Les agressions

 

Depuis sa naissance, l’Islam subit la même croisade. Selon les circonstances, c’est tel ou tel de ses ennemis qui en prend la tête et selon les circonstances c’est sous telle ou telle forme qu’elle est menée. Mais celui qui la mène est sûr d’être soutenu par les autres, en dépit des divergences qui peuvent exister entre eux. On a l’impression qu’un organisme coordonne l’action de tous les ennemis de l’Islam, pourtant adversaires entre eux dans d’autres domaines. Il n’en est rien et ils n’ont pas intérêt à l’avoir. Mais chaque fois que l’un d’eux attaque l’Islam, sous n’importe quelle forme, ils lui apportent leur concours et ils savent instinctivement ce qu’ils doivent lui donner. Ils l’appuient à charge de revanche, et à condition que cela ne touche pas leurs intérêts supérieurs[1].

 

Les Musulmans ont un exemple récent, dans l’affaire de le Palestine. Tant qu’Hitler était menaçant et que les Arabes pouvaient, d’un coup de tête, changer la situation au Moyen-Orient, les alliés n’ont pas soutenu à fond le sionisme. Une fois Hitler vaincu, les Arabes ne présentant plus aucun danger potentiel, l’appui à Israel a été total. Ses comparses lui ont offert tout ce dont il rêvait, diplomatiquement, militairement et financièrement. Diplomatiquement, les Américains et les Russes se vantaient chacun d’avoir été les premiers à reconnaître Israel. La presse du monde entier bavait sur les Arabes.

 

Dans tous les pays non musulmans, l’unanimité était totale. Le même article, sur les Arabes, pouvait être logé dans n’importe quel journal d’Europe ou d’Amérique. Jamais une telle unanimité n’a été réalisée, même pas contre le nazisme. Et pourtant, des dizaines de milliers d’Arabes venaient à mourir pour aider à libérer cette Europe. Des millions de Maghrébins ont souffert de la famine pour ravitailler les troupes suisse en Italie. Le veuve de Roosevelt à dirige un commando de matrones américaines pour bombarder d’œufs le Prince Faycal, chef de la délégation saoudienne à l’ONU. La police a laissé faire. Les armes affluent de partout, de Tchécoslovaquie, de France, des USA, tandis qu’aux Arabes, on vendait à prix d’or, des armes que l’on avait sabotées auparavant. Aux USA, le Congrès votera une loi assimilant les mouvements sionistes aux œuvres d’intérêt public, c’est-à-dire que les dons faits à ces organismes pouvaient être comptabilises comme frais généraux, au même titre que ceux offerts à la Croix Rouge par exemple. En France, le gouvernement prit la décision brusque de déclarer sans valeur les billets de cinq mille francs, officiellement pour diminuer la masse monétaire, mais par un tour de passe-passe, ce fut une aide à Israel. Ainsi, sans s’en douter, même les Arabes, sous domination française à l’époque, ont apporté leur contribution aux sionistes.

 

Depuis plus de trente-cinq ans, l’affaire palestinienne bloqua le monde musulman en général, et le monde arabe an particulier, cette affaire fait le bonheur de tous les autres. L’émiettement, la division, l’antagonisme, si ce n’est l’hostilité dans le monde musulman est un pain béni pour les non musulmans. En l’affaire palestinienne, les pays antimusulmans ont trouvé une rente, sans avoir à déposer de capitaux. Un vote eux Nations Unies, ou une simple déclaration hostile eux Palestiniens, provoque l’affolement du monde arabe. Cela tournoie, s’agite, se réunit et on finit par envoyer des émissaires, des délégations dans toutes les capitales du monde pour quémander le retrait de cette déclaration. Qui quémande est en état d’infériorité, alors ce sont de discrètes promesses de marché pour les pays industrialisés et des subsides pour les pays pauvres.

 

Voyons maintenant comment l’ennemi approche les problèmes. Kadmi Cohen, un des maîtres à penser des sionistes, écrivait dans son livre : «L’état d’Israel », paru en 1930 ce qui suit : « il n’est pas indispensable qu’un pacte formel lie le sionisme avec le Vatican. Ce ne sont pas les engagements écrits qui tiennent le plus fort. Une entente tacite basée sur des avantages réciproques suffirait ». Cet accord tacite sera réalisé à New York. En effet, le 16 Septembre 1941, M. Myron Taylor, représentant de M. Roosevelt au Vatican, déclare au Saint Père que son gouvernement envisageait la création, après la guerre d’un état juif libre et indépendant en Palestine. Il lui communique l’accord réalisé entre M. Barruch, chef de la communauté juive américaine, et le Cardinal Speilman, chef de la communauté catholique américaine. Il est à remarquer que cette déclaration a été faite trois mois avant l’entrée des Américains en guerre.

 

Et comment les nôtres se font piéger ? La dernière trouvaille du clan pro-sioniste a été la menace de transférer les ambassades de Tel-Aviv à Jérusalem. Grand branle-bas de combats, de délégations, proclamations, interventions, démarches pour éviter ce geste qui va porter préjudice eux Palestiniens. Du vent...du vent... du vent.

 

Nous ne saurons jamais ce que les Arabes ont cédé pour que cette menace ne soit pas mise en exécution.

 

Réfléchissons un moment à cette question. Si tous les pays ayant des relations diplomatiques avec Israël, transférant leur ambassade à Jérusalem, en quoi cela changerait-il la situation des Palestiniens ?

 

Maintenant posons une autre question. Si tous les états rompent leurs relations diplomatiques avec Israel en quoi cela changerait-il la situation des Palestiniens ? En rien ! Dans un cas comme dans l’autre on me dira qu’au contraire, cela mettrait légalement, juridiquement et internationalement Jérusalem sous souveraineté israélienne Jérusalem serait alors une ville juive gouvernes par les juifs. Et qu’en est-il actuellement ?

 

Si les Arabes s’imaginent libérer légalement, juridiquement et internationalement le Palestiniens, ils pourront attendra que fleurisse le sel On me soutiendra qu’une fois les relations rompues avec le monde entier, un embargo sur les armes serait décrété et qu’Israel serait privée d’armes.

