Le complot des Juifs

 Le difficile siège des Coalisés et comme il l’a été précédemment mentionné fut certes une agression arabe qourayshi et ghatafanit mais aussi juive dans son essence de par le financement effectif, les promesses séduisantes, les objectifs immédiats et lointains.
 
Les Juifs, par la force colossale des Coalisés, espéraient occuper Médine, battre les Musulmans à plate couture et détruire complètement l’Islam dans son fief. C’est ce point crucial qui unit les Coalisés sous le même étendart selon un plan bien conçu et bien mis au point par leurs stratèges.
 
Qouraysh, l’ennemi traditionnel des Musulmans, eut bien évidemment sa part de responsabilité dans la coordination de cette agression pour la bonne raison que les polythéistes Mecquois durent se rendre à l’évidence qu’ils ne pouvaient plus concrétiser seuls leur but, malgré leur courte victoire temporaire à Ouhoud, vite effacée par leur retrait du champ de bataille.
Si les Qouraysh en usant de leur puissance purent au début du conflit malmener et terroriser à La Mecque les premiers adeptes de l’Islam et le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) en profitant de 1eur faiblesse, ils les poussèrent aussi à s’exiler mais les Juifs, pour leur part, bien que cultivant leur haine pour l’Islam et son Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), ne purent faire de même car ce dernier, avant de s’installer à Médine, avait déjà formé un front militaire, constitué des tribus qahtani, les Aws et les Khazraj, qui permit de prévenir toute opération militaire subversive.
Bien qu’installée depuis longtemps, la communauté juive fondamentalement raciste ne sut jamais s’intégrer avec les Arabes, ou plutôt ne le voulut pas, et c’est peut-être à cause de cela qu’elle resta minoritaire mais très influente par son or et son argent.
Tout ce que tentèrent les Juifs contre la communauté de l’Islam se résuma à des machinations dans le but de diviser les Musulmans ainsi que des désobéissances qui avortèrent lamentablement, la dernière étant la tentative d’assassinat du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) par les Banou an-Nadr.
 
Ces derniers, humiliés, précipitèrent eux-même les évènements afin de concrétiser leur grand dessein qui était la destruction totale de la communauté de l’Islam, responsable, à leurs yeux, de la chute de leur pouvoir dans le principal centre de l’Arabie. Dès leur arrivée à Khaybar, leurs notables organisèrent réunion après réunion, jusqu’à l’élaboration finale du plan qui consistait à réunir le plus grand nombre de tribus arabes, particulièrement celles du Najd, de Kinana ainsi que de Qouraysh et les lancer sur Médine.
Le résultat direct de ce plan fut la constitution par l’assemblée des notables juifs d’une délégation qui eut pour mission de persuader les tribus arabes. Cette délégation se composait de :
- Houyay Ibn Akhtab, président,
- Sallam Ibn Abou al-Houqaya, membre,
- Houtha Ibn Qays al-Wa’ily, membre et,
- Abou ‘Amir, membre qui fut aussi le commandant du groupe des traitres d’Aws qui se retièrent lors de la bataille d’Ouhoud.
 
Cette délégation quitta Khaybar au début du mois de Sha’bane 04, soit une année après la bataille d’Ouhoud et seulement quatre mois après l’explusion de leur communauté de Médine, et se dirigea vers La Mecque en premier lieu bien que les tribus de Ghatafan au Najd se situaient plus près d’elle que les tribus du Hijaz.
 
Les cinq Juifs contactèrent donc d’abord les seigneurs de Qouraysh à qui ils exposèrent leur plan de constitution d’une union militaire tribale dont la mission serait la destruction de la jeune communauté musulmane.
A Dar an-Nadwa, les seigneurs qourayshi étudièrent la proposition juive en présence de la délégation, pour l’adopter enfin. Tout au début, des discussions, Abou Soufyan Ibn Harb, le commandant de l’armée mecquoise, leur souhaita la bienvenue et leur exprima la joie de Qouraysh : « Bienvenue parmi nous... Des gens, vous êtes les plus aimés de nous parce que vous nous appuyez contre Muhammad[1]. »
 
