La marche des zanj sur Basra

 

Lorsque le chef zanj rassembla ses troupes, ils se mirent en route pour Basra et quand ils arrivèrent en face du Nahr ar-Riyahi, un groupe de noirs arriva et l’informa qu’ils avaient vu des hommes armés dans la région d’ar-Riyahi. Quelques moments plus tard, les zanj se rassemblèrent suite à l’appel aux armes et le chef zanj ordonna à ‘Ali Ibn Aban de traverser le canal contre l’ennemi, qui étaient sur le côté est du canal Dinari. ‘Ali Ibn Aban prit environ trois-mille hommes avec lui pendant que le chef zanj prit les troupes restantes, en disant en même temps à ‘Ali, que s’il exigeait des renforts, il n’aurait besoin que de le demander. Quand ‘Ali Ibn Aban partit, les zanj appelèrent de nouveaux aux armes car ils aperçurent un autre mouvement de troupes d’une direction différente que celle que ‘Ali prit. Le chef zanj se renseigna sur le mouvement de troupe et il lui fut dit qu’ils venaient de la direction du village d’al-Ja’fariyah, qui se trouvait à côté du Nahr Harb, et il expédia Muhammad Ibn Salm dans cette direction.

Il a été rapporté de Rayhan Ibn Salih, un des partisans de ‘Ali Ibn Muhammad, qu’il dit : « J’étais parmi ceux qui accompagnèrent Muhammad Ibn Salm quand nous nous mimes en route au moment de la prière de midi. Nous affrontâmes l’ennemi dans al-Ja’fariyah et une bataille féroce eut lieu qui dura jusqu’à la fin de l’après-midi ». Les noirs menèrent ensuite un assaut féroce, forçant l’ennemi à tourner les talons et à s’enfuir. Environ cinq-cents personnes furent tuées parmi les soldats, les membres des tribus arabes et des factions minoritaires Bilaliyah et Sa’diyah de Basra. Parmi l’ennemi ce jour-là, il y avait Fath, un esclave d’Abou Shith qui fuit aussi, poursuivit par Fayrouz l’Ancien. Quand Fath se rendit compte qu’il ne pouvait pas se débarrasser de Fayrouz, il lui lança son casque en vain avant de lui lancer son bouclier aussi sans succès. Finalement, ils atteignirent le Nahr Harb et Fath sauta dans l’eau et réussit ainsi à s’enfuir. Quant à Fayrouz, il revint au chef zanj avec les armes dont Fath s’était débarrassé.

Muhammad Ibn al-Hassan a rapporté que Shibl a dit : « Il nous a été rapporté que Fath bondit dans le Nahr Harb ce jour-là ». Shibl continua : « J’ai rapporté cette histoire à al-Fadl Ibn Adi ad-Darimi et il a dit qu’il avait été avec les Sa’diyah ce jour-là et que Fath portait seulement une tunique jaune de soie. Il lutta jusqu’à ce qu’il ne soit resté personne dans la bataille et ensuite il avancé vers le Nahr Harb dans lequel il bondit pour gagner la rive ouest ». Il sembla ne pas connaître l’histoire de Rayhan sur Fayrouz.

Rayhan a dit : « J’ai rencontré Fayrouz avant qu’il ne revienne au chef zanj et il m’a conté l’histoire de sa rencontre avec Fath et m’a montré les armes. Les zanj récupéraient le butin alors que j’avançais le long du Nahr ad-Dinari. Subitement, je vis un homme assis sous un palmier. Il portait une coiffe de soie (qalansouwah), des chaussures rouges et une tunique de laine. Je l’attrapais et il me montra des lettres qu’il portait en me disant qu’il était de Basra et que les gens l’avaient envoyé pour convoyer ces lettres. J’attachais un turban autour de son cou et l’emmena au chef zanj. ‘Ali Ibn Muhammad demanda à l’homme qui il était et il répondit : « Je suis Abou al-Leyth Muhammad Ibn ‘Abdallah d’Ispahan et je suis venu te trouver seulement parce que je voulais être en ta compagnie ». Et ‘Ali l’accepta.

Quelques moments plus tard, le cri « Allah est le Plus Grand » retentit et ‘Ali Ibn Aban apparu avec la tête d’un des Bilaliyah appelé Abou al-Leyth al-Qawariri.

