que « ce ne fut qu’un accident dans l’histoire de ces villes maritimes ! » Mais pourquoi refuser cette indulgence aux villes maritimes concurrentes ?

 

Dans les écrits occidentaux, les deux poids et deux mesures restent frappants. Quand le corsaire est chrétien, il n’est autre qu’un combattant delà foi, de la patrie... un soldat de Dieu, le champion d’un idéal... Il est la milice du Christ dont la raison d’être et le devoir impérieux est de faire la guerre au Musulman. Mais quand le corsaire est Musulman, alors il est le brigand, l’écumeur, le voleur, le violeur, le sanguinaire, le rapace, le diable, le pillard...

 

En réalité, la course était absolument et réciproquement pratiquée. Les deux camps, musulmans et chrétiens, se battaient et s’entretuaient. Le corsaire chrétien s’abattait sur les îles et villages côtiers de l’archipel, les côtes tunisiennes et tripolitaines. En Occident, l’inverse se produisit : le Musulman se vengeait et l’Europe ne voyait ou ne voulait voir que l’action de ce dernier. Elle vociférait quand elle était la victime mais applaudissait quand les Chevaliers de Malte ou ceux de Toscane s’attaquaient aux rivages ou aux navires musulmans.

 

« Nous croyons dit Mas Latrie, que la statistique des forfaits dont la Méditerranée a été le théâtre du XIIème au XVIème siècles, s’il était possible de la dresser, mettrait à la charge des chrétiens une quantité fort lourde dans l’ensemble des pillages et dévastations maritimes que nous rejetons trop facilement au compte des Barbares [...] si les chrétiens nous paraissent avoir plus souffert de la piraterie musulmane, c’est qu’ils avaient un commerce plus considérable et des côtes moins faciles à défendre[77]. »

 

Un projet de la répression de la course « barbaresque » vit le jour en 1814. En France, on lit dans le préambule : « Si les principes de justice et de loyauté sont reconnus dans la prohibition absolue de la course des Régences de Barbarie par les Européens, et s’ils sont consacrés au Congrès de Vienne, ils doivent l’être également dans celle de la course des Européens sur les Mahométans, principes qui nécessitent l’abolition de l’Ordre de Malte ou exigent sa régénération[78]. »

 

Braudel a su décrire le phénomène et l’étendre aux continents et aux sociétés. « La course, écrit-il, n’appartient pas à une seule rive, à un seul responsable, à un seul coupable. Elle est endémique. Tous les misérables et les puissants, les riches et les pauvres, les villes, les seigneurs et les Etats sont pris dans les mailles d’un filet tendu à la mer entière [...] l’aventure, d’ailleurs n’a ni patrie, ni religion, elle est métier, moyen de vivre[79]. »



[1] Conflits avec les Perses, guerres civiles, luttes contre Portugais dans l’Océan indien etc...

[2] Ville de Grèce, sur la rive septentrionale du Golfe d’Arta.

[3] On rapporte que les galères furent construites sur des plans de son invention.

[4] Prieur (P. A), « Les Barberousse, corsaires et rois d’Alger, » Paris, 1943, p. 170.

[5] Ibid. p. 175.

[6] Le Fort Saint Ange était édifié sur une langue de terre séparant le grand port de Marsa Muscieta.

[7] Pour la troisième fois Beylerbey (août 1562-janvier 1567).

[8] Paul Christian, « Histoire des Marins, » I, 313.

[9] Prise de Chio en 1566 et de Chypre en 1570.

[10] Fils naturel de Charles Quint et frère du roi Philippe 11.

[11] Port à l’entrée du Golfe de Corinthe qui sépare le Péloponnèse de la Grèce antique.

Sur Lépante. Lapeyre (H), « Les Monarchies européennes. » Ch. IX. pp. 199-212.

[12] Chez les catholiques, une indulgence est une rémission totale de la peine temporelle due aux péchés pardonnés.

[13] Bonne analyse de la victoire dans Lapeyre. « Les Monarchies, » p. 327.

[14] Il avait fallu cinq mois, seulement, grâce au système des ojakliks par lequel une région donnée fut chargée de fournir à un arsenal déterminé, un matériau donne pour la construction d’un navire.

