Le Sixième Sultan Ottoman 



 

 

Règne : 824 - 848 (1421-1444) (Premier Mandat)

              850 - 855 (1446-1451) (Second Mandat)

Titres honorifiques et pseudonymes : Abou al-Khayrat (le Père des Biens).

Nom du Père : Muhammad Chalabi.

Nom de la Mère : Amina Khatoun (des Doulkadiride).

Lieu et date de naissance : Amasya, Mouharram 807 (juillet 1404).

Poste avant le règne : Gouverneur d’Amasya.

Âge à l’accession au trône : 17 ans.

Date du décès : 1 Mouharram 1451 (le 3 février 1451).

Lieu de décès et de sépulture : Edirne. Sa tombe se trouve à Bursa.

Héritiers : Muhammad II, Ahmed, ‘Ala’ ad-Din, Orkhan, Hassan et Ahmed.

Héritières : Sultan Shehzade et Sultan Fatima.

 

Le Sultan Muhammad Chalabi était déjà décédé à Edirne au moment où son fils aîné Shehzade Mourad atteignit Bursa, conformément au souhait de son père mourant. La mort du Sultan fut conservée comme un secret d’empire pour éviter d’éventuels conflits et la libération de Mustafa Chalabi par Byzance. Quand il monta sur le trône en tant que successeur de son père, Mourad II entreprit le plus grand défi de sa vie alors qu’il était âgé de seulement dix-sept ans (18, selon certains autres historiens).

 

Parmi les frères du Sultan Mourad, Shehzade Mustafa avait douze ans et se trouvait à Hamidili, une principauté frontière. Shehzade Youssouf avait huit ans et Shehzade Mahmoud avait sept ans. Muhammad Chalabi qui avait trop bien connu les conflits fraternels pour laisser ses fils se battre et s’entretuer, conclut un accord avec l’Empereur Byzantin que l’incident de Mustafa le Prétendant ne se reproduise plus de nouveau. L’accord stipulait que Shehzade Mourad serait son successeur et que Shehzade Mustafa administrerait l’Anatolie. De plus, que Byzance ne libérerait pas Mustafa Chalabi et, en retour, les frères plus jeunes, Youssouf et Mahmoud, seraient envoyés à l’Empereur Byzantin, les dépenses incluses étant à la charge des Ottomans. Le Sultan Mourad II, cependant, refusa d’envoyer ses frères plus jeunes à Byzance. Ainsi Byzance envoya Mustafa Chalabi, le fils de Yildirim Bayazid et fit valoir qu’il était le Sultan légitime de Gallipoli avec Jounayd Bey de l’Émirat d’Aydin, afin qu’il puisse contester le trône. Mustafa Chalabi accepta de retourner une telle faveur à Manuel, l’Empereur Byzantin, par la remise de la région de Thessalie et Gallipoli aussitôt qu’il reprendrait le trône.

 

Mustafa Chalabi, l’oncle de Mourad II, soutenu par Byzance fut envoyé à Gallipoli avec une flotte navale et il n’était pas la seule difficulté à laquelle allait être confronté Mourad II car les principautés en Anatolie rejoignirent l’opposition. Les Germiyanide affirmèrent qu’ils ne reconnaissaient pas l’autorité du Sultan Mourad Il et qu’ils soutenaient Mustafa Chalabi. Les Karamanides occupèrent les terres des Khamidi et les Mentesheoolous occupèrent les terres de l’Émirat d’Aydin et des Sarouhanide. Lorsque le Jandaride Isfendiyar Bey reprit les terres que Muhammad Chalabi avait cédées à Qassim, le fils d’Isfendiyar, l’Empire Ottoman se dirigea vers un conflit civil.