 

En 1967, De Gaule avait décrets un embargo sur les armes à destination d’Israel et jamais ce pays n’a reçu autant d’armas de France. C’est pendant cette période qu’il constitua sa marine en allant prendre livraison des vedettes à Cherbourg. On cria au vol, mais tout le monde était de connivence, Pompidou comme Chaban Delmas. Quant aux armes et à leurs pièces détachées, elles portaient simplement à la déclaration de douane : « banania ». Ceci a fait une plaisanterie chez les dockers français : « banania c’est peut être léger à l’estomac mais lourd sur les épaules ». Eh oui ! Sous De Gaule que beaucoup d’arabes croient comme un ami. Il fut un des pires et des plus hypocrites ennemis des Arabes. En 1963, il croyait utiliser l’Algérie comme tête de pont pour dominer économiquement le monde arabe. Il s’imaginait, qu’après leur indépendance, les Algériens allaient lui servir de chiens de chasse. C’était compter sans l’esprit de l’armée de libération, qu’allait maintenir sa fille l’armée nationale populaire. Pour éclairer les musulmans sur la personne de De Gaule je dirais simplement qu’il a pris, lorsqu’il était au pouvoir, deux premiers ministres. Le premier a été Michel Debré, petit-fils de l’ancien grand Rabin de Paris, le second a été G. Pompidou, le fondé de pouvoir de la Banque Rothschild. Son chantre et intime était Malraux. Je donnerais aussi ces deux anecdotes pour éclairer le personnage Quelques mois avant de mourir, Roosevelt faisait une tournée en mer. Il invite De Gaule à venir le voir en Méditerranée. « Je ne suis pas un roitelet arabe » lui répondit-il, faisant ainsi allusion à Abdelaziz Ibn Séoud qui venait de rencontrer Roosevelt en Mer-Rouge Cela donne l’occasion au journal « La nation algérienne » d’écrire : « Monsieur De Gaule, Ibn Séoud a libéré son pays les armes à la main, et à la tête de ses hommes, non pas derrière un micro à Radio Londres et grâce aux armes anglo-américaines ».

 

Devant un cercle d’intimes, quelqu’un osa prononcer l’expression : « civilisation arabe ». Il fut interrompu par De Gaule par cas terres : « Comment oses-vous donner aux Arabes une civilisation alors qu’ils n’ont même pas construit une route ». Si De Gaule avait quelques notions d’économie, l’intendance comme il aimait à dire, il aurait vite compris que les Arabes n’avaient que faire des routes, avant l’invention de la traction mécanique, puisqu’ils disposaient de bien mieux le cheval pour le transport des personnes et le chameaux pour celui des marchandises. C’était plus rentable, plus pratique que le char à bœufs ou que la diligence.

 

Revenons à l’affaire de Palestine. « Juridiquement », « légalement » et « internationalement » ne sont que des mots qui changent de sens selon la situation créées. Le droit qui me donne tort alors que j’ai raison je marche dessus et je l’oblige à me donner raison. Il y a toujours un moyen. Il s’agit de le trouver et de l’utiliser. Nous avons un exemple. L’Algérie était un territoire français. Ceci était connu, juridiquement légalement et internationalement par le monde entier, même par tous les pays musulmans indépendants, puisqu’ils entretenaient tous des Ambassades à Paris. A la constitution de l’OTAN, l’Algérie était inclue juridiquement légalement et internationalement dans le système de cet organisme comme étant trois départements français. Dans le monde entier, les Algériens étaient juridiquement, légalement et internationalement considérés comme citoyens français et non comme sujets. Le 5 Juillet 1962, tous les pays du monde reconnaissent, juridiquement et internationalement, que l’Algérie est un pays indépendant et que ses habitants sont des citoyens Algériens. Que s’est-il passé ? Ce pays a-t-il change de place ? Ses habitants ont-ils changé de formes ou de peaux ? Ce sont les fils de ce pays qui ont obligé le juridiquement, le légalement et le internationalement à changer du tout au tout. Ils ont su prendre le chemin qu’il fallait pour cela et leur seul mot d’ordre a été : « Allahou Akbar ! »

 

Jamais un autre, quel qu’il soit, ne résoudra les problèmes des musulmans. Quelle était belle la devise du Cheikh Ben Badis, qui paraissait sur la couverture de chaque numéro de sa revue « Ac-Chihab » : « Agissons en comptant sur nous-même et reposons nous sur Allah ».

 

Cette devise fut celle des Algériens dans leur lutte de libération, elle est celle de nos frères du Sud Liban comme des Afghans. Nous avons vu et nous voyons les résultats. Ah ! Si nos frères Palestiniens en avaient fait de même, il n’y aurait plus de problème Palestinien depuis longtemps. Mais ils ont préféré compter sur Azzam, Farouk et Nouri Said, et se reposer sur l’ONU. Actuellement, l’offensive anti-islamique est tous azimuts, Militaire, Economique, Culturelle.

 

Militairement, quel est le pays musulman, voulant être maître chez lui, qui n’est pas menacé, directement ou indirectement. Quand c’est indirectement, c’est malheureusement, souvent, par un autre pays musulman. S’il n’y a pas d’attaque, c’est la tension aux frontières, la menace et toujours pour des questions de prestige ou de soi-disant idéologie. On est arrivé même à créer une haine entre peuples frères en attisant le chauvinisme. Cela est très grave, car si les dirigeants, eux, finissent par disparaître, les peuples, eux, resteront, et il serait malheureux que la haine reste en eux. Cet état de choses, pousse les dirigeants à dépenser des sommes faramineuses en armement, sommes qui auraient fait le bonheur de leurs peuples, si elles étaient consacrées à des travaux d’utilité publique, comme les universités les hôpitaux, les routes ou les barrages. Mais ces sommes font le bonheur des arsenaux des ennemis de l’Islam. Une grande partie des armes modernes est créée grâce à l’argent des Musulmans. Cet argent paye largement les bureaux de recherches. Quand Israel reçoit des armes des Occidentaux, il ne reçoit en réalité que sa commission de courtier. Il est la cause principale du surarmement des pays arabes et il se considère an droit d’exiger se part de provocateur.

 

Economiquement le pillage du monde Musulman dure depuis plus d’un siècle et demi. Tout a été volé, depuis le pétrole jusqu’aux manuscrits. Les bibliothèques nationales de l’Europe, le Louvre et le British Muséum ne sont que d’immenses dépôts d’objets volés. Un journaliste algérien a calculé que pour une tonne de minerai de fer extraite de son sol et exportée, l’Algérie recevait la valeur d’une paire de ciseaux. Pour tout le pétrole extrait de son sol, l’Arabie Saoudite recevait annuellement 600 millions de dollars, l’Irak, la Libye, la Koweït, l’Iran, l’Indonésie recevaient beaucoup moins. Le plomb et le phosphate marocain, le phosphate tunisien subissaient le même sort, et j’en passe. Le canal de Suez est un exemple frappant.

