Année 1917

 

Les troubles dans le Sud-Tunisien ne cessèrent cependant pas en 1917, malgré la défense française ultramoderne. S’il est vrai que les Tripolitains semblaient surtout concentrer leurs forces contre les Italiens en Libye, en Tunisie, on assistait en 1917 à des attaques de harcèlement qui se prolongèrent jusqu’à 1918.

 

Pendant les mois de février et mars 1917, des patrouilles du D.S.T. eurent plusieurs accrochages. Dans un de ces petits combats, trois cavaliers furent tués et trois autres blessés.

 

En juin 1917, le poste de la compagnie saharienne a été razzié ; tous les animaux de la compagnie furent emportés par les rebelles.

 

Le 8 juillet 1917, une section d’avions pris part à la poursuite par une patrouille de Mashahad Salih d’une caravane de fellaga. Un vif combat s’engagea entre les deux partis.

 

Le 7 juin 1917, dans le but d’arrêter la propagande hostile de Khalifah Ibn ‘Askar et le recrutement de ses partisans, le général Alix donna l’ordre d’opérer un nouveau bombardement de Nalout.

L’opération fut effectuée par 4 avions de l’escadrille 542 en deux sections. Un détachement de goumiers et les tracteurs-mitrailleurs de l’aviation s’établirent à 8 km au sud-est de Galb Oumm ad-Doud pour servir de repli aux avions. Un groupe léger, [spahis, une section montée, deux sections de mitrailleuses, une compagnie et demie du 4e bataillon d’Afrique] prit position à Ben-Gouaddal « 640 kilos de projectiles sont jetés faisant des dégâts matériels importants. Les rebelles réfugiés dans les Rhars et les grottes n’eurent aucune perte ». « Une surprise malheureuse allait, selon les autorités militaires françaises, démontrer en même temps que la mobilité extrême des rebelles, combien la sécurité d’une troupe est fictive en pays arabe ».

 

 

Le 11 juin 1917, un rezzou[1] Touareg de 300 hommes parti de Naga (200 km sud-est de Ghadamès), passa par Sinaoun, Zar et le Grand Erg et attaqua au petit jour le peloton de méharistes d’al-Hajrah (18 km au nord-ouest de Bir Kassirah), gardant les animaux de la compagnie saharienne au pâturage. Le combat dura trois heures, jusqu’à l’arrivée du peloton de Bir Kassirah, sous le commandement du capitaine Rissler. Cette affaire coûta aux Français 8 blessés, 200 méharas enlevés, 100 autre tués ou blessés (ces chiffres doivent être pris avec le maximum de réserve). Le rezzou perdit une vingtaine d’hommes.

Par suite d’un vent violent et d’avaries aux appareils, une section d’avions envoyés de Tataouine à Bir Kassirah, ne purent intervenir efficacement.

A la suite de ce combat, la Compagnie saharienne fut placée par décision ministérielle sous les ordres du général commandant le Sud-Tunisien, pour les opérations militaires, zone saharienne comprise.

 

Le 31 juillet 1917, le groupe mobile d’Oumm Souigh, en fouillant la Shi’bat an-Nakhlah, y surprit une centaine de rebelles et un combat eut lieu entre les deux partis.

 

Les 2, 3 et 4 août 1917, Vazin fut bombardée par les avions qui réglèrent en même temps le tir des pièces de 90 de Dahibat.

 

Le 12 août 1917, une opération fut montée par plusieurs colonnes sous les ordres du lieutenant Bemadotte pour faire la cueillette des fruits dans la Shi’bat an-Nakhlah. Une telle opération fut prescrite par le général Boyer dans une série d’opérations ayant pour but d’effectuer la récolte des fruits et des figues de tous les jardins, alimentation principale des rebelles

 

Le 19 août 1917, plusieurs caravanes escortées tombèrent dans une embuscade tendue par les rebelles à Ben Nijma (près de Dahibat). Les pertes françaises furent sévères : 7 tués, 8 blessés, 100 chameaux emportés par les rebelles.

 

Le 26 octobre 1917 vers 14h, le groupe mobile de Dahibat de plusieurs unités eut un engagement avec les rebelles venus de Wazin. Le décrochage se fit facilement et le groupe mobile rentra à Dahibat, ayant un caporal disparu, 5 blessés, des animaux tués et blessés.

