Vers al-Houdaybiyah

 

Comme nous venons de le remarquer, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) voulait coute que coute éviter les affrontements. Et au lieu de quitter ‘Ousfan vers La Mecque, au sud, via at-Tan’im qui se trouve à trois miles de la Cité Sacrée (la route habituelle que les Médinois prenaient pour La Mecque), il préféra changer de route et demanda :

«  «Y a-t-il un homme qui peut nous mener par une autre route que celle où ils (les ennemis) sont[1] ? » Après quoi, il dit : « Prenez votre droite ; les sentinelles de Qouraysh sont à Marri ad-Dahran ou à Danjan. Qui d’entre vous connait la gorge de Dzat al-Handal ? »

- « Moi, » s’écria Bouraydah Ibn al-Khousayb al-Aslami, « moi, ô Messager d’Allah, je connais cet endroit. »

- « Va devant nous » lui demanda alors le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). L’Aslami les mena par un chemin difficile, rude et non fréquenté et faillit les dérouter. En remarquant sa perplexité à pouvoir continuer sa mission, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) lui dit : « Monte !, » avant d’appeler de nouveau : « Y a-t-il un homme qui peut nous montrer la route de Dzat al-Handal ? » Sur ce, Hamza Ibn ‘Amrou al-Aslami se présenta et dit : « O Messager d’Allah, moi, je te la montrerai. » Il guida les Musulmans durant un certain temps puis, en arrivant dans un endroit retiré et broussailleux, il se perdit. « Monte » lui dit le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) avant d’appeler une troisième fois : « Qui peut nous montrer la route de Dzat al-Handal ? »

- « Moi, » s’écria ‘Amrou Ibn ‘Abd Nahm al-Aslami, « moi, ô Messager d’Allah, je te la montrerai ! »

- « Pars devant nous ! »

En effet, ‘Amrou s’élança devant les Musulmans et les guida jusqu’à un col. En voyant le col, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) dit : «Voici le col de Dzat al-Handal. »

- « C’est lui !, » confirma le guide[2]. »

 

Là, et pour inciter les Musulmans à traverser le col, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) leur dit : « Par Allah, celui qui traversera ce col aura ses péchés pardonnés. »

 

Quant à Khalid Ibn al-Walid, il fut saisi de rage car il ne pensait pas que les Musulmans esquiverait son plan qui consistait à les attaquer entre ‘Ousfan, at Tan’im et La Mecque. Autrement dit, il n’envisagea pas que les Compagnons du Prophète le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) changeraient leur route pour se diriger vers La Mecque via al-Houdaybiyah et aussitôt qu’il fut informé de ce changement, il donna à ses hommes l’ordre de retourner à La Mecque pour informer les Qouraysh de la nouvelle situation.

 

En réalité, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) était décidé à faire sa ‘Oumrah ; les Compagnons avaient traversé jusque-là deux cent cinquante miles et fatigués qu’ils étaient, il ne leur restait tout au plus que dix miles pour arriver à La Mecque. En changeant d’itinéraire, il voulut donner aux Qouraysh un temps de réflexion supplémentaire pour les convaincre de l’absurdité de la guerre mais pour ceux-ci, laisser les « apostats[3] » faire leur pèlerinage était une impossibilité catégorique, même s’il fallait les arrêter par la force.

 

Ainsi, les Qouraysh, qui étaient près d’at-Tan’im, au nord de La Mecque levèrent leur camp et se rendirent avec leurs troupes à al-Houdaybiyah. Les Musulmans qui les avaient déjà précédés dans cette plaine, n’étaient plus qu’à quelques pas des frontières du territoire sacré mais pour les traverser, il leur restait aussi à affronter les huit mille hommes de Qouraysh, des Ahabish et de Thaqif : une armée bien équipée et dont les membres étaient en pleine forme contrairement aux Musulmans qui venaient de traverser une grande distance, en plus du changement d’itinéraire et du peu d’équipement qu’ils avaient.

 

Toutefois, les apparences sont souvent trompeuses et le fond de la puissance mecquoise qui résidait dans l’alliance Ahabish/Thaqif/Qouraysh, se révélera par la suite sans grande utilité pour les Mecquois et la plaine d’al-Houdaybiyah, insignifiante jusque-là, allait connaitre l’un des évènements les plus importants dans l’histoire de l’Islam.

 

L’affrontement direct était sur le point d’arriver quand survint un fait étrange et aux limites du territoire sacré de La Mecque, al-Qaswa, la chamelle du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), s’arrêta subitement comme paralysée.

 

L’obstacle de l’Eléphant

 

Al-Qaswa était l’une des meilleures chamelles du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Juste avant de pénétrer dans l’espace du Sanctuaire, elle s’agenouillât et refusa de se mettre debout malgré toutes les tentatives. Les gens crurent que ce comportement-ci était dû à la fatigue : « Al-Qaswa est devenue rétive, » se dirent-ils.