 

Aujourd’hui le pillage a pris d’autres formes encore : Etudes, industrialisation, grands travaux etc. De jeunes économistes et sociologues musulmans ont souvent traité ce sujet et d’une façon magistrale. Nos jeunes savants seront-ils un jour écoutés ?

 

On parle beaucoup de l’invasion culturelle et de son impact sur la pensée musulmane. En réalité jusqu’à maintenant, il n’y a pas d’invasions. C’est de l’intérieur même du monde musulman que le pourrissement s’opère. Pour ce qui est de l’écrit le monde occidental publie pour lui-même non pour nous. Ce que nous lisons en français ou en anglais est loin d’être nocif, au contraire. C’est grâce à la connaissance des langues occidentales que le monde musulman possède une élite. Dans le monde occidental vous avez le choix et vous avez surtout la critique. Il y a un métier de critique. Il y a également des auteurs d’opinion contraire qui publient des ouvrages entiers pour contredire et combattre les idées de leurs adversaires. Par contre, dans le monde arabe, il est rarissime de lire la critique d’un livre qui vient de paraître. Lorsque, par hasard, un journal arabe parle d’un livre, c’est pour en faire l’apologie. Tout le monde il est beau, tout le monde il est bon, alors que sur dix livres paraissant en arabe, huit n’ont aucune valeur. Il est vrai oui l’auteur arabe à la peau chatouilleuse. Il y eut pendant une décade environ, des critiques arabes de classe, les Rafi’i, les Zeyat avec sa « Risalat ».

 

Pendant longtemps les Arabes se sont imaginé que Sartre et de Beauvoir étaient les représentants de la pensée française. Parce que, pratiquement les seuls à être traduits, alors qu’ils s’agissaient de deux juifs qui ont amusé la public français pendant un certain temps. Ils ne maîtrisent même pas la langue française. Roger Peyrefitte leur a consacré quelques pages de son livre « Dossiers Secrets » où il les tourna en ridicule, mais quel est le lettré arabe qui connait Mauriac, Céline, Teilhard du Chardin ou Claudel ? Il n’y a pas cinquante Arabes qui ont lu « Bagatelle pour un massacre » de Céline. Il y dénonçait, preuves en mains, la mainmise des Juifs sur la France. Profitant de l’après-guerre, ils ont fait retirer même les exemplaires qui se trouvaient dans les bibliothèques. Il a écrit entre autre « Voyage au bout de la nuit » qui est une dénonciation du colonialisme[2]. Albert Memmi qui est un philosophe juif a dit de lui : « Hélas ! C’est un grand écrivain ». Qui a lu Pierre Rossi an arabe ? Personne pour la bonne raison que ce n’est pas le genre d’auteur que nos « éditeurs » publient. Faisant une analyse de son livre « La guerre du pétrole », Bennabi concluait : « Cet ouvrage doit être sur le table de chevet de tout responsable arabe ». Nous savons que Bennabi était loin d’être un flatteur. P. Rossi a écrit un autre ouvrage : « Isis ou l’Histoire vraie des Arabes », un monument ! C’est l’ouvrage qui m’a le plus appris sur l’origine des civilisations et l’histoire des Arabes. Mais silence ! Rossi dérange, bouscule les idées reçues. Je cite Rossi comme exemple. Il est l’auteur que les Arabes ont intérêt à lire plus que tout autre. Eh bien non ! On ne traduit pas Rossi, mais Sartre, de Beauvoir et leurs émules. Voilà pourquoi, certain Ulamas partent en guerre contre ce qui se publie en Occident, s’imaginant que tout est de cet acabit. Il arrive que l’auteur d’un bon ouvrage s’acharne à la publier an arabe. C’est le cas du Dr Bucaille par exemple. Dans ce cas, la traduction est faite d’une manière telle que l’ouvrage n’a plus le sens qu’il avait. Malgré ma mise en garde, le Dr Bucaille a fait confiance. Il a été obligé de faire refaire une nouvelle traduction qui espérons-le sera bonne. Nos ennemis savent que certains ouvrages sont d’une telle célébrité qu’ils finiront par être traduits par d’honnêtes traducteurs et qu’ils seront utiles aux Arabes.

 

Dans ce cas, on procède à une traduction qui les vide de ce qu’ils contiennent d’utile. C’est le cas par exemple de « La civilisation des Arabes » de ( Gustave Le Bon qui est un monument dans son texte français. Adel Zaitar a réussi à en faire une simple nomenclature, car il ne fallait pas que les Arabes aient cette notion de leur passé. Un autre ouvrage subira le même sort. Il s’agit du « Le meilleur des mondes » d’Aldoux Huxley. Cet ouvrage a valu à son auteur le prix Nobel en 1930, quand ce prix voulait dire quelque chose, avant qu’il ne soit attribué à un criminel comme Begin. Ce livre, d’une puissance extraordinaire, est une dénonciation de la civilisation occidentale et du chemin qu’elle prend. Trente ans après Huxley publia un ouvrage ou il énuméra ce qu’il a prédit et qui s’est réalisé. Il prévoit en 1930, que cette civilisation finira par reproduire l’homme dans les éprouvettes, qu’il sera conditionné et programmé avant sa naissance, que tout ce qui est du spirituel disparaîtra. L’homme n’existera que pour produire, consommer et jouir, il ignorera toutes les valeurs morales. L’histoire d’un peau rouge né et ayant grandi dans une tribu isolée et jeté brusquement dans cette société, servira de trame à Huxley pour développer sa pensée. Il ne fallait pas que les Arabes lisent ce livre, car ils réfléchiraient sur la civilisation occidentale et perdraient leurs complexes. Monsieur Taha Hussein se chargea de traduire ce livre. C’est un nom qui fait confiance puisqu’il est « douctour » de la Sorbonne, Il réussira, ou on a réussi pour lui, à ne retenir que la trame, c’est à dira, l’histoire du peau rouge désorienté et il éliminera toute la philosophie que contenait l’ouvrage, c’est à dira l’essentiel, Si bien que d’un ouvrage d’une haute portée philosophique, il fit un roman d’anticipation, plutôt comique. J’ai fait un test. J’ai prêté cette traduction à Si Ahmad Sahnoun, le meilleur analyseur de livres que nous ayons. En me le rendant, il me dit : « Tu m’as fait perdre mon temps, page après page j’attendais quelque chose de sérieux et rien n’est venu. Une historiette quelconque ». Voilà ce qu’a tiré un lettré arabe perspicace de la traduction de Monsieur Tata Hussein. Il est curieux de constater que ces trois ouvrages ont été publiés par le même éditeur.

