Les perspectives navales

Alors qu’ils étaient en Ifriqiyah, la dimension de la mer gagna plus d’importance chez les Musulmans tant pour l’expansion que la défense.

L’intérêt naval débuta en l’an 28 de l’Hégire (648), quand le calife Mou’awiyyah (qu’Allah soit satisfait de lui) conquit Chypre et fut suivit en l’an 31 de l’Hégire (651) par la bataille d’Assawidah puis la grande bataille d’as-Sawari en l’an 34 de l’Hégire (654) ou les Romains furent battus.

 

En l’an 46 de l’Hégire (666), la Sicile fut attaquée de l’Ifriqiyah sous le commandement de Mou’awiyyah Ibn Houdayj.

 

En l’an 53 de l’Hégire (672) ou en l’an 52 ou 54 comme l’ont rapporté certains historiens, l’île de Rhodes fut conquise et habitée par une force navale musulmane sous le commandement de Jounadah Ibn Abi Oumayyah sur les ordres du calife Mou’awiyyah (qu’Allah soit satisfait de lui).

 

Sept ans plus tard, Yazid Ibn Mou’awiyyah après la mort de son père (qu’Allah soit satisfait de lui), ordonna l’évacuation de l’île et les Musulmans l’abandonnèrent.

 

En l’an 54 de l’Hégire (673) Jounadah Ibn Abi Oumayyah attaqua la Crète qu’il prit en partie mais qui fut évacuée peu après.

Le but des Musulmans était seulement de défendre préventivement les terres musulmanes en réalisant des raids pour détruire les bases susceptibles qui pourraient être utilisées par les Romains. Tandis que les Romains pouvaient envoyer des troupes en quelques jours de l’Europe à l’Afrique du Nord par navires, les troupes musulmanes, quant à elle, devaient marcher durant trois mois du Hijaz et de la Syrie à travers l’Egypte et la Libye pour l’Afrique du Nord. Alors qu’en bateau avec des vents favorables, le voyage ne prenait pas plus de dix jours.

 

'Abdel Malik Ibn Marwan

A Kairouan, Kathilah le Berbère régnait sur son empire nouvellement gagné et les Romains vivant en Afrique lui avait porté allégeance.

L’Islam avait reflué avec la bataille de Tahouzah avec l’évacuation des Musulmans de l’Afrique du Nord. L’apostasie s’était de nouveau répandue sur la terre. De grands nombres de Berbères qui avaient accepté l’Islam aux mains de ‘Ouqbah Ibn Nafi’ et d’autres généraux Musulmans abandonnèrent leur nouvelle foi et retournèrent à leur mécréance polythéiste et tous les territoires conquis devinrent des terres hostiles, à l’exception de quelques places.

Tous les efforts de ‘Ouqbah Ibn Nafi’ et de ses hommes furent anéantis par l’apostat Kathilah le Berbère, l’ennemi d’Allah.

 

En l’an 65 de l’Hégire (684), l’année qui suivit la chute de Kairouan, un nouveau calife fut nommé pour les Musulmans à Damas en la personne de ‘Abdel Malik Ibn Marwan.

Ce n’est que plusieurs années après son intronisation, préoccupé par les problèmes intérieurs qu’il finit par réglé que le calife ‘Abdel Malik Ibn Marwan put de nouveau tourner son attention vers le problème des frontières.

Le calife ‘Abdel Malik était lui-même un vétéran de l’Ifriqiyah et avait combattu sous le commandement de Mou’awiyyah Ibn Houdayj durant la deuxième phase d’expansion de l’Islam en Ifriqiyah. C’est une oreille attentive qu’il prêta à ceux qui vinrent lui conter les déboires de ‘Ouqbah Ibn Nafi’ et qui lui demandèrent de libérer l’Ifriqiyah des mains de « Kathilah le Maudit ».

- « Personne d’autre ne peut mieux convenir, » dit-il « pour venger le sang de ‘Ouqbah que celui qui lui ressemble dans la foi et l’intelligence ».

Il demanda conseil à ses ministres pour savoir qui pourrait restituer l’Afrique à l’Islam et tous convinrent que le meilleur homme était Zouhayr Ibn Qays al-Balawi.

- « Il était l’un de ses amis et connait donc mieux que quiconque ses plans et ses vues » dirent-ils « et il le premier des Musulmans désirant venger ‘Ouqbah ».