Puis, les Qouraysh demandèrent l’avis des Juifs sur l’Islam et l’Idolatrie car ils étaient des gens du Livre qui connaissant la religion mieux que quiconque. Leur réponse démontra une fois de plus leur maitrise de l’art de la calomnie, de la manipulation et de l’usage du faux malgré la vérité qu’ils connaissaient depuis longtemps : «... au contraire, votre religion est meilleure que sa (Muhammad) religion, et vous avez plus de droit que lui parce que vous magnifiez cette demeure (la Ka’bah) en abreuvant, en sacrifiant, et en adorant ce qu’adoraient vos ancêtres. » Et ils ne s’arrêtèrent pas là mais allèrent jusqu’à se prosterner devant les idoles de Qouraysh pour satisfaire la demande des seigneurs qourayshi[2]. »
 
Les assurances données, la date de l’offensive fixée, les six juifs se dirigèrent vers les terres du Najd et parlementèrent avec les seigneurs des tribus de Ghatafan. Pour gagner leur adhésion au projet, ils les informèrent de la position de Qouraysh qui se préparait déjà à l’invasion.
Les plus importants pourparlers de la délégation juive se déroulèrent avec le seigneur ‘Ouyayna Ibn Hisn al-Fizari parce le plus puissant des tribus Ghatafani, (l’ « idiot obéi, » selon le témoignage du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), en présence de :
- Al-Harith Ibn ‘Awf, le seigneur des Banou Mourra,
- Abou Mas’oud Ibn Rakhila, le seigneur des Banou Ashj,
- Soufyan Ibn ‘Abd ash-Shams, le seigneur des Banou Soulaym et,
- Talha Ibn Khouwaylid, le seigneur des Banou ‘Asd.
Et, en définitive, les seigneurs des ces tribus ghatafani approuvèrent le projet juif aussi séduits par le plan d’invasion de Médine. La réunion se termina par un accord sur la concrétisation scrupuleuse de ce plan.
 
Les clauses de l’accord conclu par la délégation juive avec les seigneurs de Ghatafan stipulaient que :
1. Les forces ghatafani compteraient six mille hommes dans l’armée unifiée qui envahiraient Médine. 
2. Les Juifs, en contrepartie, verseraient aux tribus Ghatafani, la totalité de la production annuelle dattière de Khaybar.
 
Ainsi, la délégation obtint la réussite totale de sa mission et retourna chez elle satisfaite de son long périple et d’avoir ligué dix mille hommes entre Qouraysh et Ghatafan contre les Musulmans qui ne virent jamais une forces aussi nombreuse dans toutes les guerres qu’ils mènerent contre leurs ennemis. Qouraysh s’extasia quand la délégation juive l’informa du résultat de l’accord avec les tribus ghatafani qui ne cachèrent pas non plus leur enthousiasme de voir enfin leur désir se réaliser après ses essais infructeux.

 
La mobilisation
 
Les préparatifs, la mobilisation des hommes, l’organisation et le ravitaillement commencèrent alors aussitôt pour la réussite de l’opération et des objectifs.
Qouraysh mobilisa quatre mille hommes y compri ceux de ses alliés et son armée, dans cette invasion, fut la mieux organisé, la mieux armée et la mieux ravitaillée. Elle eut comme moyens de transport mille cinq cents chameaux ainsi qu’une cavalerie estimée à trois cents éléments.
A Dar an-Nadwa, les Qouraysh tissèrent leur drapeau et le confièrent à ‘Uthman Ibn Talha al-‘Abd ad-Dar, le commandement de l’armée à Abou Soufyan Ibn Harb al-Amawi et celui de la cavalerie à Khalid Ibn al-Walid al-Makhzoumi. Tout ceci exécuté comme depuis for longtemps selon un code établi et respecté par les tribus qourayshi dont les responaslilités étaient toujours répartis comme suit :
- Le commandement de l’armée revenait aux Banou Oumayyah,
- Le port du drapeau qourayshi et celui d’al-Hijaba aux Banou ‘Abd ad-Dar,
- As-Saqiya et al-Rifad aux Banou Hashim et,
- Le commandement de la cavalerie aux Bani Makhzoum.
 
