La poursuite des rebellions

 

Après la disparition de l’émir ‘Abdel Qadir, d’autres révoltes éclatèrent sporadiquement contre l’occupation française que les envahisseurs n’eurent aucune difficulté à réprimer.

En 1264 de l’Hégire (1848), les habitants de l’oasis Za’arshah au sud-ouest de Biskra s’élevèrent contre les taxes arbitraires des autorités françaises sur leurs palmeraies et menés par un chef religieux du nom d’Abou Ziyyan, ils luttèrent courageusement contre les mécréants qui massacrèrent la plupart des habitants de l’oasis en l’an 1265 de l’Hégire (1849).

 

En l’an 1266 de l’Hégire (1850), un autre chef religieux Abou Boubaghlah mena la résistance contre les envahisseurs français dans la région de Grande Kabylie mais le mouvement de résistance cessa avec la mort d’Abou Boubaghlah en l’an 1270 de l’Hégire (1854).

 

En 1268 de l’Hégire (1852), une révolte, sous le commandement de Muhammad Ibn ‘AbdAllah de la tribu de Awlad Sidi Sheikh, éclata au sud dans la région de Laghouat mais il fut vaincu et la révolte prit fin cette même année.

 

En l’an 1273 de l’Hégire (1857), une femme algérienne du nom de Lalla Fatma N’soumer de la tribu Yenni se rebella donc à son tour contre l’ennemi.

Lalla Fatma naquit en l’an 1246 de l’Hégire (1830) au sein d’une famille religieuse et reçut une éducation religieuse. Son père Sidi Muhammad Ibn ‘Issa jouissait d’une position éminente au sein de sa famille et sa mère était Lalla Khadijah.

Lorsqu’elle atteignit l’âge de seize ans, son père la maria au dénommé Yahya Nath Ikhoulef mais le jour de son mariage, elle feignit d’être malade et son époux la renvoya chez ses parents tout en lui refusant le divorce. Elle resta ainsi sous sa tutelle durant toute sa vie et opta pour une vie d’ascétisme en se consacrant à la prière et la dévotion, de même qu’elle approfondit ses connaissances théologiques.

Après la mort de son père, Lalla Fatma se retrouva isolée et totalement coupée des autres. Elle quitta son village natal et se rendit à Soumer où résidait son frère aîné Si Tahar et elle fut rattachée à ce village. Lalla Fatma N’Soumer fut influencée par son frère aîné qui maîtrisait les différentes sciences religieuses acquit auprès de lui les différentes connaissances théologiques nécessaires et sa renommée se répandit à travers toutes les régions de Kabylie. Sa résistance contre le colonialisme au cours de laquelle elle fit preuve d’un courage et d’un héroïsme exceptionnel fut d’une rare violence. Elle mourut en septembre 1863, à l’âge de 33 ans.

Fatma a prouvé que la conduite de la résistance algérienne ne fut pas du ressort exclusif des hommes mais que même les femmes y participèrent. Depuis son jeune âge, Fatma N’Soumer grandit dans la haine du colonialisme et la résistance contre lui si bien lorsque les conditions le lui permirent, elle s’engagea dans la résistance et participa aux côtés du Sharif Boubaghlah à la défense de la région du Djurdjura et repoussa les attaques lancées par l’ennemi contre Larba Nath Iraten, en lui coupant les voies de communication.

Plusieurs chefs de clans et Shouyoukh de villages se rangèrent à ses côtés et elle entreprit de provoquer et attaquer les troupes d’occupation. Il semble même que ce fut elle qui tua le traître ad-Djoudi.

 

Au cours de l’une des batailles, elle fit preuve d’un courage exceptionnel pour sauver le Sharif Boubaghlah resté dans le village de Soumeur lors du premier affrontement qui eut lieu au village de Tezrout entre les envahisseurs et les habitants. Toutefois, ces derniers furent contraints de reculer après une résistance acharnée en raison du déséquilibre du rapport des forces matériellement et humainement.

Les envahisseurs devaient franchir deux points difficiles : Tashkirat et Thiri Bouirane. A cet endroit précis, Lalla Fatma avait rassemblé un groupe de femmes qui se tenaient debout sur une crête proche du champ de bataille et encourageaient les hommes par les youyous et différentes exhortations ; ce qui décupla le courage des combattants.

Le Sharif Boubaghlah fut blessé au cours de cette bataille à laquelle et Lalla Fatma N’Soumer lui prodigua les soins nécessaires.