Zouhayr Ibn Qays avait beaucoup de similitudes avec ‘Ouqbah Ibn Nafi’. Il était un musulman dévot, un fervent combattant pour l’Islam et un ascète qui n’avait absolument aucun intérêt pour la vie de ce monde et les richesses.

‘Ouqbah l’avait laissé à Kairouan pour gérer les affaires des Musulmans quand il était parti lutter contre les ennemis d’Allah au Maghreb et les deux hommes ne se rencontrèrent jamais plus. Après la tragédie de Tahouzah, Zouhayr avait fait tout son possible pour faire face à la menace de Kathilah, mais ses hommes l’avaient abandonné pour chercher la sécurité à Barqah ou il était finalement allé.

Commandant de la garnison de Barqah, il devait attendre patiemment cinq années avant que le calife ‘Abdel Malik Ibn Marwan lui écrive et lui ordonne de marcher de nouveau sur l’Ifriqiyah et de libérer les Musulmans de Kairouan.

Zouhayr Ibn Qays lui écrivit à son tour pour demander un soutien et le calife lui envoya aussitôt une grande force de cavalerie et d’infanterie de Syrie, équipée d’armes et de matériel de guerre.

 

Zouhayr Ibn Qays al-Balawi et la quatrième Invasion de l’Ifriqiyah 

En l’an 69 de l’Hégire (688), Zouhayr Ibn Qays quitta Barqah, sans ne laisser aune garnison derrière lui, pour conquérir une nouvelle fois l’Ifriqiyah.

Lorsque Kathilah fut informé de son arrivée, il déploya une grande armée constituée de Berbères et de légions romaines pour défendre son royaume, confiant de son armée quatre fois plus nombreuse que celle des Musulmans. Il réunit les chefs de clans pour un conseil de guerre et leur dit :

- « Je suis d’avis de nous tenir à l’écart de cette ville, et d’aller à tel endroit. Nous avons une armée vaste. Si nous les vainquons et les repoussons à Tripoli, nous les anéantirons totalement et l’ouest sera totalement à nous. Et si nous sommes vaincus, les collines et les forêts près de nous nous offrirons un excellent refuge ».

Son armée quitta alors Kairouan qu’il laissa à une journée de marche et se déplaça vers  l’ouest où il établit son camp près de contreforts, les collines derrière eux où ils pourraient disparaître dans la région.

Peu de temps après son départ, Zouhayr Ibn Qays arriva à Kairouan et établit son camp à l’extérieur de la ville ou durant trois jours nul mouvement ne fut observé. Il ne fit aucun mouvement vers celle-ci mais resta à fignoler son plan de bataille et le quatrième jour il leva le camp et se dirigea vers l’ouest et arriva en soirée près du camp de Kathilah.

Zouhayr Ibn Qays ordonna de décharger les chameaux et de planter les tentes, décidé à ne pas bouger de sa position jusqu’à ce que le différend entre lui et l’apostat soit réglé.

Le jour suivant lorsque la prière de l’aube fut établie, Zouhayr Ibn Qays déploya son armée pour la bataille et Kathilah fit de même puis, les deux armées s’affrontèrent. Une féroce bataille s’ensuivit qui dura toute la journée. Le champ de bataille fut rapidement jonché de corps disloqués et c’est qu’en fin de journée que Kathilah fut tué.

Avec sa chute, tomba un grand nombre de chefs de clans et son armée fut brisée à son tour lorsque les Musulmans renouvelèrent la fureur de leur assaut avec sa chute. Les mécréants se tournèrent vers les collines et s’enfuirent.

Le jour suivant Zouhayr Ibn Qays lanca son armée à la poursuite des Berbères. Kathilah avait intelligemment choisit le lieu de bataille avec cette région accidentée dans son dos pour se retirer si besoin était mais il était mort avec tous ceux qui avait concocté le plan de retrait et ceux qui s’enfuirent ne surent ou aller.

La poursuite dura plusieurs jours et la cavalerie musulmane se déploya dans toute la région et profondément jusqu’à ce qu’elle ait atteint la Vallée de Malwiyah (Melilla de nos jours) au Maghreb. L’armée ennemie fut traquée et éliminée excepté ceux qui purent s’enfuir dans des régions inaccessibles.

La puissance berbère fut anéantie, sa cohésion détruite, ses nobles et chefs tués sur le champ de bataille et les Berbères se désagrégèrent en tribus et clans.