Muhammad Ibn Salm arriva plus tard avec un prisonnier des Bilaliyah que Shibl avait capturé. Son nom était Muhammad al-Azraq al-Qawariri. Muhammad portait aussi un certain nombre de têtes. ‘Ali Ibn Muhammad appela le prisonnier et lui demanda qui étaient les commandants de ces deux armées. L’homme répondit que celle d’ar-Riyahi l’était par Abou Mansour az-Zaynabi et que celle le long du Nahr Harb était commandée par Souleyman, le frère d’az-Zaynabi, qui était posté dans l’arrière-garde. Questionné sur leur nombre, il répondit qu’il ne le connaissait pas mais qu’ils étaient une force considérable. ‘Ali le fit relâcher et l’attacha au groupe de Shibl.

‘Ali et les zanj partirent ensuite pour les mines de sel d’al-Ja’fariyah où il passa la nuit parmi les tués. Le lendemain matin, il rassembla ses troupes et les mit de nouveau en garde contre leur entrée à Basra. Cependant, certains d’entre eux, dont Ankalwayh, Zourayq, Abou al-Khanjar, qui n’avait pas encore été nommé commandants, Salim et, Wasif al-Koufi accélérèrent leur marche. Quand ils atteignirent le Nahr ash-Shadani, un certain nombre d’habitants de Basra sortirent à leur rencontre et bientôt leur nombre devint une multitude. ‘Ali Ibn Muhammad en fut informé et envoya en avant Muhammad Ibn Salm, ‘Ali Ibn Aban et Moushriq, l’esclave de Yahya, avec un grand contingent. Il alla avec eux, accompagnant les bateaux chargés des bêtes de somme, de femmes et d’esclaves et établit son camp sur le pont du Nahr Kathir.

Rayhan continua : « Ayant été blessé à la jambe par un rocher, je rejoignis ‘Ali Ibn Muhammad. Il me posa des questions et je lui dis que la bataille était bien en route. Il m’ordonna de retourner et m’accompagna jusqu’à ce que j’atteigne les hauteurs donnant sur le Nahr as-Sababijah. Il me dit : « Va trouver nos troupes et dis leur de se désengager et de se retirer ». Je lui dis qu’il ne devait pas venir aussi loin car je craignais pour sa sécurité et il se retira.

J’allais informer les commandants de ses ordres et ils se retirèrent. Les gens de Basra pressèrent tellement les zanj que ces derniers subirent une complète déroute tard dans l’après-midi. Beaucoup d’entre eux tombèrent dans les canaux de Kathir et de Shaytan. ‘Ali Ibn Muhammad demanda à ses partisans de revenir mais ils ne purent le faire. Un certain nombre d’entre eux se noya dans le Nahr Kathir et beaucoup furent tués sur la rive du canal aussi bien que sur le Shadani. Parmi les commandants qui se noyèrent ce jour-là, il y eu Abou al-Jawn, Moubarak al-Bahrani, ‘Afa al-Barbari et Salam ash-Shaml. L’esclave d’Abou Shith, Harith al-Qayssi et Souhayl rattrapèrent ‘Ali Ibn Muhammad et ensemble ils montèrent le pont voûté sur le Nahr Kathir. ‘Ali se retourna alors pour les défier et ils se retirèrent. Ce jour, ‘Ali portait une tunique de laine, un turban, des sandales, une épée et un bouclier. Quand il quitta le pont, les habitants de Basra se lancèrent à sa poursuite sur des montures. ‘Ali se retourna et tua un homme sur la cinquième marche du pont. Il cria après ses hommes pour leur indiquer sa position, mais aucun d’eux ne resta dans cet endroit excepté Abou Ash-Shawk, Mouslih et Rafiq, l’esclave de Yahya ».

Rayhan continua : « ’Ali Ibn Muhammad revint à al-Mou’allah sur la rive ouest du Nahr Shaytan et campa là. Après investigation, il découvrit que beaucoup d’hommes avaient fui et, après inspection, il constata qu’environ cinq-cents hommes seulement étaient partis. Il fut soufflé dans une corne, le signal de ralliement des esclaves, mais personne ne revint. ‘Ali Ibn Muhammad passé la nuit sur place, au cours de laquelle Jourban arriva. Il s’était enfui lors de la débâcle générale prenant avec lui trente esclaves. ‘Ali lui demanda où ils étaient partis et il répondit qu’ils étaient partis en éclaireur à al-Zawariqah ».