Pour plus de détermination à mener la guerre contre le Messager d Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), cinquante hommes réprésentants les composantes de Qouraysh sortirent autour de la Ka’bah, faisant vœux en se collant à ses murs et en s’accrochant à ses couvertures. Ils se jurèrent mutuellement ainsi de ne pas s’humilier les uns les autres et d’être unis comme les doigts d’une seule main contre Muhammad tant que vivrait un seul homme[3].
 
Quant aux tribus Ghatafan, elles tinrent aussi leur promesse et mobilisèrent de leurs rangs et de leurs alliés six mille hommes sans toutefois avoir une ferme organisation comme celle de Qouraysh, lors des guerres et nommèrent quatre commandants, selon les principales tribus :
1. Les Banou Fizara commandés par ‘Ouyayna Ibn Hisn Ibn Houdayfah Ibn Badr,
2. Les Banou Asd commandés par Toulayha Ibn Khouwaylid,
3. Les Banou Ashja’ commandés par Mas’oud Ibn Roukhayla Ibn Nouwayra et,
4. Les Banou Mourra commandés par al-Harith Ibn ‘Awf.

 
Les espions
 
De l’autre côté, Médine ne fut ni ni sourde et ni aveugle à ce qui se tramait contre elle et l’activité des espions, continuellement en alerte, intense. Ils suivirent ainsi pas à pas la délégation juive depuis son départ de Khaybar, restèrent constamment à l’écoute de ce qui fut dit entre la délégation et Qouraysh puis celle de Ghatafan et envoyèrent en temps et en heure toutes les informations capitales sur les pourparlers des Coalisés, la constitution de la coalition militaire tripartite (Qouraysh/Juifs/Ghatafan) et finalement le nombre précis de leurs troupes, les noms de leurs chefs et leur date deur départ pour Médine.
 
Aussitôt informé, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) commença aussitôt à prendre les mesures défensives d’urgence. Il réunit son état major dont les éléments permanents étaient en majorité les chefs des Ansar et des Mouhajirine.
Comme l’objectif des Coalisés était l’occupation de Médine, l’état-major étudia toute les propositions afin de prendre des décisions énergiques et efficaces pour la défense de la capitale de l’Islam, et discuta précisément de la question suivante : Fallait-il sortir de Médine et aller à la rencontre des Coalisés comme dans la plupart des expéditions ou se fortifier à Médine ?
Vu le nombre des dix mille guerriers des Coalisés qui se préparaient à investir Médine, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) fut en mesure de préparer une force estimée à plus forte évaluation à trois mille combattants, y compris les hypocrites dont les fourberies étaient à craindre le jour de la collision et il fut décidé que la principale ligne de défense serait établie dans la zone nord de Médine.
 
Bien que le choix de la plazce de défense fut excellent parce qu’il n’y avait pas de meilleure solution pour faire face et résister à l’envahisseur, le grand problème lors de la réflexion sur les plans de défense, qui gêna le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et son état-major et qui les angoissa aussi, fut celui de la manière de repousser les attaques de l’ennemi. Si les combattants musulmans se distinguaient par un rare courage et une foi pure et inébranlable, ils pourraient peut-être ne pas résister suffisement longtemps pour contenir les forces colossales des Coalisés. Ne dit-on pas que le nombre, la plus part du temps, vainc le courage ?
De ce fait, l’état-major du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) dut réfléchir plus d’une fois et approfondir la réflexion afin de trouver un moyen efficace tout en évitant une collision frontale avec les Coalisés pour éviter d’être tout simplement d’être surpasser par la masse et de la paralyser ou tout au moins empêcher leurs mouvements.
 
Durant l’étude de ce problématique sujet, Salman al-Farissi (radhiyallahou ‘anhou) qui était dans l’état-major, présenta au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) le chef suprême de l’armée, une idée qui l’emporta rapidement et qui dissipa aussi vite l’angoisse des Musulmans. La mise en œuvre de ce plan défensif allait peser énormément sur le cours des évènements, paralyser totalement l’agressivité des Coalisés et déjouer en définitive avec succès leur invasion.
 