Avec cette défaite, la puissance romaine moribonde subit un revers bien qu’elle ne fut pas totalement éliminée. La plupart des Romains qui luttèrent avec Kathilah survécurent et se retirèrent à Carthage. Après la victoire de Zouhayr Ibn Qays, les Berbères n’accordèrent jamais plus de confiance aux Romains contre les Musulmans.

 

Zouhayr Ibn Qays revint à Kairouan ou il s’activa à consolider son acquisition et il rétablit le pouvoir musulman en Ifriqiyah et restitua les Musulmans locaux à leur ancienne position. Kathilah le maudit éliminé et surnommé par les historiens musulmans « kathir ar-riddah » le fréquent apostat, Carthage encore aux mains des Romain mais le reste de l’Ifriqiyah sous le contrôle des Musulmans, Zouhayr Ibn Qays ayant accompli sa mission décida de revenir à Barqah.

Il était venu pour combattre dans la voie d’Allah Exalté et étant sa seule intention, il ne voulut pas rester gouverneur d’une province grande et riche où il serait impliqué dans les affaires mondaine alors que seul l’au-delà avait de l’importance pour lui.

- « Je suis venu ici seulement pour combattre dans la voie d’Allah, » dit-il « Je crains que cet endroit me fasse aimer ce monde et alors  je serai détruit ».

Ayant restitué l’Islam en Ifriqiyah, il nomma un de ses députés gouverneur de Kairouan, lui laissa une petite garnison et repartit avec son armée pour Barqah.

 

Le raid romain à Barqah 

Par ses agents, les Romains fut informé du départ de Zouhayr Ibn Qays avec la garnison musulmane de Barqah vers l’ouest et espérant un succès militaire facile et rapide contre l’Islam, l’empire envoya un grand corps de soldats sur un grand nombre de navires pour attaquer Barqah en l’absence de l’armée musulmane.

La flotte se dirigea vers Derna sur la côte de la Libye ou elle débarqua les Romains qui se dirigèrent vers Barqah qu’ils prirent sans coup férir depuis que la défense de la ville était inexistante. Durant 40 jours, les Romains pillèrent la ville sans merci ni compassion et réunirent un grand nombre de Musulmans civils qu’ils avaient l’intention de vendre comme esclave. Puis, ils repartirent avec leur butin et leurs captifs vers leurs vaisseaux.

A peine étaient-ils partis que Zouhayr Ibn Qays arriva à Barqah où il fut informé du raid romain. Sans attendre un instant, il partit à leur poursuite avec un petit détachement de son armée pour Derna, à 200 kilomètres de là. Lorsqu’ils arrivèrent à Derna, ils trouvèrent les forces romaines poussant les captifs Musulmans devant eux pour les embarquer.

La situation était telle que Zouhayr Ibn Qays n’eut pas le temps d’organiser sa cavalerie ou un plan de bataille convenable. S’il devait sauver les Musulmans il devrait agir immédiatement ce qu’il fit mais les Romains infiniment plus nombreux se déployèrent en formation de bataille.

Ses hommes attaquèrent les Romains avec plus de rage que l’ordre mais ces derniers restèrent ferme devant cette petit détachement et la fortune de guerre tourna contre les Musulmans. Zouhayr Ibn Qays fut tué ainsi qu’un grand nombre de ses compagnons et les Romains repoussèrent l’attaque avant d’embarquer sur leurs vaisseaux avec leurs captifs et naviguèrent au loin. Selon certains historiens, les Romains s’échappèrent avec leur butin et captifs et selon d’autres ils s’échappèrent sans eux.

Les martyrs, puisse Allah Exalté leur faire miséricorde, furent enterrés sur le rivage à un endroit qui est devenu connu sous le nom de « qoubour ash-shouhadah », les Tombeaux des Martyrs. Selon Ibn ‘Abdel Hakim, cette tragédie se produisit en l’an dans 71 de l’Hégire (690). Al-Marrakishi ainsi qu’Ibn Khaldoun la situe en l’an 69 de l’Hégire.

Les survivants de l’armée de Zouhayr Ibn Qays, voyagèrent à Damas et racontèrent la triste fin de la campagne au calife ‘Abdel Malik Ibn Marwan qui fut profondément peiné.

 

Suite au succès de ce raid romain et de cette défaite musulmane, le pouvoir musulman dans Kairouan s’effondra et les Musulmans retournèrent encore une fois en arrière à Barqah.