Rayhan continua : «‘Ali Ibn Muhammad m’envoya pour voir qui était encore sur le pont du Nahr Harb. Je n’y trouvai personne. Les gens de Basra avaient pillé les bateaux de marchandises et les montures que ‘Ali avait apportés là, y compris ses lettres et ses astrolabes. Le matin suivant, quand ‘Ali Ibn Muhammad inspecta  de nouveau les troupes, il découvrit que mille hommes étaient retournés pendant la nuit ».

Rayhan a dit que Shibl était parmi ceux qui fuirent mais Nassih ar-Ramli l’a nié.

Rayhan continua : « Shibl rejoignit le campement le matin avec dix esclaves. ‘Ali Ibn Muhammad le réprima durement. Il demanda ce qui était arrivé à un esclave appelé Abou Na’jah Nadir et un autre, ‘Anbar al-Barbari. Shibl dit qu’ils avaient fui avec les autres. Le chef des zanj resta posté où il était et donna l’ordre à Muhammad Ibn Salm de partir au pont voûté du Nahr Kathir et de demander aux gens, les raisons de leur révolte. Muhammad se mit en route, accompagné par Souleyman Ibn Jami’ et Yahya Ibn Muhammad. Ils s’arrêtèrent près de la rivière tandis que Muhammad traversa et avança au milieu des troupes de Basra. Quand il s’adressa à eux, ils l’attrapèrent et le tuèrent ».

Al-Fadl Ibn ‘Adi a dit : « Quand Muhammad Ibn Salm traversa le fleuve pour parler aux gens de Basra, ils se rassemblèrent près d’un endroit nommé al-Fadl Ibn Maymoun. Fath, l’esclave d’Abou Shith, fut la première personne à l’affronter subitement et à le terrasser avec une épée ; alors Ibn at-Toumani as-Sa’di trancha sa tête. Souleyman et Yahya revinrent aussitôt chez ‘Ali Ibn Muhammad, pour l’informer et il leur ordonna de ne rien dire aux zanj jusqu’à ce qu’il ait l’occasion de le faire lui-même. Après la prière de l’après-midi, il annonça à ses troupes la mort de Muhammad Ibn Salm et leur dit : « Demain vous devrez tuer dix-mille gens de Basra pour le venger ». Il envoya Zourayq et son esclave Saqlabtouyah en leur ordonnant d’empêcher quiconque de traverser le fleuve. C’était le dimanche 13 du mois de Dzoul  Qi’dah dans l’année 255 de l’Hégire (869).

 

Le lundi 14 du mois de Dzoul Qi’dah, les gens de Basra se réunirent et marchèrent en avant suite à ce qu’ils considéraient comme un triomphe sur les zanj le jour précédent. L’homme choisit pour mener l’expédition était un habitant de Basra du nom de Hammad as-Saji, un marin expérimenté dans le maniement et le combat sur les péniches. La force des volontaires comprenant des archers, des gens de la mosquée principale, des Bilaliyah et des Sa’diyah se préparèrent à suivre Hammad ainsi que des spectateurs dont parmi eux des Hashimite et des Qourayshite. Trois péniches furent chargées d’archers qui s’entassèrent à bord, désireux d’arriver à la scène de bataille. Une foule procéda à pied, quelques-uns portant des armes tandis que la plupart d’entre eux étaient des spectateurs sans armes. Les péniches et les bateaux entrèrent dans le canal d’Oumm Habib lors de la marée après le coucher du soleil ce même jour. Le défilé de fantassins et de spectateurs le long de la rive du canal était si dense et nombreux qu’ils bloquaient la vue de tous ceux qui étaient devant eux. Le chef zanj s’était positionné sur le canal connu comme ash-Shaytan.

 

Muhammad Ibn al-Hassan a rapporté que le chef zanj lui a dit que, quand ses éclaireurs revinrent et qu’ils l’informèrent de la foule s’approchant, il envoya Zourayq et Abou al-Leyth al-Isbahani avec un détachement de troupes le long de la rive est du canal Shaytan et Shibl et Houssayn al-Hammami avec un autre détachement le long de la rive ouest. Les deux partis devaient monter des embuscades. ‘Ali Ibn Aban fut ordonné de prendre le reste des troupes pour intercepter l’ennemi. Ils devraient, cependant, s’accroupir en faisant face à l’ennemi, en se protégeant avec leurs boucliers, et ne pas attaquer jusqu’à ce que les adversaires soient assez proches pour leur brandir leurs épées. Quand la situation se développa de cette manière, les zanj attaquèrent l’ennemi. Le chef zanj donna des ordres aux deux groupes embusqués que quand la foule sur les rives serait proche et qu’ils entendraient leurs propres attaquer, ils devraient émerger des deux côtés du canal et tirer sur l’ennemi. On ordonna aux femmes des zanj de ramasser des briques et de les fournir aux hommes.