 

Elle enregistra plusieurs victoires contre l’ennemi à son actif aux environs d’Illiti, Tahlijt Nath, Ouirja, Taourirt Moussa et Tizi Bouabir. Les autorités françaises furent amenées à mobiliser une armée considérable en vue d’affronter l’armée de Lalla Fatma dont le nombre ne dépassait guère 7.000 combattants. A la fin des combats entre les deux parties, les Français procédèrent au massacre collectif en tuant tous les membres des familles sans distinction ni compassion démunis qu’ils étaient et elle fut arrêtée le 19 Dzoul Qi’dah de l’année 1273 de l’Hégire (11 juillet 1857).

 

En l’an 1280 de l’Hégire (1864), une autre tribu des Sidi Awlad menée par Souleyman Ibn Hamzah, se rebella pour protester contre la politique arbitraire de taxation des envahisseurs et il réussit à vaincre une colonne de leur troupe près de Jabal ‘Amar. Progressivement, la rébellion se propagea dans d’autres régions mais en l’an 1281 de l’Hégire (1865), les envahisseurs réprimèrent la révolte après avoir tué un grand nombre de rebelles.

 

 

La troisième république et la politique répressive

 

La France fut vaincue dans la guerre Franco-prussienne en l’an 1307 de l’Hégire (1890). Avec l’établissement de la troisième république en France en 1288 de l’Hégire (1871), l’étau du pouvoir français sur l’Algérie se resserra et plus de pouvoirs furent conférés au gouverneur général pour faire de l’Algérie une réplique et une extension de la France.

Avec ce projet pour but, de vastes expériences à très large échelle furent entreprises pour établir les fermiers français en Algérie tandis que de violentes campagnes fut menée pour convertir les Algériens musulmans au Christianisme mais les politiques oppressives des Français menèrent à un mouvement de libération des Algériens mené al-Moukrani qui avait auparavant soutenu les Français dans leurs campagnes contre le Moujahid algérien ‘Abdel Qadir.

Après avoir vu les Français sous leur vrai visage, al-Moukrani décida de lever l’étendard de la révolte et il fut rejoint par le Sheikh al-Haddad, le Sheikh de l’ordre soufi des ratounaniyah. La révolte, suivie par la plupart des tribus algériennes, se propagea de la mer au Sahara et le cruel envahisseur prit des mesures militaires. Al-Moukrani fut tué dans l’action en l’an 1288 de l’Hégire (1871) néanmoins son frère Abou Mousraq prit la tête de la rébellion avant d’être vaincu et prit captif en l’an 1289 de l’Hégire (1872) mettant ainsi fin à la révolte. Dans le traité de paix qui suivit, l’autonomie des tribus fut abolie et elles durent payer une très lourde indemnité de guerre ainsi qu’abandonner la presque totalité de leurs terres au profit des colons français.

 

Vers la fin du douzième siècle de l’Hégire (1880), il y eut une autre rébellion conduite par Aghah Souleyman Ibn Hamzah dans la région d’Oran. Les Moujahidine luttèrent courageusement durant cinq années mais durent finalement déposer les armes devant la force supérieure des Français.

Par la suite, Siyad Muhammad al-Badawi continua la lutte par la voie constitutionnelle pour obtenir plus de droits pour les Algériens.

 

A la fin du treizième siècle de l’Hégire (dix-neuvième siècle), les Français avaient consolidé leur position en Algérie et les espoirs des Algériens de regagner leur liberté étaient infimes.

La très longue conquête de l’Algérie par les Français eut pour résultat un terrible et considérable carnage et la population algérienne déclina de presque un tiers entre 1245 et 1289 de l’Hégire (1830 à 1872).

 

Entre 1240 et 1263 de l’Hégire (1825 et 1847), plus de 50.000 Français émigrèrent en Algérie et ces colons profitèrent de la confiscation par le gouvernement français de toutes les terres arables des Musulmans qui souffrirent en plus des infâmes crimes, des maladies, de la pauvreté, l’alphabétisation s’effondra et une très large population fut déracinée.

 

Au début du douzième siècle de l’Hégire (fin du 19ème siècle), les gens de descendance européenne comme les espagnols d’Oran aussi bien que les Juifs nés en Algérie, les Juifs  Sépharades, devinrent citoyens français à part entière mais pas les « indigènes » d’Algérie ni même les algériens vivant en France et nés avant 1960.