 

La cinquième Invasion de l’Afrique et la chute de Carthage 

Avec la mort de Zouhayr Ibn Qays à Derna, le pouvoir musulman s’éteignit encore une fois en Ifriqiyah bien qu’il n’y eut aucune bataille contre les mécréants et Kairouan resta une ville musulmane.

Les Romains de Carthage renforcèrent leur position indépendante tandis que les tribus berbères restèrent dans leur propre région gouvernés par leurs propres chefs. La seule chose en commun que partageait les deux étaient leur hostilité envers l’Islam et une détermination farouche pour s’opposer de toute leur force aux nouvelles tentatives de l’Islam pour reconquérir leur terre.

L’Ifriqiyah restait donc une terre romaine et berbère et Kairouan était telle une île d’Islam dans une mer orageuse et hostile.

 

A Damas, le calife des Musulmans ‘Abdel Malik Ibn Marwan était une fois de plus préoccupé par les affaires internes et cherchait à mettre une fin au califat indépendant à la Mecque de ‘AbdAllah Ibn Zoubayr (qu’Allah soit satisfait de lui) qui finit par être tué au combat au début de l’année 73 de l’Hégire (692)[1].

Lorsque le calife ‘Abdel Malik Ibn Marwan eut consolidé son pouvoir, il put prêter son attention aux frontières. Les aînés des Arabes vinrent le trouver pour plaider la cause de l’Ifriqiyah et le leur dit :

- « Je ne vois personne aussi digne de cette mission que Hassan Ibn Nou’man ».

Le Sheikh al-Amin Hassan Ibn Nou’man al-Ghassani était sans conteste un Tabi’i et un des célèbre conquérant du Maghreb. Il était un musulman distingué, un combattant dans la voie d’Allah, respecté pour sa résolution et son jugement qui était connu sous le nom de Sheikh al-Amin parce qu’il n’aimait pas l’argent des butins.

Hassan fut donc nommé à la tête d’une grande armée et fut envoyé en Egypte pour y faire ses préparations en vue de la prochaine campagne.

Pour lui montrer l’importance de la reconquête de l’Ifriqiyah, le calife ‘Abdel Malik Ibn Marwan laissa à sa disposition tout le revenu de l’Egypte pour ses besoins.

- « Je te laisse la main libre sur toute les richesses de l’Egypte, » écrivit-il à Hassan Ibn Nou’man, « donne à ceux qui sont avec toi et à ceux qui vous rejoindront. Donne aux gens et marche vers l’Ifriqiyah, par la grâce d’Allah Exalté et Son aide ».

Un grand nombre de combattants Musulmans le rejoignirent en Egypte et lorsque ses préparations furent achevées, son armée comptait 40.000 hommes et jamais auparavant un tel nombre ne fut égalé pour la conquête de l’Ifriqiyah.

Si les Musulmans devaient rester maître définitif de leur possession, ils devraient écraser complètement les forces romaines et berbères et, d’après certains historiens, au environ du milieu de l’année 73 de l’Hégire (692), après deux mois de marche, l’armée arriva à Tripoli ou d’autres combattants vinrent de joindre à la caravane. Puis, Hassan Ibn Nou’man, reprit sa route pour Kairouan ou il fut accueilli avec la joie par les Musulmans de la ville.

Hassan Ibn Nou’man s’informa auprès des habitants de la situation locale et demanda :

- « Qui est le plus puissant des princes de l’Ifriqiyah ?

- « Certainement le gouverneur de Carthage, » répondirent-ils.

 

Après l’élimination de Kathilah le Berbère, le pouvoir romain à Carthage était le seul pouvoir le plus fort et le plus organisé de l’Ifriqiyah. Avec son accès à la mer, la ville avait reçu de Constantinople une vaste armée fraîchement renforcée.

Et parce que Carthage était la force la plus forte et la plus hostile,  Hassan décida de l’attaquer en premier pour n’avoir aucune menace sur ses arrières. Il marcha donc vers Carthage, pour constater que la ville forteresse avait été puissamment fortifiée et avait une très grande garnison.

Peu de temps après avoir établi son camp non loin de là, les Romains sortirent de leurs fortifications pour une bataille ouverte qui tourna à leur désavantage et bientôt l’armée romaine subit une écrasante défaite. Un innombrable nombre d’entre eux furent tués avant que le reste ne puisse retourner dans leur ville fortifiée.

