Alors
qu’ils étaient en Ifriqiyah, la dimension de la mer gagna plus
d’importance chez les Musulmans tant pour l’expansion que la
défense.
L’intérêt naval débuta en l’an 28 de l’Hégire (648), quand le calife
Mou’awiyyah (qu’Allah soit satisfait de lui) conquit Chypre et fut
suivit en l’an 31 de l’Hégire (651) par la bataille d’Assawidah puis
la grande bataille d’as-Sawari en l’an 34 de l’Hégire (654) ou les
Romains furent battus.
En
l’an 46 de l’Hégire (666), la Sicile fut attaquée de l’Ifriqiyah
sous le commandement de Mou’awiyyah Ibn Houdayj.
En
l’an 53 de l’Hégire (672) ou en l’an 52 ou 54 comme l’ont rapporté
certains historiens, l’île de Rhodes fut conquise et habitée par une
force navale musulmane sous le commandement de Jounadah Ibn Abi
Oumayyah sur les ordres du calife Mou’awiyyah (qu’Allah soit
satisfait de lui).
Sept
ans plus tard, Yazid Ibn Mou’awiyyah après la mort de son père
(qu’Allah soit satisfait de lui), ordonna l’évacuation de l’île et
les Musulmans l’abandonnèrent.
En
l’an 54 de l’Hégire (673) Jounadah Ibn Abi Oumayyah attaqua la Crète
qu’il prit en partie mais qui fut évacuée peu après.
Le but des Musulmans était seulement de défendre préventivement les
terres musulmanes en réalisant des raids pour détruire les bases
susceptibles qui pourraient être utilisées par les Romains. Tandis
que les Romains pouvaient envoyer des troupes en quelques jours de
l’Europe à l’Afrique du Nord par navires, les troupes musulmanes,
quant à elle, devaient marcher durant trois mois du Hijaz et
de la Syrie à travers l’Egypte et la Libye pour l’Afrique du Nord.
Alors qu’en bateau avec des vents favorables, le voyage ne prenait
pas plus de dix jours.
'Abdel Malik Ibn Marwan
A Kairouan, Kathilah le Berbère régnait sur son empire nouvellement
gagné et les Romains vivant en Afrique lui avait porté allégeance.
L’Islam avait reflué avec la bataille de Tahouzah avec l’évacuation
des Musulmans de l’Afrique du Nord. L’apostasie s’était de nouveau
répandue sur la terre. De grands nombres de Berbères qui avaient
accepté l’Islam aux mains de ‘Ouqbah Ibn Nafi’ et d’autres généraux
Musulmans abandonnèrent leur nouvelle foi et retournèrent à leur
mécréance polythéiste et tous les territoires conquis devinrent des
terres hostiles, à l’exception de quelques places.
Tous
les efforts de ‘Ouqbah Ibn Nafi’ et de ses hommes furent anéantis
par l’apostat Kathilah le Berbère, l’ennemi d’Allah.
En
l’an 65 de l’Hégire (684), l’année qui suivit la chute de Kairouan,
un nouveau calife fut nommé pour les Musulmans à Damas en la
personne de ‘Abdel Malik Ibn Marwan.
Ce
n’est que plusieurs années après son intronisation, préoccupé par
les problèmes intérieurs qu’il finit par réglé que le calife ‘Abdel
Malik Ibn Marwan put de nouveau tourner son attention vers le
problème des frontières.
Le
calife ‘Abdel Malik était lui-même un vétéran de l’Ifriqiyah et
avait combattu sous le commandement de Mou’awiyyah Ibn Houdayj
durant la deuxième phase d’expansion de l’Islam en Ifriqiyah. C’est
une oreille attentive qu’il prêta à ceux qui vinrent lui conter les
déboires de ‘Ouqbah Ibn Nafi’ et qui lui demandèrent de libérer
l’Ifriqiyah des mains de « Kathilah le Maudit ».
-
« Personne d’autre ne peut mieux convenir, » dit-il « pour venger le
sang de ‘Ouqbah que celui qui lui ressemble dans la foi et
l’intelligence ».
Il
demanda conseil à ses ministres pour savoir qui pourrait restituer
l’Afrique à l’Islam et tous convinrent que le meilleur homme était
Zouhayr Ibn Qays al-Balawi.
-
« Il était l’un de ses amis et connait donc mieux que quiconque ses
plans et ses vues » dirent-ils « et il le premier des Musulmans
désirant venger ‘Ouqbah ».