 

Après l’année 1381 de l’Hégire (1962), année de l’indépendance partielle de l’Algérie, les européens furent appelés les pieds noirs.

 

 

L’infernale mission « civilisatrice »  

 

Il fut promis aux Algériens, lors de l’invasion de l’Algérie après la prise d’Alger : « L’exercice de la religion mahométane restera libre ; la liberté de toutes les classes d’habitants, leur religion, leurs propriétés, leur commerce ne recevront aucune atteinte. Les femmes seront respectées. Le général en chef en prend l’engagement sur l’honneur ».

Mais de quel honneur parle donc ces gens, de quelle parole et de quelle promesse qu’ils n’ont jamais tenu au long des siècles et qu’ils allaient aussi trahir en Algérie. Comment de nos jours, les gens font-ils encore confiance aux mécréants quand l’histoire est pleine de pages de leurs déloyautés.

 

Voici l’histoire de plusieurs générations d’Algériens qui souffrirent de la plus cruelle et sauvage forme de colonialisme et qui continue d’en payer le prix de nos jours. L’Histoire à pour devoir de rapporter tous les faits, bons ou mauvais, commis par les nations.

Selon Allah Exalté dans le Qur’an, il n’y a que deux sortes de gens, les Musulmans et les mécréants.  Les Musulmans sont ceux qui sont soumis à Allah et les mécréants ceux qui ne le sont pas et s’ils ne le sont pas, ils ne répondent à aucune justice et agissent comme si Dieu n’existait pas et qu’ils ne répondront donc jamais de leurs crimes.

Aux yeux des chrétiens, les Musulmans sont des « infidèles » mais aux yeux d’Allah, les Chrétiens sont des associateurs et c’est la toute la différence.

 

La colonisation n’eut aucun aspect positif quand la vie et la dignité de tout un peuple furent considérées comme insignifiantes et le mot « pacification » n’est qu’un terme cynique destiné à anesthésier les consciences et le rempart des pires crimes commis contre les Algériens. Quand à celui de « mission civilisatrice », il n’est qu’une insulte supplémentaire face au terrible traumatisme que subirent les Algériens. Allez dans les campagnes en Algérie et questionnez les gens sur les colonisateurs puis voyez donc ce qu’ils vous répondront, soixante années après le départ physique de ces derniers car comme vous le savez, le nord de l’Afrique est toujours Français.

Et n’oubliez pas que lorsque les rues de Grenade, en Andalousie musulmane, étaient illuminées la nuit, les européens peignaient les murs de leurs demeures avec leurs excréments et quand les Musulmans se lavaient avec du savon, l’épouse catholique du roi Alfonsh, se grattait la peau avec ses ongles pour retirer la crasse !

 

La colonisation allait ouvrir la porte à tous les excès et ce, jusqu’à de nos jours en Algérie. Que l’état français les reconnaisse ou non, peu importe, les faits sont là et sont consignés dans des livres que vous pouvez télécharger légalement et gratuitement, puisqu’ils n’ont pas de copyright, de la bibliothèque digitale en ligne Gallica.

Les Français, les pères du concept des chambres à gaz d’Hitler comme nous allons le voir avec les « enfumages », vont détruire l’Algérie avec une sauvagerie inouïe, et les Algériens se rendirent à l’évidence très rapidement que le colonisateur n’avait d’autre but que de christianiser le pays et d’usurper ses richesses, et finalement ils subiront les pires crimes :

- Massacres collectifs n’épargnant ni femmes, ni enfants, ni vieillards,

- Spoliation des terres privant des populations entières de ressources,

- Spoliation des biens religieux (habous) destinés à l’éducation et aux bonnes œuvres,

- Déportations de milliers d’Algériens vers la Nouvelle-Calédonie, Cayenne,

- Destructions et pillages du patrimoine algérien,

- Pillage du trésor de la Régence qui suffit à financer la campagne française, et bien au-delà et,

- Usurpation des mosquées pour les transformer en églises et cathédrales.

Des massacres et des atrocités innommables, attestées par les récits, furent perpétrés contre la population ; comme les paris sur le sexe des enfants des femmes enceintes que prenaient certains soldats de l’armée française qui utilisaient leur baïonnette pour éventrer les femmes et désigner le gagnant !

 

La France voulut effacer le passé de l’Algérie pour en faire un pays de mécréants et supprimer tout ce qui pouvait rappeler aux Algériens leur identité musulmane.