Les Musulmans n’avaient aucun équipement de siège et ne pourraient en aucune façon faire de brèche ou escalader les murs de la ville. Ils attendirent donc un certain nombre de jours quand un émissaire, envoyé par un noble romain du nom de Marnaq, vint trouver Hassan Ibn Nou’man. Il proposa aux Musulmans de leur ouvrir une des portes de la ville s’ils lui garantissaient ainsi qu’à sa famille la sécurité ainsi qu’une parcelle de propriété de son choix.

Hassan Ibn Nou’man accepta ses termes. Un moment particulier fut fixée pour l’ouverture de la porte et l’émissaire retourna dans Carthage.

La porte fut ouverte au moment choisit et les régiments Musulmans entrèrent dans Carthage pour mettre fin à la dernière résistance romaine. Mais ils ne trouvèrent aucune résistance romaine ni même le moindre soldat dans la ville.

Après la bataille perdue à l’extérieur de la ville, les Romains avaient renoncé à tout espoir de victoire et sous le couvert de la nuit s’étaient embarqués dans leur grande flotte de navires vers différentes destinations et l’offre de Marnaq n’avait était qu’une ruse pour gagner du temps pour leur permettre de partir sans hâte et détourner l’attention des Musulmans.

La ville fut prise pacifiquement et Hassan tint ses promesses envers l’émissaire malgré sa supercherie. La présence de ses hommes n’étant plus nécessaire, il ordonna un retrait de son armée et ensemble retournèrent dans leur camp.

 

Peu de temps après, Hassan Ibn Nou’man fut informé d’un large rassemblement de Berbères et de Romains à Bizerte et prêt pour une nouvelle confrontation, il leva l’armée musulmane et marcha à leur rencontre

Une autre féroce bataille eut lieu à Bizerte ou les Berbères furent décisivement vaincus. Ceux qui survécurent au carnage ne le durent qu’à leur fuite du champ de bataille. Les Berbères se retranchèrent à Bône (bouna) et leurs alliés Romains à Baja où ils se fortifièrent.

Ne considérant pas ces lieux comme une réelle menace, Hassan Ibn Nou’man envoya ses régiments de cavalerie pour soumettre les Berbères de Satfourah.

Hassan prit son temps car il n’y avait plus aucune opposition dans cette partie de l’Ifriqiyah. Quand plusieurs semaines passèrent, il reçut des nouvelles alarmantes de Carthage ou venait à peine de débarquer un importante force romaine et alors sans plus tarder, il retourna de nouveau vers la ville.

 

Une autre armée romaine, commandés par un patricien du nom de Jean, portée par une flottille de navires envoyée de Constantinople était arrivé en Sicile, où Jean incorpora dans son armée tous les survivants de Carthage. Puis, il avait demandé de l’aide au roi d’Espagne qui lui envoya un contingent considérable de troupes goths. Et pendant que Hassan Ibn Nou’man pourchassait les Berbères, Jean débarqua dans le port de Carthage, réoccupa la ville, répara ses fortifications et se prépara pour un long siège.

Peu après son arrivée Jean reçut un renforcement considérable quand les Berbères vivant dans les régions autour de Carthage ayant appris le retour des Romains, affluèrent par milliers pour rejoindre les forces impériales et continuer la résistance contre la puissance musulmane. Et quand Hassan arriva à Carthage, il se trouva de nouveau à une autre puissante force de Romains et de Berbères dans une ville solidement fortifiée.

Hassan Ibn Nou’man mit de nouveau le siège et les Romains étaient bien décidés à ne pas sortir pour les affronter, il resta à attendre jusqu’à l’arrivée de l’hiver de l’année 74 de l’Hégire (693) ou, après s’être retranché dans son camp jusqu’à l’arrivée de la nouvelle saison, il envoya  une délégation de 40 Musulmans à Damas pour expliquer la situation au calife et demander des renforts.

‘Abdel Malik Ibn Marwan fut le premier des califes Omeyyades à vouloir intégrer l’Ifriqiyah à l’empire musulman et il était resté sans nouvelle depuis l’arrivée de Hassan Ibn Nou’man à Kairouan.

Après avoir entendu la délégation de Musulmans, il organisa une levée d’arme et bientôt une nouvelle armée quitta Damas pour Carthage ou elle arriva au printemps à la fin de l’année 74 de l’Hégire (693).