- « Elle n’est pas rétive, » opposa le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), « ce n’est pas son habitude mais elle a été retenue par Celui qui a retenu l’Eléphant[4]. »

 

Et après avoir perçu ce que les autres ne pouvaient voir, il (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) annonça encore une fois ses intentions pacifiques en jurant : « Par celui qui détient l’âme de Muhammad entre Ses Mains, je répondrai favorablement à Qouraysh s’ils m’appellent au respect des liens de sang[5] ! »  

Dans une autre version : « S’ils m’appellent à exalté le Sacré d’Allah[6]. »

 

C’était, de sa part, une déclaration claire comme l’eau de roche incitant encore une fois les Mecquois à se comporter sagement face aux évènements et à éviter tout carnage.

Il appela alors sa chamelle qui se leva aussitôt puis ordonna à ses Compagnons de rebrousser chemin et d’installer leur campement à Houdaybiyah. En fait, il décida de ne pas franchir les limites du Sanctuaire, du moins jusqu’à nouvel avis.

Les Compagnons s’exécutèrent et campèrent tout près d’un puits se trouvant, parait-il, devant les drapeaux que le voyageur peut voir aujourd’hui à sa droite, à Shoumaysi, sur la route menant à La Mecque. A cet endroit de la plaine de Houdaybiyah, ils attendirent les directives du Prophète qui, à son tour, attendait la nouvelle réaction de Qouraysh en espérant que les plus sensés de son peuple mettraient un terme à leur entêtement.

 

Les polythéiste négligèrent toutes les mesures d’apaisement et maintinrent l’état d’alerte générale au sein de leurs troupes tout près du camp des Musulmans et certains d’entre eux tentèrent même de surprendre les Compagnons du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et de les attaquer de nuit.

 

Vu la tension qui régnait dans la plaine de Houdaybiyah, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) donna l’ordre de former trois groupes de garde dont il donna le commandement à trois Ansar : 

- ‘Abbad Ibn Bishr,

- Aws Ibn Khawli et,

- Muhammad Ibn Maslamah qui se partagèrent, à tour de rôle, la garde jusqu’au lendemain matin[7].

Puit d'al-Houdaybiyah

 

Le miracle du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) à Houdaybiyah

 

En revenant à Houdaybiyah, les Musulmans se jetèrent sur un puits pour boire et abreuver leurs bêtes mais furent désappointés lorsqu’ils remarquèrent que l’eau ne pouvait suffire pour mille quatre cents personnes sans compter le nombre des bêtes.

La situation s’aggrava au point où la vie des pèlerins et des bêtes devint menacée d’autant plus que les sources d’eau les plus proches étaient entre les mains des Qouraysh.

 

Les Compagnons se plaignirent au Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) qui implora le Seigneur. Après quoi, il appela Najiyah Ibn al-A’jam al-Aslami, lui donna une flèche et lui ordonna de la planter au fond du puits.

Najiyah  a dit :

« On se plaignit du peu d’eau au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) qui m’appela. Il sortit une flèche de son carquois, me la donna et me demanda de lui apporter un seau d’eau du puits. Je le lui apportai. Il fit ses ablutions mineures, rinça sa bouche puis cracha dans le seau. Les gens (les Musulmans) souffraient de la grande chaleur et il n’y avait en réalité qu’un seul puits ; les autres étaient sous le contrôle des polythéistes qui étaient déjà à Baldah.

Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) dit : « Descends avec (le seau) d’eau et verse-le dans le puits en traçant l’eau de celui-ci avec la flèche. » Je fis la chose et, par Celui qui l’a envoyé avec la Vérité, je ne quittai le puits qu’après avoir failli me noyer ; il commença à bouillir comme une marmite, et ce jusqu’à ce qu’il fut plein. On se mit alors devant la margelle et on commença à prendre de l’eau. Les Musulmans étanchèrent leur soif jusqu’au dernier d’entre eux. »

 

Ibn al-A’jam a aussi dit :

«  Ce jour-là il y avait près de l’eau quelques hypocrites ; al-Jad Ibn Qays, Aws et ‘Abdallah Ibn Oubay. Ils étaient assis près de la margelle du puits au moment où les gens étaient en train de s’abreuvoir. Et Aws Ibn Khawli s’adressa à ‘Abdallah Ibn Oubay : « Malheur à toi, Abou Houbab ! Ne veux-tu considéré ton état (négateur) ? Y a-t-il autre chose après cela (miracle) ? »

- « J’ai déjà vu ce genre de choses. »

- « Je me moque de toi et de ton opinion ! »

Le Fameux puit d'al-Houdaybiyah

 

Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) contacte Qouraysh et leur fait part de ses intentions pacifiques

 

Encore une fois, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) voulut convaincre les Mecquois de l’absurdité de la guerre. il convoqua Khirash Ibn Oumayya al-Ka’bi et lui confia la tache de contacter les Qouraysh et de les mettre au courant du véritable but de la venue des Musulmans : le pèlerinage mineur (la ‘Oumrah), et qu’une fois ce rite accompli, ils se retireraient à Médine.

L’émissaire du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) fut choisi volontairement de Khouza’a, une tribu qui était plus ou moins neutre et dont le territoire avoisinait celui de Qouraysh.