 

Le 9 novembre, le même groupe mobile, renforcé au groupe mobile d’Oumm Souigh, monta directement sur Saniat Oumm Guarjoum et marcha vers le puits de la Mortaba pendant que la Place de Dahibat bombardait Wazin et qu’un petit détachement de couverture était installé à Gar’at ‘Afînah. Une section d’avions pris part à l’opération. Vers 9h du matin, la compagnie de tête fut fortement attaquée par des groupes nombreux de rebelles estimés à environ 500 hommes. Après un vif combat, la colonne se replia par échelons sur la Saniat Oumm Garjoum et redescendit du Zahr : les pertes françaises furent sensibles : 4 tués ou morts de leurs blessures, 2 disparus, un officier et 8 blessés. Les pertes musulmanes restèrent inconnues.

Les avions, par suite « de l’habileté des rebelles à se dissimiler à leur approche, n’avaient pu donner que des renseignements impartiaux ».

 

Pendant toute l’année, les patrouilles eurent à poursuivre des bandes de rebelles dans le Zahr.

 

 

La « conspiration panislamique » des Bani Zid

 

Toujours pendant l’année 1917, les autorités coloniales découvrirent un projet de « conspiration » (ou complot panislamique) impliquant les Bani Zid à al-Hammah de Gabès qui formaient en quelque sorte la liaison entre les tribus nomades du centre et de l’ouest de la Tunisie. On sait que les Bani Zid avaient vigoureusement résisté à l’occupation militaire française à partir de 1881. Un grand nombre de ces gens était passé alors en dissidence en Tripolitaine et tous ne sont pas revenus. Et les intelligences des Bani Zid avec les chefs tripolitains n’ont pas cessé ; l’arrivée de Noury Bey avec un firman du Sultan, les tentations réussies des sous-marins allemands sur les côtes de la Tripolitaine et de la Tunisie pour débarquer des armes et des munitions, les activités des Moujahidine réveillèrent l’esprit de « conspiration » chez les Bani Zid.

 

Le Khalifah des Bani Zid « ayant des aptitudes policières et de la poigne » trouva la trace d’un complot panislamique : il saisit des correspondances de Noury Bey, le frère d’Anwar et de Souleyman al-Barouni appelant les Bani Zid au Jihad : « vous vous plaignez, dit-on, de manques d’armes nous vous en enverrons ; mais vous avez déjà celles que portent vos fils dont la France a fait des soldats malgré eux ». Depuis deux ans, ils avaient été signalés comme ayant des intelligences avec la Tripolitaine. Plusieurs d’entre eux furent internés à Tunis, à Djerba, à Ghar al-Milh et ailleurs. Un certain nombre des Sheikhs des Bani Zid fut condamné à cinq ou dix ans de travaux forcés dans un procès qui se déroula en 1919.

 

En résumé, l’année 1917 fut comme les deux précédentes, une année pénible économiquement et militairement pour les autorités françaises, une année de sécheresse. La récolte d’orge, de figues, de dattes et d’olives fut presque nulle. Les pâturages n’ont pu nourrir les troupeaux qui dépérissaient. Enfin de nombreux vols de sauterelles ravagèrent en mai et juin, les régions de Médenine, Ben Gardane, Zarzis et Matmatah. A en croire les sources officielles françaises, ce fut grâce aux distributions d’orge et d’huile des Affaires Indigènes que les populations des territoires du Sud-Tunisien furent sauvées de la famine, qui régnait en Tripolitaine, où l’on mourrait de faim (il ne mourrait rien qu’à Nalout en novembre 1917, 8 à 10 personnes par jour).

 

 

Année 1918

 

Khalifah Ibn ‘Askar continua sa propagande et ses attaques contre les postes français ; ‘Omar al-Guallati, panislamiste tunisien et « adversaire irréductible des Français », fut désigné par Souleyman al-Barouni pour prendre le commandement à Wazin, où se trouvaient une cinquantaine de Moujahidine réguliers et 250 irréguliers. Des armes et des munitions, des uniformes furent envoyé à Nalout. Les postes rebelles furent munis de grenades.

 

La récolte de l’année fut excellente et mit fin à la famine générale.