Après les massacres des populations, particulièrement en Kabylie, les enfants rescapés, nés Musulmans, dont on a fait des orphelins, étaient confiés aux « pères blancs », des missionnaires chrétiens, qui les convertissaient au Christianisme avant de les envoyer dans des casernes ou ils devenaient de bon petits soldats qu’on allait retourner contre leur propre pays et qui furent appelés « les enfants des parachutistes ». Plus de deux tiers de la population sera massacrée durant plus de quarante années et malgré ce que rapportent les « historiens menteurs », c’est plus de trois millions de gens qui seront massacrés, les races les « plus faibles » voués à disparaître devant les races « supérieures » comme ils ont si bien dit bien avant les nazis.

 

Alger, Constantine, Médéa, Miliana, Tilimsen (Tlemcen), etc., berceaux des civilisations berbères, arabes et turques furent dévastées, les palais et les mosquées furent rasées, leurs portes et leurs fenêtres en bois finement ouvragé servirent de combustible.

Les archives de la ville d’Alger, de Constantine, etc., furent détruites ou emmenées en France, les bibliothèques  dépouillées et toutes les richesses suite aux pillages de l’armée française d’abord, puis des colonisateurs par la suite. Comportement qui n’a guère changé depuis les Byzantins, puis les croisés et encore en juin 1962 quand la bibliothèque de l’Université d’Alger sera ravagée par un incendie criminel perpétré par l’OAS ou de nombreux manuscrits rares, rescapés de la conquête, seront détruits.

Trente pour cent de la Casbah d’Alger sera détruite pour construire des quartiers à l’européenne. Les champs, les vergers et les canalisations d’eau de la ville furent par ailleurs détruits, rendant méconnaissable la millénaire ville d’Alger et les forêts nationales furent aussi rasées.

Le trésor de la Régence, estimé à près de 50 millions de francs d’or, soit l’équivalent de quatre milliards d’euros actuels, fut pillé.

 

 

C’est vrai que la lecture de ces crimes ne peut que rajouter naturellement amertume et tristesse.

 

-  « Philippeville, 30 mai 1841. Un marin qui était là et qui possède des terres reprenait avec vivacité qu’on avait tort de traiter les colons de cette manière ; que sans colonie il n’y avait rien de stable ni de profitable en Afrique ; qu’il n’y avait pas de colonie sans terres et qu’en conséquence ce qu’il y avait de mieux à faire était de déposséder les tribus les plus proches pour mettre les Européens à leur place. Et moi, écoutant tristement toutes ces choses, je me demandais quel pouvait être l’avenir d’un pays livré à de pareils hommes et où aboutirait enfin cette cascade de violences et d’injustices, sinon à la révolte des indigènes et à la ruine des Européens [1] ».

- « Les profanations des cimetières musulmans donnèrent lieu à un odieux trafic destiné à utiliser les ossements humains pour faire du noir animal destiné à la fabrication du sucre. Le fait rapporté à Abdelkader [...] amena l’émir à proscrire le sucre blanc au nom de la religion en 1838[2] ».

 

De retour d’un voyage d’enquête en Algérie, Tocqueville écrivit : « Nous faisons la guerre de façon beaucoup plus barbare que les Arabes eux-mêmes [...] c’est quant à présent de leur côté que se situe la civilisation ».

 

- « Anéantir tout ce qui ne rampera pas à nos pieds comme des chiens » déclare le colonel de Montagnac.

 

- «  Nous tirons peu de coup de fusil, nous brûlons tous les douars, tous les villages, toutes les cahutes ; l’ennemi fuit partout en emmenant ses troupeaux ». La politique de la terre brûlée  par le gouverneur général Bugeaud.

 

- « La colonisation de l’Algérie se serait ainsi traduite par l’extermination du tiers de la population, dont les causes multiples (massacres, déportations, famines ou encore épidémies) seraient étroitement liées entre elles. Autrement dit, famines et épidémies ne peuvent être considérées comme « phénomènes » naturels sans rapport avec la soi-disant « pacification »[3] ».

 

- « La disparition des « indigènes » algériens dont les caractéristiques les condamnent « à une lente mais inéluctable disparition ». La loi de la sélection naturelle voue les races les « plus faibles » à disparaître devant les races « supérieures[4] ».

 

- « Une diminution inéluctable des populations indigènes frappées par le choc d’une civilisation supérieure », et « la disparition fatale de la race indigène[5] ».