Zouhayr Ibn Qays avait beaucoup de similitudes avec ‘Ouqbah Ibn
Nafi’. Il était un musulman dévot, un fervent combattant pour
l’Islam et un ascète qui n’avait absolument aucun intérêt pour la
vie de ce monde et les richesses.
‘Ouqbah l’avait laissé à Kairouan pour gérer les affaires des
Musulmans quand il était parti lutter contre les ennemis d’Allah au
Maghreb et les deux hommes ne se rencontrèrent jamais plus. Après la
tragédie de Tahouzah, Zouhayr avait fait tout son possible pour
faire face à la menace de Kathilah, mais ses hommes l’avaient
abandonné pour chercher la sécurité à Barqah ou il était finalement
allé.
Commandant de la garnison de Barqah, il devait attendre patiemment
cinq années avant que le calife ‘Abdel Malik Ibn Marwan lui écrive
et lui ordonne de marcher de nouveau sur l’Ifriqiyah et de libérer
les Musulmans de Kairouan.
Zouhayr Ibn Qays lui écrivit à son tour pour demander un soutien et
le calife lui envoya aussitôt une grande force de cavalerie et
d’infanterie de Syrie, équipée d’armes et de matériel de guerre.
Zouhayr Ibn Qays al-Balawi et la quatrième Invasion de
l’Ifriqiyah
En
l’an 69 de l’Hégire (688), Zouhayr Ibn Qays quitta Barqah, sans ne
laisser aune garnison derrière lui, pour conquérir une nouvelle fois
l’Ifriqiyah.
Lorsque Kathilah fut informé de son arrivée, il déploya une grande
armée constituée de Berbères et de légions romaines pour défendre
son royaume, confiant de son armée quatre fois plus nombreuse que
celle des Musulmans. Il réunit les chefs de clans pour un conseil de
guerre et leur dit :
-
« Je suis d’avis de nous tenir à l’écart de cette ville, et d’aller
à tel endroit. Nous avons une armée vaste. Si nous les vainquons et
les repoussons à Tripoli, nous les anéantirons totalement et l’ouest
sera totalement à nous. Et si nous sommes vaincus, les collines et
les forêts près de nous nous offrirons un excellent refuge ».
Son
armée quitta alors Kairouan qu’il laissa à une journée de marche et
se déplaça vers l’ouest où il
établit son camp près de contreforts, les collines derrière eux où
ils pourraient disparaître dans la région.
Peu de temps après son départ,
Zouhayr Ibn Qays arriva à Kairouan et
établit son camp à l’extérieur de la ville ou durant trois jours nul
mouvement ne fut observé. Il ne fit aucun mouvement vers celle-ci
mais resta à fignoler son plan de bataille et le quatrième jour il
leva le camp et se dirigea vers l’ouest et arriva en soirée près du
camp de Kathilah.
Zouhayr Ibn Qays ordonna de décharger les
chameaux et de planter les tentes, décidé à ne pas bouger de sa
position jusqu’à ce que le différend entre lui et l’apostat soit
réglé.
Le jour suivant lorsque la prière de l’aube fut établie,
Zouhayr Ibn Qays déploya son armée pour la
bataille et Kathilah fit de même puis, les deux armées
s’affrontèrent. Une féroce bataille s’ensuivit qui dura toute la
journée. Le champ de bataille fut rapidement jonché de corps
disloqués et c’est qu’en fin de journée que Kathilah fut tué.
Avec sa chute, tomba un grand nombre de chefs de clans et son armée
fut brisée à son tour lorsque les Musulmans renouvelèrent la fureur
de leur assaut avec sa chute. Les mécréants se tournèrent vers les
collines et s’enfuirent.
Le jour suivant
Zouhayr Ibn Qays lanca son armée à la
poursuite des Berbères. Kathilah avait intelligemment choisit le
lieu de bataille avec cette région accidentée dans son dos pour se
retirer si besoin était mais il était mort avec tous ceux qui avait
concocté le plan de retrait et ceux qui s’enfuirent ne surent ou
aller.
La poursuite dura plusieurs jours et la cavalerie musulmane se
déploya dans toute la région et profondément jusqu’à ce qu’elle ait
atteint la Vallée de Malwiyah (Melilla de nos jours) au Maghreb.
L’armée ennemie fut traquée et éliminée excepté ceux qui purent
s’enfuir dans des régions inaccessibles.
La puissance berbère fut anéantie, sa cohésion détruite, ses nobles
et chefs tués sur le champ de bataille et les Berbères se
désagrégèrent en tribus et clans.