L’arrivée de troupes fraîches de Damas revigora les Musulmans et Hassan Ibn Nou’man ordonna la construction d’équipement de siège et d’échelles quand subitement l’armée romaine sortit de la ville et se déploya en formation de bataille.

Le patricien Jean surveillait constamment les Musulmans et savait qu’avec le renforcement de la force musulmane, la balance allait pencher en faveur des Musulmans d’autant plus que ces derniers étaient décidés à prendre la ville d’assaut. Par conséquent, s’il devait les attaquer et les prendre par surprise, c’était maintenant avant que leurs préparations ne soient achevées et parce qu’ils étaient occupés.

Les Musulmans ne perdirent pas de temps et firent face à leur ennemis qu’ils attaquèrent aussitôt et qui ils écrasèrent. Les Romains furent battus et perdirent beaucoup d’hommes avant d’effectuer un retrait catastrophique dans la ville dont ils n’allaient jamais ressortir.

Hassan Ibn Nou’man reprit ses préparatifs qui durèrent plusieurs jours et lorsque les machines de sièges furent enfin complétés, il prit le fort d’assaut en utilisant des échelles pour introduire ses hommes dans la ville et lorsqu’ils furent dans celle-ci, ils ne trouvèrent aucun Romain qui s’étaient une nouvelle fois enfuis sur leurs embarcations.

Après sa tentative avortée de briser le siège, Jean perdit l’espoir et il ordonna l’évacuation de Carthage juste avant l’assaut musulman. Et, ayant utilisé les Berbères pour ses propres fins, les Romains les abandonnèrent et plus les Berbères luttèrent et plus lourdement ils perdirent. Ce n’est que lorsque beaucoup de sang fut  répandu que les Berbères déposèrent leurs armes.

Quand la dernière opposition s’effondra, les Musulmans prirent la ville comme prix de guerre et la pillèrent. Alors, pour s’assurer que les Romains n’y reviendraient plus, Carthage fut incendiée, détruite puis rasée et devait rester des ruines silencieuse durant deux-cents ans avant qu’une partie de la ville ne soit reconstruite par les ismaéliens ‘oubaydi

 

A la fin de l’année 74 de l’Hégire (693) et après une année de campagne, Hassan Ibn Nou’man revint à Kairouan ou il resta un certain temps afin de se préparer pour son second objectif, une femme du nom d’al-Kahinah[2] qui vivait dans les Montagnes d’Auras (Aurès actuel), crainte par les Romains en Ifriqiyah et obéit par tous les Berbères. « Si tu la tue, l’ouest s’inclinera devant toi et tu n’auras plus un seul ennemi qui s’élèvera contre toi, » les habitants de Kairouan lui avaient-ils dit.

 

Al-Kahinah 

En arabe le mot Kahin signifie celui qui prédit l’avenir et dont les sources de révélations viennent du diable.

Kahin signifie aussi prêtre et al-Kahina prêtresse. Cette femme âgée vivait dans les montagnes Auras était une Kahinah et elle était la chef des Berbères. Son nom était Dahiyah Bint Tabtah Bint Nayqan de la tribu de Jarawah. Les Jarawah étaient une tribu issue de la très grande tribu de Zenâta et cette femme régnait comme une reine non seulement sur son peuple dans les montagnes Auras mais était aussi sur tous les Berbères. Sa forteresse se trouvait à a1-Jamm, à 60 kilomètres au sud de Sousa.

C’était une vieille femme qui avait été reine durant 30 ans et qui était estimée par toutes les tribus berbères de l’Ifriqiyah et du Maghreb. Ibn Khaldoun a rapporté qu’elle était âgée de 122 ans à l’époque. Elle avait deux fils, dont l’un avait pour père un Berbère tandis que l’autre un Grec.

Après la mort de Kathilah Ibn Lamzam, tous les Berbères acceptèrent Dahiyah comme chef et elle exerça un contrôle total sur eux.

Hassan Ibn Nou’man se résolut à en finir avec elle, prépara son armée en conséquence et quitta Kairouan en direction des Montagnes Auras toujours à la fin de l’année 74 de l’Hégire (693).

 

Hassan Ibn Nou’man 

L’armée de Hassan Ibn Nou’man avait à peine quitté la ville que des messagers rapides allèrent, à travers les montagnes, informer al-Kahinah du mouvement musulman, leur force et leur direction apparente. Elle leva à son tour une immense armée qu’elle conduisit à Baghayah, qui se trouvait à l’époque près de l’actuelle Khenchela en Algérie.