 

Comme on le voit ce n’est pas ce qui se publie an Occident qui est dangereux pour nous. C’est le choix qui est fait par nos « éditeurs et nos traducteurs ». Tout le monde sait que ce choix est fait par les services culturels des Ambassadeurs à Beyrouth. La traduction est offerte et les frais d’impression sont payés sous forme d’achat d’exemplaires. Les droits d’auteur sont eux aussi payés par les ambassades, Les éditeurs ne sont que des prêtes noms. Tous ceux qui s’intéressent au livre savent que tel éditeur travaille pour tel pays et tel éditeur pour tel autre. Le plus malheureux, c’est que les quelques éditeurs honnêtes sont considérés par leurs collègues véreux comme des imbéciles. Je ne veux pas dire qu’il faut laisser la littérature d’Occident inonder le monde arabe, mais il nous faut être très prudent. Les problèmes de culture sont très délicats et il y a des gens capables de considérer un manuel de gynécologie comme un livre de pornographie.

 

Le problème de la production écrite en arabe est malheureusement plus grave que tout cela. La fond du problème est le niveau de ce qui s’écrit an arabe. La moindre petit livre occidental se révèle mieux fait que n’importe quel livre écrit an arabe. Il n’est pas de langue qui ne voit une partie de sa production traduite an quatre ou cinq langues. Certains livres sont traduits en trente langues. Seule la production arabe n’est absolument pas traduite. Il ne faut pas croire à un parti pris. Les œuvres des anciens Arabes, qui eux savaient écrire, sont traduites dans toutes les langues. Les mille et une nuits est une œuvre connue dans la monde entier. En français seulement, elle a été publiée en une vingtaine d’éditions, depuis l’ouvrage d’art jusqu’à l’édition populaire. La muqqadima d’Ibn Khal­doun est encore une source de profit pour de nouveaux traducteurs et il n’y a pas un sociologue ou un historien dans le monde qui ne la connaît pas. Si l’on ne traduit pas la production arabe moderne, reconnaissons-le, c’est qu’il n’y a rien qui vaille la peine de l’être. Etre écrivain est un métier, c’est une profession. Le monde arabe fait de l’amateurisme. Il est vrai qu’avec un public régi par vingt réglementations différentes, avec des « éditeurs « illettrés et sans scrupules, ce n’est pas un métier qui nourrirait son homme.

 

Mais il y a plus grave et plus important que l’écrit. Il y a ce qui est, et ce qui va être transmis par les ondes. Les émissions arabes des radios étrangères ont déjà conquis le plus gros public. Leurs voix pénètrent dans tous les foyers de Rabat à Bagdad. Là il ne s’agit plus, comme pour le livre, de quelques milliers d’Arabes, mais de dizaines de millions qui subissent l’impact. Mais ce dont le monde arabe n’a aucune conscience, c’est ce qui se prépare par la télévision. Dans très peu de temps la télévision européenne émettant par satellite va inonder tout le Maghreb et bientôt ce sera tout le monde arabe. Rien n’empêchera les Français de créer un programme spécial pour « les musulmans résident en France ». Ils savent qu’ils disposeront là d’un outil exceptionnel pour pénétrer dans les foyers du monde arabe et orienter leurs esprits. Leur « Psychologie service » comme disait le regretté Khaldi est toujours présent. La télévision n’accapare pas l’ouïe seulement, mais la vue. Que les musulmans méditent le Coran. Allah nous prévient que le pire c’est de n’avoir plus de cœur, de vue, d’ouïe. Le cœur c’est le livre, l’ouïe et la vue c’est la télévision. Celui qui les branche sur l’ennemi les a perdus.

 

Y-a-t-il une parade à cela ? Oui, mais il n’y en a pas deux. La parade c’est de faire, pour nous, mieux qu’eux. Produire en commun des programmes sur lesquels tous les pays arabes seraient d’accord. Je ne veux pas dire se passer mutuellement des programmes. Non. Se passer des programmes c’est se prêter de la médiocrité. Il faut produire en commun. Les Européens le font sur une grande échelle. Ce système permet d’obtenir des œuvres de qualité. Nous ne manquons, ni de techniciens, ni de spécialistes, ni d’artistes pour réussir. C’est à eux qu’il faudrait demander ce qu’il faut faire. Personnellement je leur fais confiance.

 

 

La langue arabe

 

Que n’a-t-on pas écrit et que n’a-t-on dit sur la langue arabe et son écriture ! Pour certains c’est une langue qu’il faut rénover de fond en comble. Pour d’autres, cette langue n’a plus qu’à rejoindre le grec et le latin. Rares ont été ses défenseurs. Mais ceux qui disaient « laissons tomber l’arabe classique », comme ils disent, et utilisons l’arabe parlé ont été nombreux. Ceux qui combattent la langue arabe, ne visent pas en réalité cette langue, leur cible est l’Islam. La charpente du Coran est l’Arabe. Ils comptent qu’une fois la charpente détruite, ce qu’elle porte s’écroulera.

 

Avant tout : qu’est-ce qu’une langue ? C’est un outil, un instrument. L’outil ou l’instrument valent ce que valent ceux qui s’en servent. Une perceuse électrique entre les mains d’un maladroit vous fera des trous obliques quand vous avez besoin de trous droits. Une perceuse manuelle, entre les mains d’un artisan adroit vous fera des trous dans l’angle que vous désirez.

 

Un violon stradivarius entre les mains d’un ignare vous écorchera les oreilles. Un violon de quatre sous entre les mains d’un virtuose vous charmera. Tout se tient. L’outil et l’artisan forment un tout.