 

- « L’extermination des indigènes » et « la solution finale » des Musulmans d’Algérie : « Les convertir est impossible : jamais leur Dieu ne capitulera devant la Trinité chrétienne !... Les détruire, comme des Peaux-Rouges, est également impossible : à défaut du monde civilisé, leur nombre et leur vaillance les protégeraient. Reste la justice[6] ».

 

- « Nous aurions exterminé les Arabes en Algérie si nous avions eu les moyens, et s’ils n’étaient pas nombreux[7] ».

 

- « La seule chose raisonnable, en s’emparant du pays pour y implanter une population européenne, était la destruction de la population indigène[8] ».

 

- « Fonder pacifiquement la colonisation en étouffant dans ses flots les vagues mourantes de la nationalité arabe ». Secrétaire de la présidence du conseil des ministres « La France en Afrique, p. 169 ».

 

- « Nous avons soumis le pays par un arsenal de haches et d’allumettes chimiques. On coupait les arbres, on brûlait les moissons, et on se rendait bientôt maître d’une population réduite à la famine et au désespoir. » Discours du général de Castellane à la Chambre des Pairs du 4 juillet 1845.

 

- « Depuis onze ans on a renversé les constructions, incendié les récoltes, détruit les arbres, massacré les hommes, les femmes, les enfants, avec une furie toujours croissante ». Général Duvivier (Solution de la question de l’Algérie, p. 285.)

 

- « La conquête de l’Algérie a fourni un autre exemple remarquable du point vraiment incroyable jusqu’où le gouvernement bourgeois pousse la perfidie. En 1837, un traité, le traité de la Tafna, intervint entre Louis-Philippe et Abd-el-Kader.

Par ce traité l’Algérie se trouvait partagée entre Abd-el-Kader et la France.

En ce qui concerne le département d’Alger, le traité définissait ainsi le territoire qui revenait à la France : « Alger, le Sahel, la plaine de la Mitidja bornée à l’Ouest jusqu’à Kaddara... » ; C’était clair : la plaine de la Mitidja bornée à l’est jusqu’à l’Oued Kaddara.

Eh bien ! La France prétendit que son territoire s’étendait au-delà de l’Oued Kaddara !

Et voilà pour cela ce qu’on imagina.

Le texte arabe, le seul signé d’Abd-el-Kader, portait après « Oued Kaddara » le mot arabe « fouq ». Ouvrez n’importe quel dictionnaire, interrogez n’importe quel Français sachant l’arabe, ou n’importe quel Arabe sachant le français, vous apprendrez instantanément et invariablement que « fouq » signifie : au-dessus.

Le gouvernement français, lui, prétendit que « fouq » signifiait au-delà, et, alors, au lieu de la traduction évidente : jusqu’à l’Oued Kaddara et ce qui est au-dessus, c’est-à-dire les crêtes qui le dominent, il traduisit par cette phrase identiquement absurde : « ...la plaine de la Mitidja bornée à l’Est jusqu’à l’Oued Kaddara et au-delà ».

Ainsi on aurait fixé une borne au territoire revenant à la France, uniquement pour dire que ce qui était au-delà de cette borne lui revenait aussi !

Mais qu’importe l’absurdité, pourvu que cette absurdité fournisse un prétexte pour violer les traités ! En vertu de cette « traduction », les troupes françaises se portaient, en 1839, jusqu’aux Portes de Fer, c’est-à-dire à plus de 100 kilomètres au-delà de l’Oued Kaddara. Et cette expédition ayant amené la reprise des hostilités, tous les manuels d’histoire nous enseignent que c’est Abd-el-Kader qui a violé le traité de la Tafna ![9] ».

 

Voici certaines lettres du Maréchal Saint-Arnaud, extraites de ses recueils de lettre en deux tomes tome I, pages 141, 313, 325, 379, 381, 390, 392, 472, 474, 549, 556, tome II, pages 83, 331, 340.

- « Le pillage exercé d’abord par les soldats, s’étendit ensuite aux officiers, et quand on évacua Constantine, il s’est trouvé comme toujours, que la part la plus riche et la plus abondante était échouée à la tête de l’armée et aux officiers de l’état-major ». Prise de Constantine, octobre 1837.

- « Nous resterons jusqu’à la fin de juin à nous battre dans la province d’Oran, et à y ruiner toutes les villes, toutes les possessions de l’émir. Partout, il trouvera l’armée française, la flamme à la main ». Mai 1841.