 

Après avoir débarqué à Gallipoli, Mustafa Chalabi quitta Jounayd Bey l’Aydinide pour capturer le fort de Gallipoli avant de se rendre à Edirne. Bien que le Sultan Mourad II ait placé ses espoirs dans le Rumillien Beylerbeyi Bayazid Bacha, qu’il dirigea vers son oncle, les forces de Bayazid Bacha rejoignirent inopinément les rangs de Mustafa Chalabi. Le jeune Sultan se retrouva bloqué. Mustafa Chalabi entra dans la ville d’Edirne et proclama sa régence. Le fort de Gallipoli, qui était en état de siège, lui emboîta le pas. Bayazid Bacha, qui trahit et combattit pour Mustafa Chalabi, fut exécuté et les masses acceptèrent sans hésitation Mustafa Chalabi comme Sultan.

 

Mustafa Chalabi ne tint pas sa promesse de remettre Gallipoli à l’Empereur Byzantin Manuel, ce qui amena Byzance à annuler son soutien. Pendant ce temps, Mourad II annula les dettes des Génois et en retour, Gênes lui offrit un soutien naval et une vingtaine de soldats. En conséquence, un équilibre des forces fut maintenu face à Mustafa Chalabi qui détenait la marine ottomane, les forces rumilliennes et les voies d’accès depuis Gallipoli.

 

Sans se soucier, Mustafa Chalabi se dirigea vers Bursa et parvint jusqu’à Ouloubat, forçant le Sultan Mourad II dans un bourbier. Cette fois, Mourad II était bien préparé à faire face, sur le plan diplomatique, à son oncle paternel. Tout d’abord, il promit d’accorder les provinces d’Izmir et d’Aydin à Jounayd Bey, le plus grand partisan de Mustafa Chalabi, qui se dissocia aussitôt de Mustafa Chalabi. Puis, il envoya ensuite ses commandants rencontrer les Beys frontaliers et les soldats de Roumélie. Sa stratégie permit aussi à les gagner à ses côtés. Ainsi, les forces de Mustafa Chalabi furent diminuées, ce qui entraîna un reflux psychologique encore plus grand dans le camp de Mustafa Chalabi. Mustafa Chalabi. Son armée fut affaiblie mais elle pouvait encore annihiler l’armée du Sultan Mourad II. Avec l’aide des génois, le Sultan put chasser Mustafa Chalabi, qui s’était retiré à Edirne, et finalement le capturer. Mustafa Chalabi qui organisa une rébellion notoire avec le soutien byzantin fit massacrer de nombreux Musulmans, ce qu’il paya de sa vie en  825 (1422).

 

Peu de temps après, le Sultan assiégea Istanbul pour punir Byzance, qui avait systématiquement et continuellement manipulé Mustafa Chalabi à se battre pour le trône, qui avait fait couler le sang et empêché les Ottomans de mener des ghazwa sous la forme de campagnes militaires. Au cours du siège de 825 (1422), l’incident de Shehzade Mustafa se renouvela.

Cette fois, Shehzade Mustafa, âgé de treize ans, suivant le chemin de son oncle paternel, acquit le soutien des principautés karamanide et germiyanide et assiégea Bursa. Le Sultan Mourad II replia la remarquable division de son armée du siège d’Istanbul et se rendit à Edirne. Les soldats de Mourad II conduits par Mihaloglu réussirent à disloquer les forces de Shehzade Mustafa. Le jeune Shehzade se réfugia d’abord chez l’Empereur Byzantin avant de se rendre à Iznik avec le soutien de l’Empereur. Après avoir été informé du soutien byzantin donné au Shehzade, Mourad II marcha sur Iznik. À la suite de combats acharnés, Shehzade Mustafa et ses associés furent exécutés, ce qui empêcha le risque de cette sédition susceptible de se propager en 826 (1423).

 

Après avoir écrasé son oncle paternel rebelle Mustafa Chalabi et son frère Shehzade Mustafa, le Sultan Mourad II continua à travailler pour la réalisation de l’unité en Anatolie. Pour commencer, il regagna la loyauté du Jandaride Isfendiyar Bey à son empire. L’Aydinide Jounayd Bey avait appuyé Shehzade Mustafa Chalabi et défié l’Empire Ottoman maintes fois et de nouveau. Par conséquent, Mourad II envoya dans la région Hamza Bacha, le Beylerbeyi d’Anatolie, pour finalement capturer Izmir. Les principautés d’Aydin, Menteshe et Teke furent capturées. Les Germiyanide furent réintégrés dans l’Empire Ottoman, car son souverain, le Germiyanide Ya’qoub Bey, sans aucun héritier mâle, le souhaita après sa mort en 832 (1429). Ainsi, la sécurité des rives égéennes fut de nouveau rétablie.