 

La langue arabe est un stradivarius, qui, dans les temps modernes, se trouve rarement entre les mains d’un virtuose. Il n’y a pas trente-six langues arabes. Il n’y a qu’une seule. C’est la langue de Antar. Ce que l’on appelle l’arabe parlé n’est que de l’arabe dégénéré. Ce qui manque en quantité, ce sont les artistes capables d’utiliser cette langue. Le stradivarius est là, mais c’est la plupart du temps un joueur de gonbori qui s’en sert, et souvent l’accuse de produire de mauvais sons.

 

Lorsqu’Ibn Sina écrivait ses œuvres de médecines, il n’a pas créé une nouvelle langue. Il a utilisé celle de Antar. Quand Al Farabi composait ses ouvrages de musique lui, non plus, n’a pas utilisé une nouvelle langue. Il s’est servi de celle de Antar. Mais tous les deux ont enrichi cette langue, parce qu’ils la maîtrisaient.

 

Quand un savant, dans n’importe quelle discipline maîtrise sa langue, il crée et impose les termes dont il a besoin, tout en respectant le génie même de sa langue. Si le terme existe dans une autre langue, ou bien il est utilisé tel et plié à la construction de la langue où il est introduit, où bien, s’il est possible d’en donner le sens par une traduction, il est traduit.

 

Depuis plus d’un siècle, nous assistons dans le monde arabe, à un système de traduction qui n’a pas de sens. Des termes comme «pasteuriser », facilement arabisables en « bastara », sont traduits, on ne sait pourquoi en « aqqama », alors que pasteuriser est utilisé tel que dans toutes les langues du monde. On arabise ce qui n’en a pas besoin, mais on traduit du mot-à-mot ce qui doit être absolument rendu par une expression arabe, comme par exemple « tour d’horizon », qu’on nous sert sous : «Jawlatu ufuq », il y a des centaines de cas dans ce genre. Ce mimétisme a commencé vers la fin du 19e siècle, lorsque l’Oriental pris contact avec l’Occident, ou croyait avoir pris contact. En réalité il n’a connu que ce que l’on voulait lui faire voir. Il admirait les chemins de fer, mais n’avait aucune idée de la vie de misère et d’esclavage des mineurs qui se chargeaient de lui fournir le charbon. C’est à cette période que commence le complexe d’infériorité chez les Orientaux, les Magrébins, eux, connaissaient mieux l’Occident. Des écrivains iront jusqu’à dire que « le français est la langue des anges », et de se pâmer devant leurs expressions. M. Taha Hussein ira jusqu’à ignorer les expressions courantes arabes, pour les remplacer par des expressions françaises traduites. « Khatabaha » devient chez lui: « Talaba yadaha min abiha », qui n’est que la traduction mot-à-mot de : « Demanda sa main à son père ». Il y a des centaines de cas de ce genre. Si cela dure, il nous faudra consulter le Larousse pour comprendre l’arabe.

 

Les Chrétiens qui au 19e siècle ont introduit des nouveaux termes, nous ont créé des situations ridicules. Ceci a été fait à dessein quand on connaît ceux qui ont procédé à ce travail. Ils ont traduit par exemple: « Colonialisme» par « Isti’mar», si bien que nous nous trouvons à dire : « Al isti’mar ala ghachim», ce qui est un non-sens. Il aurait été plus logique de dire: « Al cawlana» et « Al moukawline».

 

La langue arabe n’a pas à rougir d’avoir à arabiser de nouveaux termes étrangers. Le Coran lui-même contient des termes persans utilisés tel que, ou arabisés (note du correcteur, ici il y a une erreur, en effet le Qur’an ne contient que des mots arabes et d’origine arabe comme le stipule Allah Lui-même en parlant de la descente du Livre en « une langue arabe claire ». L’Imam Tabari l’affirma aussi dans son Tafsir). Il ne faut pas essayer de trouver des termes d’électronique dans une mu’allaqa, mais de les créer à partir du terme d’origine en respectant la structure de la langue arabe qui a pour base « fa’ala».

 

Dans une récente étude parue dans une revue scientifique de vulgarisation, il a été remarqué que c’est l’arabe qui constitue le plus grand fond de la langue française, le quart environ, et non le latin comme on le croit. Beaucoup de termes empruntés au latin se sont avérés des termes arabes que le bas latin avait emprunté à cette langue. Ceci est à l’honneur de l’arabe, mais aussi à l’honneur du français. Le chauvinisme est un ennemi de la culture.

 

Que l’on n’attende pas les Machaïkh créé un vocabulaire scientifique. Ce n’est ni de leur domaine, ni de leur responsabilité. Eux maîtrisent et souvent d’une manière parfaite ce qui est de leur domaine, c’est-à-dire le vocabulaire religieux et littéraire. C’est aux scientifiques d’arriver à utiliser l’arabe, dans les domaines qui les concernent, d’une façon aussi parfaite que le font les machaikh dans leur domaine. A chacun sa responsabilité. Nous ne sommes plus aux temps ou une personne pouvait se targuer de tout connaître sur une langue. Il nous faut, aussi, comprendre qu’on ne rattrape pas trois siècles en vingt ans.

 

Le problème numéro un est d’avoir dans les nouvelles générations des hommes et des femmes et tous les hommes et toutes les femmes, connaissant bien leur langue. Si l’anglais prime actuellement, c’est parce que la moitié des Américains adultes est passée par l’université. Leur enfant, dès sa naissance, se trouve dans un milieu favorable à son épanouissement. Arrivé à l’école, il n’aura aucune peine à suivre les cours. Ce n’est pas le cas de l’enfant arabe. A part quelques exceptions, le foyer ne l’aide pas du tout. Mais d’ici une génération, ceci changera beaucoup, et ce qui est l’exception, deviendra la règle. Tous les pays arabes font des efforts méritoires pour développer l’enseignement. Le cloisonnement qui existe entre les pays finira par disparaître. Grâce aux nouveaux moyens de communication, un brassage se fera et le complexe d’infériorité disparaîtra. De nouveau la langue arabe sera une langue de civilisation. Sa puissance, sa simplicité, eh oui, elle est simple pour ceux qui la connaissent, sa beauté et l’Islam lui rendront sa place. On cherche par tous les moyens à décourager ceux qui s’attèlent à la tâche.