- « Mascara, ainsi que je l’ai déjà dit, a dut être une ville belle et importante. Brûlée en partie et saccagée par le maréchal Clauzel en 1855 ».

- « Nous sommes dans le centre des montagnes entre Miliana et Cherchell. Nous tirons peu de coup de fusil, nous brûlons tous les douars, tous les villages, toutes les cahutes. L’ennemi fuit partout en emmenant ses troupeaux ». Avril 1842.

- « Le pays des Bani-Menasser est superbe et l’un des plus riches que j’ai vu en Afrique. Les villages et les habitants sont très rapprochés. Nous avons tout brûlé, tout détruit. Oh la guerre, la guerre ! Que de femmes et d’enfants, réfugiés dans les neiges de l’Atlas, y sont morts de froid et de misère !… Il n’y a pas dans l’armée cinq tués et quarante blessés ». Région de Cherchell, avril 1842.

- « Deux belles armées… se donnant la main fraternellement au milieu de l’Afrique, l’une partie de Mostaganem le 14, l’autre de Blida le 22 mai, rasant, brûlant, chassant tout devant elles ». Mai 1842 (de Mostaganem à Blida, il y a 250 kilomètres).

- « On ravage, on brûle, on pille, on détruit les maisons et les arbres. Des combats : peu ou pas ». Région de Miliana, juin 1842.

- « …Entouré d’un horizon de flammes et de fumées qui me rappellent un petit Palatinat en miniature, je pense à vous tous et je t’écris. Tu m’as laissé chez les Brazes, je les ai brûlés et dévastés. Me voici chez les Sindgad, même répétition en grand, c’est un vrai grenier d’abondance… Quelques-uns sont venus pour m’amener le cheval de soumission. Je l’ai refusé parce que je voulais une soumission générale, et j’ai commencé à brûler ». Ouarsenis, Octobre 1842.

- «  Le lendemain 4, je descendais à Haimda, je brûlais tout sur mon passage et détruisais ce beau village…Il était deux heures, le gouverneur (Bugeaud) était parti. Les feux qui brûlaient encore dans la montagne, m’indiquaient la marche de la colonne ». Région de Miliana, février 1843.

- « Des tas de cadavres pressés les uns contre les autres et morts gelés pendant la nuit ! C’était la malheureuse population des Bani-Naâsseur, c’étaient ceux dont je brûlais les villages, les gourbis et que je chassais devant moi ». Région de Miliana, février 1843.

- « Les beaux orangers que mon vandalisme va abattre !... je brûle aujourd’hui les propriétés et les villages de Ben-Salem et de Bel-Cassem-ou-Kassi ». Région de Bougie, 2 octobre 1844.

- « J’ai brûlé plus de dix villages magnifiques ». Kabylie, 28 octobre 1844

- « II y avait encore des groupes nombreux d’ennemis sur les pitons, j’espérais un second combat. Ils ne sont pas descendus et j’ai commencé à couper de beaux vergers et à brûler de superbes villages sous les yeux de l’ennemi ». Dahra, mars 1846.

- « J’ai laissé sur mon passage un vaste incendie. Tous les villages, environ deux-cents, ont été brûlés, tous les jardins saccagés, les oliviers coupés ». Petite Kabylie, mai 1851.

- « Nous leur avons fait bien du mal, brûlé plus de cent maisons couvertes en tuile, coupé plus de mille oliviers ». Petite Kabylie, juin 1851.

 

Voici d’autres témoignages :

- « Le carnage fut affreux ; les habitations, les tentes des étrangers dressées sur les places, les rues, les cours furent jonchées de cadavres. Une statistique faite à tête reposée et d’après les meilleurs renseignements, après la prise, constate le chiffre de 2.300 hommes, femmes ou enfants tués ; mais le chiffre de blessés fut insignifiant, cela se conçoit. Les soldats, furieux d’être canardés par une lucarne, une porte entrebâillée, un trou de la terrasse, se ruaient dans l’intérieur et y lardaient impitoyablement tout ce qui s’y trouvait ; vous comprenez que, dans le désordre, souvent dans l’ombre, ils ne s’attardaient pas à établir de distinction d’âge ni de sexe : ils frappaient partout et sans crier gare ![10] »

 

- « Les Ouled Saad avaient abandonné femmes et enfants dans les buissons, j’aurais pu en faire un massacre, mais nous n’étions pas assez nombreux pour nous amuser aux bagatelles de la porte : il fallait garder une position avantageuse et décrocher ceux qui tiraient sur nous[11] ».