Muhammad Ibn al-Hassan a dit qu’après cet incident le chef du zanj dit à ses disciples : « Ce jour-là, lorsque je vis la foule approcher, je fus saisi par une peur terrible, une telle terreur écrasante que j’ai appelée Dieu à l’aide. J’étais seulement accompagné par quelques hommes dont parmi eux Mouslih et pas un seul d’entre nous n’a pas imaginé qu’il allait être en perdition. Mouslih s’étonna de la multitude des gens et je lui ai demandé de se retenir. Comme l’ennemi approcha, j’ai poussé des cris : « O Dieu, c’est l’heure du procès, viens à mon aide! » J’avais à peine fini de le dire quand je vis des oiseaux blancs fondre sur l’ennemi et une des galères se renversa et tous ceux à bord furent noyés. Les péniches rencontrèrent le même destin. Mes troupes tombèrent alors sur l’ennemi et les troupes placées en embuscade émergèrent de leurs cachettes sur les rives du canal derrière les bateaux et les fantassins, les frappant à coups de massue tandis que les spectateurs sur la rive essayèrent de s’enfuir. Un groupe fut noyé ici, un groupe tué là, tandis que tous ceux qui se sauvèrent vers le canal furent passés par l’épée. Ceux qui résistèrent furent tués et ceux qui s’aventurèrent dans l’eau furent noyés. Les fantassins sur le bord du canal qui cherchèrent à s’enfuir dans l’eau furent tous tués ou se noyèrent jusqu’à ce que la plupart des forces ennemies et aient été annihilées. Personne excepté certains fugitifs ne purent échapper. Le nombre de gens de Basra tués et perdus fut si élevé, que les cris et les pleurs de leur femme s’élevèrent en chœur de lamentation.

Les gens parlèrent de ce jour comme le jour des Péniches. Ils furent remplis d’horreur par le nombre de tués ce jour-là. Parmi les innombrable tués, il y eut un certain nombre des fils du Hashimite Ja’far Ibn Souleyman et quarante archers célèbres.

Le vil[1] (al-khabith) recueillit toutes les têtes des gens tués. Il les exposa pour que les parents des décédés puissent réclamer ceux qu’ils reconnaissaient. Pour le reste, qui ne fut pas réclamé, il les empila sur une barge qui lâcha dans le courant ascendant. Le bateau fut libéré à la marée où il dériva vers Basra avant de s’arrêter à Mashra’ah al-Qayyar. Les gens vinrent alors et récupérèrent les têtes.

 

Après ce jour, l’ennemi d’Allah devint plus fort que jamais suite à la peur qu’il distilla dans le cœur des habitants de Basra. Ils s’abstinrent dès lors de le combattre mais l’autorité centrale informée de ses crimes envoya Jou’lan at-Turki avec des renforts à Basra. Jou’lan nomma Abou al-Ahwas al-Bahili gouverneur d’al-Ouboullah et lui envoya en soutien un Turc appelé Jourayh.

Le vil (al-khabith)  rapporta que ses partisans se vantèrent à lui que suite à sa récente bataille, il avait abattu la totalité des forces de combat de la ville de ‘Basra excepté les faibles et les invalides. « Donne-nous la permission de prendre la ville d’assaut », lui demandèrent-ils. Mais ‘Ali Ibn Muhammad les réprimanda et refusa leur demande. « Au contraire », dit-il, « vous pouvez aller aussi loin que Basra maintenant que nous leurs avons inculqué la peur et la terreur. Maintenant vous êtes en sécurité et il faut éviter de leur faire la guerre jusqu’à ce qu’ils viennent vous chercher ». Alors il retira ses forces dans une mine de sel la plus éloignée du réseau de canaux et procéda ensuite vers le canal al-Hajir.

Shibl a dit que cet endroit était les mines de sel d’Abou Qourrah, qui se trouvent entre Nahr Abou Qourrah et Nahr al-Hajir. ‘Ali Ibn Muhammad s’y établit et ordonna à ses troupes de construire des cabanes des roseaux. Ces mines de sel étaient entourées de palmeraies, de villages et de champs cultivés. Les zanj étendirent leur territoire. Ils attaquèrent les villages, assassinèrent les fermiers, volèrent leurs propriétés et emmenèrent leurs bétails.