Croyant que Hassan Ibn Nou’man voulait arriver à Baghayah et s’y fortifier contre elle, elle chassa tous les Romains de la ville et démoli ses fortifications avant de marcher vers Kairouan, pour l’intercepter à mi-route et l’arrêter.

Hassan marcha jusqu’à ce qu’il parvienne à la Vallée de Miskianah ou après avoir reçu des informations sur le mouvement des Berbères, il s’arrêta et établit son camp quand ces derniers arrivèrent le lendemain et établirent à leur tour leur camp près des Musulmans.

Les deux armées déployèrent des écrans de cavalerie entre les deux pour éviter toute attaque surprise.

Quand al-Kahinah arriva dans la vallée et établit son camp, la cavalerie berbère montra des desseins agressifs et voulut en découdre avec la cavalerie musulmane, mais Hassan Ibn Nou’man ordonna à ses cavaliers d’éviter l’engagement et les cavaliers passèrent la nuit sur leurs selles.

Le jour suivant eut lieu une des plus féroces batailles entre les Musulmans et les Berbères ou les Musulmans furent vaincus et vers la fin de la journée, Hassan Ibn Nou’man ordonna le retrait, laissant un grand nombre de morts musulmans sur le champ de bataille. Réorganisant son armée vaincue, Hassan Ibn Nou’man réalisa un retrait ordonné vers l’est et al-Kahinah le suivit à une distance respectueuse jusqu’à ce que les Musulmans aient dépassé Gabès (qabis).

 

Ce fut la seule défaite des Musulmans face aux Berbères, excepté celle ou ‘Ouqbah Ibn Nafi’ trouva le martyr, et 80 Musulmans furent capturés au cours de celle-ci.

Al-Kahinah ordonna de libérer tous les prisonniers musulmans à l’exception de l’un d’entre eux du nom de Khalid Ibn Yazid al-‘Absi qu’elle décida d’adopter pour enfant du fait de sa force et de sa bravoure.

Il a été rapporté que cette femme âgée qui n‘avait plus de lait maternel, mélangea de la farine et de l’huile, qu’elle pressa la pâte contre son sein et qu’elle partagea entre ses trois garçons afin d’en faire symboliquement des frères unis entre eux.

Les Berbères furent de farouches adversaires de l’Islam et contribuèrent largement à ralentir sa progression.

 

La fin d’al-Kahinah 

Lorsque Hassan Ibn Nou’man arriva à Tripoli, il écrivit au calife ‘Abdel Malik Ibn Marwan et lui raconta ce qui était arrivé aux Musulmans : « Il n’y a aucune limite aux gens du Maghreb. Leurs nombres ne finiront jamais. Quand une tribu est détruite un autre se lève aussitôt après elle ».

Ayant expédié un messager rapide à Damas avec sa lettre, Hassan continu sa marche vers l’est jusqu’à ce qu’il arrive à Barqah. Quelques jours plus tard, il reçut les ordres du calife de rester où il était et d’attendre ses instructions.

Il resta gouverneur à Barqah durant cinq années avant de recevoir de nouvelles instructions et des renforts.

 

Après la bataille de la vallée de Miskianah, al-Kahinah revint dans sa forteresse dans les Montagnes Auras ou elle gouverna son royaume incontesté.

Elle invita tous les chefs de tribu à une conférence et leur dit : « Tout ce que les Arabes veulent en Ifriqiyah, c’est des villes, de l’or et de l’argent, quant à nous, nous ne voulons que des fermes et des pâturages. La seule chose à faire est de ravager la terre entière de l’Ifriqiyah pour que les Arabes renoncent à leurs buts et ne reviennent plus ».

Elle fit alors mettre cette politique en action avec une détermination diabolique. Ses colonnes armées partirent dans toutes les directions et détruisirent sur leur passage, arbres, forts et villes.

Selon les premiers historiens musulmans, l’Ifriqiyah était au début une ceinture continue d’ombre de Tripoli à Tanger, et les villes et les villages se tenaient côte à côte sur des centaines de kilomètres, jusqu’à ce qu’al-Kahinah prit le pouvoir et le transforma en désert.

Les gens devinrent désespéré et de grands nombres de romains abandonnèrent leurs fermes prospères et leurs villes et émigrèrent en Espagne et d’autres îles méditerranéennes mettant ainsi fin aux derniers romain d’Ifriqiyah par effet secondaire d’autant plus les Musulmans étaient venus non pas pour ce qu’elle affirmait à tort mais pour propager la Parole d’Allah Exalté.