 

Les lettres que le colonel de Montagnac[12] écrivait à sa famille précise :

- « Vive Lamoricière ! Voilà ce qui s’appelle mené la chasse avec intelligence et bonheur !… Ce jeune général qu’aucune difficulté n’arrête, qui franchit les espaces en un rien de temps, va dénicher les Arabes dans leurs repères, à vingt-cinq lieues à la ronde, leur prend tout ce qu’ils possèdent : femmes, enfants, troupeaux, bestiaux, etc. ».1er février 1841.

- « Nous poursuivons l’ennemi, nous lui enlevons femmes, enfants, bestiaux, blé, orge, etc. ». Région de Mascara, 17 janvier 1842.

- « Pendant que nous rasons de ce côté, le général Bedeau, autre perruquier de première qualité, châtie une tribu des bords du Chélif... leur enlève force femmes, enfants et bestiaux... » 11 février 1842.

- « Nous nous sommes établis au centre du pays... brûlant, tuant, saccageant tout... Quelques tribus pourtant résistent encore, mais nous les traquons de tous côtés, pour leur prendre leurs femmes, leurs enfants, leurs bestiaux ». Petite-Kabylie, 2 mai 1843.

- « Vous me demandez, dans un paragraphe de votre lettre, ce que nous faisons des femmes que nous prenons. On en garde quelques-unes comme otages, les autres sont échangées contre des chevaux, et le reste est vendu à l’enchère comme bêtes de somme ». Lettre datée de Mascara, 31 mars 1842.

 

- « Apportez des têtes, des têtes ! Bouchez les conduits crevés avec la tête du premier Bédouin que vous rencontrerez[13] ».

 

Le comte d’Hérisson[14] quant à lui écrivit :

- « II est vrai que nous rapportons un plein baril d’oreilles récoltées paires à paires sur les prisonniers, amis ou ennemis ».

- « ... Des cruautés inouïes, des exécutions froidement ordonnées, froidement exécutées à coups de fusil, à coups de sabre, sur des malheureux dont le plus grand crime était quelquefois de nous avoir indiqué des silos vides », ces mêmes méthodes furent utilisés lors des massacres de Ben Talhah exécutés par l’armée algérienne sur les ordres « des fils des parachutistes » en septembre 1997.

- « Les villages que nous avons rencontrés, abandonnés par leurs habitants, ont été brûlés et saccagés ; ... on a coupé leurs palmiers, leurs abricotiers parce que les propriétaires n’avaient pas eu la force nécessaire pour résister à leurs émirs et lui fermer un passage ouvert à tout le monde chez ces tribus nomades. Toutes ces barbaries ont été commises sans tirer un coup de fusil, car les populations s’enfuyaient devant nous, chassant leurs troupeaux et leurs femmes, délaissant leurs villages ».

- « Encore une tribu, mon général, qui en a assez et qui demande l’aman (la sécurité) ». – « Non, répondit le général Yussuf, il y a là, sur notre gauche, ce brave colonel qui n’a encore rien eu. Laissons-lui cette tribu à éreinter ; cela lui fera un bulletin ; on donnera ensuite l’aman[15] ».

 

- « Les oreilles indigènes valurent longtemps encore 10 francs la paire, et leurs femmes demeurèrent, comme eux, d’ailleurs, un gibier parfait[16] ».

 

- « Je lui fis couper la tête et le poignet gauche (il s’agit d’un marabout de la province de Constantine) et j’arrivai au camp avec sa tête piquée au bout d’une baïonnette et son poignet accroché à la baguette d’un fusil. On les envoya au général Baraguay d’Hilliers qui campait près de là, et qui fut enchanté, comme tu le penses... » Et « on ne se fait pas l’idée de l’effet que produit sur les Arabes une décollation de la main des chrétiens... Il y a déjà pas mal de temps que j’ai compris cela, et je t’assure qu’il ne m’en sort guère d’entre les griffes qui n’aient subi la douce opération. Qui veut la fin veut les moyens, quoiqu’en disent nos philanthropes. Tous les bons militaires que j’ai l’honneur de commander sont prévenus par moi-même que s’il leur arrive de m’amener un Arabe vivant, ils recevront une volée de coups de plat de sabre... Quant à l’opération de la décollation, cela se passe coram populo[17] ».