 

Une lutte pour le trône dans la principauté de Karamanide entraîna la mort du Karamanide Muhammad Bey. Durant la compétition, le Sultan Mourad II aida Ibrahim Bey à prendre la tête des Karamanides. Malgré tout, et malgré le fait que Mourad II avait marié sa sœur à Ibrahim Bey pour créer un lien de parenté avec les Karamanides, le nouveau dirigeant Karamanide, Ibrahim Bey, maintint son attitude d’hostilité contre l’Empire Ottoman et s’allia avec les Hongrois. Mourad II fut obligé de marcher sur les Karamanides. Au cours de cette campagne, Ibrahim Bey fut écrasé et demanda grâce ; Mourad II lui pardonna, le maintint à la tête de sa principauté et retourna à Edirne.

 

Durant le règne de Mourad II, le territoire ottoman s’étendit de la Macédoine à l’Adriatique et jusqu’aux côtes orientales et occidentales de la Mer Égée. Cette expansion déconcerta complètement les Vénitiens, la principale puissance navale de la région à cette époque. Le fait même que les Vénitiens détenaient une forte puissance navale et une grande partie des îles de la Mer Égée qui avaient été sous leur possession laissa entrevoir la possibilité que les Vénitiens puissent détacher les liens ottomans entre l’Anatolie et la Roumélie, les terres ottomanes en Europe.

 

Le Sultan Mourad II plaça alors toute son armée du côté roumain. En 833 de l’Hégire (1430), il occupa Salonique, la ville portuaire macédonienne stratégique, et la reprit aux Vénitiens, à qui Byzance avait autrefois donné la ville. L’année suivante, les conquêtes d’Ioannina et de Serres dans le nord de la Grèce donnèrent aux Ottomans une solide emprise sur le sud de l’Albanie.

 

Les Serbes livrèrent Belgrade aux Hongrois après les guerres ottomane-vénitiennes. De plus, les Valais et les Bosniaques refusèrent de se soumettre aux Ottomans ; par conséquent, les Hongrois, les Serbes, les Bosniaques et les Valaques formèrent une alliance contre l’Empire Ottoman, ce qui ouvrira la voie à l’alliance croisée qui émergera par la suite.

 

En Hongrie, au cours de la course au trône consécutive à la mort du roi hongrois Sigismond, les forces ottomanes capturèrent Smederevo (Semendria), le centre vital des Serbes dans les Balkans, en 842 (1439). Elles mirent ainsi fin au despotisme serbe dans la région, firent pression sur la Bosnie-Herzégovine et une tentative manquée de capturer Belgrade.

 

En fait, l’échec du siège de Belgrade fut le signe avant-coureur d’une séquence de défaites. Hunyadi Janos, le nouveau Voïvode de Transylvanie nommé par le Roi Ladislas, monta sur le trône hongrois, s’attaqua aux Ottomans et récupéra avec succès Smederevo sur le Danube, signalant aux Ottomans que de nouvelles pertes territoriales s’ensuivraient. Venise accueillit avec enthousiasme la nouvelle de la défaite ottomane et les Vénitiens la célébrèrent pendant des jours. Pire encore, la défaite encouragea les Karamanide de retour en Anatolie à agir contre les Ottomans et ils marchèrent sur Akchehir et Beychehir. La chaîne de catastrophe fut suivie par le martyre de Mezid Bey, le Bey de frontière de la Serbie, dans une embuscade en 844 (1441), et en (845) 1442 la défaite de l’armée ottomane commandée par Shihab ad-Din Shahin Bacha, le Beylerbeyi de Roumélie. Pendant ce temps, le Sultan Mourad II marcha sur les Karamanides. Renforcé par les forces de Shehzade ‘Ala’ ad-Din d’Amasya, il vainquit les Karamanide et les Ottomans capturèrent Konya et Larende. Le Sultan Mourad II, qui devait faire face à la situation instable de Roumélie, signa un traité de paix avec les Karamanide et retourna à Edirne.