 

Telles furent les nouvelles d’al-khabith ‘Ali Ibn Muhammad et des gens qui furent affectés par sa rébellion cette année.

 

 

Cette même année, le général Moussa Ibn Bougha entra dans Samarra et il s’ensuivit une grande bataille entre sa force et celle du calife courageux qui combattait dans les rangs de ses soldats. Le calife fut capturé et tué alors qu’il n’était pas resté calife plus d’une année. Ce calife pieux, durant son règne, jeunait chaque jour et il fut l’un des califes abbassides les plus pieux et le plus avenants envers les Musulmans.


Ahmad Ibn Moutawakkil, al-Mou’tamid ‘Allallah, le quinzième calife abbasside

  

Après la mort du calife al-Mouhtadi Billah, Ahmad Ibn Moutawakkil pris la succession. Il fut surnommé al-Mou’tamid ‘Allallah. Sa mère Fitiane était d’origine romaine. Al-Mou’tamid fut l’un des plus faibles califes abbassides.

 

La rencontre entre Jou’lan et les zanj

 

Lorsqu’il arriva à Basra en l’an 256 de l’Hégire (869), Jou’lan avança avec son armée de la ville jusqu’à ce qu’il soit à 5 kilomètres de l’armée des zanj. Là il fit creuser une tranchée pour protéger ses forces et où il resta six mois. Az-Zaynabi, Bourayh, les Banou Hashim et d’autres habitants de Basra qui étaient disposés à lutter contre al-khabith furent envoyés le jour où Jou’lan leur promis qu’il attaquerait les zanj. Mais, quand les deux côtés se rencontrèrent, ils se lancèrent seulement des pierres et des flèches car Jou’lan avait constaté qu’il ne pouvait pas procéder en avant à cause des palmeraies denses et des forêts qui ne permettaient pas aux cavaliers de combattre puisque la plupart de ses troupes étaient montés.

 

Jou’lan ayant passé un certain temps retranché, le chef des zanj décida de dissimuler certaines de ses troupes le long des routes d’approche de la tranchée et de lancer ensuite une attaque nocturne sur lui. Après l’attaque, un certain nombre des hommes de Jou’lan furent tués et le reste furent tellement effrayés que Jou’lan quitta aussitôt le camp pour se rendre à Basra. Avant qu’al-khabith n’attaque Jou’lan, az-Zaynabi rassembla des combattants parmi les Bilaliyah et les Sa’diyah et les envoya à Jou’lan du côté des canaux du Nahr Nafid et de Hazardar, pour affronter les zanj de deux côtés. Cependant, ils n’offrirent aucune résistance quand ils rencontrèrent les zanj dont la victoire laissa beaucoup d’entre eux mort tandis que le reste s’enfuit dans la confusion. Jou’lan s’enfuit à Basra où il resta et prouva ainsi sa faiblesse évidente aux autorités centrales et il fut relevé de sa responsabilité de lutter que contre al-khabith et Sa’id al-Hajib fut ordonné de poursuivre la tâche.

 

Cette année, le chef zanj transféra son quartier général des mines de sel où il s’était établi vers la rive ouest du Nahr Abi al-Khassib.

 

Toujours cette année, le chef zanj saisit quatorze navires qui faisaient partie d’un convoi se dirigeant vers Basra. Quand les nouvelles des raids des zanj, sur les voies navigables, atteignirent les propriétaires des bateaux, ils se proposèrent d’attacher leurs bateaux les uns aux autres pour former une sorte de pont reliant le premier vaisseau au dernier, et qu’ainsi il pourrait alors naviguer en sécurité le long du Tigre. Al-khabith en fut informé puis exposa certains détails à ses troupes pour capturer la flottille et les encouragea en leur disant que c’était une proie facile.

Abou al-Hassan a dit qu’il entendit le chef zanj dire : « Quand les nouvelles des bateaux approchant m’atteignirent, je suis allé faire mes prières. J’avais commencé mon humble demande pour l’assistance de Dieu quand une voix s’adressa à moi et me dit que l’on m’avait accordé une grande victoire. À peine un instant après, je tournais la tête et aperçu les bateaux et mes troupes se dirigeant vers eux sur des barges. Ils submergèrent rapidement les bateaux, tuèrent les  combattants à bord, capturèrent les esclaves et pillèrent un trésor si vaste qu’il ne pouvait ni être compté ni même estimé ». Durant trois jours, les zanj furent autorisés à se conduire de cette manière, après quoi leur chef leur ordonna de lui remettre tout ce qui restait.