Avec cette défaite, la puissance romaine moribonde subit un revers
bien qu’elle ne fut pas totalement éliminée. La plupart des Romains
qui luttèrent avec Kathilah survécurent et se retirèrent à Carthage.
Après la victoire de
Zouhayr Ibn Qays, les Berbères
n’accordèrent jamais plus de confiance aux Romains contre les
Musulmans.
Zouhayr Ibn Qays revint à Kairouan ou il
s’activa à consolider son acquisition et il rétablit le pouvoir
musulman en Ifriqiyah et restitua les Musulmans locaux à leur
ancienne position. Kathilah le maudit éliminé et surnommé par les
historiens musulmans « kathir
ar-riddah » le fréquent apostat, Carthage
encore aux mains des Romain mais le reste de l’Ifriqiyah sous le
contrôle des Musulmans, Zouhayr Ibn Qays
ayant accompli sa mission décida de revenir à Barqah.
Il était venu pour combattre dans la voie d’Allah Exalté et étant sa
seule intention, il ne voulut pas rester gouverneur d’une province
grande et riche où il serait impliqué dans les affaires mondaine
alors que seul l’au-delà avait de l’importance pour lui.
- « Je suis venu ici seulement pour combattre dans la voie
d’Allah, » dit-il « Je crains que cet endroit me fasse aimer ce
monde et alors je serai
détruit ».
Ayant restitué l’Islam en Ifriqiyah, il nomma un de ses députés
gouverneur de Kairouan, lui laissa une petite garnison et repartit
avec son armée pour Barqah.
Par ses agents, les Romains fut informé du départ de
Zouhayr Ibn Qays avec la garnison
musulmane de Barqah vers l’ouest et espérant un succès militaire
facile et rapide contre l’Islam, l’empire envoya un grand corps de
soldats sur un grand nombre de navires pour attaquer Barqah en
l’absence de l’armée musulmane.
La flotte se dirigea vers Derna sur la côte de la Libye ou elle
débarqua les Romains qui se dirigèrent vers Barqah qu’ils prirent
sans coup férir depuis que la défense de la ville était inexistante.
Durant 40 jours, les Romains pillèrent la ville sans merci ni
compassion et réunirent un grand nombre de Musulmans civils qu’ils
avaient l’intention de vendre comme esclave. Puis, ils repartirent
avec leur butin et leurs captifs vers leurs vaisseaux.
A peine étaient-ils partis que
Zouhayr Ibn Qays arriva à Barqah où il fut
informé du raid romain. Sans attendre un instant, il partit à leur
poursuite avec un petit détachement de son armée pour Derna, à 200
kilomètres de là. Lorsqu’ils arrivèrent à Derna, ils trouvèrent les
forces romaines poussant les captifs Musulmans devant eux pour les
embarquer.
La situation était telle que
Zouhayr Ibn Qays n’eut pas le temps
d’organiser sa cavalerie ou un plan de bataille convenable. S’il
devait sauver les Musulmans il devrait agir immédiatement ce qu’il
fit mais les Romains infiniment plus nombreux se déployèrent en
formation de bataille.
Ses hommes attaquèrent les Romains avec plus de rage que l’ordre
mais ces derniers restèrent ferme devant cette petit détachement et
la fortune de guerre tourna contre les Musulmans.
Zouhayr Ibn Qays fut tué ainsi qu’un grand
nombre de ses compagnons et les Romains repoussèrent l’attaque avant
d’embarquer sur leurs vaisseaux avec leurs captifs et naviguèrent au
loin. Selon certains historiens, les Romains s’échappèrent avec leur
butin et captifs et selon d’autres ils s’échappèrent sans eux.
Les martyrs,
puisse Allah Exalté leur faire miséricorde,
furent enterrés sur le rivage à un endroit qui est devenu connu sous
le nom de « qoubour ash-shouhadah », les Tombeaux des
Martyrs. Selon Ibn ‘Abdel Hakim, cette tragédie se produisit
en l’an dans 71 de l’Hégire (690). Al-Marrakishi ainsi qu’Ibn
Khaldoun la situe en l’an 69 de l’Hégire.
Les survivants de l’armée de
Zouhayr Ibn Qays, voyagèrent à Damas et
racontèrent la triste fin de la campagne au calife ‘Abdel Malik Ibn
Marwan qui fut profondément peiné.
Suite au succès de ce raid romain et de cette défaite musulmane, le
pouvoir musulman dans Kairouan s’effondra et les Musulmans
retournèrent encore une fois en arrière à Barqah.