 

La série de défaites subies par les Ottomans en Europe procura aux Européens une joie et une excitation extraordinaire et l’idée d’éloigner les musulmans des Balkans à l’aide d’une nouvelle croisade refit surface. De même, Byzance reconnut la croisade comme le seul moyen de se débarrasser des Ottomans. En 840 (1437), Byzantine aida à la signature d’un pacte stipulant la collaboration des Églises orthodoxe et catholique et la création d’une croisade. Enfin, l’armée croisée, dirigée par le Roi hongrois de Voïvodie de Transylvanie Hunyadi Janos Ladislas, le despote serbe et le prince valaque, traversèrent le Danube pour se rendre sur les terres ottomanes. La première bataille éclata près de Nis entre les escadrons de pionniers ottomans et les croisés. Les Ottomans subirent une autre défaite, perdant Nis et Sofia en 847 (1443).

 

Mourad II affronta cette armée de croisés au passage d’Izladi (Zlatitsa) et l’interrompue partiellement. Les croisés se retirèrent à cause des rudes conditions hivernales. Cependant, l’avancée des Hongrois à l’intérieur des Balkans entraîna de nouveaux développements. L’Albanais Iskender Bey (également connu sous le nom de Skanderbeg) s’échappa du champ de bataille pendant la guerre contre les Hongrois et se révolta dans son pays. Puis le Sultan Mourad II reçut une nouvelle qui l’écrasa : son fils aîné préféré, ‘Ala' ad-Din Ali Chalabi, avait décédé subitement à Amasya. Pour le Sultan, les terribles événements ne s’arrêtèrent pas là. Une nouvelle fois, les Karamanides exploitèrent la situation pour attaquer les terres ottomanes.

 

Face à tout ce qui se passait dans les Balkans, Mourad II approcha les Hongrois pour la paix. Par conséquent, les deux parties signèrent le traité d’Edirne-Segedin en 848 (1444), qui définissait les conditions d’une paix perpétuelle de dix ans. Le traité redonna les terres conquises au Despote serbe Djuradj Brankovic (également connu sous le Vilkoglu dans les documents historiques turcs), reconnut le Danube comme la frontière entre les deux, reconnut la souveraineté du Sultan sur la Bulgarie, scella l’allégeance du prince valaque et son tribut continu au Sultan. Le Sultan Mourad II fut persuadé que ce traité lui donnerait la paix qu’il souhaitait.

Après avoir achevé la stabilité dans les Balkans grâce au traité de paix, le Sultan Mourad II marcha sur les Karamanides. Cependant, il choisit cette fois-ci de ne pas envahir la principauté de Karamanide mais de signer un accord avec les ambassadeurs de Karamanide à Yenishehir, Bursa. Il fut donc convenu que les Karamanides fourniraient chaque année une force militaire aux Ottomans en échange de la restauration de Beychehir, Seydichehir, Oklukhisari et Akchehir à la principauté Karamanide.

 

Les défaites qui suivirent, la mort de son fils aîné et l’opposition des autorités frontalières à son autorité amenèrent probablement le Sultan à appliquer ces politiques. À la suite des traités qu’il signa, le Sultan Mourad II dû se retirer des territoires stratégiques vitaux qu’il avait conquis à l’est et à l’ouest. Avec ces traités, il croyait aussi avoir apporté la paix en Anatolie et dans les Balkans. C’est cette conviction et ce sens qui le conduisirent à Mihalich, au mois de Rabi’ Thani 848 (août 1444), à céder son trône et son armée devant les Beys pour que son fils Shehzade Muhammad (Muhammad) reçoive de l’avancement. Cet acte fit de lui le premier Sultan à avoir jamais céder le trône de son propre gré, ce qui fut suivi par de sa meilleure dévotion à la pratique de ses prières à Bursa.

