000000 Histoire de l'Islam et des Musulmans


 


La Fondation de l’État Seljouk de Roum 

 

L’État Seljouk de Roum fut fondé après et à cause du déplacement d’un grand nombre de tribus turcomanes en Anatolie. Mais le fondateur de cet état, Souleyman Ibn Qoutalmish (petit-fils de Seljouk et fils d’Arsalan Yabghou) ne faisait pas partie des commandants envoyés à la conquête de l’Anatolie par Alp Arsalan après la victoire de Manzikert.

En effet, parmi les conquérants mentionnés par les sources ultérieures comme fondateurs de l’état, seul Artouk Bey peut être vérifié. En 464 (1072), Artouk Bey vainquit une armée byzantine commandée par Isaac Comnènes, le faisant prisonnier, puis se rendit sur les rives du Sakarya, laissant derrière lui l’Anatolie centrale. Lorsque la rébellion de Jean Doukas créa une situation plus dangereuse, l’Empereur conclut un accord avec Artouk et demanda son aide. De cette façon, les Turcs atteignirent la baie d’Izmit.

 

En raison de la lutte pour la succession après la mort d’Alp Arsalan, Artouk Bey fut rappelé à Rayy, la capitale du Grand Empire Seljouk, et aida Malik Shah à vaincre son oncle.

Des événements tels que la campagne de Souleyman en Anatolie, la mort d’Alp Arsalan, le retour d’Artouk dans la capitale et la lutte pour la succession au trône sont étroitement liés. Lorsque Qoutalmish fut vaincu et tué en 456 (1064), à la fin de son combat pour le trône contre Alp Arsalan, ses fils furent bannis aux frontières byzantines. Ces prince rouges (ou fils de princes) sans aucun pouvoir commencèrent à organiser les Turcomans d’Anatolie autour d’eux après le départ d’Artouk Bey. Et certains de ces Turcomans n’étaient autres que les Yabghoulou (Yavkiyya, Yavgiyan), les tribus qui se rebellèrent contre Toughroul Bek et Alp Arsalan et s’enfuirent en Anatolie. (Ce nom, qui est utilisé pour les Turcomans rebelles qui étaient les adeptes d’Arsalan Yabghou, fut confondu avec celui de la tribu Yiva.) Ils avaient maintenant besoin d’un prince Seljouk pour les diriger.

La première apparition authentifiée sur la scène des fils de Qoutalmish remonte en 467 de l’Hégire (1074), alors qu’ils étaient impliqués dans une bataille en Syrie contre Atsiz, le bey Turcoman (Yavkiyya), qui avait accepté le service sous Malik Shah, et aussi quand ils essayèrent d’établir des relations avec le calife ‘oubaydi en Egypte. Après avoir échoué à gagner cette bataille, Souleyman entra en Anatolie, après avoir assiégé Alep et Antioche sur son chemin. Il reprit ensuite Konya et sa région à ses dirigeants grecs, conquit Iznik (Nicée) sans aucune résistance et la proclama sa capitale en 467 (1075). Il est également probable que Toutaq (Touqaq), qui avait marché jusqu’à Bithynie à la tête de 100000 hommes après le retour d’Artouk, le rejoignit également.

 

L’Empire Byzantin était dans un tel état et ses relations avec l’Anatolie aussi coupées, que la conquête d’une ville comme Iznik, qui joua un rôle important dans l’histoire du Christianisme et qui était très près de Constantinople, passa inaperçue dans les sources byzantines.  Elle ne fut mentionnée qu’à l’occasion de la succession de Nicéphore III Botaniatès en 500 (1078), comme appartenant à Souleyman, ce qui montre que la conquête dut avoir eu lieu avant cette date. Ceci est confirmé par la déclaration de certains auteurs musulmans qui, malgré la distance, Iznik fut conquise par Souleyman en 467 (1075) et non pas 1077, 1078, 1080 et 1081 comme il a été rapporté.  Quand son arrière-petit-fils Seljouk fonda un état dans cette terre nouvellement conquise, les Turcomans anatoliens acceptèrent sa souveraineté et les tribus nomades qui en entendirent parler émigrèrent sur cette terre en plus grand nombre. Il y a un lien entre la grande migration de 1080 et la fondation de cet état.