 

La défaite italienne sur le front de l’Isonzo en octobre 1917, la révolution russe, les opérations des Moujahidine dans le sud n’étaient pas ignorées des milieux musulmans dans la Tunisie entière.

Plus que jamais, 1’alliance poursuivit sa politique panislamique. La pénétration des armées allemandes et turques dans les provinces méridionales de la Russie, les mirent au contact de nombreuses populations musulmanes. Les rêves allemands entrevoyaient déjà le soulèvement du Caucase, de la Perse, de 1’Afghanistan, et de l’Inde. Le prince Osman Fouad Pacha  remplaça en mai 1918 Noury Bey, frère d’Anwar, pour coordonner les efforts des chefs tripolitains, et essaya de calmer les désaccords et les mésintelligences qui éclataient à tout moment entre eux.

 

Les autorités françaises du D.S.T. continuèrent avec vigueur les tournées de police et la poursuite des rebelles et des déserteurs.

 

Combat du col Matous

Le 3 mars 1918, 17 chameaux ont été enlevés près de Bir Darcen par un petit groupe qui a pu échapper aux patrouilles françaises : un goumier blessé.

 

Le 18 mars, 7 chameaux furent enlevés au troupeau du fournisseur de bois de Dahibat pâturant dans une région interdite.

 

Le 27 mars, une bande de 40 Tripolitains razziait un troupeau de 150 têtes environ près de Ramadah. Le Makhzen de ce poste, sous les ordres de l’adjudant Michel, lancé à sa poursuite, engagea un combat de nuit au col de Matous, dans lequel furent tués un Bachaouch, un cavalier et trois rebelles.

 

Dans la nuit du 17 avril 1938, une patrouille d’al-Aouadi commandée par l’adjudant Thomassin du cinquième bataillon d’Afrique reçut des coups de fusil de 6 rebelles. L’adjudant fut tué.

 

En mai 1918, plusieurs rebelles furent poursuivis entre Fatnassia et Bir al-Atslah : un rebelle tué.

 

Le service des renseignements français ayant fait connaître qu’un groupe de 40 tentes était installé à 4 km environ sud-ouest de Wazin ; un ordre fut donné à l’escadrille 541 (5 avions) de le bombarder par obus et par bouteilles de brome. Deux bombardements successifs ont été effectués le 17 mai 1918.

 

Une section de tracteurs-mitrailleurs éclairée par des goumiers s’installa en repli à la frontière tripolitaine.

 

Vers 8 heures du matin, un combat s’engagea à la mitrailleuse à Dhahrat an-Nisf avec les rebelles descendant du col de Wazin qui tentèrent d’encercler la section.

Un groupe commandé par le capitaine Bouvet des Affaires Indigènes (goum, spahis, section montée, section de 65, etc.) puis la colonne mobile de Dahibat (cap. Bayard) appuya successivement la section des tracteurs-mitrailleurs.

La rupture du combat dirigé par le commandant de Bordesoulle, chef de secteur fut obtenue facilement vers 11 heures par l’intervention en masse de l’escadrille qui bombardait les rebelles.

Un goumier fut blessé. Les rebelles eurent une dizaine de morts et une vingtaine de blessés.

 

Dans la nuit du 4 au 5 juin, le courrier postal partant de Dahibat fut attaqué : un spahi blessé.

 

 

Khalifah Ibn ‘Askar, d’après nos renseignements, reçut un renfort de 400 réguliers pour opérer contre les Français et on annonça l’attaque prochaine des postes de Mashahad Salih et de Ramadah.

 

Dans le mois de juillet 1918, deux bandes de rebelles furent poursuivies : la première dans les Matmata, la deuxième ayant razzié vers Bir al-Hajjaj, fut rejointe en Tripolitaine par les cavaliers de Bir ‘Ali et les chameaux repris. Un goumier fut tué. Un petit combat eut lieu entre le makhzen et cinq rebelles dans la région de Ramadah : un rebelle fut tué et deux autres blessés.

 

En août 1918, il y a eu une recrudescence de l’activité des rebelles ; de nouveaux groupes de rebelles apparurent dans le territoire de Tataouine et Matmata. Un petit poste de surveillance de Dahibat fut attaqué. Un chasseur du quinzième groupe spécial fut tué.