 

Les États Européens rivaux traduisirent la montée d’un jeune en tant que nouveau Sultan ottoman comme une terrible erreur et une incroyable opportunité. La papauté demanda aussitôt le rejet du traité d’Edirne-Segedin. Le roi hongrois Ladislas rompit sa promesse d’une paix mutuelle et s’activa à assembler et commander une armée de croisés composée de Hongrois, de Polonais et de Vénitiens. Les croisés traversèrent le Danube et envahirent le territoire ottoman dans les Balkans. Les Vénitiens fermèrent les Dardanelles au passage des navires ottomans. De plus, l’avancée des croisés à travers les frontières proches de Varna, sur la mer Noire en Roumanie, inquiétèrent les souverains et une migration d’Edirne en Anatolie suivie. A la suite de tout cela, Mourad II fut rappelé au travail par son fils, le Sultan Muhammad II, ainsi que le Grand Vizir Khalil Bacha le Jandaride et d’autres hommes d’état éminents. Mourad II se précipita vers Edirne et se prépara à affronter les croisés en tant que commandant de l’armée ottomane.

 

Au cours de la confrontation, que l’histoire rapportera plus tard sous le nom de bataille de Varna, les unités hongroises de cavalerie lourde dispersèrent d’abord les flancs ottomans lors d’un assaut acharné. Lorsque les croisés se rapprochèrent du camp de Sultan Mourad II, il envisagea de se retirer mais à ce moment décisif, Karaca Bey intervint, rejeta l’idée d’un retrait et incita les soldats à se rassembler autour de leur Sultan. L’encerclement et l’exécution du Roi hongrois Ladislas par les janissaires suscitèrent un sentiment de panique parmi les croisés et Hunyadi Janos échappa de peu à la mort.

La victoire de Varna atteignit Edirne, l’ensemble des terres ottomanes, la demeure de l’Islam, et reçut un accueil joyeux. Cette victoire fut interprétée comme un signe futur de la chute de Byzance ; en fait, elle scella la suprématie ottomane dans les Balkans en 848 (1444).

 

Autres détails

 

Le cardinal Cezarini et certains de ses collaborateurs appelèrent à l’abrogation du traité de paix avec les Ottomans et à les chasser d’Europe, surtout après la nomination du fils de Mourad, Muhammad, qui était trop jeune et inexpérimenté pour être perçu comme une menace pour eux. Le Pape, Eugène IV (le quatrième), approuva cette mauvaise idée et appela les Chrétiens à rompre (une nouvelle fois) le traité et à attaquer les Musulmans.

 

Il souligna également que le traité conclu avec les Musulmans était invalide car il avait été ratifié sans la « bénédiction du Pape, » qui était le « représentant du Christ sur terre. »

Ainsi, les Chrétiens rompirent le traité et mobilisèrent leurs armées pour lutter contre les Musulmans. Ils assiégèrent la ville bulgare de Varna, située sur la rive de la Mer Noire, qui avait été libérée par les Musulmans.

 

Comme nous l’avons vu tout au long de nos traductions et Abrégés, la violation des traités est une caractéristique commune des ennemis de l’Islam. Ils ne respectent ni serments ni conventions, ce qui est leur trait commun. Ils n’hésitent pas à s’immiscer dans les affaires des nations faibles et attaquer et tuer qui ils veulent et quand ils veulent. Allah, Exalté et Loué soit-Il, les décrit réellement :

« Comment donc ! Quand ils triomphent de vous, ils ne respectent à votre égard, ni parenté ni pacte conclu. Ils vous satisfont de leurs bouches, tandis que leurs cœurs se refusent ; et la plupart d’entre eux sont des pervers. Ils troquent à vil prix les versets d’Allah (le Qur’an) et obstruent Son chemin. Ce qu’ils font est très mauvais ! Ils ne respectent, à l’égard d’un croyant, ni parenté ni pacte conclu. Et ceux-là sont les transgresseurs. » (Qur’an 9: 8-10)

 

C’est pour cette raison qu’Allah ordonna aux Musulmans de les combattre, en disant :