[15] Voir E.I. (2), notice sur « Bahriyya, » t. 1, p. 877.

[16] Malgré le triomphe, l’unité de la chrétienté fut brisée. Elle était, en effet, minée par la poussée du nationalisme et l’égoïsme des Etats.

[17] Hubac. « Les Barbaresques. » p. 147. Sur les prouesses de ‘Uldj ‘Alî. Defontain Maxange, Alger, pp. 130-151.

[18] La longue rivalité entre Espagnols et Turcs de la Régence se termina par la victoire de ces derniers. Occupée d’abord par Khayr ad-Dîn, en 1534, puis par Charles Quint, l’année d’après, elle devint protectorat espagnol jusqu’à 1569. Chassé du pays, l’occupant y revint en 1573 pour quelques mois.

[19] Grammont, « Histoire, » p. 187 ; Playfair, « Episodes. » R.A., 1879, p. 434.

L’historien tunisien, Ibn Abî Dînâr al-Qayrawânî donne une version des événements presque identique :

" و في أول سنة من أيامه [ الباي اصطا مراد] جاءت غلايط الجزائر إلى تونس و كان عددها 8 و سافرت مع غلايط تونس و هي 8 أيضا انتصارا للسلطان في حرب أو لونية فحصرتهأ عمارة البندقية في مكان استحال الخروج منه فكان من رأيهم أنهم نزلوا إلى البرباجمعهم و من معهم من أسارى النهارى و أحرقوا الغلايط كلها و توجهوا إلى قسنطينة فأنعم علبهم السلطان بغلايط من عنده و رجعوا إلى بلادهم. و كانت هذه الواقعة سنة ثمان و أربعين و ألف ه ( 1048) ..."
المؤنس..مرا209.

Le désastre de Velone n’arrêta pas le concours de la flotte algérienne au Sultan : Dans une de ses lettres, le Consul Lemaire, rapporte, en 1690, que : « Les vaisseaux d’Alger qui étaient au service du Grand Seigneur sont arrivés, le 8 de ce mois, » (A.C.C.M. Série J 1354, Lettre du 11 décembre).

[20] Régna de 1757 à 1773.

[21] Az-Zahhâr, Mudhakkirât, pp. 28-30. 

[22] En 1774.

[23] A.D.B.R. M6 - 12.

[24] Lettre du 3 chawâl 1236 (4 juillet 1821) présentée par Devoulx, R.A., 1856, p. 134.

[25] A.D.B.R. M6 - 12.

[26] Az-Zahhâr, Mudhakkirât. p. 148.

[27] Document présenté par Devoulx, R.A., 1856, p. 134.

[28] Ibid. Lettre du 27 radjah 1238 / 9 avril 1823.

[29] Ibid. Lettre du 13 ramadhan 1238 / 13 juin 1823.

[30] Ibid. Lettre du 27 chawâl 1240 / 13 juin 1825 ; Egalement, Mudhakkirât, p. 156.

[31] La guerre et le Gouvernement d’Alger, p. 97.

[32] Deschamps, Pirates et Flibustiers, p. 7.

[33] (Ibis) : Braudel, La Méditerranée, II, p. 161.

[34] A.C.C.M. Série MR 4.44.3 53.

[35] Ibid.

[36] Ibid. (Piraterie, An X - 1878).

[37] A.N.Aff.Etr. Mémoires et Documents, Algérie.

[38] A.N.Aff.Etr. Mémoires et Documents, t. 14, Algérie.

« Nouvelles observations sur le rapport du Comité du Contentieux relativement à la prise et au jugement du bâtiment algérien Le Gioseppino » - 1816. 29 pages.

[39] Esprit des Lois, XXI, 7.

[40] Thucydide, Historien grec de l’Antiquité, auteur de l’Histoire de la guerre du Péloponnèse.

[41] Laborde. « Au Roi, » p 42

[42] Robert Saint Lopez. « Le Marchand génois. » A.ESC. 1958, p. 501.

[43] Pirates et Flibustiers, p. 29.

Braudel, La Méditerranée, II, pp. 193-194 et 197-203.