La cinquième Invasion de l’Afrique et la chute de Carthage
Avec la mort de
Zouhayr Ibn Qays à Derna, le pouvoir
musulman s’éteignit encore une fois en Ifriqiyah bien qu’il n’y eut
aucune bataille contre les mécréants et Kairouan resta une ville
musulmane.
Les Romains de Carthage renforcèrent leur position indépendante
tandis que les tribus berbères restèrent dans leur propre région
gouvernés par leurs propres chefs. La seule chose en commun que
partageait les deux étaient leur hostilité envers l’Islam et une
détermination farouche pour s’opposer de toute leur force aux
nouvelles tentatives de l’Islam pour reconquérir leur terre.
L’Ifriqiyah restait donc une terre romaine et berbère et Kairouan
était telle une île d’Islam dans une mer orageuse et hostile.
A Damas, le calife des Musulmans ‘Abdel Malik Ibn Marwan était une
fois de plus préoccupé par les affaires internes et cherchait à
mettre une fin au califat indépendant à la Mecque de ‘AbdAllah Ibn
Zoubayr (qu’Allah soit satisfait de lui) qui finit par être tué au
combat au début de l’année 73 de l’Hégire (692)[1].
Lorsque le calife ‘Abdel Malik Ibn Marwan eut consolidé son pouvoir,
il put prêter son attention aux frontières. Les aînés des Arabes
vinrent le trouver pour plaider la cause de l’Ifriqiyah et le leur
dit :
- « Je ne vois personne aussi digne de cette mission que Hassan
Ibn Nou’man ».
Le Sheikh al-Amin Hassan Ibn Nou’man al-Ghassani était sans
conteste un Tabi’i et un
des célèbre conquérant du Maghreb. Il
était un musulman distingué, un combattant dans la voie d’Allah,
respecté pour sa résolution et son jugement qui était connu sous le
nom de Sheikh al-Amin
parce qu’il n’aimait pas l’argent des butins.
Hassan
fut donc nommé à la tête d’une grande armée et fut envoyé en Egypte
pour y faire ses préparations en vue de la prochaine campagne.
Pour lui montrer l’importance de la reconquête de l’Ifriqiyah, le
calife ‘Abdel Malik Ibn Marwan laissa à sa disposition tout le
revenu de l’Egypte pour ses besoins.
- « Je te laisse la main libre sur toute les richesses de
l’Egypte, » écrivit-il à Hassan Ibn Nou’man, « donne à ceux
qui sont avec toi et à ceux qui vous rejoindront. Donne aux gens et
marche vers l’Ifriqiyah, par la grâce d’Allah Exalté et Son aide ».
Un grand nombre de combattants Musulmans le rejoignirent en Egypte
et lorsque ses préparations furent achevées, son armée comptait
40.000 hommes et jamais auparavant un tel nombre ne fut égalé pour
la conquête de l’Ifriqiyah.
Si les Musulmans devaient rester maître définitif de leur
possession, ils devraient écraser complètement les forces romaines
et berbères et, d’après certains historiens, au environ du milieu de
l’année 73 de l’Hégire (692), après deux mois de marche, l’armée
arriva à Tripoli ou d’autres combattants vinrent de joindre à la
caravane. Puis, Hassan Ibn Nou’man, reprit sa route pour
Kairouan ou il fut accueilli avec la joie par les Musulmans de la
ville.
Hassan
Ibn Nou’man s’informa auprès des habitants de la situation locale et
demanda :
- « Qui est le plus puissant des princes de l’Ifriqiyah ?
- « Certainement le gouverneur de Carthage, » répondirent-ils.
Après l’élimination de Kathilah le Berbère, le pouvoir romain à
Carthage était le seul pouvoir le plus fort et le plus organisé de
l’Ifriqiyah. Avec son accès à la mer, la ville avait reçu de
Constantinople une vaste armée fraîchement renforcée.
Et parce que Carthage était la force la plus forte et la plus
hostile, Hassan décida
de l’attaquer en premier pour n’avoir aucune menace sur ses
arrières. Il marcha donc vers Carthage, pour constater que la ville
forteresse avait été puissamment fortifiée et avait une très grande
garnison.
Peu de temps après avoir établi son camp non loin de là, les Romains
sortirent de leurs fortifications pour une bataille ouverte qui
tourna à leur désavantage et bientôt l’armée romaine subit une
écrasante défaite. Un innombrable nombre d’entre eux furent tués
avant que le reste ne puisse retourner dans leur ville fortifiée.