 

En février 1074, l’Empereur Michel VII fit appel au Pape Grégoire VII pour obtenir de l’aide, et en retour promit l’unification de l’Église orthodoxe avec l’Église catholique. Le Pape salua cette approche et convoqua certains rois européens et toute la chrétienté à une croisade contre les Turcs, qui avaient conquis les territoires de l’Empire Byzantin jusqu’aux murs de Constantinople. Mais le conflit entre la papauté et le Saint Empire romain retarda l’organisation de la croisade pendant vingt ans. Lorsque l’Empereur désespéra de toute aide de l’Europe en 1074, il envoya un ambassadeur avec des cadeaux inestimables à Malik Shah, mais toutes ces tentatives n’eurent aucun résultat pratique.

Souleyman accrut le pouvoir de son état en intervenant dans les conflits dynastiques à Constantinople et en aidant la succession de Nicéphore III Botaniatès au trône. Il élargit ainsi ses frontières et son armée établit son quartier général à Usküdar (Chrysopolis) en 471 (1078).

 

Plus tard, en soutenant Nicéphore Mélissène, il annexa les parties de Phrygie et d’Anatolie occidentale qu’il n’avait pas encore conquises. En 473 (1080), les Seljouk vainquirent une armée byzantine envoyée vers Iznik en 1080 et se retranchèrent sur la rive asiatique du Bosphore, où ils établirent des douanes et commencèrent à contrôler la navigation.

Comme ils n’avaient pas de flotte, la mer les empêchait d’attaquer Constantinople. Quand Alexis Ier Comnène devint empereur en 1081, la première chose qu’il fit fut de faire la paix avec Souleyman afin de défendre les Balkans contre les peuples chamaniques turcs au nord du Danube. Ce traité permit au Sultan Seljouk d’étendre son pouvoir à l’est.

 

Alors que la domination byzantine était en déclin en Anatolie, un certain nombre de dirigeants arméniens apparurent sur les rives de l’Euphrate et en Cilicie. L’un de ces Arméniens, appelé Philarètes, soutenu par le gouverneur de Malatya, Gabriel, coupa les communications entre l’Anatolie et les pays musulmans de l’est et du sud. En 475 (1082), Souleyman marcha vers l’est et, en conquérant Adana, Tarse, Massissah et Anazarba en 476 (1083), établit son contrôle sur toute la Cilicie. Pour sauver son royaume, Philarètes se rendit chez Malik Shah, et adopta l’Islam ; la population chrétienne d’Antioche, pour échapper à sa tyrannie, invita secrètement Souleyman le 15 Sha’ban 477 (17 décembre 1084) et lui céda la ville. A cause de cette conquête, il se disputa avec l’émir musulman ‘Ouqayli, Sharaf ad-Dawlah, vainquit son armée et le tua (478/1085). En raison de sa politique expansionniste et du siège d’Alep, Souleyman dû se battre contre le frère de Malik Shah, Toutoush, le gouverneur de Damas, et perdit la vie et son armée le 20 Safar 479 (6 juin 1086).

 

En dix ans, Souleyman ne conquit seulement pas un vaste territoire. Les Arméniens, les Chrétiens syriens et les hérétiques pauliciens, qui détestaient la pression religieuse et la politique d’assimilation de Byzance, trouvèrent sous l’administration de Souleyman la liberté religieuse qu’ils recherchaient. Grâce à la liberté religieuse typiquement turque et à une administration juste, pleinement appliquée par les successeurs de Souleyman, l’État Seljouk gagna la loyauté de la population locale et se renforca.

Le calife abbasside reconnut le Sultanat de Souleyman en envoyant les emblèmes appropriés, comme une robe d’honneur, un diplôme et un étendard. Il devint ainsi Souleyman-Shah et cet état-frontière des ghazi (combattants dans la voie d’Allah Exalté, moujahid, pluriel moujahidine) fut sauvé de l’influence chiite. Néanmoins, dès 467 (1074), en opposition à ses cousins ​​en Perse, il communiqua avec le calife oubaydi en Egypte ; et, après avoir conquis Tarse, il n’hésita pas à demander au chef chiite de Tripoli en Syrie, de lui trouver des juges et des officiers religieux.