 

Al-Waqidi[8] a rapporté :

Le premier émissaire du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) fut Khirash Ibn Oumayya al-Ka’bi. Il était sur un chameau appartenant au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) appelé Tha’lab Sa mission consistait à dire aux seigneurs de Qouraysh, de la part du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) : « Nous sommes venus pour la ‘Oumrah ; les offrandes sont retenues. Nous voulons faire des processions autour de La Demeure (La Ka’bah), se désacraliser puis partir.

(Mais les Mecquois lui réservèrent un accueil agressif) et coupèrent les jarrets du chameau du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). C’est ‘Ikrimah Ibn Abi Jahl qui fit cela et essaya même de tuer Khirash mais quelques Qouraysh présents ne lui laissèrent pas l’occasion et laissèrent l’émissaire partir. Ce dernier revint non sans difficulté chez le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), l’informa et lui dit : « O Messager d’Allah, envoi un homme plus soutenu que moi. »

 

Au milieu de cette atmosphère tendue, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) reçut une délégation de la tribu de Khouza’a qui habitait tout près du territoire sacré et qui avait signé un pacte de non-agression avec les Musulmans du fait que plusieurs d’entre eux étaient Musulmans qui ne cachaient rien au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) sur ce qui se passait à Touhamah et le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) leur faisait confiance.

 

La délégation Khouza’i était commandée par Boudayl Ibn Warqa qui après les salutations, voulut détendre l’atmosphère régnante entre les deux parties et dit au Prophète : « Nous sommes venus de la part de ton peuple, les Ka’b Ibn Lou’ay et ‘Amir Ibn Lou’ay. Contre toi, ils ont pu obtenir le soutien des Ahabish et tous ceux qui leur obéissent. Avec eux, il y a femmes et enfants. Et ils ont juré de ne pas te laisser visiter la Demeure (la Ka’bah), quelle que soient les conséquences.

Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) répondit : « Nous ne sommes pas venus pour livrer bataille contre quiconque. Nous sommes plutôt venus faire des processions autour de cette Demeure. Quiconque nous repoussera, nous le combattrons. D’autre part, Qouraysh est un peuple qui souffre de la guerre qui les a (complètement) épuisés mais s’ils le veulent, je signerai avec eux une trêve pour une certaine période, durant laquelle ils pourront être en sécurité et nous laissent nous occuper du reste des gens qui sont d’ailleurs plus nombreux qu’eux. Si j’ai le dessus contre eux, ils auront deux choix : soit embrasser ce que les gens ont embrassé soit la guerre après avoir pu récupérer leurs forces. Par Allah, pour cette cause, je ferais tout mon possible, jusqu’à ce que mort s’ensuive ou que l’Ordre d’Allah se réalise ! »

 

C’était, de la part de Muhammad le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), une proposition tout à fait réaliste et la refuser serait une faute politique et militaire de la part des Qouraysh. D’ailleurs, l’un des délégués Khouza’i, ‘Amrou Ibn Salim, fut saisi par la clarté et la confiance manifestée par le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Il dira à Boudayl : « Par Allah, on ne peut jamais vaincre une personne présentant de telles propositions ! »

 

Boudayl Ibn Warqa comprit et retint à son tour les propos de l’Envoyé d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Il se dirigea aussitôt vers la vallée de Baldah pour y rencontrer les chefs de Qouraysh mais en le voyant, ceux qui étaient contre toute forme de paix s’écrièrent : « Voici venir Boudayl et ses Compagnons. Ils ne sont venus que pour nous sonder. Ne leur demandez rien, même pas un mot ! » Et ils laissèrent Boudayl parler : « Nous venons de chez Muhammad, voulez-vous que nous vous informons de ce qu’il nous a dit ? »

- « Par Allah non, s’opposèrent ‘Ikrimah Ibn Abi Jahl et al-Hakam Ibn al-‘As. Nous n’avons pas besoin que tu nous en informes. Toutefois, fait-lui savoir ceci : il n’entrera jamais (à La Mecque), et ce jusqu’au dernier de nos hommes ! »

 

La réaction de ‘Ourwah Ibn Mas’oud

 

Le chef de Thaqif qui était présent s’étonna de ce comportement et le déplora. Il s’adressa aux Qouraysh : « Par Allah, avant ce jour-ci, je n’ai rien vu d’aussi étrange. Pourquoi ne voulez-vous pas entendre ce que rapportent Boudayl et ses Compagnons ? Si la chose vous plait, vous l’acceptez; sinon vous la délaissez. Le peuple qui fait ce que vous venez de faire ne peut réussir, » dit-il.