La proposition de Salman al-Farissi fut de creuser un profond fossé tout le long de la zone prévue pour l’invasion des troupes coalisées dans la plaine située au nord-ouest de Médine selon les renseignements collectés et avant leur arrivée. Il dit au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) après la présentation de son projet : « O Messager d’Allah ! Chez nous, en Perse, quand nous redoutons la cavalerie, nous nous retranchons. » Et en résumé, il fut décidé :
1. Que les Musulmans restèreraient à l’intérieur et n’affronteraient pas directement les Coalisés.
2. Que les principales lignes de défense seraient dans la zone nord de Médine, pratiquement, devant la montagne de Sil’et qui couvrirait le dos du poste de commandement du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).
3. De creuser un fossé qui serait une barrière entre les Musulmans et les Coalisés.
4. D’évacuer de Médine les femmes, les enfants et les vieillards, de les éloigner des dangers et de les rassembler dans un lieu sur.
5. De monter la garde nuit et jour autour de Médine par des patrouilles désignées à cet effet.
 
Le choix de la zone nord, pour principale position de l’armée musulmane, fut stratégiquement le bon choix car c’était la seule région découverte qui permettait s’attaquer à Médine, les autres étant toutes couvertes de palmiers, d’arbres, de constructions imbriquées et des barrières naturelles qui ne permettaient pas à un ennemi de mener une bataille sur un large front. La seule endroit acceptable pour une armée de grande envergure et pour ce type de combat était par conséquent la zone nord caractérisée par de larges accès et de grands espaces et c’est dans cette zone que fut décidé de creuser le long et profond fossé.
 
La carte établie projetait de creuser une tranchée principale en forme d’arc allant de la limite ouest de la montagne Sil’ jusqu’à la limite de Hirra al-Wabra à l’ouest de Médine, couvrant jusqu’aux limites de Hirra Waqam à l’est de Médine. D’autres tranchées secondaires communicantes furent aussi prévues; de la principale tranchée du côté ouest de Sil’ jusqu’au point de rencontre de la vallée Batchan avec Ranouna.
Respectant scrupulsement ce plan, le fossé fut immédiatement creusé et le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) y participa en personne jusqu’à la fin des travaux et ce furent les combattants musulmans qui, avec abnégation, détermination et attention, accomplirent seuls la tache bien avant l’arrivée des Coalisés aux abords de Médine car ils n’avaient pas d’esclaves pour faire ces travaux éreintants.
 
Alors que le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et les combattants musulmans vaquaient à leur tâche et ne se reposaient qu’à la tombée de la nuit, les Juifs des Banou Qouraydah regardaient sans prendre aucune peine à participer aux travaux bien qu’ils étaient des habitants de Yathrib et signataire du pacte avec les Musulmans et ce fut là leur première transgression.
 
En plus de l’excavation exténuante du fossé, les conditions de vie des Musulmans étaient très pénibles à l’époque en plus du fait que c’était une année de disette et que les Musulmans ne pouvaient manger à leur faim et n’avaient pour vivres que quelques dattes. Le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), en creusant, se serrait le ventre avec des pierres à cause de la faim.
Ibn Ishaq sur la base du témoignage de Sa’id Ibn Mina rapporta : « Une fille de Bashir Ibn Sa’d, la sœur d’an-Nou’man Ibn Bashir, a dit : « Ma mère ‘Amra Bint Rawahah me donna une poignée de dattes et me dit : « Ma petite fille, va donner ce repas à ton père et à ton oncle (maternel) ‘AbdAllah Ibn Rawahah. » Je les ai prises et je suis allée à la recherche de mon père et de mon oncle. En passant près du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), celui-ci m’appela : « Viens, petite fille. C’est quoi cela (que tu tiens) ? » 
- « O Messager d’Allah, des dattes que ma mère m’a donné pour mon père Bashir Ibn Sa’d et mon oncle maternel ‘AbdAllah Ibn Rawahah, » lui répondis-je.
- « Apporte-les, » m’a-t-il dit.
Alors, je les ai déposées dans les mains du Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) sans qu’elles ne les remplissent. Puis il demanda un drap sur lequel il les répandit et a dit à un homme près de lui : « Appelle les hommes pour qu’ils viennent manger. »
 