Les Musulmans n’avaient aucun équipement de siège et ne pourraient
en aucune façon faire de brèche ou escalader les murs de la ville.
Ils attendirent donc un certain nombre de jours quand un émissaire,
envoyé par un noble romain du nom de Marnaq, vint trouver Hassan
Ibn Nou’man. Il proposa aux Musulmans de leur ouvrir une des portes
de la ville s’ils lui garantissaient ainsi qu’à sa famille la
sécurité ainsi qu’une parcelle de propriété de son choix.
Hassan
Ibn Nou’man accepta ses termes. Un moment particulier fut fixée pour
l’ouverture de la porte et l’émissaire retourna dans Carthage.
La porte fut ouverte au moment choisit et les régiments Musulmans
entrèrent dans Carthage pour mettre fin à la dernière résistance
romaine. Mais ils ne trouvèrent aucune résistance romaine ni même le
moindre soldat dans la ville.
Après la bataille perdue à l’extérieur de la ville, les Romains
avaient renoncé à tout espoir de victoire et sous le couvert de la
nuit s’étaient embarqués dans leur grande flotte de navires vers
différentes destinations et l’offre de Marnaq n’avait était qu’une
ruse pour gagner du temps pour leur permettre de partir sans hâte et
détourner l’attention des Musulmans.
La ville fut prise pacifiquement et Hassan tint ses promesses
envers l’émissaire malgré sa supercherie. La présence de ses hommes
n’étant plus nécessaire, il ordonna un retrait de son armée et
ensemble retournèrent dans leur camp.
Peu de temps après, Hassan Ibn Nou’man fut informé d’un large
rassemblement de Berbères et de Romains à Bizerte et prêt pour une
nouvelle confrontation, il leva l’armée musulmane et marcha à leur
rencontre
Une autre féroce bataille eut lieu à Bizerte ou les Berbères furent
décisivement vaincus. Ceux qui survécurent au carnage ne le durent
qu’à leur fuite du champ de bataille. Les Berbères se retranchèrent
à Bône (bouna) et leurs alliés Romains à Baja où ils se
fortifièrent.
Ne considérant pas ces lieux comme une réelle menace, Hassan
Ibn Nou’man envoya ses régiments de cavalerie pour soumettre les
Berbères de Satfourah.
Hassan
prit son temps car il n’y avait plus aucune opposition dans cette
partie de l’Ifriqiyah. Quand plusieurs semaines passèrent, il reçut
des nouvelles alarmantes de Carthage ou venait à peine de débarquer
un importante force romaine et alors sans plus tarder, il retourna
de nouveau vers la ville.
Une autre armée romaine, commandés par un patricien du nom de Jean,
portée par une flottille de navires envoyée de Constantinople était
arrivé en Sicile, où Jean incorpora dans son armée tous les
survivants de Carthage. Puis, il avait demandé de l’aide au roi
d’Espagne qui lui envoya un contingent considérable de troupes
goths. Et pendant que Hassan Ibn Nou’man pourchassait les
Berbères, Jean débarqua dans le port de Carthage, réoccupa la ville,
répara ses fortifications et se prépara pour un long siège.
Peu après son arrivée Jean reçut un renforcement considérable quand
les Berbères vivant dans les régions autour de Carthage ayant appris
le retour des Romains, affluèrent par milliers pour rejoindre les
forces impériales et continuer la résistance contre la puissance
musulmane. Et quand Hassan arriva à Carthage, il se trouva de
nouveau à une autre puissante force de Romains et de Berbères dans
une ville solidement fortifiée.
Hassan
Ibn Nou’man mit de nouveau le siège et les Romains étaient bien
décidés à ne pas sortir pour les affronter, il resta à attendre
jusqu’à l’arrivée de l’hiver de l’année 74 de l’Hégire (693) ou,
après s’être retranché dans son camp jusqu’à l’arrivée de la
nouvelle saison, il envoya
une délégation de 40 Musulmans à Damas pour expliquer la
situation au calife et demander des renforts.
‘Abdel Malik Ibn Marwan fut le premier des califes Omeyyades à
vouloir intégrer l’Ifriqiyah à l’empire musulman et il était resté
sans nouvelle depuis l’arrivée de Hassan Ibn Nou’man à
Kairouan.
Après avoir entendu la délégation de Musulmans, il organisa une
levée d’arme et bientôt une nouvelle armée quitta Damas pour
Carthage ou elle arriva au printemps à la fin de l’année 74 de
l’Hégire (693).