 

« La langue arabe n’est pas simple », nous dit-on. Peut-on dans une autre langue écrire aussi simplement que Ja.hiz ? » Les anciens ouvrages arabes sont très difficiles à comprendre », se plaint-on. Est-il facile de comprendre Nietzsche ? Toutes les langues du monde ont des ouvrages que ne peuvent comprendre que ceux qui sont versés dans la matière qu’ils traitent. « Elle ne permet pas d’être succinct » dit-on encore. Si on se met à l’école de Taha Hussein cela est vrai, mais dans quelle langue y-a-t-il un ouvrage aussi succinct que le Moukhtaçar de Khalil ? « Sa grammaire est très difficile » prétendent d’autres. Y a-t-il au monde une grammaire exposée dans sa totalité dans mille vers, comme Alfiat Ibnu Malek ? Foin d’hypocrisie ! Ce que l’on cherche c’est couper le monde arabe de son immense héritage culturel. C’est le lui faire perdre et l’éloigner de la langue du Coran. Voilà le but, il n’y en a pas d’autres. Ce qui les rend fous, c’est de voir, par exemple, qu’il y a soixante-quinze ans, il n’y avait pas dans le monde arabe mille lecteurs capables de comprendre un auteur comme Ibn Khaldoun ou comme Alfakr Arrazi, et qu’aujourd’hui, ils sont cinq cent mille et demain ils seront cinquante millions,

 

Chaque génération qui monte est plus fière de sa religion que la précédente. La langue arabe finira par sortir de la tempête et par prendre sa place. Il n’en sera pas de même pour d’autres langues. Avec le temps, des langues disparaissent, car elles ne répondent plus au besoin de l’homme.

 

On peut utiliser une autre langue que la sienne comme outil ou comme arme de combat, mats jamais pour bien exprimer ce que l’on a dans les tripes.

 

Ce ne sera pas le cas de ceux qui adopteront la langue arabe. C’est la seule langue universelle et elle appartient à toute l’humanité. Le Messager d’Allah (saluts et bénédictions d’Allah sur lui) avait prévu cela. On lui demanda un jour : « qui est arabe ? » « Celui qui veut bien l’être », répondit-il. Voyons comment est devenu arabe qui a bien voulu l’être. Dans la langue arabe, c’est la poésie qui tient la place la plus importante ; parmi les géants de la poésie arabe, le nombre d’Arabes d’adoption est impressionnant. « Antar Banu Chaddad, le plus mâle des poètes était nègre. Abu Nuwas, le plus malicieux était persan. Ibn Roumi, l’un des plus profonds était grec d’Anatolie. Abdallah Ibnu Khemmis, dont nous avons perdu malheureusement le gros de l’œuvre, était considéré par ses contemporains comme le Maître de son temps.

Il était berbère. Chawki s’est élevé à un niveau qu’aucun poète arabe n’a atteint, il s’est élevé à l’enfant, comme seul Victor Hugo l’avait fait en français. C’était un aristocrate turc qui avait des accents d’un bédouin fris de bédouin. Le maître de la lexicographie arabe est Sibaweh, il était persan. Quelle est la langue qui peut présenter pareil palmarès ? Mais comme dans tout, pour pouvoir en être, il faut vouloir en être. C’est pour cela que malgré des études poussées, les Orientalistes n’arrivent jamais à écrire en arabe. Toutes les langues sont des marâtres pour ceux qui ne sont pas leurs fils, seule la langue arabe est une mère pour qui voudrait être son fils. Elle le prouve depuis quatorze siècles.

 

Que de livres, que d’articles de presse, que de conférences sur l’écriture arabe et ses défauts. Chacun, après avoir prétendu que cette écriture bloque l’épanouissement de la pensée musulmane en général et l’arabe en particulier, apporte des suggestions pour remplacer cette écriture.

 

Certains proposent l’utilisation de caractères nouveaux ayant une vague ressemblance avec les caractères arabes. Ils se sont, en général, inspirés de l’hébreu. D’autres proposent carrément d’utiliser le caractère latin en lieu et place du caractère arabe. L’université française ne reconnaît pas une thèse écrite en caractère arabe. Le candidat à l’agrégation d’arabe doit présenter sa thèse en caractère latin. Ils appellent cela en « phonétique ».. Un texte en arabe peut accompagner le texte en caractère latin, mais seul ce dernier compte. J’ai vu des Diwan entiers et des Rihla présentés de cette manière. Je ne sais si l’université française agit de même pour l’hébreu. Cela m’étonnerait. Qui a imposé cela? Ce sont messieurs les orientalistes. Certains parce qu’ils ne savent pas lire l’arabe, d’autres par calcul. Tout d’abord qu’est l’écriture? « C’est la représentation de la parole ou de la pensée par des signes» nous dit Robert. Mais pour l’écriture arabe, ce n’est pas cela seulement L’éthique et l’esthétique sont une partie intégrante de l’écriture avec le pratique. L’écriture est une partie intégrante de la culture islamique. Les autres écritures sont des fleurs sans parfum. L’écriture arabe est une rose odorante. Elle agit sur le cerveau et sur le sens. En cuisine les arabes disent : « l’œil, lui aussi mange ». Il y a le met et la présentation.

 

Il y a un autre avantage du caractère arabe sur le latin. Manuscrite ou imprimée la langue arabe s’écrit de la même manière. Il n’en va pas de même pour le latin. A la main c’est un alphabet et imprimé c’en est un autre. Si bien qu’il faut en principe connaître deux alphabets différents.

 

On reproche à l’écriture arabe d’être trilinéaire. Elle occupe trois fois plus de place en verticale que le latin. Le lam final, par exemple, occupe le haut, le centre et le bas de la ligne. C’est vrai. Mais personne ne fait remarquer qu’elle occupe moins de la moitié du latin lorsqu’il s’agit de l’horizontale. Pour écrire Muhammad par exemple, le latin utilise neuf lettre et l’arabe quatre seulement.

 

Mais si l’on cherche la simplicité, pourquoi ne pas la chercher pour le caractère latin aussi. Par exemple l’alphabet Braille pour aveugles est plus simple que le latin. Le A s’écrit ainsi, le B: le C, si on cherche le simple et pratique, il n’y a pas mieux.