 

- « En vertu des instructions du général en chef de Rovigo, un corps de troupe sorti d’Alger, pendant la nuit du 6 avril 1832, surprit au point du jours la tribu endormie sous ses tentes, et égorgea tous les malheureux El-Ouffia sans qu’un seul chercha même à se défendre. Tout ce qui vivait fut voué à la mort ; on ne fit aucune distinction d’âge ni de sexe. Au retour de cette honteuse expédition, nos cavaliers portaient des têtes au bout des lances [18]».

 

- « Tout le bétail fut vendu à l’agent consulaire du Danemark. Le reste du butin fut exposé au marché de la porte Bab-Azoun (à Alger). On y voyait des bracelets de femme qui entouraient encore des poignets coupés, et des boucles d’oreilles pendant à des lambeaux de chair. Le produit des ventes fut partagé entre les égorgeurs. Dans l’ordre du jour du 8 avril, qui atteignit les dernières limites de l’infamie, le général en chef eut l’impudence de féliciter les troupes de l’ardeur et de l’intelligence qu’elles avaient déployées. Le soir de cette journée à jamais néfaste, la police ordonna aux Maures d’Alger d’illuminer leurs boutiques, en signe de réjouissance[19] ».

 

- « Or, quelques jours après, on sut que cette tribu n’avait été pour rien dans la mésaventure arrivée aux envoyés du Sud, ceux-ci ayant été victimes d’hommes appartenant à la tribu toute différente des Krechnas. Ce qui n’empêcha pas, bien que l’innocence des al-Ouffia fût déjà connue, de condamner à mort le cheik des al-Ouffia, qu’on avait soigneusement épargné lors du massacre et de l’exécuter, ainsi qu’un autre notable aussi innocent que lui[20] ».

 

- « Le 7 mai 1832, des Arabes d’une tribu inconnue vinrent, sous les murs de la ville, s’emparer de quelques bœufs. Le capitaine Youssouf décida que les maraudeurs appartenaient à la tribu des Kharijas ; le même soir il partit avec les Turcs, qu’il embusqua de nuit dans les environs, et lorsque le jour commençait à paraître, il massacra femmes, enfants et vieillards. Une réflexion bien triste suivit cette victoire, lorsqu’on apprit que cette même tribu était la seule qui, depuis notre occupation de Bône, approvisionnait notre marché[21] ».

 

- « Meurtre consommé avec préméditation sur un ennemi vaincu, sur un ennemi sans défense[22] ».



[1] Alexis de Tocqueville  dans - Notes sur l’Algérie - 1841.

[2] Charles-André Julien, Histoire de l’Algérie contemporaine. La conquête et les débuts de la colonisation (1827-1871), Paris, P.U.F, 2 édition, 1979, p. 55.

 [3] Selon Olivier Le Cour Grandmaison.

[4] Docteur René Ricoux.

[5] Charles-Robert Ageron, Histoire de l’Algérie contemporaine, t. II (1871-1954), Paris, P.U.F., 1979, pp. 12 et 14.

[6] Charles Mismer, Souvenirs du monde musulman, Paris, Hachette, 1892, p. 320.

 [7] Jules Roy.

[8] Desjobert « L’Algérie en 1846 ».

 [9] Robert Louzon 1936

[10] Pein, Lettres familières sur l’Algérie, 2ème édition, p. 393. La prise de Laghouat 2 décembre 1852.

[11] Pein. Lettres familières sur l’Algérie, 2ème édition, p. 26.

 [12] De Montagnac, Lettres d’un soldat, p. 141, 142, 195, 203, 311, 225.

 [13] Harangue citée par le baron Pichon : Alger sous la domination française, p.109.

 [14] D’Hérisson : La Chasse à l’Homme, p. 133 et suivantes.

[15] D’Hérisson : La Chasse à l’Homme, p. 349.

[16] D’Hérisson : La Chasse à l’Homme, p. 349. 

[17] De Montagnac : Lettres d’un soldat, p. 297 et 299.

[18] Christian : L’Afrique française, p. 143.

[19] Dieuzalde : Histoire de l’Algérie, tome I, p. 289.

[20] Baron Pichon : Alger sous la domination française, p. 186. 

[21] Christian : L’Afrique française, p. 148 et 149. 

[22] Prince de la Moskova, Discours à la Chambre des Pairs.