Ces mots furent suffisants pour frayer leur chemin aux seigneurs de La Mecque qui firent taire l’emportement des jeunes ‘Ikrimah et Safwan. Ils prirent l’initiative et demandèrent à Boudayl : « Informe-nous de ce que vous avez vu et entendu ! »

 

Après voir exposé les propositions musulmanes, Boudayl expliqua : « O peuple de Qouraysh, vous êtes en train d’anticiper les choses avec Muhammad et Muhammad n’a jamais été derrière une guerre. Il n’est pas venu pour (vous) combattre. Il n’est venu que pour visiter la Demeure. »

En entendant cela, les Qouraysh l’insultèrent et l’accusèrent d’avoir un penchant pour les Musulmans. Ils insistèrent à tout refuser et dirent à Boudayl : « Même si Muhammad n’est pas venu pour la guerre, par Allah, il n‘entrera jamais à La Mecque malgré nous. Veut-il y entrer avec ses soldats pour faire le pèlerinage ! Que diront les Arabes : « Muhammad est entré malgré nous en faisant fi de l’état de guerre entre nous. Par Allah Exalté, cela ne se passera jamais, du moins tant que nous vivons ! »

 

C’est ce genre d’obstination qui conduira Qouraysh à tout perdre quelques années plus tard. Il semble que les seigneurs de la Cité Sacrée ne se rendirent pas compte des grands changements qui allaient transformer toute l’Arabie à cause peut être de la rapidité impressionnante des évènements qui ne leur avait pas laissé suffisamment de temps pour réfléchir.

 

De toute façon, ‘Ourwah Ibn Mas’oud ath-Thaqifi qui était toujours présent, conseilla à ses alliés de maintenir une certaine modération et d’accepter les propositions de l’adversaire. Et en tant que chef de sa tribu, il venait de comprendre la véritable raison du voyage du Prophète et qui n’était pas pour faire la guerre comme l’avait laissé entendre Qouraysh. Et, comme il avait un allié fort respecté par les seigneurs de La Mecque, en plus de la parenté qui le liait à eux (sa mère était Si’a Bint ‘Abd ash-Shams Ibn ‘Abd al-Manaf, une Qouraysh), il trouva l’occasion pour dire : « O peuple de Qouraysh ! Doutez-vous de ma sincérité envers vous ? »

- « Absolument pas, » répondirent-ils.

- « Ne suis-je pas « le fils et vous le père ? N’ai-je pas appelé tous les habitants de ‘Oukad pour venir vous aider (contre Muhammad) et lorsque ceux-ci ont refusé, je suis quand même venu avec mes fils et ceux qui sont sous mes ordres ? »

- « Certainement, tu as fait cela. »

- « (Ecoutez donc), je suis sincère avec vous, je veux votre bien ! Boudayl est venu avec un plan sage. Quiconque le refuse sera contraint d’accepter un plan plus mauvais. Acceptez-le !, » termina-t-il avant de reprendre et d’offrir sa médiation : « Envoyez-moi chez Muhammad afin que je vous rapporte plus de détails sur ce plan et que je sois « un œil pour vous » ! »

 

Après l’acceptation des Qouraysh, ‘Ourwah se dirigea vers le camp musulman. Et bien qu’il fût sincère pour éviter aux deux parties des accrochages meurtriers, il était cependant l’allié de Qouraysh et s’adressa au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) en voulant l’intimider : « Tu as rassemblé la lie des populaces dans le but d’exterminer les tiens ! » Après quoi, il commença à énumérer les atouts et la puissance prétendue de Qouraysh pour impressionner le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et le détourner de son projet d’accomplir le pèlerinage. Il lui dit : « C’est Qouraysh sorti même avec ses femmes et ses enfants. Ses guerriers ont mis « les peaux des tigres » en s’engageant devant Allah de ne pas te laisser entrer malgré eux. O Muhammad, j’ai laissé ton peuple, les Bani Ka’b, les Bani ‘Amir et les Bani Lou’ay tout près des eaux d’al-Houdaybiyah, soutenus par les Ahabish et par ceux qui leur obéissent. Ils ont juré de ne te laisser arriver à la Demeure qu’après tous avoir anéantis. Tu es donc entre deux choix : Soit tu extermines ton peuple et ce sera alors une première, soit que ceux qui sont avec toi t’abandonne. O Muhammad, par Allah, j’imagine déjà la fuite de ceux-ci ! Ils te laisseront seul. Je ne vois qu’une lie rassemblée çà et là. Je n’ai reconnu ni leurs têtes ni leurs origines. Ils s’enfuiront et te laisseront surement » conclut-il enfin.

- « Suceur de clitoris, » éclata Abou Bakr en s’adressant à Ourwah, « est-ce nous qui allons fuir et laisser le Prophète seul ? »

- « Qui est-ce donc » ô Muhammad ?

- « C’est Abou Bakr Ibn Abi Qouhafa, » répondit le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).

 

En fait, la réponse d’Abou Bakr ne reflétait qu’une partie du dévouement des Musulmans envers leur Prophète et ‘Ourwah, durant sa présence dans le camp musulman, s’apercevra de l’attachement sincère et extraordinaire que les Compagnons manifestaient à Muhammad.