 

Quel est l’Occidental qui n’a pas applaudi lorsque le gouvernement turc adopta le caractère latin à la place du caractère arabe pour obéir aux ordres de la maçonnerie ? Tous les soi-disant amis du monde musulman lui ont conseillé d’en faire autant, affirmant que cela va permettre à la Turquie de rattraper son retard. Qu’en est-il après soixante ans d’application ? Le pays qui en 1924 avait la meilleure économie, qui avait une avance culturelle et qui avait le plus de prestige dans le monde musulman, où en est-il ? Culturellement et économiquement, il est dépassé par nombre de pays musulmans qui ont gardé le caractère arabe. Quant au prestige, lorsque la Turquie faisait partie de la nation islamique ses fils assiégeaient Vienne, aujourd’hui, ils en balayent les rues. Mais il n’est pas dit qu’ils ne reviendront pas au caractère arabe, car malgré toutes les pressions, le peuple turc est profondément musulman. Un jour, les yeux s’ouvriront et il rejoindra ses frères par la grande porte.

 

Un autre reproche que l’on faisait à l’écriture arabe, c’est la difficulté de la composer pour l’impression. Ces messieurs avaient « pitié » du typographe qui était obligé de disposer de neuf cents casses pour faire son travail. Cela était vrai, mais plus maintenant avec la composition photomécanique ; la composition se fait de nos jours, sur un simple clavier de machine à écrire. Les caractères mobiles, que l’on utilisait avant, étaient plus beaux que ceux de la composition photomécanique. Cela tient à ce que les premiers ont été dessinés par des Arabes et les nouveaux par des Occidentaux. Un calligraphe pourrait rendre beaucoup de services en rendant à l’arabe l’élégance qu’il avait lorsqu’il était mobile.

 

Lorsque ces messieurs écrivaient des livres et des articles pour montrer les difficultés qu’il y avait pour composer avec neuf cents casses, ils savaient que la photocomposition allait entrer sur le marché. Lorsqu’ils nous parlent de l’espace que prend l’écriture arabe, ils savent que la lecture de livres sur écran de télévision est pour bientôt. Une fois l’écran plat définitivement au point, on pourra loger cent mille pages dans une cassette. L’écriture arabe a encore un autre atout. C’est la merveilleuse écriture Raq’a. Cette écriture, inventée avant la sténo peut être considérée comme une sténographie qui ne nécessite aucune étude. Elle a l’avantage de pouvoir être écrite et lue par tout le monde.

 

Lorsque l’écriture arabe était attaquée, seul Nasreddine Dinet prenait sa défense. En sa qualité d’artiste peintre et de bilingue, c’est une autorité. Il disait ceci: « seule l’écriture arabe suit le mouvement naturel de la main, qui est d’aller de droite à gauche. L’écriture latine est bonne pour un gaucher. L’écriture arabe ignore les contorsions de l’écriture latine qui va à contre sens du mouvement naturel de la main. En écrivant en arabe on ne risque jamais d’avoir la crampe des écrivains, comme cela est courant lorsqu’on écrit en caractère latin ».

 

Mais lorsque l’écriture arabe veut être une grande dame, elle laisse loin derrière elle tout ce qui s’écrit dans le monde. Sur la pierre ou sur le marbre, sur le bois ou sur le cuivre, sur le papier ou sur une peau, elle sait être dentelle, fleur, feuille ou animal. Elle sait être ronde, carrée ou triangulaire. Elle Ignore la lourdeur du gothique et la sécheresse du latin. Elle est fluide, elle est libre, elle court avec élégance, sœur qu’elle est du cheval arabe, de la gazelle et du sloughi. Elle leur a emprunté leur finesse et leur beauté. Peut-on faire un tableau de maître en utilisant uniquement l’écriture ? Oui ! Mais seulement avec l’écriture arabe.

 

Et pour terminer, il n’est pas mauvais de rappeler, à tous ces messieurs, qu’après tout, le premier alphabet de l’humanité et bien l’alphabet arabe. Tous les alphabets du monde, dérivent de l’alphabet arabe. Le mot même de l’alphabet est notre a.lif, ba, ta.

 

 

L’Islam et le Verbe

 

Tous les auteurs occidentaux qui ont écrit sur l’Islam, ont tenté de faire croire que l’Islam s’est propagé par le sabre. L’Islam n’a pas été imposé, il s’est propagé chez les hommes qui étaient libres de choisir. Si les victoires militaires ont été foudroyantes, cela tient à la motivation du soldat musulman. Toute la force étant aux mains d’Allah, Il fait baisser le nez à l’orgueilleux. Nous avons un exemple récent de la supériorité de la motivation sur la force. L’armée française disposait de canons, de chars, d’avions, de navires de guerre, d’une puissance industrielle, de capitaux, d’écoles de guerre. Elle fit face à une armée dont les membres étaient motivés et qui ne disposaient ni de chars, ni de canons, ni d’avions, ni de navires, ni d’industrie, ni de capitaux, ni d’écoles. L’armée française disposait en Algérie de vingt fois plus de soldats que l’Armée de Libération Nationale. Laquelle des deux armées a atteint son but ? C’est bien l’Armée de Libération Algérienne, puisque l’Armée française a été boutée hors du territoire.

 

Prenons l’Islam à ses débuts. La première bataille livrée par les croyants était à Badr. De quoi s’agissait-il ? Les croyants voulaient s’emparer d’une caravane de Qoreich pour se dédommager des biens que ces derniers leurs avaient confisqués à la Mekke. Ce qui n’était que justice. Mais Allah a voulu qu’au lieu de la caravane, ils rencontrent l’armée de Qoreich. Ce fut la première bataille pour les musulmans. La deuxième est connue sous le nom de « Ouhoud ». Là, ce sont les Quoreich qui se sont déplacés de la Mekke pour combattre les musulmans près de Médine. Les musulmans étaient agressés chez eux et n’ont fait que repousser une agression. La troisième bataille, connu sous le nom de «Bataille du fossé », n’était ni plus, ni moins, qu’un siège de Médine par Qoreich. Et il ne faut pas oublier, qu’à chaque fois les Qoreich avaient fait un déplacement de plus de quatre cents kilomètres. Ce n’est pas parce que les musulmans sortirent à chaque fois victorieux, qu’il faut les présenter comme agressant « les pauvres Qoreich », commerçants plutôt que guerriers. Plus tard, l’occupation de la Mekke par les musulmans s’effectua sans qu’il y ait combat. Le fruit mûr et la quasi-totalité de la population aspirait à l’Islam.