 

A ce propos, il convient de souligner que l’opinion qui prétend que Souleyman fut envoyé en Anatolie par Malik Shah et déclaré son dirigeant, n’est qu’un mythe. Il en est de même des sources byzantines qui, de manière caractéristique, le dépeignent comme un vassal de l’empire, alors qu’en fait, il tint leurs Empereurs à sa merci.

 

L’Anatolie après Souleyman

 

Après la mort de Souleyman, ses fils qui étaient avec lui furent envoyés à Malik Shah ; pendant un certain temps, entre 479-85 (1086-92), le trône d’Iznik fut vacant et l’unité politique de l’Anatolie brisée. En 477 de l’Hégire (1084), le fondateur de l’État Danishmand central, Ghazi Ibn Danishmand ou Danishmand Koumoushtakin Ahmad Ibn ‘Ali Taylou at-Tourkman, en tant que vassal de Souleyman et complétant les opérations de ce dernier, attaqua Gabriel, le gouverneur de Malatya.

 

En 478 (1085), le conquérant de Chankiri et Kastamonou, Qaratakin, prit Sinop et, la même année, l’émir Bouldaji envahit les régions supérieures du Jayhan. Une autre principauté, fondée par Menqouchek Ghazi entre Erzinjan et Divriği, combattit les Grecs sur la rive de la Mer Noire en collaboration avec les Danishmand.

Il y eut aussi un autre état fondé à Izmir (Smyrne) par un bey turc courageux et intelligent nommé Chaka qui avait été fait prisonnier par les Byzantins dans l’une des batailles anatoliennes et instruit dans le palais impérial. En 474 (1081), il s’enfuit à Izmir et rassembla tous les Turcs de ces régions sous son commandement. Il réussit également à créer une marine en recrutant des Grecs sur les côtes, et put ainsi asseoir son pouvoir sur les îles de la Mer Égée. Cet état dura jusqu’à la fin de la première croisade.

L’une des autres premières principautés apparues en Anatolie fut fondée à Erzurum par l’émir Saltouq, qui reconnut les Seljouk de Perse comme ses souverains. Les États Artouqid, qui devaient inclure Diyar Bakr, Mardin et Kharpout, et l’état de Soukmenli près du Lac de Van n’existaient toujours pas, et ils n’apparaîtront que dix ans plus tard. Ces régions étaient gouvernées par les gouverneurs Seljouk à cette époque. Hormis les territoires de Philarètes et Gabriel, qui furent considérablement réduits par Souleyman et le Danishmand Koumoushtakin, la seule partie de l’Anatolie qui n’était pas aux mains des Turcs était la région orientale de la Mer Noire. A Trébizonde, qui fut reprise aux Turcs en 1075, un Duché grec fut fondé. Les successeurs du Duc restèrent indépendants des Empereurs Byzantins et formèrent parfois des alliances avec les Turcs.

 

Abou al-Qassim, que Souleyman laissa comme son adjoint à Iznik lors de sa campagne en Cilicie et à Antioche, non seulement détint l’État Seljouk après la mort de Souleyman, mais s’avança aussi jusqu’au détroit. Malik Shah envoya d’abord l’émir Boursouq prendre les Seljouk d’Anatolie sous son contrôle, et fit tuer le frère de Souleyman en 471 (1078). Il envoya ensuite une armée à Iznik sous le commandement de l’émir Bouzan. Face au danger de l’armée de Malik Shah, Abou al-Qassim et Alexis formèrent une alliance. Mais la mort de Malik Shah en 485 (1092), alors que Bouzan assiégeait Iznik, mit fin à la pression du Grand Seljouk sur l’Anatolie ; et lorsque les différends sur la succession commencèrent à la suite de sa mort, le fils de Souleyman, Kilij Arsalan, fut libéré et se rendu à Iznik en 1092.Les Turcs l’accueillirent avec une grande joie et l’intronisèrent.

 

Le jeune Kilij Arsalan I réorganisa son état, reconstruisit sa capitale et nomma des gouverneurs et des commandants. Il chassa également les Byzantins qui tentaient de s’installer sur les rives de Marmara. En acceptant la coopération de l’Empereur Byzantin, il disposa de son rival, Chaka Bey, qui avançait dans la direction des Dardanelles et augmentait son pouvoir. En conséquence de son traité avec Byzance, il se sentit libre de se tourner vers l’est pour l’expansion. En 489 (1096), il assiégea Malatya ; mais bien que les habitants de la ville, en particulier les Chrétiens syriens, lui offrirent de lui céder la ville afin de se sauver de Gabriel, qui s’était converti au Christianisme orthodoxe et s’opposait à eux, Kilij Arsalan fut contraint de revenir défendre sa capitale contre les croisés.