De retour  auprès des Qouraysh, il leur dira : « O peuple de Qouraysh ! J’ai vu des rois comme Chosroès, Héraclius et le Négus mais je n’ai jamais vu l’un d’eux obéis par ses sujets comme l’est Muhammad par ses Compagnons. Par Allah, devant lui personne d’entre eux ne lèvent ni le regard ni la voix. Pour avoir une chose, il lui suffit de faire un signe. Et chaque fois qu’il crache, les mains se tendent pour attraper son crachat et s’en essuyer la peau. Ils se bousculent pour avoir le reste de l’eau de ses ablutions. J’ai sondé ces gens ; ils ne craignent guère que vous vouliez leur livrer bataille. Ce sont des gens, d’après ce que j’ai pu voir, qui ne se soucient guère de leur sort une fois que leurs homme (le Prophète) est bien protégé. Que votre décision soit sage! Acceptez son plan (de paix) et signez avec lui une trêve temporaire. O peuple ! Acceptez ses propositions, mes conseils sont sincères. De plus je crains que vous ne pouvez le vaincre, » avant de s’étonner : « (Doit- on repousser) un homme qui est venu visiter cette Demeure pour la glorifier en sacrifiant des offrandes puis repartir[9] ! »

 

En entendant ces éclaircissements, les Qouraysh réalisèrent enfin la gravité de leur entêtement. Toutefois, ils ne voulurent pas renoncer complètement à leurs exigences : « O Abou Ya’four[10] ne parle pas de cela devant les gens. Ecoute, repoussons Muhammad cette année-ci mais il pourra revenir (faire son pèlerinage) l’année prochaine. » Et ‘Ourwah leur dit : « A mon avis, vous allez être touché par un grand malheur, » avant de les quitter avec ses hommes et rejoindre Ta'if, sa ville. Ce fut la première scission dans l’alliance Qouraysh/Thaqif/Ahabish.

 

Le retrait des Thaqif ne changea pas suffisamment les choses : les Musulmans étaient attendaient toujours et les troupes mecquoises, excepté les hommes de ‘Ourwah, ne quittèrent pas quitté leurs positions.

Certes, les polythéistes ne firent plus insistants pour affronter les Musulmans tout en simulant le contraire en comptant sur deux faits :

Primo, sales et fatigués, les Musulmans, qui étaient en plus en état de sacralisation, allaient peut-être en fin de compte se lasser et rentrer chez eux.

Secundo, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) avait déjà déclaré qu’il ne voulait pas la guerre et avait même proposé de répondre « favorablement à Qouraysh si elle l’appelait à respecter les liens de sang » et à signer un pacte de paix.

 

Dans le camp musulman, la situation physique devenait de plus en plus critique. En plus de la longue absence et de la fatigue, les croyants avaient les cheveux en désordre et poussiéreux ; plusieurs d’entre eux étaient miséreux et ils sentaient mauvais. Bref, suffisant pour que les Musulmans en aient assez et soient au bout de leurs nerfs.

 

Le troisième médiateur

 

Après l’échec de la tentative de ‘Ourwah, le deuxième médiateur, Qouraysh choisit une troisième personne : Mikraz Ibn Hafs qui était connu pour son caractère perfide et astucieux. D’ailleurs, en le voyant le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) dit aux présents : « Voici venir un perfide. » Toutefois, il accepta de l’accueillir.

 

Il voulut convaincre les Musulmans de l’inutilité de leur attente mais eut de la part du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) la même réponse à savoir ses intentions pacifiques et sa disposition à faire face à toute personne voulant lui interdire d’accomplir son pèlerinage.

Sur ce, Mikraz retourna chez les Qouraysh et les mit au courant de la position inchangée du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).

 

Le quatrième médiateur

 

Cette fois, Qouraysh s’adressa à Houlays Ibn Zabban, le chef des Ahabish en personne et lui laissa le soin de régler l’affaire auprès du Messager.

Contrairement à Mikraz et en plus d’être un homme qui aimait ceux qui exaltait le Sanctuaire de La Mecque c’était un personnage sage et doué d’une grande perspicacité et les membres de sa tribu lui obéissaient. 

En le choisissant, Qouraysh espéra tirer profit du respect que les Arabes réservaient à sa personne, même auprès du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) cependant, les choses se déroulèrent autrement.

 

Lorsqu’il arriva dans le camp des croyants, il vit ceux-ci en état de sacralisation et en le voyant venir, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) dit à ses Compagnons : « Celui-là fait partie d’un peuple aimant la dévotion cultuelle et l’Exaltation d’Allah. Laissez passer les bêtes de sacrifice devant lui afin qu’il puisse les voir. » En voyant les offrandes avec leurs guirlandes, Houlays remarqua que celles-ci avait mangé leur propre laine à cause de la longue attente des Musulmans en dehors de l’autel du Sanctuaire. Il entendit aussi les Compagnons prononcer les formules de la Talbia.