 

Le 25 du mois de Rajab de cette année, les zanj occupèrent al-Ouboullah ou ils tuèrent un très grand nombre d’habitants avant d’incendier la ville.

Quand Jou’lan se retira de la tranchée qu’il avait construit dans Shati’ ‘Uthman et revint à Basra, le chef zanj harcela les habitants d’al-Ouboullah avec plusieurs brigades de troupes, les attaqua avec l’infanterie de la direction de Shati’ ‘Uthman et des bateaux réquisitionnés du Tigre avant que ses troupes se retournent vers le Nahr Ma’qil.

Le chef zanj a dit qu’il hésita entre se diriger vers ‘Abbadan ou al-Ouboullah mais il choisit la dernière. Il confia la tâche à certains de ses hommes, mais lorsqu’il fut informé que l’ennemi le plus proche et le plus capable était les habitants d’al-Ouboullah, il rappela l’armée qu’il avait envoyé contre ‘Abbadan et l’expédia à al-Ouboullah.

Le zanj lutta contre le peuple d’al-Ouboullah jusqu’au mercredi soir 15 du mois de Rajab. Cette nuit, les zanj prirent la ville d’assaut du côté du Tigre et du Nahr al-Ouboullah. Abou al-Ahwas et son fils furent tués dans le combat, tandis que la ville fut incendiée. Comme les bâtiments étaient construits de teck et proche les uns des autres, le feu balaya la ville, en provoquant un vent violent, qui projeta des étincelles aussi loin que Shati’ ‘Uthman et l’engloutit. Énormément de gens furent tués et d’autres noyés. Beaucoup de butin fut sécurisé mais beaucoup de marchandises brûlèrent. ‘AbdAllah Ibn Houmayd at-Toussi et un de ses fils, qui étaient à bord d’une péniche sur le Nahr Ma’qil avec Abou Hamzah Noussayr, furent tués.

 

Cette année les habitants de ‘Abbadan se rendirent au chef zanj et ils lui remirent leur citadelle.

Quand les habitants de ‘Abbadan virent de quelle manière les zanj traitèrent les habitants d’al-Ouboullah, leur détermination faiblit et ils craignirent pour leurs vies et leurs familles. Ils se rendirent donc aux zanj et abandonnèrent leur ville au khabith. Ses troupes l’occupèrent, saisirent les esclaves et les armes qu’ils trouvèrent qu’al-khabith distribua parmi ses troupes.

 

Cette année aussi les zanj occupèrent al-Ahwaz et capturèrent Ibrahim Ibn al-Moudabbir.

Après les actions des zanj contre al-Ouboullah, la capitulation des habitants de ‘Abbadan, al-khabith, poursuivit ses ambitions sur al-Ahwaz. Il rattacha les esclaves de ‘Abbadan à ses propres troupes zanj, et leur distribua aussi les armes qui furent saisies de la ville.

Les troupes zanj partirent joyeusement pour Joubba. La population n’offrit aucune résistance et fuit les zanj, qui entrèrent dans la ville, tuant, brûlant et pillant. Puis après avoir déposé leur butin dans les environs de Joubba, ils partirent pour al-Ahwaz. Le gouverneur de la ville, à cette époque, était Sa’id Ibn Yaksin et il était aussi responsable des affaires militaires. Ibrahim Ibn Muhammad Ibn al-Moudabbir quant à lui était responsable des taxes et des domaines. La population d’al-Ahwaz fuit aussi les zanj et presque personne n’offrit de résistance. Sa’id Ibn Yaksin se retira avec ses soldats, mais Ibrahim Ibn al-Moudabbir resta derrière avec ses pages et ses domestiques. Les zanj entrèrent et occupèrent la ville. Ibrahim Ibn Muhammad, qui reçut un coup sur la tête, fut capturé ainsi que toutes ses possessions, l’argent, le mobilier et les esclaves, furent aussi saisis le lundi 12 du mois de Ramadan de l’année 256 de l’Hégire (869).