 

Une corvée de bois de Dahibat fut attaquée par une vingtaine de rebelles. Les goumiers du poste intervinrent et après un léger engagement le détachement de protection rentra à Dahibat sans perte.

 

Le 19 août 1918, le convoi décadaire partant de Dahibat à minuit fut brusquement attaqué à 2 km au nord de Dahibat. Une centaine de chameaux et 4 chevaux furent emmenés par les rebelles. Les pertes françaises furent 7 tués dont le lieutenant Gruzon, lieutenant du Train et dix blessés.

 

En septembre, le Khalifah des Touazine (Ben Gardane) Hamid Ben Naji fut arrêté à la suite d’agissements suspects. Cette arrestation, disait un rapport militaire français, produisit « une grosse émotion dans le milieu indigène, mais affirme aussi aux yeux de nos tribus que nous sommes disposés à employer la manière forte contre ceux dont la conduite et le loyalisme laisseraient à désirer ».

 

En septembre 1918, trois bandes de rebelles dont l’une d’eux fut rejointe vers Bir Darsan : 3 hommes furent tués, deux blessés.

 

Un petit groupe de déserteurs qui opérait entre Kabili et Gabès, dévalisa les chameliers dont l’un portait le courrier postal, puis une petite caravane et un convoi. Mais la complicité des populations leurs permit d’échapper aux poursuites.

 

Le 5 octobre, un petit détachement envoyé de Tataouine à Bir Kassirah pour évacuer un malade grave fut attaqué au col de Bréga. Un conducteur du Train et un tirailleur furent tués, un cavalier blessé.

 

Le 9 octobre, une patrouille de 5 cavaliers de Bir Atslah eut un combat contre un groupe de 7 rebelles.

 

Combat d’Oued Nakhlah

Une harka[2] (haraka) de 350 fusils environ attaqua, le 15 octobre 1918 vers l’Oued Nakhlah à 8 km au nord-ouest de Bir Kassirah, le peloton Ragarou et la section mobile de mitrailleuses de la compagnie saharienne protégeant le pâturage des chameaux. Pendant huit heures le peloton résista énergiquement. L’arrivée de renforts de Bir Kassirah (peloton du lieutenant Genevois) détermina la retraite de la harka, qui laissa sur le terrain 4 morts et qui emporta une quarantaine de blessés. Du côté français, 8 hommes furent tués, dont le maréchal des logis Yvorel, commandant la section mobile de mitrailleuses, et 12 blessés dont l’interprète Ragarou.

Une section d’avions (lieutenant Lamy) poursuivit les rebelles en retraire et les bombarda avec des obus Brandt.

 

Une bande de déserteurs armés commettaient des assassinats dans la région d’Aram et de Toujane. Les patrouilles de Makhzen les recherchèrent mais la complicité des populations leur permit d’échapper aux poursuites.

 

En novembre 1918 enfin, les cadres turcs et allemands furent rapatriés en exécutant des armistices conclues en Europe, les insurgés autochtones restés seuls durent renoncer aux opérations de guerre proprement dites.

 

 

Le mouvement Fellaga

 

Vers la fin de 1918 et durant les deux années 1919 et 1920, la Tunisie fut le théâtre d’un mouvement Fellaga d’une certaine ampleur. Ce mouvement déborda le cadre du Sud-Tunisien et s’étendit aussi au centre-ouest et au Caïdat de Gafsa.

Si les Fellaga étaient pour les autorités françaises et leurs serviteurs autochtones apostats traîtres ainsi que les mécréants en général, des « bandits », des « brigands », « criminels vulgaires » et aujourd’hui des « terroristes », ils étaient pour le peuple tunisien et musulman et tous les peuples du monde libre des « partisans », des « combattants », des « Moujahidine ».

En effet, « de nombreux déserteurs s’étaient groupés en bandes armés et opéraient sous la conduite de certains chefs. Beaucoup de déserteurs du caïdat des Hmama refluèrent vers le caïdat de Gafsa où les montagnes en grand nombre leur offraient un refuge plus sûr ». Attaquer les soldats français envahisseurs et les traîtres tunisiens, razzier les tribus demeurées fidèles aux Français, piller les fermes coloniales, etc., telles étaient les opérations auxquelles ces Fellaga se livraient. Mais, à la suite de la loi martiale décrétée, des soldats furent envoyés pour pourchasser ces « Fellaga ». Les trains de nuit furent supprimés dans tout le centre-ouest. Autour des chantiers d’Alfa, les soldats montraient la garde sans relâche.