 

En l’an 79 de l’Hégire (698), le calife ‘Abdel Malik Ibn Marwan rassembla une autre force pour l’Ifriqiyah qu’il envoya en renfort à Hassan Ibn Nou’man avec les directives de prendre l’Ifriqiyah.

De nouveau les Musulmans marchèrent pour l’Ifriqiyah et se dirigèrent directement vers les montagnes Auras. Les Musulmans étaient tout à fait près des montagnes quand al-Kahinah arriva avec ses hordes berbères au pied des contreforts de la vallée de Miskianah, ou elle établit son camp.

 

Quand la nuit tomba, Khalid Ibn Yazid l’a supplia de capituler, et d’aller avec lui annoncer sa soumission au commandant musulman mais elle refusa et lui dit :

- « C’est pour ce jour que j’ai fait de toi mon fils. Je vais être tuée et je te confie mes deux fils ».

Pendant la nuit Khalid quitta le camp berbère accompagné de ses deux frères adoptifs et à qui Hassan Ibn Nou’man accorda la sécurité.

Le jour suivant eut lieu la deuxième bataille entre Hassan Ibn Nou’man et al-Kahinah et malgré une résistance acharnée mais vaine, les Berbères furent vaincus et al-Kahinah tuée sur le champ de bataille. L’endroit où elle tomba est connu sous le nom de « bir al-kahinah » ou le Puits d’al-Kahinah ».

Après la victoire, Hassan Ibn Nou’man pénétra dans la région des montagnes Auras et soumis tous les tribus qu’y s’y trouvait.

 

Un grand nombre de chefs berbères vinrent se soumettre au commandant musulman et demandèrent la paix qui leur fut accordé s’ils acceptaient deux conditions : adopter l’Islam et lever une force de 12.000 combattants qui serviraient l’Islam et ses conditions furent acceptées.  

Hassan Ibn Nou’man donna le commandement de cette force armée au fils ainée d’al-Kahinah qu’il nomma aussi chef de la tribu de Jarawah et gouverneur de la région des montagnes Auras qui prouva être un sujet fidèle, un vrai musulman et un officier capable.

Puis Hassan Ibn Nou’man revint à Kairouan, réorganisa l’administration de la province et resta gouverneur huit années avant d’être désisté et rappelé par le gouverneur d’Egypte ‘Abdel ‘Aziz Ibn Marwan, un frère du calife ‘Abdel Malik Ibn Marwan et fils de Marwan.

Après avoir préparé une grande caravane de chameaux chargés de butin de guerre destiné au calife à Damas, Hassan Ibn Nou’man se dirigea vers Fustat craignant le pire. Par conséquent, il camoufla la meilleure partie du butin, une grande collection de pierres précieuses dans une outre d’eau.

Lorsqu’il arriva à Fustat, il alla payer ses respects au gouverneur puis laissant la caravane derrière lui, il se vers Damas pour rencontrer le calife. Hassan Ibn Nou’man lui remit son outre avec son contenu  et lui dit : « Je ne suis sorti seulement que comme un combattant luttant dans la voie d’Allah. Ce n’est pas un homme comme moi qui tromperont Allah ou Son calife ».

Le calife le remercia et lui promis de le restituer gouverneur mais Hassan Ibn Nou’man n’était pas intéressé et lui dit : « Je ne reprendrai jamais plus le pouvoir sous les Bani Oumayyah », puis il partit en retraire et mourut quelques mois plus tard, puisse Allah Exalté lui faire miséricorde.



[1] Voir notre Abrégé de l’Histoire des Omeyyades.

[2] En faisant des recherches sur Internet à propos de cette femme, je vois combien l’histoire biaisée de cette femme frise parfois le folklore, le racisme et combien elle est utilisée pour semer la division entre les berbères et les autres nations, en particulier les Arabes. Ce qui est étrange, c’est que ceux qui ont écrit ces commentaires n’ont pourtant fait aucune différence entre les Berbères et les Arabes quand ils ont colonisés l’Algérie, par exemple, et que des tribus entières de Berbères ont été massacrées, mutilées pour être dépouillées et brulées vifs par les colonisateurs de l’Algérie. Pourquoi n’ont-ils donc pas épargné les Berbères s’ils les considéraient comme les leurs ?