[44] Hubac, Les Barbaresques, p. 193.

[45] A.C.C.M. Série B 78 Lettre du 17 mai 1702.

[46] A.C.C.M. Série B 6. 301 v°

[47] A.C.C.M. Série B 88.

[48] Guiral (P), Marseille et l’Algérie, p. 17.

[49] G.G.A. Série A - 1A89, n° 1581 et 1780.

[50] Lettre envoyée de Paris le 21 août 1807

[51] A.G.C.M. Série B 76.

[52] Loir (M), La Marine Française, Paris 1893, p. 72.

[53] A.D.B.R Série C 3642.

[54] A.C.C.M. Série E 71.

[55] Le « Camper Galey » valait de Salé et Tétouan avec une cargaison de cuivre, cire, cochenille et plumes d’autruche, le tout valant deux cent mille livres et destiné à Livourne.

[56] La Roncière, Histoire... VI, 160-162.

[57] A.C.C.M. Série B 76, Lettre du 14 avril 1681.

[58] Marine B 2/81 f° 307 ; Plantet, Tunis, I, p. 444.

[59] Frédéric Bemelle, Les Vaisseaux du Grand Roi, Paris 1921, p. 13.

[60] Né à Dunkerque en 1650, mort en 1702. Célèbre corsaire français qui obtint de nombreux succès sur les Hollandais, puis devint officier de la marine royale et porta de rudes coups aux Anglais. Louis XIV l’anoblit en 1694 et en fit un chef d’escadre en 1697.

[61] Voir « Journal du Corsaire Jean Doublet de Honfleur, » publié par Ch. Bréad, Paris, 1883, 302 pages.

[62] Loir (M), op. cit. p. 81.

[63] Devoulx, La Marine de la Régence d’Alger, R.A., 1869.

[64] Tessier (O), Une Visite à l’arsenal de Toulon, p. 100.

[65] Casenave, L’Afrique Illustrée, 2 août 1926, p. 3.

[66] A.N.Marine B 7 f° 293, Lettre du 12 mars 1711.

[67] A.N.Marine B 7 f° 314, Lettre du 10 juin 1711.

[68] A.C.C.M. Série J 1366, Lettre du 18 mai 1757.

[69] A.C.C.M. Série E 78.

[70] A.C.C.M. Série M.R 46.1.44.

Quelques aimées plus tard, eût lieu l’expédition d’Egypte. Les dessous de la campagne se trouvent dans les propos d’Alfred de Vigny : « Deux esprits, dit-il, enflaient les voiles de nos vaisseaux : l’esprit de gloire et l’esprit de piraterie » (Grandeur et Servitude Militaires).

[71] Napoléon, Correspondance. R.A., 1875, p. 122. Deux traités furent conclus en 1800 (19 juillet, et 30 septembre).

[72] Lettre de Saint Cloud, 12 août 1807, Correspondance, vol XV.

[73] Pourtant l’affaire ne profita, en aucun cas, à la Régence.

[74] Ce conseil fut supprimé à la fin de 1814 ; ses attributions allèrent au Conseil d’Etat.

[75] Ordonnance royale du 20 octobre 1819.

[76] A.C.C.M. Série MR.46.1.44.

Assez volumineux dossier, intéressant pour les juristes par une argumentation qui transforme le loup en agneau et le Dey qui restitue aux propriétaires leurs biens spoliés, en oppresseur ! Le droit et la morale changent de camp.

A.G.C.A. Série A 1A 119.P.V. de déclaration de Rougemont et Lettre de Decrès sur le même sujet.

[77] Relations et Commerce de l’Afrique Septentrionale avec les Nations Chrétiennes au Moyen-Age, Paris 1866, pp. 404-405.

Montchicourt se contente de demi-vérités et se retranche derrière « des auteurs du XVIème siècle, aussi peu loquaces à ce sujet. » Il ajoute cependant que « s’il y avait un nombre de larrons mahométans, il existait quelques-uns des chrétiens. » (R.T. 1917, p. 322.)

[78] A.N.Aff.Etr. Mémoires et Documents, Afrique/6.

[79] Braudel, La Méditerranée, II, p. 192.