Même avec le concours de l’autorité militaire, il était d’autant plus difficile de disperser ou de détruire des groupes de Fellaga qui trouvaient parmi la population de nombreux complices. Grâce à leurs indicateurs, les Khalifah, Sheikhs et Caïds arrêtèrent un certain nombre. Pour affaiblir ce mouvement, « une décision ministérielle promit l’amnistie à tous ceux qui déposeraient les armes. Plusieurs dizaines finirent pour se rendre. Seuls les plus compromis continuèrent à tenir le maquis ». Bashir Ibn ‘Ali Ibn Sdira al-Hammami « était le plus célèbre » de tous les Fellaga. Sa mort qui survint le 21 juillet 1920 porta un grand coup à ce mouvement. Fasciné par son courage extraordinaire le peuple tunisien, dans sa quasi majorité voyait en lui un héros et un martyr. Le Khalifah ‘Ali Ibn Hajj Hmid écrivit le 29 octobre 1923 au résident général que Bashir (Ibn Sdira) disposait d’une force de 75 Fellaga bien armés et fidèles à ses ordres.

 

Un rapport non daté établit par les autorités coloniales françaises dit à propos de la mort de ce Fellag : « La mort de Bashir, tué traîtreusement » par Belgacem Ibn Muhammad Ibn ‘AbdAllah (al-Agra’) « par un désir de vengeance et aussi par l’appoint de la prime de 5.000 francs promise pour-la capture de ce bandit, mort ou vif, eut pour effet de donner à la famille de ce brigand déjà célèbre et devenu l’objet d’une véritable admiration parmi les populations » du caïdat de Gafsa « un regain de popularité et de prestige. On entend, en effet, dire couramment que Béchir était un Moujahid (combattant pour la foi), et on le considère un peu comme un martyr. Lors des dernières fêtes de ‘Achoura, des femmes de Gafsa qui n’ont aucun lien de parenté ni d’alliance avec le brigand sont allées sur sa tombe se livrer à des manifestations de douleur qui en disent long sur la mentalité des gens du pays ... ».

 

Si nous voulions caractériser d’un mot l’opinion publique arabo-musulmane au Maghreb pendant la Grande Guerre, nous pourrions dire qu’elle était dans un état de tension, de Jihad panislamique contre l’ingérence et la domination européenne et pour se libérer de l’oppression coloniale.

 

En dépit de la victoire définitive de 1’entente, les Turco-Allemands pouvaient être satisfaits de leurs pertes : ils n’avaient consacré à cette guerre qu’une centaine d’officiers turcs, environ 200 sous-officiers turcs et quelques Allemands contre plus de 100.000 soldats de l’entente.

Il ne va pas sans dire que les nationalistes panislamiques agissant de l’extérieur et de l’intérieur, ne faisaient que tourner leurs regards vers Istanbul, siège du calife. Rien d’étonnant donc que la population tunisienne dont une certaine fraction entretenait même des rapports matrimoniaux avec des familles d’Istanbul, se montrait particulièrement préoccupée par le sort réservé à l’empire ottoman : la défaite de la Turquie, la pénétration des troupes alliées à Istanbul et l’amputation de ce centre de l’Islam d’une bonne partie de son territoire, de ses provinces arabes à l’Arménie, provoquèrent, selon une note officielle française, « la mélancolie de nos Algériens et Tunisiens même les plus loyalistes même ceux qui ont contribué à cette défaite ».

Par contre la nouvelle de l’armistice et la victoire définitive de l’entente ont été bien reçues par un certain nombre de gens notamment les chefs, les notables et les Jeunes-Tunisiens loyalistes : elles étaient l’occasion de fêtes et de fantasias un peu partout en Tunisie. Ces derniers venaient complimenter les autorités françaises et les assurer de leur loyalisme et leur fidélité.