Après les événements d’al-Ouboullah et d’al-Ahwaz, les habitants de Basra furent tellement terrifiés que beaucoup d’entre eux évacuèrent la ville pour d’autres endroits tandis que l’inquiétude et les rumeurs se propageaient parmi les gens du commun.

 

Au mois de Dzoul Hijjah de cette année, le chef zanj envoya une armée commandée par Yahya Ibn Muhammad al-Bahrani pour lutter contre Shahin Ibn Bistam. Mais, puisque Yahya n’accomplit pas son objectif, il revint de campagne.

 

Au mois de Rajab de cette année, Sa’id Ibn Salih al-Hajib arriva dans Basra pour mener la guerre contre les zanj de la part des autorités centrales.

 

Il y eut aussi cette année, une bataille entre les troupes de Moussa Ibn Bougha qui partit avec lui dans la région d’al-Jabal en révolte contre Muhammad Ibn al-Wathiq et Moussawir Ibn ‘Abd al-Hamid le khariji. La bataille eut lieu à Khanaqin. Moussawir à la tête d’une armée bien plus nombreuse que celle de Moussa et ses deux-cents hommes, furent mis en déroute et un grand nombre de ces hommes périrent.

 

 

En l’an 257 de l’Hégire (870), Boughraj fut chargé de presser Sa’id Ibn Salih al-Hajib pour procéder vers le Tigre et d’y stationner en face du camp militaire du chef zanj. Boughraj fit ce qu’on lui demandait et Sa’id se rendit vers le Tigre au mois de Rajab de cette année.

Il a été rapporté que quand Sa’id atteignit le Nahr Ma’qil, il trouva les forces du chef zanj près d’un canal appelé al-Mourghab, un des affluents du Nahr Ma’qil, Sa’id engagea les zanj dans la bataille et les mit en déroute. Il réussit aussi à libérer des femmes qui étaient gardées prisonnières ainsi qu’un large butin. Pendant la rencontre, Sa’id reçut quelques blessures, dont une dans la bouche. Après il quitta l’endroit connu comme le camp militaire d’Abou Ja’far al-Mansour où il passa la une nuit. Ensuite il repartit et campa dans un endroit appelé Hatmah dans la vallée de l’Euphrate. Il y resta quelques jours, inspecta ses troupes et les prépara à une nouvelle rencontre avec le chef zanj. Pendant son séjour dans Hatmah, il fut informé qu’une armée du chef zanj se trouvait dans la région de l’Euphrate. Ainsi avec un contingent de ses propres troupes, il se dirigea vers les zanj et réussit à les mettre en déroute. Parmi les vaincus se trouvait ‘Imran, qui était marié à la grand-mère d’Ankalayh, le fils du chef zanj. Ce ‘Imran demanda un sauf-conduit de Boughraj, après quoi les deux groupes se séparèrent.

Muhammad Ibn al-Hassan a dit : « Je vis une femme parmi les habitants de la vallée de l’Euphrate qui découvrit un des zanj dissimulé dans un bois dense. Elle le saisit et le ramena sans résistance au camp de Sa’id ». Plus tard, Sa’id se prépara de nouveau pour la lutte contre al-khabith. Il traversa sur la rive ouest du Tigre et l’engagea dans plusieurs escarmouches qui durèrent des jours avant de revenir dans son camp dans Hatmah d’où il poursuivit la lutte contre lui durant tout le reste du mois de Rajab.

 

Cette même année, Ibrahim Ibn Muhammad Ibn al-Moudabbir s’évada de la prison où il était retenu par al-khabith. Il était en fait confiné dans une pièce de la résidence de Yahya Ibn Muhammad al-Bahrani. Comme al-Bahrani se sentit à l’étroit, Ibrahim fut déplacé dans un appartement de son palais où il fut enfermé. Deux hommes qui vivaient dans un bâtiment adjacent au sien furent chargés de sa surveillance. Ibrahim leur offrit des sommes considérables pour exciter leur cupidité. Ils creusèrent un tunnel de leurs propres résidences à l’endroit où Ibrahim était confiné avec son neveu Abou Ghalib. Ils s’enfuirent avec un homme des Banou Hashim qui était emprisonné avec eux.

 

Durant cette année, les forces du vil (al khabith) combattirent Sa’id, et beaucoup de ses compagnons trouvèrent la mort.



[1] Al-Khabith l’infâme ou le vil. C’est dorénavant le mot qu’emploiera l’Imam at-Tabari pour désigner ‘Ali Ibn Muhammad après les horribles crimes qu’il commit