L’arrivée de troupes fraîches de Damas revigora les Musulmans et
Hassan Ibn Nou’man ordonna la construction d’équipement de siège
et d’échelles quand subitement l’armée romaine sortit de la ville et
se déploya en formation de bataille.
Le patricien Jean surveillait constamment les Musulmans et savait
qu’avec le renforcement de la force musulmane, la balance allait
pencher en faveur des Musulmans d’autant plus que ces derniers
étaient décidés à prendre la ville d’assaut. Par conséquent, s’il
devait les attaquer et les prendre par surprise, c’était maintenant
avant que leurs préparations ne soient achevées et parce qu’ils
étaient occupés.
Les Musulmans ne perdirent pas de temps et firent face à leur
ennemis qu’ils attaquèrent aussitôt et qui ils écrasèrent. Les
Romains furent battus et perdirent beaucoup d’hommes avant
d’effectuer un retrait catastrophique dans la ville dont ils
n’allaient jamais ressortir.
Hassan
Ibn Nou’man reprit ses préparatifs qui durèrent plusieurs jours et
lorsque les machines de sièges furent enfin complétés, il prit le
fort d’assaut en utilisant des échelles pour introduire ses hommes
dans la ville et lorsqu’ils furent dans celle-ci, ils ne trouvèrent
aucun Romain qui s’étaient une nouvelle fois enfuis sur leurs
embarcations.
Après sa tentative avortée de briser le siège, Jean perdit l’espoir
et il ordonna l’évacuation de Carthage juste avant l’assaut
musulman. Et, ayant utilisé les Berbères pour ses propres fins, les
Romains les abandonnèrent et plus les Berbères luttèrent et plus
lourdement ils perdirent. Ce n’est que lorsque beaucoup de sang fut
répandu que les Berbères
déposèrent leurs armes.
Quand la dernière opposition s’effondra, les Musulmans prirent la
ville comme prix de guerre et la pillèrent. Alors, pour s’assurer
que les Romains n’y reviendraient plus, Carthage fut incendiée,
détruite puis rasée et devait rester des ruines silencieuse durant
deux-cents ans avant qu’une partie de la ville ne soit reconstruite
par les ismaéliens ‘oubaydi
A la fin de l’année 74 de l’Hégire (693) et après une année de
campagne, Hassan Ibn Nou’man revint à Kairouan ou il resta un
certain temps afin de se préparer pour son second objectif, une
femme du nom d’al-Kahinah[2]
qui vivait dans les Montagnes d’Auras (Aurès actuel), crainte par
les Romains en Ifriqiyah et obéit par tous les Berbères. « Si tu la
tue, l’ouest s’inclinera devant toi et tu n’auras plus un seul
ennemi qui s’élèvera contre toi, » les habitants de Kairouan lui
avaient-ils dit.
En arabe le mot Kahin signifie celui qui prédit l’avenir et
dont les sources de révélations viennent du diable.
Kahin
signifie aussi prêtre et al-Kahina prêtresse. Cette femme
âgée vivait dans les montagnes Auras était une Kahinah et
elle était la chef des Berbères. Son nom était Dahiyah Bint Tabtah
Bint Nayqan de la tribu de Jarawah. Les Jarawah étaient une tribu
issue de la très grande tribu de Zenâta et cette femme régnait comme
une reine non seulement sur son peuple dans les montagnes Auras mais
était aussi sur tous les Berbères. Sa forteresse se trouvait à
a1-Jamm, à 60 kilomètres au sud de Sousa.
C’était une vieille femme qui avait été reine durant 30 ans et qui
était estimée par toutes les tribus berbères de l’Ifriqiyah et du
Maghreb. Ibn Khaldoun a rapporté qu’elle était âgée de 122 ans à
l’époque. Elle avait deux fils, dont l’un avait pour père un Berbère
tandis que l’autre un Grec.
Après la mort de Kathilah Ibn Lamzam, tous les Berbères acceptèrent
Dahiyah comme chef et elle exerça un contrôle total sur eux.
Hassan Ibn Nou’man se résolut à en finir avec elle, prépara son armée en conséquence et quitta Kairouan en direction des Montagnes Auras toujours à la fin de l’année 74 de l’Hégire (693).
L’armée de Hassan Ibn Nou’man avait à peine quitté la ville
que des messagers rapides allèrent, à travers les montagnes,
informer al-Kahinah du mouvement musulman, leur force et leur
direction apparente. Elle leva à son tour une immense armée qu’elle
conduisit à Baghayah, qui se trouvait à l’époque près de l’actuelle
Khenchela en Algérie.