En plus de cette disette, le climat était très froid et les vents violents et gênants.
Al-Boukhari, rapporta que Sahl Ibn Sa’d dit : « Nous étions avec le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) dans la tranchée. Les autres creusaient tandis que nous, nous transportions la terre sur nos épaules, alors que le Messager (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) reprenait (un vers) :
« Allah ! Il n’y a de véritable vie que celle de l’au-delà. Accorde donc Ton pardon aux Ansar et aux Mouhajirine ! »
Al-Boukhari, citant cette fois Anas rapporta : « Les Mouhajirine et les Ansar creusaient par un temps froid sachant qu’ils n’avaient pas d’esclaves pour faire ce travail à leur place. Voyant ce qu’ils enduraient comme souffrance et comme faim, le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) disait : « Allah ! Il n’y a de véritable vie que celle de l’au-delà. Accorde donc Ton pardon aux Ansar et aux Mouhajiroun. »
Et, eux lui répondaient : « C’est nous qui avons porté allégeance à Muhammad et de lutter jusqu’au dernier souffle de notre vie. »
 
Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) était parmi les combattants, creusait comme eux et transportait les sacs de terre comme eux. Al Boukhari rapporta qu’al-Bara' dit : « A l’époque des Coalisés, je l’ai vu (le Messager d’Allah) transporter de la terre du fossé. Il fredonnait des poésies. Je l’ai entend reprendre la poésie d’Ibn Rawahah tout en transportant de la terre : « O Grand Allah ! Si ce n’était pas Toi.
Point de droit chemin n’aurions-nous trouvé.
Point de charité, n’aurions-nous donné.
Et point de prosternation n’aurions-nous fait.
Fais descendre sur nous calme et sérénité 
Et s’ils veulent des troubles nous les repousserons. »
 
Dans le Sahih al-Bouhkari, il est rapporté que Jabir a dit : « Nous étions à cette époque (des Coalisés) en train de creuser, quand un rocher très dur vint empêcher la poursuite de l’excavation. Ils vinrent trouver le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et lui dirent : « Il y a un rocher dans le fossé qui nous empêche d’avancer. » Il se dirigea donc vers ce roc alors qu’il serrait son ventre avec des pierres (à cause de la faim) car nous n’avions pas mangé depuis trois jours puis il prit un épieu de fer et frappa si bien le roc qu’il devint un tas de gravas près à être emporté. »
 
Malgré l’angoisse et la crainte qui régnaient dans l’attente de l’arrivée des troupes des Coalisés, les Musulmans travaillaient avec assurance, sérénité et détermination prenant exemple sur leur guide le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) qui parlait sans manière, plaisantait et provoquait la bonne humeur.
C’était une belle scène ! Muhammad Ibn ‘AbdAllah le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), le chef qui creusait dans la tranchée, creusait avec une pioche ou un épieu de fer, qui se courbait pour prendre sur son dos les sacs remplis de terre et chantait avec ses Compagnons[4].
Ce climat de travail sérieux ne manquait pas de légèretés qui insuflaient de la bonne humeur dans le cœur des Musulmans qui peinaient à creuser. Zayd Ibn Thabit, par exemple, qui était alors jeune adolescent et qui participait au transport des sacs de terre, ne résista pas un jour au sommeil dans le fossé dès qu’il sentit un peu de chaleur (dehors, il faisait très froid). ‘Oumara Ibn Hizam, qui le vit endormi, lui subtilisa son arme pour plaisanter. Quand il se réveilla, il remarqua la disparition de son arme et paniqua alors. Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), qui se trouvait tout près lui dit en plaisantant : « Ô Abou Rouqad! (ô père de l’endormi), tu t’es endormi si bien que ton arme s’est envolée. » Ensuite il se retourna et demanda : « Qui sait où se trouve l’arme de cet adolescent ? »
- « O Messager d’Allah, j’ai son arme, » répondit ‘Oumara.
- « Rends-la lui, » dit le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et à l’occasion, il exhorta le Musulman à ne pas effrayer dorénavant son Compagnon musulman.