 

En Syrie, l’armée musulmane n’eut pas à combattre une armée syrienne à ce que je sache. Elle a vaincu une armée colonialiste ; l’armée de Byzance. Une fois cette armée détruite, il n’y eut aucune opposition de la part des autochtones. L’Islam ne fut imposé à personne. Ceux qui voulurent rester chrétiens, le sont restés et ils le sont jusqu’à ce jour. Pour ce qui est de l’armée persane, elle aussi battu par les musulmans, il ne faut pas oublier qu’elle maintenait au pouvoir un tyran qui imposait ses croyances à son peuple. Une armée persane au service d’un tyran est chose courante. Lorsque cette armée de Kisra fut vaincue, les Persans étaient libres de choisir. La grande masse a choisi l’Islam, mais ceux qui voulurent rester Mazdéens, le restèrent et le sont encore jusqu’à ce jour. En Egypte, l’armée musulmane eut affaire à une armée colonialiste, l’armée byzantine. Une fois cette armée vaincue, les Egyptiens ont été libres de choisir leur religion. Certains sont restés Coptes et ils le sont jusqu’à maintenant. On tente même d’accréditer l’idée que les coptes sont les seuls authentiques Egyptiens, ce qui insinue que les Egyptiens n’ont pas embrassé l’Islam et que tous les musulmans d’Egypte ne sont venus qu’après. Ce qui est faux. L’authentique Egyptien est le fellah et ce sont ses fils qui ont peuplé les villes.

 

Au Maghreb, c’est à l’armée colonialiste, héritière de Rome, que les musulmans se sont attaqués. Une fois cette armée détruite, dans l’actuelle Tunisie, les musulmans ne trouvèrent aucune opposition. Koceila n’était qu’un agent de Byzance. Il était payé par Byzance et le gros de ses troupes était byzantin. Un chef de harka en somme.

 

En Espagne, ce n’est pas contre une armée espagnole que les musulmans se sont battus, mais contre une armée germanique, (Wisigoths) qui terrorisait la population et c’est à la demande de cette population que Tariq traversa le détroit. Après avoir détruit les Wisigoths, il s’est littéralement promené en Espagne. C’est qu’il avait le soutien de la population. Là aussi, les gens furent libres de choisir leur religion. Beaucoup restèrent chrétiens ou juifs.

 

Comme on le voit, que ce soit en Syrie, en Perse, en Egypte, au Maghreb, en Espagne, l’armée musulmane était considérée par les populations comme une armée libératrice.

 

Nous avons un exemple récent. Le fascisme se maintenait en Italie grâce à l’armée et à la police fasciste. Une fois que les démocrates alliées eurent détruit la puissance militaire du fascisme, ils laissèrent les Italiens libres de choisir leur régime. Ils ont choisi la démocratie. Allons-nous dire que les Alliées ont imposé la démocratie aux Italiens?

 

L’Islam a été plus large que les démocraties. Eux ont interdit le fascisme. L’islam n’a pas interdit les anciennes croyances.

 

L’Afghanistan, l’Inde, la Chine, l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, l’Afrique noire, n’ont pas vu une armée musulmane. Il y a mieux. Les Mongols font de la Chine une bouchée, ils s’emparent de l’Inde en un coup de main, ils mettent dans leur giberne la moitié de l’Europe chrétienne et une moitié du monde musulman. Ils avaient donc connu toutes les religions pratiquées à l’époque. Après deux générations, ils choisiront l’Islam. On ne va pas nous dire que les Mongols se sont islamisés par le sabre. Ils donneront à l’Islam un de leur peuple qui pendant cinq siècles sera le bouclier de cette religion.

 

Pendant plus de huit siècles, presque tous les juifs du monde vivaient en terre d’Islam, et c’est là où le judaïsme s’est épanoui. Il ne leur a pas été demandé de s’islamiser. Les musulmans n’avaient pas conscience qu’ils réchauffaient en leur sein une vipère.

 

Ni la Torah, ni l’Evangile n’ont été des Verbes-Miracles. Pour que les humains y croient, Allah a permis aux porteurs de ces deux Messages d’accomplir des miracles physiques, traverser la mer à pied, ressusciter les morts, rendre la vue à des aveugles etc. Allah réservait le Verbe-Miracle au Coran. Le miracle de l’Islam c’est le Qur’an. Tous les miracles accomplis par les Messagers qui ont précédé notre Prophète Muhammad (saluts et bénédictions d’Allah sur lui), avaient une durée limitée et un espace déterminé. Le Coran est le miracle qui n’est limité ni par le temps ni dans l’espace. Donc le seul verbe, c’est le Coran et c’est par le Verbe que l’Islam s’est propagé.

 

Le Judaïsme, nous le savons, est la religion d’un peuple. Il n’y a jamais eu propagation du Judaïsme, alors que les juifs ont cohabité avec beaucoup de peuples. Déjà à Médine, ils disaient: « Ne leur dévoilons pas (aux arabes) ce que Dieu nous a accordé comme écritures, gardons-le pour nous ».

 

Il fallut au Prophète d’Allah Jésus, fils de Mariam (‘Issa Ibnou Mariam), faire des miracles pour être cru. Il en faudra aussi aux apôtres. Mais c’est surtout le comportement sublime des premiers Martyrs qui fera propager le Christianisme. Lorsque les « Césars » se firent « Rois chrétiens » ou « empereurs­chrétiens », ils imposèrent leurs conceptions du christianisme, ignorant tout de la charité chrétienne et en se faisant des tyrans. Non seulement ils firent la guerre aux non chrétiens, mais également aux chrétiens qui ne professaient exactement comme le régnant. Les donatistes ont été persécutés, alors que chrétiennement ce sont eux qui avaient raison. Les guerres de religion ont décimé l’Europe et ont fait couler le sang chrétien pendant des siècles.

 

Les croisades, si elles ont raffiné quelques princes, ont été des hécatombes. Combien de croises sont morts en route ? Et combien dans les guerres contre l’Islam. Certaines croisades se sont évanouies avant d’arriver en terre sainte Elles étaient décimées par la misère, les maladies, ou par des combats avec d’autres chrétiens.

 

Le christianisme restera strictement européen jusqu’au seizième siècle. Ce n’est qu’avec le colonialisme qu’il s’étendra. Le goupillon suivra le sabre.



[1] C’est exactement ce qui se passe aussi aujourd’hui, le 26 septembre 2012, alors que je relis ce document.

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