« Et si, après le pacte, ils violent leurs serments et attaquent votre religion, combattez alors les chefs de la mécréance - car, ils ne tiennent aucun serment - peut-être cesseront-ils ? » (Qur’an 9: 12)

 

Lorsque les Chrétiens marchèrent sur l’État Ottoman, les musulmans furent informés et devinrent extrêmement inquiets. Ils appelèrent le Sultan Mourad ath-Thani et insistèrent sur son retour rapide pour faire face à leur avance. Le Sultan quitta sa retraite et mena rapidement l’armée ottomane contre la menace croisée. Il réussit à atteindre Edirne le même jour que les Chrétiens. Le deuxième jour, une bataille intense eut lieu entre les armées musulmane et chrétienne. Le Sultan Mourad ath-Thani accrocha le traité rompu par les Chrétiens à la tête d’une lance pour le montrer, afin que les cieux et la terre soient témoins de la trahison et de l’agression de l’ennemi, insufflant ainsi plus de zèle et de courage à ses soldats.

 

Les deux groupes se battirent intensément et les Chrétiens auraient pu gagner la bataille en raison de leur nature croisée et de leur fanatisme accru, mais ils échouèrent en raison de l’esprit sincère du jihad des Ottomans. Le roi hongrois Ladislas, le contrevenant du traité, rencontra le Sultan Mourad face à face au combat et le Sultan réussit à le tuer d’un coup de lance qui le catapulta hors de son cheval. Les moujahidine se précipitèrent alors pour le décapiter, élevant sa tête, aux cris d’Allahou-Akbar (Allah est le Plus Grand).

L’un des guerriers musulmans cria à l’ennemi : « Ô mécréants, c’est la tête de votre roi ! » Cette vue eut un effet puissant sur les soldats chrétiens qui furent pris de peur et de terreur. Les Musulmans les attaquèrent alors violemment et réussirent à décimer leur alliance.

Cette bataille eut lieu dans les plaines du Kosovo le 8 Sha’ban 852 (7 octobre 1448). Elle dura trois jours et se termina par une victoire écrasante des Ottomans.

 

 

Mourad II se retira à Manisa à la suite de la victoire à Varna, ce qui permit aux Hongrois et aux Valaques d’émerger à nouveau. En outre, une mutinerie dirigée par les janissaires éclata à Edirne, obligeant le vieux Sultan à revenir sur le trône pour un troisième mandat.

Peu de temps après, le Sultan Mourad marcha sur la Morée, puis contre l’Albanais Iskandar Bey. La Morée reconnut une fois de plus la suzeraineté ottomane.

 

Composés de soldats hongrois, valaques, polonais et allemands, les croisés envahirent la Serbie et s’installèrent dans le domaine ottoman dans le but de remédier aux conséquences néfastes de la défaite subie à Varna, sur la côte ouest de la mer Noire. Le Sultan Mourad II les affronta au Kosovo. Après une longue guerre de trois jours, l’empire ottoman infligea une nouvelle défaite écrasante aux croisés en 852 (1448). Cette victoire renforça l’autorité ottomane dans les Balkans, la Valachie fut à nouveau subordonnée aux Ottomans et les croisés devinrent trop  terrifiés pour attaquer les Ottomans. Après cette guerre, les Musulmans prirent l’offensive dans les Balkans et les croisés se retranchèrent défensivement. Ce qui est également frappant dans cette guerre, c’est que les Karamanides envoyèrent des renforts militaires au Sultan Mourad II, comme promis.

 

Le Sultan Mourad II tomba malade à Edirne après la cérémonie de mariage de Shehzade Muhammad et de Sitti Khatoun, la fille du Dzoul Qadiride Souleyman Bey. Il décéda quelques mois plus tard, le 10 février 1451, à l’âge de quarante-huit ans, puisse Allah Exalté lui faire miséricorde. Il décéda dans son palais d’Edirne, âgé de 47 ans, et conformément à sa volonté, il fut enterré près de la mosquée Mourad ath-Thani à Bursa. Il ordonna que rien ne soit construit sur sa tombe et d’être enterré un vendredi. Son désir fut dûment honoré.