Masjid al-Khandaq

 

Al-Mounafiqin

 

Les choses ne furent pas toujours parfaites pour autant et les Musulmans firent face aux attitudes et aux difficultés dont l’origine était sans aucun doute des hypocrites qui bien qu’ils affichaient l’Islam, ces derniers se découvrirent par des actes, qu’ils n’aimaient pas l’Islam et le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam).

 

Par les rôles qu’ils tinrent, depuis les préparatifs jusqu’au siège, les hypocrites démontrèrent des comportements déshonorants et infects ; ils ne s’attardèrent pas dans les travaux de creusage, et s’ils participaient avec les Musulmans, ils ne faisaient que la tâche la plus insignifiante. En plus de cette paresse excessivement volontaire, ils entreprirent des actions de sabotage, en incitant les faibles de caractère à diminuer de vigueur dans les tranchées, dans le but de retarder les travaux jusqu’à l’arrivée des Coalisés.

 

Malgré les ordres militaires stricts et clairs de ne quitter leur poste qu’après l’accord du chef (le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam)), les hypocrites abandonnèrent régulièrement le travail pour rentrer secrètement chez eux. Cependant, les Musulmans conscients des conditions exceptionnelles, savaient qu’ils étaient de leur devoir de poursuivre les travaux d’excavation. Et si un Musulman quittait son poste pour un besoin pressant, il ne le faisait pas avant d’avoir demandé la permission au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) puis regagnait sans s’attarder son poste de travail.

 

Allah Exalté parle de ce genre d’homme : « Les vrais croyants sont ceux qui croient en Allah et en Son messager, et qui, lorsqu’ils sont en sa compagnie pour une affaire d’intérêt général, ne s’en vont pas avant de lui avoir demandé la permission. Ceux qui te demandent cette permission sont ceux qui croient en Allah et en Son messager. Si donc ils te demandent la permission pour une affaire personnelle, donne-la à qui tu veux d’entre eux ; et implore le pardon d’Allah pour eux, car Allah est Pardonneur et Miséricordieux. » (Qur’an 24/62)

 

Il, à Lui les Louanges et la Gloire, parle aussi des hypocrites : « Ne considérez pas l’appel du messager comme un appel que vous vous adresseriez les uns aux autres. Allah connaît certes ceux des vôtres qui s’en vont secrètement en s’entrecachant. Que ceux, donc, qui s’opposent à son commandement prennent garde qu’une épreuve ne les atteigne, ou que ne les atteigne un châtiment douloureux. » (Qur’an 24/63)

 

Mais leurs activités sournoises et leur paresse de façade n’influencèrent pas la marche des opérations. Les Compagnons du Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) déployèrent une détermination et une force de caractère exemplaires et purent terminer les travaux plusieurs jours avant l’arrivée des Coalisés.

 

Chaque groupe de dix Compagnons accomplit sa mission en creusant une surface de quarante bras de long sur neuf bras de large pour une profondeur de sept bras (environ 25x4x3m). Le fossé dont l’excavation duré un mois était donc d’une longueur de cinq mille bras. Cette ligne de défense devint, pour Médine et les Musulmans, une véritable forteresse qui n’allait être défiée que par des actions hasardeuses et suicidaires.

 

En plus de cette ligne de défense, la ville tira avantage des constructions imbriquées et le fait qu’elles étaient aussi entourées de jardins de palmiers et d’arbres fruitiers denses. D’autres barrières naturelles rendaient l’accès à la ville difficile des trois autre  directions : l’Est, l’Ouest et le Sud, de vastes surfaces parsemées de rochers noirs et pointus qui étaient impossible à traverser pour quiconque (cavalier ou piéton). Par ces barrières naturelles et la tranchée, le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) et son état-major isolèrent complètement les troupes ennemies et les éloignèrent de lieu de rassemblement de l’armée musulmane pour veiller à la défense de la ville, réalisant ainsi le plan primordial qui consistait à éviter l’affrontement direct.