Croyant que Hassan Ibn Nou’man voulait arriver à Baghayah et
s’y fortifier contre elle, elle chassa tous les Romains de la ville
et démoli ses fortifications avant de marcher vers Kairouan, pour
l’intercepter à mi-route et l’arrêter.
Hassan
marcha jusqu’à ce qu’il parvienne à la Vallée de Miskianah ou après
avoir reçu des informations sur le mouvement des Berbères, il
s’arrêta et établit son camp quand ces derniers arrivèrent le
lendemain et établirent à leur tour leur camp près des Musulmans.
Les deux armées déployèrent des écrans de cavalerie entre les deux
pour éviter toute attaque surprise.
Quand al-Kahinah arriva dans la vallée et établit son camp, la
cavalerie berbère montra des desseins agressifs et voulut en
découdre avec la cavalerie musulmane, mais Hassan Ibn Nou’man
ordonna à ses cavaliers d’éviter l’engagement et les cavaliers
passèrent la nuit sur leurs selles.
Le jour suivant eut lieu une des plus féroces batailles entre les
Musulmans et les Berbères ou les Musulmans furent vaincus et vers la
fin de la journée, Hassan Ibn Nou’man ordonna le retrait,
laissant un grand nombre de morts musulmans sur le champ de
bataille. Réorganisant son armée vaincue, Hassan Ibn Nou’man
réalisa un retrait ordonné vers l’est et al-Kahinah le suivit à une
distance respectueuse jusqu’à ce que les Musulmans aient dépassé
Gabès (qabis).
Ce fut la seule défaite des Musulmans face aux Berbères, excepté
celle ou ‘Ouqbah Ibn Nafi’ trouva le martyr, et 80 Musulmans furent
capturés au cours de celle-ci.
Al-Kahinah ordonna de libérer tous les prisonniers musulmans à
l’exception de l’un d’entre eux du nom de Khalid Ibn Yazid al-‘Absi
qu’elle décida d’adopter pour enfant du fait de sa force et de sa
bravoure.
Il a
été rapporté que cette femme âgée qui n‘avait plus de lait maternel,
mélangea de la farine et de l’huile, qu’elle pressa la pâte contre
son sein et qu’elle partagea entre ses trois garçons afin d’en faire
symboliquement des frères unis entre eux.
Les
Berbères furent de farouches adversaires de l’Islam et contribuèrent
largement à ralentir sa progression.
Lorsque Hassan Ibn Nou’man arriva à Tripoli, il écrivit au
calife ‘Abdel Malik Ibn Marwan et lui raconta ce qui était arrivé
aux Musulmans : « Il n’y a aucune limite aux gens du Maghreb. Leurs
nombres ne finiront jamais. Quand une tribu est détruite un autre se
lève aussitôt après elle ».
Ayant expédié un messager rapide à Damas avec sa lettre, Hassan
continu sa marche vers l’est jusqu’à ce qu’il arrive à Barqah.
Quelques jours plus tard, il reçut les ordres du calife de rester où
il était et d’attendre ses instructions.
Il resta gouverneur à Barqah durant cinq années avant de recevoir de
nouvelles instructions et des renforts.
Après la bataille de la vallée de Miskianah, al-Kahinah revint dans
sa forteresse dans les Montagnes Auras ou elle gouverna son royaume
incontesté.
Elle invita tous les chefs de tribu à une conférence et leur dit :
« Tout ce que les Arabes veulent en Ifriqiyah, c’est des villes, de
l’or et de l’argent, quant à nous, nous ne voulons que des fermes et
des pâturages. La seule chose à faire est de ravager la terre
entière de l’Ifriqiyah pour que les Arabes renoncent à leurs buts et
ne reviennent plus ».
Elle fit alors mettre cette politique en action avec une
détermination diabolique. Ses colonnes armées partirent dans toutes
les directions et détruisirent sur leur passage, arbres, forts et
villes.
Selon les premiers historiens musulmans, l’Ifriqiyah était au début
une ceinture continue d’ombre de Tripoli à Tanger, et les villes et
les villages se tenaient côte à côte sur des centaines de
kilomètres, jusqu’à ce qu’al-Kahinah prit le pouvoir et le
transforma en désert.
Les gens devinrent désespéré et de grands nombres de romains
abandonnèrent leurs fermes prospères et leurs villes et émigrèrent
en Espagne et d’autres îles méditerranéennes mettant ainsi fin aux
derniers romain d’Ifriqiyah par effet secondaire d’autant plus les
Musulmans étaient venus non pas pour ce qu’elle affirmait à tort
mais pour propager la Parole d’Allah Exalté.