 

Le premier groupe des croisés, venu avec Pierre l’Ermite, fut facilement détruit, mais il fut difficile de résister à la grande armée organisée qui suivit. Les croisés assiégèrent Iznik et, bien que Kilij Arsalan se soit empressé de revenir, il ne put entrer dans la ville. Le 19 juin 1097, les défenseurs d’Iznik se rendirent par accord à l’armée de l’Empereur. Ces Turcs, les trésors du Sultan et sa femme, qui était la fille de Chaka, furent tous envoyés à Constantinople. Kilij Arsalan, prenant comme alliés le Danishmand Koumoushtakin et l’émir de Cappadoce, Hassan Bey, rencontra les Croisés à Eskishehir, où, le 17 Rajab 490 (1 juillet 1097), une grande bataille eut lieu. Les deux armées combattirent vaillamment et il y eut beaucoup d’effusion de sang. Un chroniqueur parmi les croisés décrivit comment les Seljouk combattirent en ces termes : « Si les Turcs avaient été Chrétiens, personne n’aurait pu être leurs égaux dans la bataille et la bravoure. » Mais les croisés avaient une supériorité écrasante sur les Turcs. Pour cette raison, Kilij Arsalan recula, afin de ne pas réduire son armée par de nouvelles pertes. Bien qu’il ait de nouveau combattu les Croisés avec Koumoushtakin et Hassan Bey à ses côtés à Ereghli près de Konya, il subit de très lourdes pertes et dû battre en retraite. Une montagne fut nommée d’après l’émir Hassan (Hasan-dagh) car un grand nombre de ses soldats y furent tués, et plus tard des sanctuaires virent le jour dans cette région en sa mémoire. Bien que de grandes pertes aient été subies par les Turcs d’Anatolie, à la fois en terres et en effectifs, à la suite de la première croisade, ils se rétablirent rapidement.

 

Durant le mois de Ramadan 493 de l’Hégire (5 juillet 1100), Koumoushtakin Ahmed Ghazi rencontra les croisés venant de Syrie et les battit à Malatya, faisant prisonnier Bohémond et d’autres grands princes. En 1100 également, lui et Kilij Arsalan anéantirent complètement deux grandes armées de croisés, l’une près d’Amasya et l’autre à Ereghli, alors qu’ils se battaient pour libérer les croisés emprisonnés à Niksar. Ces victoires améliorèrent le moral de Kilij Arsalan et des Turcs d’Anatolie, qui avaient auparavant souffert aux mains des croisés. Après la chute d’Iznik, Kilij Arsalan fit de Konya sa capitale. En concluant un accord avec l’Empereur contre les croisés, il put se tourner pour conquérir l’est, comme l’avait fait son père. Il vainquit d’abord les Danishmand et les prit sous sa suzeraineté. En 496/1103, il captura Malatya de Koumoushtakin, qui l’avait conquise en 494 (1101), et y établit sa propre administration. Il tourna ensuite son attention vers les principautés de l’Anatolie orientale, et leur fit reconnaître en lui leur seigneur. En rivalité traditionnelle avec les Grands Seljouk, il annexa Mossoul. Mais il fut impliqué dans une bataille violente sur le fleuve Khabur contre une forte armée envoyée par le Grand Sultan Seljouk Muhammad et, comme son père, il perdit  la vie à cause de cette rivalité, le 9 Shawwal 500 (3 juillet 1107). Bien que l’État Seljouk de Roum déclina sérieusement à la suite de la mort de son père et des attaques des croisés, il reprit et devint plus fort que jamais sous sa direction mais il subit une crise encore plus grande avec sa propre mort.