 

Les Musulmans se retranchèrent donc derrière ce long fossé de deux kilomètres de long et tirèrent profit des terrains rocheux et impraticables et de la montagne au pied de laquelle ils se positionnèrent face aux Coalisés si bien que lorsque ces derniers arrivèrent avec leurs troupes, ils trouvèrent le seul accès possible pour une attaque bien défendu et hermétique.

 

L’armée Musulmane

 

L’excavation du fossé achevé, les combattants musulmans  fin prêts ; ils guettèrent alors l’arrivée imminente des forces coalisés. Des patrouilles furent détachées aux abords de Médine pour surveiller la région et pour prévenir particulièrement toute mauvaise surprise des Banou Qouraydah malgré le pacte d’alliance qui les liaient.

 

Le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) passa son armée en revue et l’organisa en deux groupes :

1. Les Mouhajirine dont le drapeau fut confié à son affranchi, Zayd Ibn Haritha et,

2. Les Ansar dont le drapeau fut confié à Sa’d Ibn ‘Oubadah et la majorité des combattants étaient des Ansar, comme d’habitude.

 

Lors de la revue des troupes, les jeunes musulmans qui voulaient intégrer les rangs de l’armée furent présentés au Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) mais il n’accorda sa permission qu’aux jeunes de quinze ans : ‘AbdAllah Ibn ‘Umar Ibn al-Khattab, Zayd Ibn Thabit, Abou Sa’id al-Khoudri et al-Bara' Ibn ‘Azib.

 

Puis, comme à son habitude avant de sortir pour les batailles, il signa un décret par lequel il nomma Ibn ‘Oum Maktoum comme émir de Médine en son absence jusqu’à la fin de la bataille qui s’annonçait. Il choisit aussi une force spéciale répartie en deux groupes dont la mission était de patrouiller dans Médine et aux alentours, particulièrement au sud, là où habitaient les Banou Qouraydah. Le premier groupe était sous le commandement de Zayd Ibn Haritha et l’autre sous le commandement de Maslamah Ibn Aslam. Il ordonna aussi que les femmes et les enfants se rendent dans les fortins afin de les protéger des Banou Qouraydah dont la traitrise était attendue.

 

Les Coalisés se mettent en marche

 

Quant aux Coalisés, ils se mirent en marche après qu’ils eurent rassemblé leurs troupes et terminé leurs préparatifs. Ghatafan et ses alliés réunirent six mille hommes tandis que Qouraysh et ses alliés quatre mille dont sept cents hommes des Banou Soulaym sous le commandement de Soufyan Ibn ‘Abd ash-Shams, l’allié des Banou Oumayyah. Ces sept cents guerriers rejoignirent les troupes mecquoises au lieudit Dhahran qui se trouvait à une étape de marche de La Mecque. Quant aux Juifs, leurs troupes, comme convenu entre la délégation juive et Qouraysh, étaient celles des Banou Qouraydah qui habitaient au sud de Médine. Houyay Ibn ‘Akhtab avait promis aux chefs des Coalisés que son armée attaquerait le dos des Musulmans.

 

Comme prévu, Abou Soufyan, le chef suprême des Coalisés, arriva avec ses troupes aux abords de Médine au début de Shawwal de l’an 04 de l’Hégire. Dix mille hommes aidés et encouragés par deux mille autres juifs de Médine face à trois mille Musulmans à plus grande estimation.

 

A propos du nombre des combattants musulmans, Ibn Hazm a rapporté dans son livre Jawami’as-Sirah, p.187 que l’armée musulmane n’excéda pas les neuf cents hommes dans le siège des Coalisés et à mon humble avis, cette évaluation est plus proche du bon sens, surtout après le retrait des hypocrites qui formaient la grande partie de l’armée, laissant les Musulmans seuls dans la tourmente et dans une situation qui se durcit de jour en jour.