Contrairement à l’image d’une Tunisie « calme et tranquille » pendant la guerre, quoique maquillée de belles déclarations de loyalisme, nous croyons avoir démontré, une autre image assez différente. Les peurs des colons, qui pourraient être exagérées par les besoins de la cause, étaient nourries de faits réels. La guerre avait ébranlé assez fortement les fondements du Protectorat (Tunisie). Des bandes composées de déserteurs, de « nomades belliqueux » maintinrent un climat d’insécurité. Dans le nord les incendies de forêts, des refus de payer l’impôt se multiplièrent.

La haine de l’armée et de la guerre et les levées d’hommes suscitèrent la colère. La capitale surtout était assez sensible aux événements de l’extérieur et aux difficultés économiques dont les effets conjugués menaçaient d’être explosifs. La poussée des prix, la rareté du pain en 1917 entretenaient l’agitation, les émeutes et les manifestations dirigées aussi bien contre les Français que contre les israélites qui profitaient de la guerre. Ces manifestations acquirent une extension sérieuse, et gagnèrent très vite Bizerte, Sousse, Sfax, Kairouan, Béja, Menzel Bou Zalfah, Bani Khallad, Nabeul etc. Tout cela prouve, évidemment que les craintes des colons et du pouvoir ont été fondées.

 

 

La lutte constitutionnelle

 

Comme la résistance armée à la présence française n’était plus possible, les Tunisiens, continuèrent la lutte constitutionnelle.

 

Des émeutes qui causèrent 118 morts eurent lieu à Tunis en 1938 suite à l’arrestation d’un dirigeant politique.

 

Entre 1942 et 1943, la Tunisie fut la scène de la troisième majeure opération par les Forces Alliées (les britanniques et les États-Unis) contre le Pouvoirs de l’Axe (l’Italie et l’Allemagne) pendant la Seconde Guerre mondiale.

 

Entre 1957 et 1962, il y eut des affrontements entre les Tunisiens et les Français à la frontière puis en 1958, suite à une attaque aérienne française, sur le village tunisien de Saqiyah Sidi Youssouf, à la poursuite de résistants algériens.

 

Entre 1952 et 1956, les activités de la résistance augmentèrent châtiés par la contre-résistance des colons européens mais menée par Habib Bourguiba, surnommé « le Mangeur de Ramadan », qui devint plus tard le premier président tunisien sous la Tunisie qui devint finalement indépendante en 1956, tout en restant un vassal de la France.

 

En 1961, la garnison française de Bizerte prit le contrôle de la ville mais se retira en 1963.

 

En 1983, il y eut des émeutes de pain et en 1985, le raid juif contre le quartier général Palestinien à Tunis.

 

En novembre 1987, les docteurs déclarèrent Bourguiba inapte à régner et, dans un coup d’état en douceur, le premier ministre Zine al-‘Abidine Ben ‘Ali devint le nouveau président et le resta jusqu’à sa fuite du pays en 2011, déguisé en femme voilée pour ne pas être reconnut.

Il fut parmi les meilleurs vassaux de la France qui appliqua strictement à la lettre tous les ordres qui lui furent donné d’outre-mer et sa perte fut pour une plaie pour le monde.

Lui et sa famille pillèrent la Tunisie et opprimèrent durement le peuple qui fut privé de toute liberté. Ils furent accusés par la suite de corruption et de pillage du pays et jugés in absenta en 2012.

 

Bien sur un grand nombre de crimes, de massacres, de viols et d’autres tragédies furent commis en Tunisie par l’armée française sous l’occupation que je ne peux rapporter ici mais que vous trouverez dans « le livre blanc sur la détention en Tunisie »  datant de 1953. Mais ce qui est pire, c’est que leurs serviteurs Bourguiba et Zine al-‘Abidine commirent les même crimes sous leurs règnes.

 

Aujourd’hui en 2012, il y a un nouveau président en Tunisie mais comme la structure de l’état est exactement la même que la précédente et que la politique intérieure est toujours exercée de l’extérieur, il n’y aura donc aucun changement et c’est donc un retour à la case zéro, du moins pour le moment car on ne peut pas faire du neuf avec du vieux.

Pour tourner la page des années noires de corruption et de misère, il faut définitivement remplacer tous ceux qui y contribuèrent d’une quelconque manière. Tant qu’ils resteront au pouvoir, ils continueront de gangréner l’état et de servir les ennemis de la nation musulmane.

  



[1] Troupe de rebelles « pillards ».

[2] Expédition.