 

La période de crise et la retraite des Turcs en Anatolie centrale

 

Comme son père, Kilij Arsalan laissa le trône de Konya sans propriétaire à sa mort. Son fils aîné, Shahinshah, alors gouverneur de Mossoul, fut emmené à Ishfahân en tant que prisonnier, et ne put retourner à Konya, pour devenir Sultan, jusqu’en 504 (1110). Profitant de cette période de crise, les Byzantins prirent l’initiative d’attaquer toutes les zones côtières d’Anatolie. Partout, les Turcs se préparèrent à se déplacer vers le plateau central d’Anatolie. Mais leur retraite leur coûta de grandes pertes. Une grande foule de Turcs qui campaient près d’Ulubad (Lopadion), en route vers le centre de l’Anatolie, furent attaqués par les Byzantins. La plupart d’entre eux, y compris les femmes et les enfants, furent massacrés. Malgré quelques contre-attaques réussies de l’émir Hassan de Cappadoce et de Shahinshah qui régnaient à Konya, la retraite générale ne put être arrêtée. Alexis et son successeur, Jean II, soit expulsèrent les Turcs de l’ouest de l’Anatolie et des régions côtières du nord et du sud, soit les détruisirent.

 

Le souverain Danishmand l’émir Ghazi, 449-529 (1105-34), le fils de Koumoushtakin, aida son gendre Mas’oud à prendre le trône à Konya de son frère Shahinshah en 510 (1116), et ainsi l’État Seljouk fut réduit à un petit royaume, limité aux environs de Konya, sous la protection Danishmand. Dans ces circonstances, l’Empereur Jean II (1118-43) continua ses attaques, vainquit les Turcs et occupa les villes de Denizli (Laodice) et Uluborlu (Sozopol). Mais en 514 (1120), l’émir Ghazi, profitant des opérations byzantines dans les Balkans et avec le soutien des Artouqid, vainquit le Duc de Trébizonde et son allié, le dirigeant Menqouchek, à Shiran. Bien que le Sultanat fût entre les mains des Seljouk, les vrais dirigeants de l’Anatolie étaient alors les Danishmand. Lorsque l’autre frère du Sultan Mas’oud ‘Arab, qui s’était installé à Ankara et Kastamonu, marcha sur Konya pour s’emparer du trône Seljouk en 520 (1126), Mas’oud forma une alliance avec l’Empereur et vainquit son frère, le forçant à se réfugier en Cilicie. Cela permit aux Byzantins d’occuper Kastamonu. Mais l’expédition de l’Empereur en Cilicie, et plus tard les tentatives de son frère pour s’emparer du trône, aidèrent l’émir Ghazi à chasser les Byzantins et à occuper la rive de la Mer Noire. Le Sultan Mas’oud, d’autre part, commença à avancer dans l’ouest de l’Anatolie. L’émir Ghazi entra alors en Cilicie et vainquit les croisés en progression. En peu de temps, il devint le dirigeant de toutes les provinces anatoliennes entre la Sakarya et l’Euphrate.

Le calife[1] et le Sultan Sanjar lui confèrent le titre de Malik (roi) et lui envoyèrent un tambour et un étendard comme emblèmes de souveraineté, étant le dirigeant le plus puissant d’Anatolie.

 

À la mort de Malik Ghazi en 529 de l’Hégire (1134), le Sultan Mas’oud, jusque-là sous sa protection, devint l’allié et l’égal du fils de son protecteur, Malik Muhammad. Tandis que l’Empereur Jean punissait les Arméniens en Cilicie et se disputait avec les croisés, les Seljouk et les Danishmand n’eurent aucune difficulté à étendre leurs frontières contre les Byzantins. Cela fit marcher l’Empereur en 534 (1140) vers la capitale danishmand, Niksar, avec une grande armée, afin de détruire les Turcs d’Anatolie. Il était également déterminé à se débarrasser de Théodore Gabras, le Duc de Trébizonde. Il atteignit Niksar après avoir subi de lourdes pertes dans le nord de l’Anatolie, et assiégea la ville.

Pendant le siège, de longues et violentes batailles eurent lieu entre les Turcs et les Grecs. La prolongation du siège provoqua des troubles dans l’armée byzantine et l’un des princes impériaux, Jean, se réfugia dans le camp du Sultan Mas’oud. La désertion du prince, devenu Musulman et installé à Konya après avoir épousé la fille du Sultan, contraignit l’Empereur à revenir tranquillement à Constantinople par la Mer Noire en 1141. L’échec de cette grande campagne, qui avait commencé si ambitieusement, ouvrit des possibilités de nouvelles conquêtes turques et le Sultan Mas’oud s’avança jusqu’à la région d’Antalya.