Touché, il s’écria : « Gloire à Allah ! Il ne sied point d’interdire à ceux-ci d’arriver à la Demeure ! Est-il convenable que les Lakham, les Jitham, les Nahad, les Himyar puissent faire leur pèlerinage et interdire cela au fils (du grand) ‘Abd al-Moutalib (le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)) ! »

Il continua à exprimer son étonnement et sa désapprobation vis-à-vis des Mecquois : « Qouraysh court à sa perte, par le Seigneur de La Ka’bah ! Ces gens- là (les Musulmans) sont venus pour le pèlerinage ! » Et le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) d’affirmer : « Certainement, frère Kinani[11] ! »

 

Convaincu d’une part du tort de Qouraysh et d’autre part du droit des Musulmans de faire le pèlerinage, Houlays renonça à sa mission et rebroussa chemin. En arrivant chez ses alliés, il leur dit : « J’ai vu des êtres qu’il est illicite de repousser. J’ai vu les bêtes de sacrifice qui ont les guirlandes accrochées à leurs cous et qui ont mangé leur propre laine, attachées loin de leur endroit naturel[12]. J’ai vu des hommes qui sont devenus poussiéreux et miséreux attendant de faire leurs processions autour de cette Demeure. Par Allah Exalté, ce n’est pas pour cela que nous sommes devenus vos alliés ! Nous ne nous sommes pas engagés avec vous pour repousser de la Demeure d’Allah celui qui vient en exaltant son rang, en reconnaissant son droit et en ramenant les bêtes de sacrifice au Sanctuaire ! »

 

Qouraysh, qui ne s’attendait pas à ce genre de réaction qui pouvait raffermir la position du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), se moqua de Houlays et lui dit pour l’intimider : « Assieds-toi ! Tu n’es qu’un bédouin qui ne connait rien[13]. »

 

- « O Qouraysh !, » éclata de colère Houlays, par Allah, ce n’est pas pour ce genre de choses que nous avons accepté d’être vos alliés ! Par Celui qui détient l’âme de Houlays entre Ses Mains, soit vous laissez Muhammad accomplir son pèlerinage, soit que je me retire avec les Ahabish avec la volonté d’un seul homme ! »

 

Ce fut un ultimatum qui secoua les Qouraysh plus que le retrait de ‘Ourwah Ibn Mas’oud car les Ahabish étaient en réalité plusieurs tribus (les Bani al-Hawn Ibn Khouzaymah, les Bani al-Harth Ibn ‘Abd al-Manaf Ibn Kinana et les Bani al-Moustaliq Ibn Khouzaymah qui sont devenus Qouraysh par la force de l’alliance). Leur puissance était incontestable. Se moquer de leur chef et l’insulter étaient loin d’être des actes diplomatique mais pire, c’était une grave faute politique et militaire surtout durant les circonstances présentes.

 

S’étant aperçus de leur erreur et même de leur position initiale injustifiée et irréfléchie, les Qouraysh commencèrent enfin à chercher une issue pour sortir de cet engrenage dans lequel ils s’étaient eux-mêmes engagés et cherchèrent à apaiser la colère de leur grand allié, le seigneur des Ahabish en le suppliant : « Doucement, ô Houlays, donne nous l’occasion de tirer (de Muhammad) ce qui nous satisfera (le pacte qu’ils vont signer avec le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)) ! »

En voyant que ses menaces avait fléchi la position des Mecquois, Houlays, cessa de manifester son opposition et resta au sein de l’alliance.

 

Qouraysh se retrouva alors dans une situation difficile : les Thaqif retirés, les Ahabish sur le point de le faire et les Khouza’i qui avaient déjà signé avec les Musulmans un pacte de non-agression, soutiendraient surement le Prophète dans le cas d’accrochages. De plus, les Mecquois n’étaient plus en mesure d’entrer seul dans une nouvelle guerre surtout après l’échec des Coalisés. Que faire devant des concessions qui pourraient affecter le rôle spirituel et politique de La Mecque dans toute l’Arabie qui était jusqu’à lors majoritairement polythéiste ? Quelle serait la réaction du reste des Arabes païens si Qouraysh laissait les Musulmans entrer à La Mecque sans leur manifester aucune résistance ?

 

Entre la guerre et la paix

 

Après la grande scission au sein de ses troupes, tout poussait à croire que les Qouraysh allaient adopter une position plus modérée en essayant d’apaiser les esprits emportés cependant il n’en fut rien et la grande tribu lâcha les rênes à ses aventuriers qui faillirent déclencher la guerre.

 

A Houdaybiyah, les Musulmans se retinrent et évitèrent tout ce qui pourrait engendrer des accrochages quand, ils furent tout à coup surpris la nuit par une incursion de soixante-dix cavaliers païens et n’étaient-ce les patrouilles de garde, ces polythéistes auraient fait un grand nombre de victimes mais malheureusement pour nos perfides, les Musulmans restèrent vigilants, leur firent face, les capturèrent tous et libérèrent les quelques Compagnons qui étaient tombés entre les mains des polythéistes sous le couvert de l’obscurité.