En l’an 79 de l’Hégire (698), le calife ‘Abdel Malik Ibn Marwan
rassembla une autre force pour l’Ifriqiyah qu’il envoya en renfort à
Hassan Ibn Nou’man avec les directives de prendre
l’Ifriqiyah.
De nouveau les Musulmans marchèrent pour l’Ifriqiyah et se
dirigèrent directement vers les montagnes Auras. Les Musulmans
étaient tout à fait près des montagnes quand al-Kahinah arriva avec
ses hordes berbères au pied des contreforts de la vallée de
Miskianah, ou elle établit son camp.
Quand
la nuit tomba, Khalid Ibn Yazid l’a supplia de capituler, et d’aller
avec lui annoncer sa soumission au commandant musulman mais elle
refusa et lui dit :
-
« C’est pour ce jour que j’ai fait de toi mon fils. Je vais être
tuée et je te confie mes deux fils ».
Pendant la nuit Khalid quitta le camp berbère accompagné de ses deux
frères adoptifs et à qui Hassan Ibn Nou’man accorda la
sécurité.
Le
jour suivant eut lieu la deuxième bataille entre Hassan Ibn
Nou’man et al-Kahinah et malgré une résistance acharnée mais vaine,
les Berbères furent vaincus et al-Kahinah tuée sur le
champ de bataille.
L’endroit où elle tomba est connu sous le nom de « bir al-kahinah »
ou le Puits d’al-Kahinah ».
Après la victoire,
Hassan
Ibn Nou’man pénétra dans la région des
montagnes Auras et soumis tous les tribus qu’y s’y trouvait.
Un grand nombre de chefs berbères vinrent se soumettre au commandant
musulman et demandèrent la paix qui leur fut accordé s’ils
acceptaient deux conditions : adopter l’Islam et lever une force de
12.000 combattants qui serviraient l’Islam et ses conditions furent
acceptées.
Hassan
Ibn Nou’man donna le commandement de cette
force armée au fils ainée d’al-Kahinah qu’il nomma aussi chef de la
tribu de Jarawah et gouverneur de la région des montagnes Auras qui
prouva être un sujet fidèle, un vrai musulman et un officier
capable.
Puis
Hassan
Ibn Nou’man revint à Kairouan, réorganisa
l’administration de la province et resta gouverneur huit années
avant d’être désisté et rappelé par le gouverneur d’Egypte ‘Abdel
‘Aziz Ibn Marwan, un frère du calife ‘Abdel Malik Ibn Marwan et fils
de Marwan.
Après avoir préparé une grande caravane de chameaux chargés de butin
de guerre destiné au calife à Damas,
Hassan
Ibn Nou’man se dirigea vers Fustat
craignant le pire. Par conséquent, il camoufla la meilleure partie
du butin, une grande collection de pierres précieuses dans une outre
d’eau.
Lorsqu’il arriva à Fustat, il alla payer ses respects au gouverneur
puis laissant la caravane derrière lui, il se vers
Damas pour rencontrer le calife. Hassan Ibn Nou’man lui remit
son outre avec son contenu et
lui dit : « Je ne suis sorti seulement que comme un combattant
luttant dans la voie d’Allah. Ce n’est pas un homme comme moi qui
tromperont Allah ou Son calife ».
Le
calife le remercia et lui promis de le restituer gouverneur mais
Hassan Ibn Nou’man n’était pas intéressé et lui dit : « Je ne
reprendrai jamais plus le pouvoir sous les Bani Oumayyah », puis il
partit en retraire et mourut quelques mois plus tard, puisse Allah
Exalté lui faire miséricorde.
[1]
Voir notre Abrégé de l’Histoire des Omeyyades.
[2]
En faisant des recherches sur Internet à propos de cette
femme, je vois combien l’histoire biaisée de cette femme
frise parfois le folklore, le racisme et combien elle est
utilisée pour semer la division entre les berbères et les
autres nations, en particulier les Arabes. Ce qui est
étrange, c’est que ceux qui ont écrit ces commentaires n’ont
pourtant fait aucune différence entre les Berbères et les
Arabes quand ils ont colonisés l’Algérie, par exemple, et
que des tribus entières de Berbères ont été massacrées,
mutilées pour être dépouillées et brulées vifs par les
colonisateurs de l’Algérie. Pourquoi n’ont-ils donc pas
épargné les Berbères s’ils les considéraient comme les
leurs ?