 

 

Dans sa lettre de testament qu’il écrivit cinq ans avant sa mort, il souhaita être enterré dans une tombe à ciel ouvert à Bursa, à côté de son fils disparu depuis longtemps, ‘Ala' ad-Din, et qu’aucun autre membre de sa dynastie ne soit enterré dans la même cour.

 

Mourad II se tailla une réputation de Sultan qui ne s’est jamais abstenu de s’engager à combattre pour la cause de l’Islam, peu importe le temps ou les circonstances. Il était généreux, de bonne humeur et traitait ses sujets équitablement. Il ne prit pas de risque dans les affaires de l’état, tout comme il n’a jamais combattu simultanément en Anatolie et en Roumanie. Lorsque la situation était calme en Anatolie, il fit campagne dans les Balkans et vice-versa.

 

L’espion Broquière voulu voir les Musulmans en personne pour recueillir des renseignements supplémentaires pour les croisades. Il visita donc les terres ottomanes sur le chemin du retour de Jérusalem. Dans son Voyage d’Outremer, Broquière souligna que le Sultan était très fort et remarqua : « Parmi les dirigeants que je connais, ce Sultan Ottoman est celui qui reçoit le plus grand respect de son peuple » Lors de sa visite à Edirne 835 (1432), Broquière décrivit la force du Sultan de la manière suivante : « D’après ce qu’on m’a dit, il (le Sultan) n’aime pas les guerres. L’impression que j’ai de lui est la même ; il pourrait facilement conquérir une plus grande partie de l’Europe s’il souhaitait utiliser ses forces et ses vastes revenus, compte tenu de la faible résistance du monde chrétien à laquelle il faisait face. »

 

La vie ottomane du savoir acquit un prestige considérable au cours du règne du Sultan Mourad II : Mollah Qurani, ‘Ata' ad-Din at-Toussi, Sharaf ad-Din Kirimi, Saydi Ahmad Kirimi venaient d’Arabie, du Turkestan et de Crimée. Beaucoup d’érudits et d’intellectuels de l’époque du Sultan Muhammad le Conquérant furent éduqués au cours de cette période, ce qui, en d’autres termes, jettera les bases de la formation savante si essentielle à la conquête d’Istanbul.

De plus, c’est pendant cette période que les ordres soufis se développèrent. Les ordres de Zeyniyye, Mevleviyye et Bayramiyye se répandirent dans les rangs officiels et le public.

Mourad II fit construire à Bursa, près de la mosquée à son nom, une Madrassah et un petit pavillon de derviches à Bursa. Ce quartier de la ville appelé « Mouradiye » abrite également les tombeaux du Sultan Mourad II et de son fils ‘Ala' ad-Din.

Mourad II fit construire ses œuvres majeures à Edirne. En tête de liste se trouve le Dar al-Hadith (école d’enseignement du Hadith) situé près de la rivière Tunca et la Mosquée Yeni (nouvelle), également connue sous le nom de Mosquée d’Ouch Sherefeli (Trois Galeries). Ce dernier est considéré par les spécialistes du domaine comme l’archétype des immenses mosquées ottomanes. Le Sultan Mourad II jeta les bases de la mosquée alors qu’il se préparait à faire campagne contre la Hongrie en 842 (1438) et la mosquée entra en service en 851 de l’Hégire (1447).

 

On trouve également des mosquées et des fontaines en son nom à Salonique, à Skopje, à Alacahisar et à Merzifon. C’est de telles œuvres de charité qui lui valurent l’un de ses surnoms, Abou al-Khayrat, « le père des Biens. »

 

À l’instar de son grand-père, le Sultan Bayazid Ier et de son père Sultan Muhammad Ier, le Sultan Mourad II maintint la tradition consistant à envoyer une procession annuelle de cadeaux royaux aux Haramayn pendant la saison du Hajj ; de plus, il prit l’habitude de distribuer chaque année de l’or aux descendants du Prophète Muhammad (sallallahou ‘aleyhi wa sallam), vivant dans son empire.