 

At-Tabari[14] a rapporté :

« Iyas Ibn Maslamah a rapporté que son père à lui seul captura quatre des assaillants polythéistes et qu’il (radhiyallahou ‘anhou) dit : « J’emmenai mes prisonniers chez le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et trouva mon oncle ‘Amir avec un prisonnier bardé. Le nombre de prisonniers qu’on emmena devant le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) était de soixante polythéistes. Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) les regarda puis nous dit : « Laissez-les ! On les reconnaitra comme étant les premiers à avoir agi avec perfidie. »

Il leur pardonna puis Allah Exalté révéla : « C’est Lui qui, dans la vallée de la Mecque, a écarté leurs mains de vous, de même qu’Il a écarté vos mains d’eux, après vous avoir fait triompher sur eux. Et Allah voit parfaitement ce que vous œuvrez. » (Qur’an 48/24)

 

Quant à al-Waqidi[15], il rapporta la version suivante :

« Qouraysh envoya de nuit cinquante hommes sous le commandement de Mikraz Ibn Hafs pour faire un raid sur les Musulmans mais Muhammad Ibn Maslamah, le chef de patrouille cette nuit, était sur ses garde de garde ; il put tous les capturer et les emmener devant le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Puis, un autre groupe de polythéistes tenta une deuxième incursion en attaquant les Musulmans et s’ensuivit un accrochage où l’on utilisa des flèches et des pierres. »

Enfin les Musulmans purent repousser les assaillants après avoir capturé plusieurs d’entre eux.

 

Jusque-là aucune victime n’était tombée dans les deux camps et il fallut attendre la mort de Zounaym, l’un des Compagnon, tué par la par une flèche d’un polythéiste, pour voir le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) donner l’ordre de poursuivre les agresseurs. On lui ramena alors douze cavaliers païens à qui il (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) demanda : « Ai-je un engagement envers vous ? Jouissez-vous d’un pacte de protection auprès de moi ? »

- « Non !, » répondirent-ils. Sur ce, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) les libéra toutefois car il ne voulait pas la guerre. Bien qu’il l’eut suffisamment prouvé et malgré ces agressions, il essaya encore une fois de convaincre les Mecquois de ses intentions pacifiques.

 

‘Uthman, l’émissaire du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) à La Mecque

 

Après le retour du premier émissaire qui faillit perdre la vie, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) chercha une deuxième personne. Il s’adressa en premier lieu à ‘Umar Ibn al-Khattab (radhiyallahou ‘anhou) mais celui-ci s’excusa de ne pouvoir accepter la mission en disant : « O Messager d’Allah ! Je crains pour ma personne ; je n’ai personne dans les Bani Ouday Ibn Ka’b[16] qui peut me protéger. De plus, Qouraysh est bien au courant de l’animosité que je lui réserve, (sans parler de mes positions) dures envers elle. Cela dit, je peux t’indiquer une personne qui bénéficie d’une protection plus importante ; ‘Uthman Ibn ‘Affan. »

 

Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) accepta ces excuses, appela ‘Uthman (radhiyallahou ‘anhou) sur-le-champ et lui ordonna : « Va chez Qouraysh et dit leur qu’on n’est pas venu pour faire la guerre. Nous ne sommes venus que pour visiter cette Demeure et exalté son (rang) sacré. Les bêtes du sacrifice sont avec nous, nous les sacrifierons puis nous partirons[17]. »  

 

Et ‘Uthman (radhiyallahou ‘anhou) partit vers La Mecque avec le message, écrit, ou oral[18]. A peine eut-il franchi les frontières du Sanctuaire qu’il croisa, dans la vallée de Baldah, un détachement de cavaliers polythéistes et ses membres étaient sur le point de l’attaquer quand tout à coup Aban Ibn Sa’id Ibn al-‘As Ibn Abi al-‘As Ibn Oumayya Ibn ‘Abd ash-Shams, un cousin, leur barra la route en leur disant : « O Qouraysh ! ‘Uthman Ibn ‘Affan est désormais sous ma protection. Que personne ne le touche ! »

 

Par ces paroles, Aban accorda à ‘Uthman la protection de toute la tribu des Bani ‘Abd ash-Shams. C’était une loi arabe non écrite et indiscutable : toute personne qui avait ayant une tribu pouvait accorder la protection de sa tribu à quiconque et tous les membres de cette dernière devaient respecter cet engagement ; si une personne agressait le protégé alors toute la tribu se lèverait contre lui. Il valait donc mieux respecter cette protection, d’autant plus que dans la circonstance présente, il s’agissait des Bani ‘Abd ash-Shams, une puissante tribu.

 

Désormais, ‘Uthman put circuler librement dans le camp des Qouraysh et ainsi, il contactera les chefs de La Mecque dans la vallée de Baldah et leur communiqua le message du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) qui contenait les points suivants :

1 - Que Qouraysh embrasse l’Islam ou qu’ils acceptent un accord de paix avec les Musulmans.

2 - De laisser le Prophète seul avec le reste des Arabes.

3 – Que le Prophète n’était pas venu pour faire la guerre pour faire le pèlerinage et ce n’est qu’après l’accomplissement de ce rite que les Musulmans quitteront La Mecque pour revenir à Médine.