 

Lorsque les Danishmand commencèrent à se quereller entre eux pour la royauté sur Malik Muhammad, décédé en 536 (1142), Sultan Mas’oud vainquit le Malik Danishmand de Sivas, Yaghi Bassane, assiégea Malatya et annexa la région Jayhan de son territoire. Avec ce développement soudain, la domination de l’Anatolie passa à nouveau des Danishmand aux Seljouk. Tandis que le Sultan Seljouk étendait ses frontières vers l’est, profitant des querelles entre les Atabegs de Mossoul et les Artouqid, les Turcomans avançaient dans l’ouest de l’Anatolie, en suivant les vallées des Menderes et du Gediz. L’Empereur Manuel I Comnène partit avec une grande armée pour chasser les Turcs d’Anatolie. Après avoir débarrassé l’Anatolie occidentale des Turcs, il marcha sur Konya ou il vainquit les forces Seljouk à Akshehir, brûla la ville et avança en direction de Konya. Lorsque le Sultan Mas’oud fut informé du danger imminent, il revint précipitamment de l’est, prépara son armée à Aksaray et rencontra l’Empereur avant Konya. Les Byzantins avaient complètement dévasté la région de Konya, tué un grand nombre de personnes et même ouvert des tombes. Mais ils furent pris par surprise lorsque les Seljouk les attaquèrent. Ils se retirèrent après avoir été sévèrement battus, et ainsi la campagne 1147 se solda également par un échec. Malgré cette bataille, cependant, le début d’une nouvelle croisade contraignit aussitôt les deux dirigeants à se mettre d’accord face au danger commun.

 

Lorsque l’Atabeg ‘Imad ad-Din az-Zanki (puisse Allah Exalté lui faire Miséricorde) reconquit Urfa (Edessa) en 539 (1144), la deuxième croisade fut organisée en Europe sous la direction de l’Empereur Conrad III et du Roi Louis VII de France. Ce fut la première fois dans l’histoire des croisades que les dirigeants eux-mêmes participeraient à la campagne. L’armée allemande qui était dirigée par des guides « perfides » de l’Empereur byzantin Manuel par de mauvaises routes, subit des attaques surprises des Turcs et fut massivement vaincue près d’Eskishehiron le 28 Joumadah al-Oula 542 (25 octobre 1147) ; certains de ceux qui tentèrent de rentrer furent détruits par les attaques grecques. À la suite de ce grand désastre, le Roi de France se rendit compte de l’impossibilité de traverser le territoire Seljouk et essaya de suivre la route via Éphèse, Denizli et Antalya. Mais il ne put atteindre Antalya qu’après avoir subi de lourdes pertes lors des attaques turques, et là seuls ceux qui avaient de l’argent purent naviguer vers la Syrie. Ceux qui furent laissés pour compte souffrirent des attaques turques, du pillage grec, de la faim et de la maladie. Leur état était si mauvais que les Turcs eurent pitié d’eux, leur donnèrent de la nourriture et de l’argent et soignèrent leurs malades.

Un chroniqueur chrétien parle ainsi de l’épisode :

« Fuyant leurs coreligionnaires qui avaient été si cruels envers eux, ils allèrent en sécurité parmi les infidèles[2] (lire Musulmans) qui avaient pitié d’eux, et, comme nous l’avons entendu, plus de trois mille se joignirent aux Turcs lorsqu’ils se retirèrent.

Oh, bonté plus cruelle que toute trahison ! Ils leur donnèrent du pain mais leur volèrent leur foi, bien qu’il soit certain que satisfaits des services qu’ils rendaient, ils n’obligeaient personne parmi eux à renoncer à sa religion. »



[1] Nous n’attribuons pas de majuscule au mot calife puisque les seuls Califes dignes de Majuscules furent les 5 premiers Califes et l’Islam ainsi que le Calife Amawi ‘Abd al-‘Aziz Ibn Omar nommés à l’unanimité par les savants de l’Oummah comme les Califes Bien-Guidés. Nous avons déjà mentionnés cela dans nos précédents ouvrages.

[2] Si les Musulmans qui adorent un Seul Dieu sont traités d’infidèles que dire alors de ceux qui adorent la Trinité 1+1+1=1 ! Ils sont trois fois des impies !