Notre penchant pour le point de vue de l’Imam Ibn Hazm s’explique par les éléments suivants :

a - L’armée qui mena la bataille de Ouhoud et c’était toute la force disponible de Médine, ne dépassa pas les sept cents hommes et quiconque savait manier une arme ne rata pas cette bataille.

b - L’intervalle qui sépara le siège des Coalisés de la bataille d’Ouhoud ne dépassa pas une année, une année d’une âpre lutte entre l’Islam et l’idolâtrie dans tout l’Arabie, particulièrement dans les régions voisines de Médine.

c - Par conséquent, il est certain que les nouveaux convertis pour cette période furent peu nombreux et donc qu’il est très peu probable que les effectifs de l’armée musulmane se soit élever à plus de sept cents jusqu’à trois mille combattants.

d - Le point de vue d’Ibn Hazm fut solidement appuyé par des témoignages historiques de valeur, comme celui de Houdayfah Ibn al-Yaman dans rapporté dans al-Bidayah wa an-Nihayah qui affirma que dans les dernières nuits déterminantes, trois cents hommes seulement, ou un nombre approximatif, restèrent avec le Prophète (sallallahou ‘aleyhi wa sallam) face aux Coalisés.

e - Si l’armée musulmane qui résista aux Coalisés toutes ces longues nuits fut de trois mille combattants, ces derniers n’auraient pas ressenti cette peur écrasante qui les toucha comme cela est indiqué dans le Noble Qur’an : « Quand ils vous vinrent d’en haut et d’en bas [de toutes parts], et que les regards étaient troublés, et les cœurs remontaient aux gorges, et vous faisiez sur Allah toutes sortes de suppositions. Les croyants furent alors éprouvés et secoués d’une dure secousse. » (Qur’an 33/10-11)

 

D’autre part si la proportion des Musulmans, dans le cas où l’armée était de 3000 hommes, fut de un contre trois ; cela n’était pas la première fois. Dans la bataille d’Ouhoud, la proportion était d’un contre quatre et sept cents combattants luttèrent contre trois mille guerriers dans une plaine sans obstacles et ni tranchée et purent au début de la bataille, leur faire subir si l’on peut dire, un échec humiliant qui allait se transformer en une débâcle si ce n’était l’erreur des archers.

 

Alors comment la peur et la panique atteignit un tel degré alors que les Musulmans étaient retranchés dans leur ville comme s’ils étaient dans une forteresse imprenable, sachant que leur proportion était de un contre trois, une proportion presqu’équivalente à celle de la bataille d’Ouhoud ?

 

Est-ce que le courage, la détermination et l’audace faiblirent à ce point en intensité dans les rangs des Musulmans à tel point que la peur et la panique atteignit ce niveau alarmant alors que la proportion en hommes était moins élevée qu’à Ouhoud ? La véritable réponse est bien évidemment non car les Musulmans, après la bataille d’Ouhoud devinrent  plus courageux, plus déterminés et audacieux.

Par conséquent, cette peur et cette panique pendant le siège est due au fait que les Musulmans ressemblaient à une petite ile menacée de disparition par un océan en furie.

En effet, cette réunion de forces ennemies dont la proportion atteignit dix contre un musulman, les Juifs qui attendaient le moment propice, la sédition des hypocrites dans l’armée sont autant d’éléments de l’origine de la peur et de la panique chez les Musulmans.

 

Ainsi, le point de vue de l’Imam Ibn Hazm qui dit que l’armée des Musulmans, lors du siège des Coalisés, était composée de neuf cents hommes seulement est tout à fait juste cependant, on ne doit pas écarter le fait qu’au début, lorsque les hypocrites étaient encore dans leurs rangs, l’armée atteignit deux mille hommes ou plus et qu’au fur et à mesure de l’approche des Coalisés devant Médine, l’effectif diminua après la désertion des hypocrites et finalement, il ne restait sur le front que neuf cents combattants croyants qui ne doutèrent pas un seul instant dans le Messager d’Allah (sallallahou ‘aleyhi wa sallam). Ainsi, et seulement ainsi, on peut avoir une explication convaincante pour cette frayeur extraordinaire.



[1] As-Sirah al-Halabiya, t. II, p: 96, éd. al-Halabi.

[2] As-Sirah al-Halabiya, t. II, p: 96, éd. al-Halabi.

[3] As-Sirah al-Halabiya, t. II, p: 96.

[4] Fi Zilal al-Qur’an, t. II, p: 147.