 

Al-Waqidi[19] a rapporté :

« ‘Uthman trouva (les chefs) de Qouraysh à Baldah qui l’interrogèrent : « Où veux-tu aller ? »

- « Le Messager d’Allah m’a envoyé à vous. Il vous appelle à Allah Exalté et à l’Islam(en souhaitant) que vous l’embrassiez tous ; Allah Exalté donnera le dessus à Sa religion et à Son Prophète. Si vous n’êtes pas d’accord, voici une deuxième proposition : cesser vos actes de guerre contre lui. D’autre gens s’occuperont surement de cela à votre place. S’ils arrivent à vaincre Muhammad, c’est ce que vous cherchiez ; sinon vous aurez le choix entre accepter ce que les autres accepteront ou lui faire la guerre tout en étant capables et puissants. Quant à maintenant, la guerre vous a fatigués et abattu les meilleurs d’entre vous. Enfin, il faut que vous sachiez ceci : le Messager d’Allah vous dit qu’il n’est pas venu pour faire la guerre. Il n’est venu que pour accomplir le pèlerinage ; il a apporté avec lui les bêtes du sacrifice, sur lesquelles il a accroché des guirlandes et quand Il les immolera, il repartira. »

‘Uthman continua à leur parler de ce qu’ils refusèrent d’admettre : « Nous avons entendu ce que tu viens de dire. Cela ne se produira jamais. Il ne peut entrer (à La Mecque) malgré nous. Retourne chez lui et dis-lui qu’il ne nous affaiblira pas ! »

 

Après avoir informé les chefs Qouraysh qui étaient à Baldah des propositions du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), ‘Uthman se dirigea aussitôt vers La Mecque avec son protecteur Aban Ibn Sa’id pour rencontrer le reste des chefs et les mettre au courant des mêmes propositions. Il contacta alors Abou Soufyan Ibn Harb, le chef des Bani Oumayya et des Bani ‘Abd ash-Shams, ainsi que Safwan Ibn Oumayya et le reste des seigneurs.

 

Leur réponse ne différent pas beaucoup de celle des leurs qui étaient à Baldah.

Du fait de la protection des Bani Oumayya, personne n’osa faire du mal à ‘Uthman et il lui fut même proposé : « Si tu veux, tu peux faire tes processions autour de la Demeure ! »

Mais ‘Uthman refusa et répondit : « Je ne les ferai que lorsque le Messager d’Allah les fera[20]. »

 

Cependant dans le camp musulman, le bruit courut que ‘Uthman avait fait ses procession et quelques Compagnons dirent : « O Messager d’Allah, ‘Uthman a fait ses processions autour de la Demeure. »

- « Je ne crois pas que ‘Uthman a fait cela alors que nous sommes retenus là, » répliqua le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).

- « O Messager d’Allah, qu’est-ce qui l’empêchera de les faire s’il est arrivé à la Demeure ? »

- « Je crois qu’il fera ses processions que lorsque nous les ferons, » termina le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).

 

En effet, après son retour à Houdaybiyah, les Compagnons lui demandèrent : « O ‘Abdallah, as-tu fait ton rite autour de La Ka’ba ? »

- « Quelle mauvaise opinion vous avez de moi » s’indigna ‘Uthman ! « Si j’étais resté toute une année, je n’aurais jamais fait mes processions alors que le Prophète est à Houdaybiyah. D’ailleurs, Qouraysh m’a invité à les faire mais j’ai refusé. »

- « Vraiment, le Messager d’Allah était plus savant que nous. Son opinion (sur toi) était mieux que la nôtre[21]. »




[1] Ibn Hisham, Sirah t II, p 309.

[2] Al-Waqidi, Maghazi t II, p 583.

[3] C’est ainsi que les polythéistes appelaient les Musulmans.

[4] Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) fait allusion à l’expédition de l’Abyssin Abraha contre La Mecque. Ce général utilisa un éléphant pour son attaque. Toutefois, la bête s’arrêta et refusa de continuer son chemin.

[5] Ibn Hisham, t II, p 310.

[6] Al-Waqidi, Maghazi, t II, p 587.

[7] Al-Waqidi, Maghazi t II, p 206.

[8] Maghazi t II, p 593. V aussi Ibn Hajar, al-‘Isaba t1, p 421 et Ibn Hisham, Sirah, t II, p 314.

[9] Al-Waqidi, Maghazi t II, p 598.

[10] C’était le surnom de ‘Ourwah.

[11] Sirah al-Halabiya, t II, p 137.

[12] Leur endroit naturel n’est autre que le Sanctuaire.

[13] Al-Waqidi, t II, p 600.

[14] Tabari, Tarikh, t II, p 628.

[15] Maghazi, t II, p 602.

[16] La tribu de ‘Umar Ibn al-Khattab (radhiyallahou ‘anhou).

[17] Ibn Sa‘d, Tabaqat, t II, p 97.

[18] Il y a divergence.

[19] Maghazi, t II, p 600.

[20] Tabari, Tarikh, t II, p 631.

[21] Waqidi, Maghazi, t II, p 601